vegetation en ville : exposition et impact sanitaire

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vegetation en ville : exposition et impact sanitaire
AFPP – 3e CONFÉRENCE SUR L’ENTRETIEN DES ESPACES VERTS, JARDINS,
GAZONS, FORÊTS, ZONES AQUATIQUES ET AUTRES ZONES NON AGRICOLES
TOULOUSE – 15, 16 ET 17 OCTOBRE 2013
VEGETATION EN VILLE : EXPOSITION ET IMPACT SANITAIRE DES POLLENS
G. OLIVER (1) et M. THIBAUDON (1)
(1)
RNSA (Réseau National de Surveillance Aérobiologique), 11 chemin de la creuzille, ZA du
Plat du Pin, Brussieu, France, [email protected]
RÉSUMÉ
La plupart des pollens respirés par la population, sur les plans quantitatifs et qualitatifs, sont
issus des espèces végétales naturelles. Par contre, en zone urbaine, dans les jardins
publics ou parcs arborés, la composition de l’air en pollen (allergisant ou non) est modifiée
par la pollinisation des espèces végétales environnantes. Le guide « Végétation en ville »
permet d’informer les décideurs publics ou privés sur la nécessité de prendre en compte la
composante santé dans le choix et l’entretien des espèces végétales.
Mots-clés : végétation, ville, pollen, exposition, impact sanitaire.
ABSTRACT
URBAN VEGETATION: EXPOSURE AND HEALTH IMPACT
Most pollen inhaled by the population, on the quantitative and qualitative terms, are derived
from natural plants. In another hand, in urban areas, in public parks or parklands, the
content of the air in pollen (allergenic or not) is amended by the pollination of surrounding
plants. The guide "Vegetation en ville" allows to inform public and private decision-makers
on the need to take into account the health component in the choice and the maintenance of
plant species.
Keywords: vegetation, city, pollen, exposure, health impact.
INTRODUCTION
L’allergie au pollen est une maladie dite environnementale, c'est-à-dire qu’elle est liée à
l’environnement de la personne et non à un agent infectieux, par exemple. Pour cette raison,
on ne peut considérer l’allergie uniquement d’un point de vue médical, elle doit être traitée
de manière environnementale qui est le seul moyen de faire de la vraie prévention.
La conception des plantations urbaines est un élément central de la problématique de
l’allergie pollinique en ville. C’est pourquoi il doit s’engager une réflexion pour mettre en
accord les objectifs de végétalisation des villes et la question des allergies aux pollens.
A la demande des ministères de la santé et de l’écologie, le RNSA a édité en 2008 un guide
électronique nommé « végétation en ville » qui a pour objet d’informer les décideurs publics ou
privés sur la nécessité de prendre en compte la composante santé dans le choix et l’entretien
des espèces végétales mises en place en zone urbaine et péri-urbaine.
CONTENU DU GUIDE
Ce guide méthodologique reprend un certain nombre d’informations sur :
- l’allergie, ses manifestations cliniques et ses conséquences sur la vie quotidienne
- allergies et plantes : le potentiel allergisant des pollens de certaines espèces
- comment agir en diversifiant certaines espèces, en entretenant à des périodes
permettant de limiter la production des pollens
- pour les arbres et les arbustes : indication des espèces à éviter et propositions de
substitutions en fonction de la typologie des usages (haies, berges, alignement)
- pour les herbacées : description des espèces à éviter en fonction de leur allergénicité.
L’allergie, ses manifestations cliniques et ses conséquences sur la vie quotidienne :
L’allergie est une réaction anormale de l’organisme face à des substances extérieures
appelées allergènes. Ces substances pénètrent dans le corps par voie respiratoire,
alimentaire ou cutanée. Pour l’allergie au pollen, le contact avec l’agent allergisant se fait par
voie respiratoire, on parle de pollinose.
Plus de 20% de la population française (Bauchau et Durham, 2004) souffre d´allergie
respiratoire. De nombreux facteurs peuvent être à l´origine de ces manifestations. Ils
peuvent être classés en 3 catégories :
- les facteurs génétiques : l’hérédité joue un rôle important. Un individu, dont un des
parents est allergique, a 30% de risque d’être atteint d’allergie. Si les deux parents
sont atteints, le risque atteint 60 %. L’allergie peut toutefois sauter une génération
- les facteurs d’exposition : les allergènes créent une sensibilisation progressive aux
substances allergisantes. Ce facteur environnemental est la partie la moins bien
connue de l’allergie.
