Owens Corning cultive sa fibre préventive
Transcription
Owens Corning cultive sa fibre préventive
entreprise industrie Matériaux composites Owens Corning cultive sa fibre prévent La première vision qu’offre le site industriel du groupe Owens Corning à L’Ardoise, dans le Gard, est celle d’un cortège de chariots de bobines de fibre de verre fabriquées pour l’industrie de renforcement de matériaux composites haute performance. La réduction des risques liés aux manutentions est l’un des engagements pris par l’entreprise qui, depuis 2003, se mobilise pour améliorer la sécurité au travail sur l’ensemble de ses métiers. I de kilomètres d’Orange, son usine de L’ Ardoise, dans le Gard, fonctionne sous process verrier à feu continu 365 jours par an, 24 heures sur 24. Les bruit, manutentions…) ou spécifiques à l’activité (fibres de verre, exiguïté des locaux, sols glissants, circulation des chariots de transport des bobines, champs électromagnétiques, poussières…). Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de tonnes de bobines sont produites et destinées à des marchés divers : énergie, construction, transports, aéronautique, informatique, consommation Les aides à la manutention (ici, le préhenseur à ventouse) se sont multipliées. © Gaël Kerbaol/INRS l y a plus de cinquante ans, Owens Corning inventait la fibre de verre et les procédés d’isolation la mettant en œuvre. À une vingtaine matières premières minérales (silice, kaolin, chaux, dolomie) sont fondues à 1 400 °C dans deux fours. Le verre en fusion coule alors dans des canaux jusque dans des filières percées de plusieurs centaines de minuscules trous par lesquels il passe, formant des filaments de quelques microns. Ces filaments de verre sont refroidis, assemblés dans une mèche, recouverts d’ensimage (1) avant d’être enroulés en bobines (cf. encadré). Une activité industrielle de pointe où se côtoient de nombreux risques généraux (incendie, 36 Travail & Sécurité – Mai 2010 ive Savoir se protéger Le travail sur la consignation (2) individuelle est l’une des marques de l’engagement du groupe sur la route de la prévention. En 2005, Owens Corning fait face à deux accidents mortels dus à des problèmes de consignation sur des sites américains. « Un programme définit désormais des objectifs contraignants en termes de timing pour tous nos sites, poursuit Nicolas Seigneuret. Il s’accompagne de la dotation des ressources Nicolas Noël, responsable amélioration continue. Depuis plus de deux ans, la démarche adoptée consiste à faire de l’opérateur un pilote plus qu’un manutentionnaire sur sa ligne. » En 2009, l’entreprise a repensé l’implantation des équipements du secteur. Parallèlement à l’amélioration de l’ergonomie du robot, les aides à la manutention se sont multipliées : préhenseurs à ventouses, tables élévatrices enterrées, rails de circulation des chariots... « De gros progrès ont été réalisés pour limiter les manutentions les plus lourdes, en particulier grâce à l’extraction de manchettes et à la robotisation du port des bobines », explique le Dr Jean-Louis Battu, médecin du travail. Progrès qui ont permis d’intégrer des femmes sur des postes de travail initialement réservés aux hommes, entraînant une modification de l’activité accompagnée par le déploiement d’un important dispositif de formation. En matière de risque chimique, le service médical étudie avec le CHSCT les fiches de données de sécurité de l’ensemble des produits mis en œuvre avant de donner son accord. Secrétaire du CHSCT depuis trois ans et lui-même fileur, Gisberto Francioni constate, au cours des visites annuelles du comité dans l’usine, l’étendue des progrès. « Au filage, tout le monde est équipé de © Gaël Kerbaol/INRS et loisirs... « En 2003, Owens Corning a pris un engagement inconditionnel envers la sécurité, témoigne Nicolas Seigneuret, responsable environnement hygiène et sécurité pour l’Europe. Tout accident peut être évité par l’application de mesures préventives en amont. La sécurité relève de la responsabilité de chacun, du management aux équipes. Travailler prudemment est l’une des conditions d’emploi dans l’entreprise. Dès l’arrivée des nouveaux, il est important de les former et informer sur ce thème. » En 2009, 50 % des sites industriels du groupe ont terminé l’année sans accident. « Régulièrement, des sessions de formations sont organisées pour mettre à niveau l’ensemble du personnel sur les bonnes pratiques », précise Alice Bonillo, animatrice sécurité du site de L’ Ardoise. Dès qu’elles sont formées, les bobines sont placées sur des chariots de transport qui circulent dans l’usine. nécessaires à la mise en place de solutions de consignation individuelle pour protéger les salariés. » L’idée : donner aux opérateurs intervenant sur une machine la possibilité de couper les énergies dangereuses. Sur chaque poste, ils trouvent les informations sur les tâches, les points de coupure des énergies et les points à cadenasser. Un niveau d’information équivalent est donné aux intervenants extérieurs affectés aux opérations de maintenance ou de nettoyage. Au centre de l’atelier emballage du site de L’ Ardoise, s’anime le « robot » : une ligne entièrement automatisée de plusieurs modules dont la fonction est de monter les palettes de bobines. « J’ai