LGV Synthèse du projet (par Sauternes

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LGV Synthèse du projet (par Sauternes
LGV SUD-OUEST
Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) /Réalisation par réseau Ferré de France des lignes
nouvelles grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax
DOSSIER DE SYNTHESE (ODG Sauternes-Barsac/ Crus Classés de Sauternes et Barsac en 1855)
En préambule, quelques mots quant à la gestion par Réseaux Ferrés de France de la procédure de
concertation sur ces projets de Ligne à Grande Vitesse : la lourdeur et la fragmentation du dossier (3
enquêtes publiques, 10 000 pages de dossiers) ne sont malheureusement pas un gage de sérieux et de
précisions, ni de concertation suffisante avec les acteurs socio-économiques, les associations, les riverains.
Les arguments contraires, les propositions de tracés alternatifs (proposées notamment par la filière
viticole) ou de rénovation des lignes actuelles ont été balayés sans avoir été étudiés.
De nombreuses décisions ont été prises avant d'arriver à la mise à l'enquête d'un projet très avancé.
Si nous sommes frappés de constater dans ce dossier la quasi-absence d’arguments sérieux en faveur de ce
tracé, nous souhaitons insister sur la nature désastreuse de ce projet au plan socio-économique
et écologique.
DES APPELLATIONS HISTORIQUES MISES EN DANGER
Le cas particulier de Sauternes et Barsac : une menace généralisée, à travers le microclimat local.
S’il est vrai que le tracé ne semble pas concerner directement ces appellations puisque
la ligne ne passerait pas sur leur territoire, il les met cependant gravement en danger en
portant atteinte à leur climatologie, à travers ce qui est leur berceau écologique : la
vallée du Ciron.
En effet, comme des siècles de production de ces appellations l’attestent, et comme il est inscrit dans les
cahiers des charges dans la partie traitant du lien au terroir (note 1), les appellations de Sauternes et Barsac
sont totalement dépendantes de l’éco-système de la vallée du Ciron, qui conditionne leur micro-climat .
Or, c’est celui-ci qui permet l’apparition et le développement de ce qui fait la spécificité de ces
appellations, la fameuse pourriture noble : ces vins liquoreux uniques et universellement célèbres ne
peuvent être produits sans ce champignon microscopique, le Botrytis Cinerea. Ce qui garantit le bon
développement de ce champignon, sous sa forme noble, c’est précisément une alternance de brouillards et
de soleil en automne, bien connue comme étant un climat bien particulier à cette région, où il est très
commun que les brumes matinales ne se lèvent pas avant 13h.
Comme l’expliquent parfaitement les cahiers des charges (note 2), ces brouillards sont très directement
liés à la vallée du Ciron : les eaux de cette rivière sont plus froides que celles de la Garonne, où elle se jette
entre Preignac et Barsac. Le boisement de cette zone permet également à ces brumes de stagner. Or,
cette vallée est gravement impactée par le tracé de l’ouvrage : il coupe la rivière Ciron
en trois endroits et 30 de ses affluents, traverse son bassin versant sur plus de 100km,
endigue les eaux, impacte 40 zones humides et les nappes d'eaux sous-terraines. Le risque
de perturbation de l’alimentation et de la fraîcheur du Ciron est donc extrêmement important. Et par
voie de conséquence, c’est un produit et une région uniques au monde, de ceux qui font
la renommée de la France depuis des siècles, qui risquent de disparaître !
Les conséquences aux plans socio-économique, environnemental, humain, seraient
clairement
catastrophiques :
-les vignobles de Sauternes et Barsac couvrent 2200 hectares, sur une zone de 6000 hectares, ils
représentent 170 producteurs, font vivre directement de nombreux foyers, et bien plus encore
indirectement. L’oenotourisme y est en plein essor et représente un avenir très encourageant pour cette
zone géographique et bien au-delà.
- Ils sont garants de la préservation du paysage de toute cette région, par ailleurs remarquablement belle, et
qui attire de plus en plus un tourisme de bon niveau économique et culturel.
-Les vins de Sauternes sont universellement connus et appréciés. Comme le précise également le cahier
des charges : « La notoriété des vins de Sauternes s’est établie tôt dans l’histoire autour de châteaux
emblématiques dont le plus renommé, le château d’Yquem, est mondialement connu. Le classement des
vins de Bordeaux de 1855, avec le seul «Premier Cru Supérieur » décerné au château d’Yquem, 11 premiers
crus et 15 seconds crus à Sauternes, reconnaissait très largement la suprématie de cette appellation en
Gironde. Ce classement prenait en compte les prix atteints des vins car ils traduisaient leur qualité.