La rhinite allergique saisonnière se manifeste par le nez bouché, des éternuements, le nez
qui coule et des démangeaisons. Les yeux rouges qui piquent, avec sensation de sable
dans les yeux, est appelée conjonctivite allergique saisonnière.
Les microgranules cytoplasmiques, contenues dans le cytoplasme des grains de pollens,
pénètrent assez loin dans les voies respiratoires jusque dans les bronches, et peuvent
provoquer des crises d´asthmes. L’asthme intervient par crises lors d’une exposition
importante à un irritant ou lors d’un effort. Il se caractérise par une diminution du souffle, des
sifflements bronchiques, une toux persistante souvent nocturne.
Les allergies affectent la qualité de vie quotidienne (restriction des activités courantes, troubles
du sommeil, altération de la vigilance) et ont un coût pour la société (absentéisme, coût des
consultations et traitements).
Le potentiel allergisant des pollens
Tous les pollens ne sont pas dangereux. Pour provoquer une reaction allergique, il faut :
- Que le pollen d´arbre ou d’herbacée soit emis en grande quantite. C´est le cas des
plantes anémophiles graminées, ambroisies, cyprès, bouleau, etc... Les pollens de
plantes entomophiles comme le mimosa (reproduction et transport par les insectes)
peuvent provoquer des réactions de voisinage.
- Qu´il soit de petite taille, les grains de pollen resteront d´autant plus longtemps dans
l´atmosphère, et pourront parcourir de plus grandes distances qu´ils sont petits et
legers. Pour cette raison on trouvera les pollens allergisants aussi bien dans les villes
qu´à la campagne.
- Qu´il ait un fort pouvoir allergisant, c’est-a-dire que son contenu en protéine
allergisante soit élevé et qu’il puisse libérer ces particules qui seront responsables de
la sensibilisation.
Les pollens allergisants sont tous des pollens émis par des plantes anémophiles et de ce
fait, une partie des grains dispersés sera respirée par la population, dont les allergiques. Les
principales espèces allergisantes sont répertoriées dans les tableaux I et II avec leurs
potentiels allergisants. L’échelle du potentiel allergisant va de 0 (nul) à 5 (très fort).
Tableau I : Potentiel allergisant des principales espèces allergisantes d’arbres
(Allergy potency of the main allergenic tree species)
ARBRES
POTENTIEL
Bouleau / Betula
5
Cyprès / Cupressaceae - Taxaceae
5
Aulne / Alnus
4
Chêne / Quercus
4
Frêne / Fraxinus
4
Charme / Carpinus
3
Noisetier / Corylus
3
Olivier / Olea
3
Platane / Platanus
3
Saule / Salix
3
Tilleul / Tilia
3
Châtaignier / Castanea
2
Hêtre / Fagus
2
Mûrier / Moraeae
2
Peuplier / Populus
2
Orme / Ulmus
1
Tableau II : Potentiel allergisant des principales espèces allergisantes d’herbacées
(Allergy potency of the main allergenic grasse species)
ARBRES
POTENTIEL
Ambroisie / Ambrosia
5
Graminées / Poaceae
5
Armoise / Artemisia
4
Pariétaire / Parietaria
4
Chénopode / Chenopodium
3
Plantain / Plantago
3
Oseille / Rumex
2
Ortie / Urtica
2
Les plantes qui figurent sur le site vegetation-en-ville.org sont décrites sous forme de fiches
(voir figure 1) classées en fonction de trois potentiels allergisants : faible (jaune), moyen
(orange) et élevé (rouge).
Il ne faut pas confondre potentiel allergisant et risque allergique, ce dernier correspondant à
l’impact sanitaire lié à l’exposition aux pollens, c’est-à-dire à la quantité de grains de pollen
allergisants dans l’air qui varie au cours de la saison.
Le risque allergique d’exposition
Le risque allergique tient compte du potentiel allergisant de l’espèce, de la localisation
géographique de la plantation et du nombre de plants mis en place sur la surface considérée.
