Décembre 1942 Forteresse Norvège

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Décembre 1942 Forteresse Norvège
Décembre 1942
14 – Europe du Nord
Forteresse Norvège
6 décembre
Le Grand Cirque
Lille – La zone industrielle est la cible de 36 bombardiers, B-17 et B-24, malgré le mauvais
temps. Ce dernier est responsable d’une collision entre deux B-17, qui ne laisse pas un seul
survivant. Il est aussi à l’origine l’une large dispersion des bombes, qui font à nouveau de
nombreuses victimes civiles. Dans les nuages, six B-24 se retrouvent séparés du troupeau et
sont assaillis par des Fw 190, mais un seul est abattu. Les cinq autres, bien que criblés de
plomb, réussissent à rentrer.
7 décembre
8 décembre
9 décembre
10 décembre
11 décembre
12 décembre
Le Grand Cirque
Nord de la France – Sur 65 bombardiers américains partis attaquer Lille, 48 doivent renoncer
à leur mission en raison du mauvais temps. Seules 17 quadrimoteurs s’obstinent et attaquent
un objectif secondaire, la gare de triage de Rouen. Ces appareils sont pourchassés dans les
nuages par des Fw 190 et des Bf 109, qui en endommagent cinq et en abattent deux. L’un de
ceux-ci, un B-17F tout neuf nommé Wulf Hound, se pose dans un champ et est capturé en
assez bon état. Il sera par la suite transféré à Rechlin, où il sera utilisé à partir de juillet pour
déceler les faiblesses des Forteresses.
20 décembre
Le Grand Cirque
Romilly-sur-Seine – Le grand dépôt et atelier de la Luftwaffe est attaqué par 101
bombardiers. Les Spitfire d’escorte ne peuvent dépasser Rouen et font demi-tour, laissant les
bombardiers à la garde de 55 P-38F. C’est alors que les chasseurs allemands – environ 120
appareils – passent à l’attaque. Seuls face aux Fw 190, les P-38F sont taillés en pièces : 27
sont abattus en échange de 11 Fw 190. Pendant ce temps, la bataille fait rage autour des
bombardiers, mais les tactiques allemandes sont inadaptées. Seuls quatre quadrimoteurs sont
abattus jusqu’à l’arrivée de huit Fw 190 commandés par Egon Mayer, qui abattent trois autres
bombardiers en deux passes avant que les Américains ne retrouvent la protection des Spitfire.
De plus, 44 B-17 et B-24 sont endommagés, dont six seront déclarés irréparables.
21 décembre
22 décembre
23 décembre
24 décembre
Opération Serp
Un Noël de Résistants
Grand Nord norvégien – Le sous-marin soviétique M-173 fait surface à deux cents mètres
du rivage du Syltefjord, un fjord de 16 km de long de la commune de Båtsfjord, dans la
péninsule de Varanger, à 80 km environ au nord de Kirkenes. En cette veille de Noël, en guise
de cadeaux pour la Résistance norvégienne, il transporte trois hommes : deux Norvégiens,
Ingvald Mikkelsen, de Komagvaer, près du village de Kiberg, dans le Finnmark, et Ingolf
Aspås, de Tromsø, et un radio-télégraphiste russe nommé Volodni Omsk, de son vrai nom
Vladimir Tshishevsky. Ces trois agents ont été entraînés pour s’infiltrer dans le nord de la
Norvège, épier le trafic maritime allemand et envoyer leurs rapports à Mourmansk.
Cependant, ce n’est pas dans ce but qu’ils débarquent aujourd’hui ; ils ont une nouvelle
mission, encore plus secrète et prioritaire !
………
Quarante-cinq Norvégiens environ font alors partie des services de renseignement soviétiques.
Certains d’entre eux rapportent à la section de renseignement de la Flotte du Nord, tandis que
d’autres travaillent pour le GRU ou le NKVD. Ils ont été recrutés dans un groupe de plus de
cent personnes, dont une trentaine d’enfants, qui ont émigré en URSS au début de la guerre,
pour la plupart à l’automne 1940. Beaucoup sont de Kiberg ou d’autres villages de la
péninsule de Varanger, mais certains viennent de Sør-Varanger.
La plupart sont des communistes convaincus ou des “compagnons de route” du Parti, mais ce
n’est pas seulement par idéologie et par admiration pour l’Union Soviétique que ces gens ont
fui leur pays. Beaucoup ont de très bonnes raisons de redouter les Allemands, surtout après
l’interdiction du PC norvégien, le 16 août 1940 (en dépit du Pacte germano-soviétique). Les
conditions socio-économiques ont aussi joué un rôle. Les pêcheries locales étaient en pleine
crise depuis le début de la guerre, en avril 1940. Pour les jeunes gens aventureux et
connaissant bien les approches de la côte soviétique, les probabilités d’émigration étaient
élevées !