formé les opérateurs à l’utilisation des équipements et aux mises en sécurité sur le robot. Tous connaissent les points de consignation », explique Younes Chouo, salarié de l’entreprise depuis dix ans. À l’entrée du poste, les bobines arrivent sur un chariot de transport introduit sur la ligne par un salarié qui, luimême, n’accède pas à la partie en mouvement : un faisceau laser et un tapis capteur au sol sécurisent la zone. La bobine transite ensuite par une série d’automatismes. Elle est enveloppée de film plastique, basculée, puis introduite sur l’extracteur de manchettes (3). Les opérateurs n’interviennent que pour terminer l’extraction de la manchette et procéder aux contrôles et au nettoyage des bobines, que la machine pèse, étiquette et achemine vers un robot palettiseur. Une action participative « Sur le secteur de l’emballage, la sécurité, la qualité et la productivité sont perçues comme des éléments complémentaires. Au lieu d’utiliser ses bras, on utilise sa tête, explique Travail & Sécurité – Mai 2010 37 entreprise industrie lunettes, casque et bouchons auditifs moulés individualisés, précise-t-il. Reste le risque de petites blessures sur les mains, car, tout le long du process, les opérateurs sont amenés à manipuler des produits qui contiennent de fines épines de verre susceptibles de traverser les gants. » Sur le site, l’utilisation de sous-gants en nitrile permet de limiter ces blessures. Des gants plus épais sont également testés par un panel d’opérateurs volontaires. Les retours d’expériences sur les pratiques des autres sites européens du groupe permettent également de nourrir les réflexions sur la protection. Un objectif de progression continue « L’action participative du CHSCT sur le choix des EPI répond à une demande forte, affirme Catherine Molmy, directrice © Gaël Kerbaol/INRS La mise en place des bobines sur le chariot se fait à l’aide d’un manipulateur mécanique. des ressources humaines sur le site de L’ Ardoise. On n’utilise un EPI que lorsque l’on n’a pas de solution de protection collective. Pour qu’il soit accepté par les équipes, un consensus et une démarche ouverte sont nécessaires. » Contrôleur de sécurité à la CRAM du Langue doc-Roussillon, Éric Nibourel a suivi de près les décisions prises en matière d’EPI pour assurer la protection la plus adaptée et efficace des fileurs. « Nous avons également conseillé l’entreprise sur le choix des portes des bobineuses ou la mise en place de tapis adhérents pour éviter les glissades aux pieds des opérateurs chargés de récupérer la bobine qui vient d’être formée », explique-t-il. À ce stade, un manipulateur mécanique permet de pla- Owens Corning en bref L e groupe Owens Corning est le leader mondial des matériaux de construction résidentielle et commerciale, des renforts fibres de verre et matériaux techniques pour les systèmes composites. Créée en 1938, la société est présente sur tous les continents avec 17 000 salariés dans 26 pays. Son siège est basé aux États-Unis dans la ville de Toledo, État de l’Ohio. Construit en 1973 sur un parc de 27 hectares, le site de L’Ardoise appartient à une division de la branche des solutions composites qui fournit des produits de fibre de verre pour l’industrie de renforcement de matériaux composites haute performance. Il compte environ 300 salariés. Sa capacité de production annuelle est de plusieurs dizaines de milliers de tonnes de bobines de fibre de verre, mais également 38 Travail & Sécurité – Mai 2010 de fils coupés humides. Le verre fondu est envoyé dans les filières de l’atelier filage pour former un filament qui est refroidi et, par réaction avec un additif (ensimage), forme un ruban flexible. Ce ruban est acheminé vers l’atelier bobinage, puis les bobines transitent par les étuves (24 heures minimum) avant d’arriver au secteur emballage. Les produits fabriqués à L’Ardoise offrent une large gamme de solutions et performances pour des marchés comme le transport, l’énergie éolienne, l’électronique, les télécommunications, les infrastructures ou la consommation. Depuis janvier 2008, Owens Corning est raccordée en direct à la centrale électrique de Caderousse, gérée par la Compagnie nationale du Rhône (CNR), et bénéficie ainsi d’une stabilité de production quasi permanente. cer la bobine sur le chariot de transport qui va la conduire à l’étuve. C’est le début du long convoyage des chariots qui, à l’unité, pèsent entre 600 et 800 kg. « Notre collaboration avec la CRAM est une histoire de longue date qui a accompagné l’entreprise dans son voyage perpétuel vers l’amélioration des conditions de travail, affirme la directrice des ressources humaines. En matière de sécurité, rien n’est jamais terminé. L’usine de L’ Ardoise peut et doit encore s’améliorer. Une ligne de conduite qu’observe également Owens Corning, animée par une volonté forte de la direction et s’appuyant sur l’implication des équipes. » 1. L’ensimage désigne le traitement de surface appliqué en sortie de filière. Il donne au verre sa souplesse et les propriétés mécaniques requises. 2. Dispositif de verrouillage des énergies évitant toute remise sous tension accidentelle. 3. La manchette est la partie en carton sur laquelle la fibre de verre est enroulée lors du bobinage. Grégory Brasseur