Aujourd’hui encore, leur notoriété ne se dément pas, la conjugaison d’un environnement
remarquablement adapté à la culture de la vigne, d’un microclimat particulier et de l’installation de
vignerons précurseurs a instauré des pratiques spécifiques à l’obtention de grands vins liquoreux appréciés
des connaisseurs du monde entier. »
Cette problématique particulière n’a, à aucun moment été étudiée par les responsables
du projet, et elle est corrélée de façon plus générale à un impact désastreux sur
l’environnement de cette région, particulièrement précieuse et fragile en terme
écologique.
Dotée de nombreuses parcelles classées en espaces naturels sensibles, classée Natura 2000, cette vallée du
Ciron constitue l’une des plus rares ripisylves d’Europe, particulièrement remarquable au plan de la faune
et de la flore (hêtraie résiduaire) et de son réseau hydrographique exceptionnel « protégé » par 3 ZNIEFF
(Réseau hydrographique du Ciron-Les gorges du Ciron-Réseau hydrographique amont du Ciron, étang et zones
marécageuses des confluences). La « Haute Landes » est également une constituante clé du massif forestier
gascon, particulièrement attirante pour les oiseaux migrateurs et refuge des grands mammifères. Il est
également à souligner que la DREAL et le Syndicat du Bassin du Ciron développent un programme
d’intérêt national de protection et de restauration de la biodiversité : la contradiction est flagrante !
Le passage de la ligne y serait donc particulièrement destructeur, avec des conséquences sur un rayon très
large. L’équilibre agro-sylvo-cynégétique serait mis à mal, la faune sauvage empêchée de circuler par les
cloisonnements. Les atteintes aux eaux ( nappes, sources, périmètres des captages)et la destruction de
l’éco-système y seraient irréversibles, tant par les « balafres » occasionnées par le chantier et l’ouvrage luimême que par le l’entretien des voies par utilisation massive d’herbicides. L’expérience récente de la
construction de l’A65 a tristement démontré que chaque intervention mécanique au niveau des complexes
de landes humides situés en tête de bassins versants a eu des répercussions irrémédiables sur les
réseaux hydrographiques des petits et moyens cours d’eau et sur les zones humides
connexes.
Comme le soulignent à la fois le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, la Fédération
Départementale des Chasseurs de la Gironde, la Sepanso et de multiples associations de défense de
l’environnement et de la forêt, de même que le député de la 9ème Circonscription de la Gironde Gilles
Savary, le triangle ferroviaire (carrefour LGV Toulouse-Bordeaux-Dax) a été implanté de
façon totalement aberrante et injustifiable sur cette zone humide de biodiversité du
Bassin du Ciron.
L’impact négatif sur les autres appellations
* Des impacts agricoles, économiques et humains dans les appellations Graves et
Pessac-Léognan, déjà contraintes par l'urbanisation et les réseaux routiers et ferroviaires.
De nombreuses propriétés sur ces appellations aux terroirs viticoles très qualitatifs sont menacées de
coupures et cloisonnements, sans qu’aient été envisagés les problèmes inhérents au projet:
- Impacts environnementaux et paysagers (l’ « insertion paysagère » des ouvrages d'art des franchissements
des vallées classées Natura 2000 de Saucats et du Gat-mort n’est envisagée que par la couleur de la
peinture !)
- Perte irréversible de terrains situés sur des AOC prestigieuses ayant de forts impacts économiques
- Risque de gel dans la traversée du plateau viticole des Graves (déplacement et blocage des masses d'air
froid dus au couloir projeté)
- Fragilisation des entreprises, dont la réalité économique et commerciale non plus que la notoriété, n’a été
analysée.
- Atteinte aux projets œno-touristiques, aussi bien des châteaux que de l’interprofession (« Route des
Graves et du Sauternais » soutenue par les collectivités locales, départementale et régionale.)
- Perte de valeur des terrains et des domaines.
- Les mesures de compensation restent très floues, aussi bien au plan foncier des zones en AOC, qu’au
plan de la perte d'activité, des nuisances induites par le chantier et à long terme par le passage de la voie.
- Enfin, il est possible de douter de des chiffres apportés par RFF en matière d’emprise
de l’ouvrage, il faut en effet y ajouter l'emprise provisoire supplémentaire causée par le
chantier (or, la vigne n’est pas une plante annuelle… ). L’exemple de la LGV ToursBordeaux démontre une emprise réelle supérieure de 60% par rapport aux chiffres
annoncés par le porteur de projet !
