Analyse Personnes

Transcription

Analyse Personnes
NIVEAU : 3°
THEME PARTICULIER
THEME GENERAL : L’ESPACE, L’ŒUVRE ET LE SPECTATEUR
L'INSTALLATION
Christian BOLTANSKI : PERSONNES
Thématiques proposées :
- L’art et la guerre : l’artiste témoin de son temps / Comment un artiste peut-il transmettre la mémoire de la Shoah ?
- Art et engagement
1/ INTRODUIRE / IDENTIFIER l’œuvre :
Titre de l'œuvre : Personnes , janvier-février 2010.
Nom de l'auteur : Christian Boltanski, né à Paris en 1945.
Lieu d'exposition et de production : Installation occupant tout l’espace du grand Palais à PARIS dans le cadre de la
manifestation MONUMENTA qui fait chaque année appel à un artiste contemporain de renommée internationale
pour investir les 13 500 m² de la Nef du Grand Palais avec une œuvre spécialement conçue pour l’occasion.
Sujet, thème de l'œuvre : Œuvre en mémoire aux victimes anonymes de la Shoah.
Nature de l'œuvre : Installation - Dans l'art contemporain, il s'agit d'une œuvre conçue pour un lieu donné, ou
adapté à ce lieu. Elle est composée d'éléments divers (objets, sons, vidéos...). Ces divers éléments constituent un
environnement qui sollicite la participation du spectateur.
Eléments de l’installation : boîtes métalliques, des tonnes de vêtements, des néons, de petites ampoules électriques,
des hauts parleurs, une grue.
2/ SITUER
- L'auteur : Christian BOLTANSKI est né en 1944, à Paris, à la fin de la Seconde Guerre mondiale d'un père juif
d'origine russe et d’une mère corse chrétienne. Pendant deux ans son père a vécu caché sous le plancher familial
pour échapper aux nazis, Christian Boltanski a donc été conçu pendant cette période de cache et raconte que son
père en est sorti la première fois pour aller déclarer son fils à la mairie et l’a nommé : Christian, Liberté.
Il est resté marqué par le souvenir de l'Holocauste.
Boltanski commence à peindre en 1958. Il se tourne vers l’installation à partir de 1976. Il développe une œuvre où
se mêlent réalité et fiction.
Au début, il constitue une mythologie personnelle autour de son enfance reconstituée et mise en scène. Il
s’intéresse ensuite à un passé plus collectif, expose des photographies, des vêtements ayant appartenu à des
personnes anonymes et fait référence aux évènements tragiques de l’histoire.
La mémoire, l’existence et la disparition sont les thèmes récurrents de sa démarche.
- Contexte historique, politique : Pendant la deuxième guerre mondiale (1939-1945), l'Allemagne d'Hitler occupe une
grande partie de l’Europe. Les nazis mettent en place un gigantesque système de camps où les prisonniers
travaillent, les juifs et les hommes considérés comme inférieurs sont éliminées dans les chambres à gaz : c’est le
génocide (Shoah), qui a fait au moins 60 millions de morts. A la fin de la guerre et avec la découverte des camps, le
traumatisme est très grand dans le monde entier.
- Contexte artistique : Dans les années 1960 apparaissent les premières œuvres "éphémères", constituées d'objets,
de mouvements, de sons et parfois du corps de l'artiste (performances). Elles sont liées à des lieux particuliers et
peuvent même exister dans des paysages reculés et fusionner avec la nature (land art). Elles deviennent ensuite
"interactives"et cherchent à immerger le spectateur dans un environnement visuel, sonore, tactile et sensoriel.
Utilisant des matériaux, des supports et des technologies nouveaux, la pratique de l'installation a envahi le monde
de l'art actuel.
3/ DECRIRE
Il s'agit d'une installation visuelle et sonore, réalisée dans la nef du Grand Palais, vaste espace de 13 500m2.
Quand ils entrent dans le Grand Palais, les spectateurs doivent d’abord contourner un mur de casiers rouillées
numérotés (il s'agit de boîtes de biscuits ). Que contiennent les boîtes ? On ne le saura pas ... Notre imagination est,
dès le début, sollicitée. Le spectateur doit contourner le mur et commencer sa déambulation.
Il arrive dans une immense salle : par terre, 69 espaces rectangulaires sont alignés sur trois rangées le long de la nef ;
chacun de ces espaces est recouvert de vêtements posés à plat au sol, face contre terre. Ils composent une sorte de
« plate-bande », avec des passages sur lesquels on peut marcher. Ces périmètres sont encadrés, à leurs angles, de
poteaux parfois équipés d’enceintes. Ils sont surplombés de néons de façon rigoureusement identiques et disposés
de façon symétriques à la même hauteur. L’ensemble constitue un dispositif figuratif évident qui rappelle le camp de
concentration ou le camp d’extermination nazis.