Les cartes figurant sur les fiches (voir figure 1) indiquent le risque allergique selon une échelle
à 6 niveaux : 0 (blanc), 1 (vert clair), 2 (vert foncé), 3 (jaune), 4 (orange) et 5 (rouge).
Figure 1 : Fiche signalétique du bouleau dans le guide « végétation en ville »
(Birch identification sheet in « vegetation in town»)
DISCUSSION
Diversification des espèces :
Instaurer de la diversité dans les aménagements paysagers permet de diminuer la
concentration de pollens d’une même espèce dans l’air. Selon le potentiel allergisant, le
degré de diversité nécessaire à réduire le risque d'allergie varie. Les espèces ayant un faible
potentiel allergisant peuvent être présentes en plus grand nombre que celles avec un fort
potentiel allergisant. Diversifier les espèces permet de diminuer le risque d'allergie. Créer
des haies de mélange, à la place des haies de cyprès, a un effet sur l’allergie et sur la
banalisation du paysage, elle permet le développement d’une faune plus variée (Paysage,
pollens et santé, ARS Languedoc-Roussillon, 1999).
Typologie des usages : la haie
La haie est un aménagement responsable de nombreuses allergies. La haie mono
spécifique en est la principale cause, par un effet de concentration de pollens allergisants
dans l'air.
L’action principale à mener pour lutter contre les allergies provoquées par les haies est la
diversification. En diversifiant les essences, on diminue la quantité de pollens dans l'air de
manière considérable. La taille est aussi un facteur de diminution de l’émission de pollen,
elle permet de réduire la pollinisation de manière significative.
Tableau III : la haie, espèces conseillées et à éviter
(the hedge, species to avoid and advised)
EXEMPLE D’ESPECES ALLERGISANTES
EXEMPLE D’ESPECES NON
ALLERGISANTES
Cyprès bleu, Cyprès de Provence / Cupressus
arizonica, Cupressus sempervirens
Prunier myrobolan, Laurier du Portugal /
Prunus cerasifera, Prunus lusitanica
Noisetier / Corylus
Cornouiller blanc / Cornus alba
Charme / Carpinus
Forsythia hybride / Forsythia intermedia
Troène / Ligustrum regelianum
Houx / Ilex aquifolium
Saule / Salix
Laurier noble / Laurus nobilis
Typologie des usages : la fixation des berges
Il faut choisir des espèces qui supportent l’humidité et sont peu allergisantes.
Tableau IV : la fixation des berges, espèces conseillées et à éviter
(fixing banks, species to avoid and advised)
EXEMPLE D’ESPECES ALLERGISANTES
EXEMPLE D’ESPECES NON
ALLERGISANTES
Erable champêtre ou negundo / Acer
campestre ou negundo
Cornouiller stolonifère / Cornus
stolonifera
Aulne glutineux / Alnus glutinosa
Fusain d’Europe / Euonymus europaeus
Bouleau noir / Betula nigra
Merisier à grappes / Prunus padus
Châtaignier / Castanea sativa
Orme de Samarie / Ptelea trifoliata
Frêne commun / Fraxinus excelsior
Ptérocaryer du Caucase / Pterocarya
fraxinifolia
Peuplier blanc ou tremble / Populus alba ou
tremula
Ptérocaryer aux noix ailés / Pterocarya
stenoptera
Leur potentiel allergisant permet de pouvoir doser la quantité de l’essence sélectionnée :
-
Espèces à faible potentiel allergisant : elles peuvent être présentes sans restriction si
l'aménagement est diversifié, car il faut une très grande concentration d'espèces à
faible potentiel allergisant pour provoquer une réaction allergique.
-
Espèces au potentiel allergisant moyen : il faut éviter qu'elles constituent l'espèce la
plus importante de l'aménagement.
-
Espèces à fort potentiel allergisant : un ou deux plants peuvent être présents, au delà
le risque d’allergie sera important.
D’autres espèces non allergisantes peuvent être utilisées sur des berges pour augmenter la
diversité : Cornus Stolonifera, Eounymus Europaeus, Prunus Padus, Prunus Serotina,
Ptelea Trifoliata, Pterocarya Fraxinifolia, Pterocarya Stenoptera.