Ce projet ne tient pas compte non plus du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) de l'aire
métropolitaine bordelaise qui a créé des espaces agricoles et viticoles protégés sur la quasi-totalité du
parcellaire viticole concerné.
* Des AO C dévalorisées : elles sont considérées dans ce projet comme "production particulière"
alors que le système des AOC représente l'élite de la production agricole française tant en terme de
notoriété que de valorisation, notamment à l’exportation (le chiffre d'affaire de la filière viticole AOC des
Vins de Bordeaux dépasse 4 milliards d'Euros). RFF minimise ainsi la valeur agronomique des sols validée
par l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO) et contourne de façon tout à fait trompeuse la
notion d'atteinte au Terroir viticole. (La proposition absurde de planter de la vigne sur les remblais de la
voie pour la rétrocéder aux exploitants témoigne d’une méconnaissance voire d’un mépris total des AOC
et de leurs contraintes de Terroirs.)
* Ce projet impliquerait la création ou l’extension de gravières, lesquelles détruisent les
zones viticoles : 30 millions de m3 nécessaires au chantier, au détriment des terroirs (destruction de
terrains viticoles, impact destructeur plus global sur les nappes phréatiques), et de l'activité viticole .
* Le M inistère de l'agriculture a d’ailleurs rendu deux avis défavorables au projet
présenté ( les 4 Août et 25 septembre 2014 (ce dernier dans le cadre de l’application de l’article L643-4
du code Rural demandé conjointement par le CIVB, la Fédération de Grands Vins, les ODG des Graves
et Pessac-Léognan) Les réponses apportées par RFF aux avis du Ministre sont loin d'apporter des
éclaircissements supplémentaires au dossier.
POUR UN PROJET DONT L’UTILITE EST LARGEMENT MISE EN DOUTE
La connaissance du projet de RFF et les nombreux rapports qu’il a suscités permettent de douter
légitimement de sa portée d’intérêt général.
De nombreux et solides arguments, sont apportés au débat contre ce projet qualifié d’inutile, ruineux, et
dévastateur, pour un bénéfice plus qu’incertain :
Le coût du projet aux plans financier comme écologique est exorbitant, particulièrement
au regard de l'insuffisance de son évaluation socio-économique :
*Coût prévu : 9.5 milliards d’euros (valeur 2013, sachant de surcroît que les estimations sont toujours
largement dépassées), avec des imprécisions sur le financement, de très gros doutes quant à
la rentabilité financière ! Quid du surendettement des divers financeurs
(RFF/SNCF/collectivités locales) en ces temps de crise économique ?
* Le tracé est plus long et tortueux que les voies actuelles, le gain de temps ridicule par rapport à
un réaménagement des lignes existantes (beaucoup moins coûteux et nettement plus respectueux de
l’environnement) : environ30 mn pour Toulouse, 1mn pour Dax , à condition que le train arrive à l’heure...
* Les prévisions en matière de trafics sont obsolètes et insuffisantes. Le modèle TGV est
remis en cause par de nombreux rapports (Cour des Comptes en 2014, Mobilité 21 en 2013, Ecole
Polytechnique de Lausanne…), qui fustigent ce projet, considéré comme ne tenant pas compte des
évolutions des dernières années. Le développement des LGV participe grandement à l’augmentation de
l’endettement de notre système ferroviaire au détriment de la maintenance et de l’amélioration des voies
existantes, donc de la sécurité de celui-ci et du désenclavement des populations rurales.
*Les bilans carbone et énergétique sont jugés peu efficients (Cour des Comptes/CGEDDAutorité Environnementale)
* Ce projet est inutile voire nocif au désenclavement de l’Aquitaine : Risque de marginalisation
ferroviaire de l’Aquitaine du fait de l’entêtement à poursuivre ce projet, qui a étouffé tous les autres
projets de développement du ferroviaire en Aquitaine, au grand préjudice de la région (notamment
dévitalisation des régions intermédiaires), de ses habitants, de son économie.
* L’impact écologique en est désastreux, au-delà des cas des vignobles et du Bassin du Ciron,
développés plus haut :
-sur des zones déjà impactées par de grosses infrastructures (A65, gazoduc, itinéraire Airbus),
- Perturbations et pollutions des eaux des nappes phréatiques, bassins versants, rivières,
ruisseaux et sources ( y compris celles qui alimentent la CUB ! )
-Destruction des paysages et de la bio-diversité (destruction directe et effets de
cloisonnement irréversibles), atteinte aux productions agricoles, viticole, sylvicole. Disparition
de 4800 hectares dont 1240 de terres agricoles et 2865 de forêt, avec impact sur un rayon beaucoup plus
large ; en moyenne, l’emprise totale représente 4 années de consommation des sols par l’urbanisation dans
les 4 départements concernés.
