LA PARTICIPATION DU PUBLIC - Canadian Foundation for
Transcription
LA PARTICIPATION DU PUBLIC - Canadian Foundation for
Numéro 53, juin 2009 LA PARTICIPATION DU PUBLIC (PARTIE III) : DE QUELLE MANIÈRE? COMMENT SAVOIR SI ELLE EST EFFICACE? MESSAGES CLÉS • Le choix du mode de participation publique le plus efficace repose principalement sur le but escompté du dialogue. Néanmoins, d’autres facteurs contextuels doivent être pris en considération, dont la nature des enjeux, les ressources ou les caractéristiques communautaires. • La stratégie de participation publique devrait préciser qui participera, le degré de participation et la phase décisionnelle à laquelle le public participera. • Des cadres et des critères d’évaluation de la participation publique sont certes utiles dans la détermination de l’efficacité de la stratégie choisie, mais rien ne saurait faire oublier l’importance de définir clairement le but et la stratégie. Dans les 40 dernières années, la participation publique a occupé une place importante dans l’organisation et la gouvernance du système de santé du Canada. Durant cette période, les instruments de participation publique de la trousse d’outils se sont multipliés, comme en témoigne la documentation qui recense plus d’une centaine de méthodes de participation publique à l’heure actuellei. Toutefois, malgré toutes les ressources mises à leur disposition, les gestionnaires, les décideurs et les scientifiques du secteur de la santé ont toujours peine à cerner le mode de participation de leur public cible le plus efficace. La forme correspond à la function De plus en plus, la documentation sur la participation publique insiste sur la concordance entre la forme et la fonction : autrement dit, le mode de participation publique sera d’autant plus efficace qu’il correspondra au but fondamental du projet ou de l’entrepriseii. Ainsi, lorsque le but consiste à investir le public du pouvoir décisionnel final, le jury de citoyens représente la stratégie la plus appropriée. Si le but est de former un partenariat avec le public, l’exercice d’établissement d’un consensus sera pertinent. Enfin, si le but consiste à connaître l’opinion du public, la formule du groupe de discussion est un choix aviséiii. Sachant cela, la personne ou l’organisme désireux de faire intervenir le public doit au préalable préciser son but fondamental, avant de choisir les modalités de participation publique. Déterminer le mode de participation publique en passant outre cette étape risque de donner lieu à des malentendus au chapitre des © Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé hypothèses et des attentes parmi les gestionnaires et les décideurs du secteur de la santé, le public et d’autres intervenantsiv. Bien que la concordance entre les buts précis et les méthodes particulières soit un élément crucial du choix de la stratégie de participation publique, d’autres facteurs contextuels peuvent également influencer ce choix, notamment la nature des enjeux qui seront examinés, l’arrangement institutionnel, les ressources, les caractéristiques communautaires, les croyances, les intérêts et des aspects politiquesv. Il est donc avisé de se ménager une certaine marge de manoeuvre dans la conception de la stratégie de participation publique afin de s’adapter à des contextes particuliers. Trois aspects de la participation publique La stratégie de participation publique doit préciser : (i) les représentants du public qui participeront au dialogue; (ii) le niveau de participation; (iii) la phase décisionnelle du processus où le public interviendravi. Ces aspects clés de la participation publique influenceront la structure du processus de participation global. i. ii. iii. Dans le secteur de la santé, les publics cibles sont répartis en deux groupes principaux : le grand public et ses représentants, qui offrent un aperçu du contexte sociétal de la prise de décisions; les patients, les usagers et leurs représentants qui expriment le point de vue des personnes atteintes d’une maladie en particulier ou de la population visée par un service de santé particuliervii. Le niveau de participation reflète le degré d’influence du public sur la prise de décisionsviii. Santé Canada a circonscrit cinq niveaux qui jalonnent l’influence progressivement croissante du public : 1) informer et éduquer le