Typologie des usages : arbres d’alignement
Il y a 3 grandes catégories d’arbres d’alignement : à grand développement, à
développement moyen et à petit développement. Pour chaque catégorie, il existe des
espèces non allergisantes.
Tableau V : arbres d’alignement, espèces conseillées et à éviter
(roadside trees, species to avoid and advised)
EXEMPLE D’ESPECES
ALLERGISANTES
EXEMPLE D’ESPECES NON
ALLERGISANTES
Bouleau / Betula
Ginkgo / Ginkgo
Platane / Platanus
Gleditsia / Gleditsia
Chêne / Quercus
Ailante / Ailanthus
Frêne / Fraxinus
Liquidambar / Liquidambar
Aulne / Alnus
Sorbier / Sorbus
Charme / Carpinus
Prunus
Noisetier / Corylus
Micocoulier / Celtis
Orme / Ulmus
Pyrus
Saule / Salix
Houx / Ilex
Exemple de ce qu’il faut faire et de ce qu’il faut éviter de faire
Une forêt de 800 bouleaux (arbre très allergisant) a été plantée au cœur d’un îlot urbain
(figure 2), en plein cœur d’une grande ville dans les jardins d’un quartier nouveau à
proximité de l’Hôtel de région. Si des forêts de bouleaux existent à l’état naturel, il ne faut
pas ajouter localement, à proximité de l’habitat ou de locaux tertiaires, des plantations
importantes d’arbres allergisants, comme dans ce cas, où une seule espèce a été plantée.
L’objectif étant d’allier « paysage » et « risques sanitaires ».
Figure 2 : forêt de bouleau en centre ville
(birch forest downtown)
Voici des exemples d’espèces qu’il est possible de planter dans un espace vert pour limiter
le risque allergique :
Tableau VI : espèces non allergisantes pour un espace vert
(non allergenic species for green park)
LISTE DES ESPECES
POTENTIEL ALLERGISANT DE 0 (NUL)
A 5 (FORT)
Tulipier de Virginie / Liriodendron Tulipifera
Aureomarginatum
0
Tulipier de Virginie Fastigié / Liriodendron
Tulipifera Fastigiatum
0
Cèdre de l’Atlas / Cedrus Atlantica
1
Cèdre de l’Atlas / Cedrus Atlantica Glauca
1
Cèdre de l’Himalaya / Cedrus Deodara
Aurea
1
Lila d’été / Lagerstroemia Indica
0
Cerisier du Japon / Prunus Serrulata
Amanogawa
0
CONCLUSION
Depuis sa mise en ligne, le site « vegetation-en-ville.org » est consulté régulièrement et, en 7
années, ce sont plus de 200 000 visites du site qui ont été mesurée.
Le point le plus important reste la prise en compte de la composante santé dans le choix et
l’entretien des espèces végétales à destination urbaine ou péri-urbaine. Ce guide doit
permettre aux décideurs locaux, aux paysagistes et aux architectes d’éviter de commettre des
erreurs longues à réparer comme les plantations uniformes de bouleaux dans les jardins
publics. Il permet aussi aux bureaux d’études de s’interroger ou d’interroger le RNSA sur le
potentiel allergisant des espèces convoitées et du risque allergique potentiellement induit par
la végétalisation.
La mesure des pollens dans l’air à l’aide de capteurs respirant placés en position de fond
(figure 3). Elle permet une indication générale du risque allergique lié à l’exposition aux pollens
pour l’agglomération.
Figure 3 : capteur de pollens
(pollen trap)
Par contre, pour mesurer le risque allergique de proximité, il est nécessaire de mettre en place
des capteurs passifs, type Sigma 2 Like (figure 4), comme cela est utilisé pour mesurer
l’efficacité de la lutte contre l’ambroisie.
Ces capteurs doivent alors être placés dans les parcs ou jardins pour lesquels on souhaite
mesurer le niveau de risque allergique.
Figure 4 : capteur Sigma 2 like
(Sigma 2 like trap)
BIBLIOGRAPHIE
Agence Régionale de Santé – Languedoc Roussillon, Paysage, pollen et santé 2ème édition
1999
Bauchau V., Durham S.R., Prevalence and rate of diagnosis of allergic rhinitis in Europe. Eur
Respir J 2004; 24: 758–764

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