- Pollutions annexes au chantier et à l’entretien des lignes, construction indispensable
de lignes à haute tension, ouverture de nouvelles gravières à l’impact désastreux (40 millions de
m3)…
Sans oublier les nombreux riverains, soumis à des nuisances diverses, et à la perte inévitable
de valeur de leurs biens immobiliers et de leur cadre de vie.
Rappelons le refus systématique et non argumenté des solutions alternatives : aménagement des voies
existantes (étude indépendante Claraco), tracé le long de l’A 62 (CIVB, Fédération des Chasseurs de la
Gironde).
Face à cette gabegie insoutenable, nous réitérons donc notre ferme opposition à ce
projet, et demandons que soit porté au dossier notre argumentaire, ainsi que la
demande de réalisation des études suivantes (que ce projet soit poursuivi ou modifié) :
•
Une étude agro-climatique sur les conséquences d’un tel ouvrage,
notamment concernant l'impact sur la climatologie des AOC SauternesBarsac-Cérons engendré par la traversée du bassin hydrographique de la
rivière Ciron.
•
De nouvelles études argumentées du (ou des) tracé alternatif en convergence avec l'A62 et
éventuelles autres solutions épargnant la coupure du vignoble AOC de Bordeaux et autres
conséquences sur les Terroirs, notamment sur les AOC liquoreuses.
•
La réalisation d'une analyse agricole tenant compte de l'existence de la notion d'AOC et
des caractéristiques particulières liées aux terroirs viticoles. Les AOC viticoles françaises,
sont validées et protégées par la Communauté Européenne en raison de leur lien au
Terroir, décrit dans leur cahier des charges. Le porteur du projet ne peut et ne doit ignorer
les éventuelles conséquences de toutes modifications de ce lien.
•
Les insertions paysagères insuffisantes, voire dérisoires, doivent être revues dans leur
intégralité et le porteur du projet doit apporter de vraies solutions innovantes de génie civil
conformes à la technologie qu'il veut mettre en œuvre.
Le chef de l’Etat lui-même s’est prononcé le 27 novembre 2014 pour que soient garanties dans
chaque grand projet d’aménagement du territoire la prise en considération de tous les points de
vue et l’étude de toutes les alternatives ; il a défendu en cas de blocage le recours à des
référendums locaux, qui valent « toujours mieux que le fait accompli ou que l’enlisement ».Le
Président de la République souhaite également compenser les impacts environnementaux des
infrastructures et renforcer l’indépendance des agences environnementales locales.
1 Extrait du cahier des charges de Sauternes (Chapitre Le lien au terroir): « Le climat original offre des
conditions mésoclimatiques particulières qui sont à l’origine du développement d’un minuscule
champignon sur le raisin, le « Botrytis cinerea » conduisant à la « pourriture noble» qui confère leur typicité
aux vins du Sauternais dans cet environnement spécifique. »
2 - Extrait du cahier des charges de Sauternes (Lien avec la zone géographique) « Au confluent du « Ciron
» et de la « Garonne » les phénomènes de condensation apportent une humidité abondante. Cette
alternance d’humidité nocturne et de ventilation diurne rapide et puissante sont à l’origine de
l’envahissement des raisins par un minuscule champignon le« Botrytis cinerea » développant la « pourriture
noble » et la concentration des raisins ».
- Extrait du cahier des charges de Barsac (Lien avec la zone géographique) Barsac est la seule commune
située au nord du Ciron. Né dans les Landes, il serpente sur plus de cent kilomètres sous un couvert
d’arbres formant une épaisse voûte et, à l’abri du soleil, ses eaux se refroidissent. Lorsqu’elles rencontrent
celles de laGaronne, beaucoup plus chaudes, il se produit des phénomènes de condensation, entraînant la
formation de brouillards. Ceux-ci se dissipent lors d’après-midis ensoleillés et par une aération et
uneventilation naturelle asséchant les raisins. Ces conditions climatiques caractérisées par l’alternance de
périodes humides et sèches sont extrêmement favorables au développement d’un minuscule champignon
sur le raisin, le Botrytis cinerea à l’origine de la « pourriture noble» jouant un rôle déterminant dans
l’obtention des grands vins liquoreux de cette région.