public (niveau d’influence le plus faible); 2) collecter de l’information et connaître l’opinion du public; 3) discuter avec le public; 4) mobiliser le public; 5) établir un partenariat avec le public (le plus haut niveau d’influence)ix. La participation publique peut s’inscrire dans diverses phases du processus décisionnel. Ainsi, le public peut participer au relevé des problèmes, à l’établissement des priorités, à la recherche de solutions, à la prise de décisions, à la mise en application de décisions ou à l’évaluation de décisionsx. Selon leurs besoins et leurs buts, les gestionnaires et les décideurs du domaine des services de santé ont le loisir de concevoir une stratégie de participation publique alliant diverses méthodes, destinée à mobiliser différents publics selon des niveaux de participation différents et à diverses phases du processus décisionnelvi, xi. Évaluer l’efficacité En dépit de sa tendance de longue date en faveur des vastes consultations et forums publics, le Canada ne dispose toujours pas de données probantes rigoureuses sur l’efficacité des modes de participation publique selon les situations. Certains proposent des cadres et des critères d’évaluation cependant, qui seront sans doute utiles pour appuyer les gestionnaires et les décideurs du secteur de la santé dans la prise de décisions éclairées par des données probantesxii. Beierle a conçu en 1998 un cadre d’évaluation reposant sur cinq buts sociaux de la participation publique : 1) éduquer le public; 2) prendre en compte les valeurs et les © Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé connaissances du public dans la prise de décisions; 3) créer un climat de confiance; 4) diminuer les conflits; 5) veiller à l’efficience de la prise de décisionsxiii. Rowe et Frewer ont élaboré en 2000 leur propre cadre d’évaluation en fonction de deux ensembles de critères : d’une part, des critères d’acceptation ayant trait aux caractéristiques du mode de participation publique qui le rendront acceptable pour le public (la représentativité, l’indépendance, le moment hâtif du processus, l’influence et la transparence, par exemple); d’autre part, des critères d’ordre procédural ayant trait aux caractéristiques du processus qui favoriseront un déroulement efficace (ressources disponibles, définition des tâches, processus décisionnel structuré et efficience, par exemple)xiv. Une étude des cadres d’évaluation révèle que les outils d’évaluation, bien qu’utiles, ne devraient pas être les seules méthodes d’évaluation de l’efficacité de la stratégie de participation publique, quelle qu’elle soit. Définir clairement les buts fondamentaux de l’exercice de participation publique et déterminer si les résultats s’inscrivent dans le droit fil de ces buts sont des passages obligés vers l’évaluation de l’efficacitéxii. Enseignements Une étude pancanadienne évaluant la faisabilité, l’acceptabilité et l’incidence d’une méthode de participation publique dans cinq régies régionales de services de santé est riche d’enseignements sur la participation publiquexv. Elle prend la forme d’une rencontre délibérative en face-à-face d’une journée regroupant de 20 à 25 participants de la collectivité dans chacune des régions. La méthode a été mise à l’épreuve en examinant divers sujets. Ainsi, la Régie régionale de ChaudièreAppalaches (Québec) a choisi d’aborder le sujet de la préparation d’un modèle d’organisation des services communautaires destinés à l'autisme et aux troubles envahissants du développement, tandis que le Hamilton District Health Council (Ontario) avait pour objectif de connaître l’opinion du public sur les priorités locales en matière de planification des soins de santé. L’étude précise que l’initiative de participation publique doit satisfaire certains critères pour déboucher sur des liens de confiance productifs et durables entre les citoyens et les décideurs; ainsi, elle doit : • • • • • communiquer clairement le but de la consultation, en relation avec le processus décisionnel dans son ensemble; établir clairement le lien entre la consultation et la décision à prendre; transmettre aux participants de l’information précise et objective; respecter des règles procédurales qui favorisent le partage du pouvoir et l’échange d’information par les participants et les décideurs; être empreinte d’une légitimité