Au centre de la nef se trouve une montagne de vêtements(une quinzaine de mètres) ; à son sommet, un grappin
prélève quelques-uns de ces vêtements, les soulève dans les airs avant de les relâcher. La grue est infatigable : elle
en prend une poignée, les rejette... Avec des grincements lancinants .
Dans tout l'espace, des haut-parleurs diffusent l'enregistrement des battements de cœurs, évoquant aussi le bruit
des trains sur leurs rails.
4/ INTERPRETER
- Le titre « personnes » a un double sens : il renvoie à toutes les personnes qui sont évoquées par les vêtements, les
battements de cœurs. Mais elles sont absentes, il n’y a personne.
Personnes est une création à caractère éphémère. Selon la volonté de l’artiste, les éléments qui la constituent seront
recyclés à l’issue de l’exposition.
- Les carrés de vêtements forment des carrés de couleurs, comme des toiles abstraites. Ils font référence au passé; à
la mémoire des gens qui les ont porté, comme les boîtes de biscuit rouillées, sortes de boîtes d'archives et
l’enregistrement audio, manière de garder en mémoire des sons passés. Les carrés de vêtement évoquent aussi des
tombes comme dans un immense cimetière et les boîtes en fer des urnes funéraires. L'œuvre nous fait réfléchir sur
la vie, la mémoire, la mort, le hasard de la destinée. Elle est une sorte d’interprétation contemporaine du Jugement
dernier.
- La grue prend des vêtements au hasard pour les emmener en hauteur. Certains passent au travers des mailles du
filet. D’autres non. Pour Boltanski, chaque vêtement représente une personne. C’est donc des vies que la grue
prend ou non. Tel est le hasard de la destinée de chaque personne.
Boltanski souhaite que le spectateur se sente oppressé dans son installation et éprouve d’autant plus le besoin de
retourner à la vie de l’extérieur du grand Palais.
De part notre culture personnelle, le tas de vêtement nous fait penser à la Shoah. Aux Nazis qui empilaient en tas
immenses les habits des Juifs et leur corps à part. Cette œuvre transforme l’ensemble du bâtiment par la création
d’une ambiance particulièrement émouvante. Sous la Nef du Grand Palais, le visiteur est complètement immergé
dans l’œuvre. Elle constitue comme une promenade à effectuer.
Christian Boltanski a voulu que l’exposition se passe en hiver et n’a pas voulu de chauffage. Il explique que le visiteur
ne peut être un simple spectateur, il est dans l’œuvre à l’intérieur physiquement et psychiquement « Le froid fait
partie de l'expérience, comme le bruit pénible des haut-parleurs. "Personnes" n'est pas une exposition qu'on visite,
mais un univers dans lequel on erre.»
Tous les sens sont sollicités. Le corps, la voix du déambulateur sont englobés dans l’installation. Le but consiste à
donner des émotions sans qu’il y ait de réponse aux questions que chacun se pose, l’essentiel est dans le
questionnement pas dans les certitudes.
5/ CONCLURE
En quoi cette œuvre témoigne-t-elle d'une époque ? En quoi est-elle importante aujourd'hui ?
Cette œuvre doit être appréhendée dans sa globalité si l’on veut en saisir l’essence même.
Comme le dit Christian Boltanski, l’art est affaire d’émotions. L’artiste a voulu une installation éprouvante, presque
pénible, qui donne envie de fuir. « Le fait d’avoir froid, d’être angoissé et bouleversé, de chercher la sortie, de vouloir
retrouver la vie à tout prix, est une expérience originale, prélevée sur le cœur vivant de l’œuvre. […] Cette installation
est conçue pour produire un puissant sentiment d’oppression. Il s’agit d’une expérience dure et je suis convaincu que
les gens éprouveront un soulagement en sortant. »
Elle s’inscrit pleinement dans sa quête impossible, celle de garder trace du passage de chaque être humain. Cette
volonté de redonner humanité, singularité aux masses disparues.
Boltanski est parvenu, avec Personnes, à ériger un monument fragile mais très fort pour exprimer la détresse des
morts et des survivants.
6/ SOURCES
http://data.over-blog-kiwi.com/0/56/37/77/20140318/ob_9cf162_personnes-prof.pdf
http://www.youtube.com/watch?v=6O_q8GbZ7qE&list=PLE8857B780FC31693
https://dnbhistoiredesarts.wordpress.com/2011/08/24/personnes-christian-boltanski/