Les services de renseignement soviétiques ont été ravis de recruter des exilés norvégiens. Les
recrues devaient cependant prêter serment de ne jamais divulguer les secrets découverts
durant leur activité. Ce serment incluait une menace : « Je sais que la punition infligée par
l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques m’atteindrait où que je sois dans le monde si
je venais à trahir ma parole ». Ni Mikkelsen ni Aspås n’en ont l’intention !
Ingvald Mikkelsen, 34 ans, a rejoint l’URSS en octobre 1940 ; il a déjà participé à trois
missions d’infiltration. Ingolf Aspås, 35 ans, est l’ancien président de l’association des
chômeurs de Tromsø ainsi que le secrétaire de la cellule de Tromsø du PC norvégien. Lorsque
les Allemands ont occupé la Norvège, il ne s’est pas laissé leurrer par l’existence du pacte
Ribbentropp-Molotov. Au contraire, il a écrit un article dans le quotidien Nordlys, où il
pressait tous les membres du Parti de « soutenir le gouvernement légitime du Premier ministre
Nygaardsvold [réfugié en Angleterre] aussi activement que possible, tant militairement que
dans le domaine civil ». Et lorsque les Allemands se sont lancés à ses trousses, il a fui vers
l’URSS par Kiberg.
Quant à Tshishevsky, il est considéré comme l’un des meilleurs radios de la Flotte du Nord. Il
est devenu un manipulateur morse expérimenté et rapide avant la guerre, alors qu’il travaillait
sur un chalutier.
………
Le débarquement de Noël est hasardeux – trois hommes et un équipement encombrant à
déposer sur le rivage malgré une mer agitée… Le commandant du sous-marin observe,
inquiet, le canot transportant Aspås et Mikkelsen, puis Tshishevsky, avec tout leur matériel…
Finalement, les trois hommes, trempés et frigorifiés, mais quittes pour la peur, atteignent la
côte. Tandis que le M-173 quitte le Syltefjord, ils s’installent dans une grotte près du sommet
de la colline de Munken.
25 décembre
Opération Serp
Un Noël de Résistants
Grand Nord norvégien – Le commando débarqué la veille réussit à entrer en contact avec un
partisan nommé Gudvar Olsen, à Persfjorden. Ce dernier est en relations avec les seuls
habitants permanents de la région, Alfhild et Andreas Bruvoll, un couple sans enfant vivant à
Sundet, un port naturel. Les Bruvoll acceptent de ravitailler le commando en nourriture,
même si cela ne sera ni facile, ni sans danger !
26 décembre
27 décembre
28 décembre
29 décembre
Des poids lourds dans les fjords
Mer du Nord – L’opération Rochade (Roque) a pleinement réussi !
Le cuirassé Tirpitz et le croiseur de bataille Scharnhorst, la fleur de la Kriegsmarine, sont
arrivés sans encombre en Norvège. En échange – c’est le roque – l’Admiral Scheer est
parvenu à Kiel et va participer, dès que le dégel le permettra, au contrôle de la Baltique. Un
temps constamment bouché a permis aux grands bâtiments et à leurs escorteurs d’aller sans
faire de mauvaise rencontre de Kiel à Bergen et Trondheim.
A la grande satisfaction d’Hitler, la Norvège retrouve ainsi une présence navale allemande
relativement redoutable, pour le cas où les Alliés tenteraient une opération amphibie contre la
fameuse Route du Fer. Si cette dissuasion est la principale raison d’être du Tirpitz à Bergen,
l’interdiction de la route des convois arctiques vers Mourmansk n’est pas négligée. C’est la
mission du Scharnhorst, basé plus au nord, à Trondheim, ainsi que celle d’une flottille d’Uboots et de quelques escadrilles de la Luftwaffe.
La Kriegsmarine en Norvège au 30 décembre 1942
A Bergen
– BB Tirpitz (vice-amiral Otto Ciliax)
– 6e Flottille de destroyers (Kptn z.See Schulze-Hinrichs) : DD Z-14 Friedrich Ihn, Z-15
Erich Steinbrinck, Z-29
– 2e Flottille de torpilleurs : T-3, T-9, T-15, T-16.
………
A Trondheim
– BC Scharnhorst (contre-amiral Erich Bey)
– 8e Flottille de destroyers (Kptn z.See Pönitz) : DD Z-4 Richard Beitzen, Z-5 Paul Jakobi, Z7 Hermann Schoemann.
– 3e Flottille de S-Boots (venant de Baltique, où elle doit retourner au printemps)
– Navires de servitude, dragueurs (R-boots ou autres), etc.
La Kriegsmarine en Baltique au 30 décembre 1942
– CA Admiral Scheer (vice-amiral Oskar Kummetz)
– CA Lützow
– CA Seidlitz
– CL Nürnberg
– CL Leipzig [vitesse maximum réduite à 24 nœuds]
– 3e Flottille de destroyers (Kptn z. See Gadow) : DD Z-6 Theodor Riedel, Z-23, Z-26
– 4e Flottille de destroyers : DD Z-16 Friedrich Eckoldt, Z-30, Z-31
– 7e Flottille de destroyers : DD Z-32, Z-37
– 1ère, 3e, 7e et 8e Flottilles de torpilleurs : T-7, T-8, T-10 ; T-11, T-17, T-18 ; T-20, T-21 ; T22, T-23, T-24 [ces trois derniers sont des “torpilleurs d’escadre” qui mériteraient d’être
considérés comme des destroyers]
– 1ère et 2e Flottilles de S-Boots
– Navires de servitude, dragueurs (R-boots ou autres), etc.
La Kriegsmarine aux Pays-Bas, en Belgique, en France et en Mer Noire
– A Brest ou à La Pallice : 5e Flottille de destroyers, Kptn z. See Berger : Z-10 Hans Lody et
Z-20 Karl Galster
– Au Havre : 5e et 6e Flottilles de torpilleurs : T-2, T-4, T-14, T-19 ; Falke, Greiff, Kondor
– A Dunkerque ou à Ostende : 4e Flottille de torpilleurs : T-5, T-12, T-13 et Jaguar
– Au Havre, à Dunkerque ou à Ostende : 4e, 5e et 6e Flottilles de S-Boots
– A Toulon : 7e Flottille de S-Boots (et 9e Flottille de S-Boots prévue en mai-juin 1943)
– En Mer Noire : 8e Flottille de S-Boots.
Flottille destinée à l’entraînement, basée à Gotenhafen (Gdynia)
– Vieux cuirassés Schlesien et Schleswig-Holstein [pouvant appuyer des unités terrestres]
– CL Emden
– Torpilleurs T-1 et Möwe.
Navires en construction
– Le destroyer Z-33 sera opérationnel en février 1943 ; il rejoindra la 7e Flottille.
– Les destroyers Z-34, Z-38 et Z-39 seront opérationnels en juin, mars et août 1943.
– Les destroyers Z-35, Z-36 et Z-43 seront achevés à la fin de 1943 ou au début de 1944.
– Les sept “torpilleurs d’escadre” T-25, T-26, T-27, T-28, T-29, T-30 et T-31 : seront mis en
service courant 1943 ou début 1944.
30 décembre
Le Grand Cirque
Lorient – La base sous-marine est la cible de 77 B-17, mais 37 doivent renoncer en raison du
givrage ou de pannes d’équipement dues au froid et seuls 40 parviennent sur l’objectif. Ces
avions utilisent pour la première fois en Europe du Nord la formation défensive élaborée par
un colonel de 36 ans, Curtis LeMay.
« LeMay était l’un des officiers de l’USAAC engagés dans les unités de l’Armée de l’Air
sous la couverture d’un engagement dans la Légion Etrangère. Après l’entrée en guerre des
Etats-Unis, il avait retrouvé son uniforme initial (avec un galon de plus), mais il était resté en
Méditerranée quelques mois et avait participé à l’organisation de l’opération Blowlamp.
Rappelé aux Etats-Unis pour être nommé colonel et prendre le commandement du 305th
Bomber Group, il avait étudié avec le plus grand intérêt les comptes-rendus de Blowlamp.
Ayant retraversé l’Atlantique avec ses bombardiers à l’automne, lorsque son Group avait été
déployé en Angleterre, il rédigea un rapport circonstancié proposant au commandement de la
9th AF de s’inspirer de ce qui s’était fait en Méditerranée pour perfectionner la tactique
employée jusque-là par les bombardiers lourds de l’USAAF.
Il fut décidé d’évaluer l’intérêt des recommandations de LeMay lors de certaines missions audessus de la France. Le 30 décembre 1942, les B-17 engagés adoptèrent donc une formation
plus serrée qu’auparavant – d’où le nom de “box” qu’on devait lui donner par la suite. De plus
(et peut-être surtout), cette formation était couverte par des chasseurs à long rayon d’action.
Pour cette première mission, environ deux douzaines de P-38G du 55th Fighter Group avaient
pu accompagner les 40 B-17 jusqu’à Lorient. La tactique prouva immédiatement son intérêt :
malgré l’intervention de plus de 50 chasseurs allemands, seuls deux bombardiers furent
abattus, ainsi que trois P-38, trois Bf 109 et un Fw 190 – un échange clairement défavorable à
la Luftwaffe.
Incidemment, tous les B-17 du 305th BG engagés faisaient partie des 40 qui avaient bravé le
givre et le froid. Il est vrai que LeMay (qui était évidemment dans l’avion de tête) avait
prévenu ses hommes depuis déjà plusieurs missions : tout équipage dont l’avion décollerait
mais n’arriverait pas jusqu’à l’objectif passerait en cour martiale.
Cependant, dans un premier temps, l’état-major de l’USAAF ne retint de l’expérience que la
densité de la formation en box. Il allait envoyer pendant plusieurs mois des bombardiers sans
escorte au-dessus de l’Allemagne, jusqu’à ce que les pertes imposent la présence de chasseurs
d’escorte, qui devaient être alors le plus souvent des P-47 et des P-51. »
(La Guerre Aérienne – 1939-1945, par Patrick Falcon, op. cit.)
31 décembre