qui fait l'assentiment des décideurs et du publicxv. Conclusion Déterminer le mode de participation publique le plus efficace dans une situation en particulier demeure une tâche complexe. Mais, les gestionnaires et les décideurs du secteur de la santé peuvent certes se faciliter la tâche en définissant clairement les buts fondamentaux de la consultation. © Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé Référence(s) Le présent numéro de Saisir et Agir a été rédigé par François-Pierre Gauvin, agent de recherche, Centre national de collaboration vers des politiques publiques éclairées et Institut national de santé publique du Québec. i. Rowe G et Frewer LJ, 2005. « A Typology of Public Engagement Mechanisms ». Science, Technology & Human Values; 30(2): 251-290. ii. Bishop P et Davis G, 2002. « Mapping Public Participation in Policy Choices ». Australian Journal of Public Administration; 61(1): 14-29. iii. Association internationale pour la participation publique, 2009. IAP2 Spectrum of Public Participation. iv. Rowe G et Frewer LJ, 2004. « Evaluating Public Participation Exercises: A Research Agenda ». Science, Technology & Human Values; 29(4): 512-556. v. Abelson J, Forest PG, Eyles J, Casebeer A, Martin E, Mackean G et l’Équipe de projet pour une consultation publique efficace, 2007. « Exploring the Role of Context in the Implementation of a Deliberative Public Participation Experiment: Results from a Canadian Comparative Study ». Social Science and Medicine; 64: 2115-2128. vi. Charles C et DeMaio S, 1993. « Lay Participation in Health Care Decision Making: A Conceptual Framework ». Journal of Health Politics, Policy and Law; 18(4): 881-901. vii. Wait S et Nolte E, 2006. « Public Involvement in Policies in Health: Exploring their Conceptual Basis ». Health Economics, Policy and Law; 1: 149-162. viii. Arnstein SR, 1969. « A Ladder of Citizen Participation ». Journal of the American Institute of Planning; 35: 216-224. ix. Santé Canada, 2000. Santé Canada – Politiques et boîte à outils concernant la participation du public à la prise de décisions. Ottawa : Secrétariat de la consultation ministérielle, Direction générale des communications et de la consultation, Santé Canada. x. Moro G, 2005. « Citizens’ Evaluation of Public Participation » In Evaluating Public Participation in Policy Making. Paris : Organisation de coopération et de développement économiques. xi. Tritter JQ et McCallum A, 2006. « The Snakes and Ladders of User Involvement: Moving Beyond Arnstein ». Health Policy; 76: 156-168. xii. Abelson J et Gauvin FP, 2006. Assessing the Impacts of Public Participation: Concepts, Evidence, and Policy Implications. Ottawa : Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques. © Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé xiii. Beierle TC, 1998. Public Participation in Environmental Decisions: An Evaluation Framework Using Social Goals. Washington (DC) : Resources for the Future. xiv. Rowe G et Frewer LJ, 2000. « Public Participation Methods: A Framework for Evaluation ». Science, Technology & Human Values; 25(1): 3-29. xv. Abelson J, Forest PG et l’Équipe de projet pour une consultation publique efficace, 2004. Vers une consultation publique plus authentique, informée et efficace. Ottawa : Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé. Lecture complémentaires Barnes M, Newman J, Knops A et Sullivan H, 2003. « Constituting 'the Public' in Public Participation ». Public Administration; 81(2): 379-399. Chafe R, Neville D, Rathwell T et Deber R, 2008. « A framework for involving the public in health care coverage and resource allocation decisions ». Healthcare Management Forum; Winter: 6-21. Florin D et Dixon J, 2004. « Public Involvement in Health Care ». British Medical Journal; 328: 159-161. Litva A, Coast J, Donovan J, Eyles J, Shepherd M, Tacchi J et coll., 2002. « The Public is ‘Too Subjective’: Public Involvement at Different Levels of Health-Care Decision Making ». Social Science and Medicine; 54: 1825-1837. Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2005. Evaluating Public Participation in Policy Making. Paris : OCDE. Wait S et Nolte E, 2006. « Public Involvement in Policies in Health: Exploring their Conceptual Basis ». Health Economics, Policy and Law; 1: 149-162. © Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé