Quelques données clés du Rapport de l`Etude L`INTOXICATION AU
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Quelques données clés du Rapport de l`Etude L`INTOXICATION AU
Quelques données clés du Rapport de l’Etude L’INTOXICATION AU PLOMB CHEZ LA FEMME ENCEINTE DANS L’OUEST GUYANAIS : PREVALENCE ET CONSEQUENCES OBSTETRICALES Contexte En mai 2011, une petite fille de 3 ans était hospitalisée au Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais (CHOG) puis au Centre Hospitalier Andrée Rosemon (CHAR) à Cayenne suite à une intoxication massive au plomb. Cet épisode a déclenché un certain nombre d’investigations conduites par la CIRE et l’ARS Guyane, dans le secteur de Charvein (entre St-Laurent du Maroni et Mana), lieu de résidence de cette enfant. L’étude conduite dans 6 maisons a mis en évidence une forte imprégnation au plomb de ses habitants: 48 % de l’ensemble des habitants (21/44) et 93 % des enfants de moins de 7 ans (13/14) présentaient des taux sanguin de plomb supérieurs à 100 μg/l (seuil de définition du saturnisme en France jusqu’au 16 juin 2015, depuis abaissé à 50 μg/L). Recommandations nationales pendant la grossesse et groupe de travail Les recommandations du Ministère de la santé (2006) préconisent d’évaluer le risque de saturnisme au 4ème mois de grossesse. Un groupe de travail sur le plomb a été constitué à Saint Laurent du Maroni. Un de ses objectifs est de participer à l’amélioration des connaissances sur le niveau d’imprégnation au plomb des populations de l’ouest guyanais, sur les causes des intoxications au plomb et leurs conséquences pour la santé. Présentation de l’étude Le principal intérêt de cette étude est d’améliorer les connaissances sur le niveau d’imprégnation au plomb de la population des femmes accouchant à la maternité de Saint-Laurent du Maroni et d’identifier les facteurs individuels associés à des taux de plombémie élevés (facteurs socio-économiques, lieu de vie, alimentation, géophagie, carence en Fer…). L’ensemble de ces connaissances permettront de participer à l’élaboration des recommandations pour le dépistage et le suivi des femmes enceintes, des nouveaux nés et des enfants en Guyane. Le second intérêt de cette étude est d’étudier l’impact de l’imprégnation au plomb sur le déroulement de la grossesse et sur le fœtus dans le contexte de l’ouest guyanais. Il s’agit d’une étude descriptive (non interventionnelle), transversale, monocentrique et anonyme. La population d’étude correspond aux femmes accouchant à la maternité du CHOG, ayant eu au moins un dosage de plomb pendant leur grossesse. Résultats de l’étude L’étude s’est déroulée de septembre à novembre 2013. Sur la période d’étude 613 femmes ont accouché au CHOG et 531 femmes ont été incluses dans l’étude soit un taux de participation de 86,6 %. Dans notre étude, 25,8 % et 5,1 % de la population des femmes ayant accouché au CHOG ont eu une plombémie au cours de leur grossesse, respectivement, ≥ 50 μg/L et ≥ 100 µg/L. Nous observons que la moyenne géométrique de la plombémie dans la population des femmes enceintes dans l’ouest guyanais est environ le double de celle observée en France métropolitaine 10 ans auparavant (rappelons que les niveaux de plomb en France décroissent, la prévalence du saturnisme chez l’enfant a été divisée par 20 entre 1995-1996 et 2008-2009). Les facteurs associés à des taux de plombémie élevée retrouvés dans cette étude sont : la langue maternelle « nenge tongo » Plombémie moyenne est de 37,3 µg/L chez les femmes parlant le nenge tongo versus 18,5 µg/L pour les femmes dont le français est la langue maternelle (p<10-3). le lieu de vie principal, notamment le Les plombémies les plus élevées sont retrouvées chez les femmes vivant en amont du fleuve long du fleuve Maroni Maroni avec des plombémies moyennes de 59,8 µg/L et 49,4 µg/L pour les femmes vivant à Grand Santi et Apatou contre 30,5 µg/L pour celles vivant à St Laurent du Maroni (p<10-3). Les femmes vivant à Apatou et Grand Santi sont 53,1 % et 61,9 % à avoir une plombémie maximale ≥ 50 µg/L versus 21 % pour celles de St Laurent (p<10-3). le faible niveau d’étude Les femmes n’ayant pas été scolarisées ont une plombémie en moyenne de 45,1 µg/L contre 19,7 µg/L chez celles ayant fait des études supérieures (p<10-3). le faible niveau de revenu Les femmes ayant déclaré ne pas avoir assez d’argent pour vivre sont 36 % à avoir une plombémie ≥ 50 μg/L contre 19,3 % des femmes ayant déclaré avoir suffisamment d’argent pour vivre (p<10-3). la consommation régulière de dérivés La plombémie maximale moyenne augmente progressivement de 27,2 µg/L à 40,4 µg/L selon que du manioc : nous observons une la consommation de couac varie de « jamais » à « journalier » (p<10-3). Elles sont alors 36 % des relation « dose-effet » avec la participantes à avoir une plombémie maximale ≥ 50 μg/L lorsque la prise de couac est quotidienne consommation de couac. (p<10-3). La participation à la cuisson du couac L’imprégnation au plomb est plus marquée lorsque le couac provient d’une fabrication personnelle durant la grossesse (plombémie maximale moyenne de 55,8 μg/L) et lorsque la femme enceinte participe à la cuisson du couac (plombémie maximale moyenne de 49,6 μg/L, p<10-3). La consommation hebdomadaire de Nous observons une tendance similaire entre une imprégnation plus élevée au plomb et la gibier consommation régulière de gibier (p<10-3). La consommation journalière d’eau Seule la consommation d’eau de pluie apparaît statistiquement liée à une imprégnation au plomb. de pluie 84,6 % des femmes de notre étude présentent au moins un de ces facteurs de risque. Ces résultats encouragent les acteurs de l’ouest guyanais à assurer un repérage systématique des risques de saturnisme chez les femmes enceintes dans l’ouest guyanais et à prescrire largement un dosage de plomb en début de grossesse. Dans cette étude nous ne retrouvons pas de lien statistiquement significatif entre le niveau de plombémie élevée et les complications obstétricales, telles que HTA gravidique, pré-éclampsie, RCIU. Toutefois nous observons un lien entre l’antécédent d’HTA et un niveau de plomb plus élevé pendant la grossesse (50,7 μg/L en moyenne, versus 32,9 μg/L, p=0,007). Nous observons également une tendance à un taux de plombémie plus élevé chez les femmes ayant une pathologie vasculaire au cours de la grossesse (RCIU ou HTA gravidique ou pré-éclampsie/éclampsie), sans que toutefois ce résultat ne soit significatif (p=0,15). Calcium et plomb pendant la grossesse : quelle efficacité démontrée ? Au cours de la grossesse, le calcium maternel est utilisé afin de permettre le développement du squelette du nouveau-né. La quantité de calcium utilisée est estimée à 300 mg/j durant la grossesse et 210 mg/j durant l’allaitement. Afin de pallier à ces besoins accrus, des mécanismes physiologiques sont modifiés : absorption intestinale et l’excrétion urinaire du calcium ainsi que le remodelage osseux. Le plomb est semblable au calcium dans ses caractéristiques physico-chimiques. Il peut ainsi se substituer au calcium afin de diffuser dans tout l’organisme. Ce serait par ce mécanisme qu’il aurait une action lors de la grossesse. En effet, la majorité du plomb et du calcium est stockée au niveau des os. Pendant la grossesse, le calcium intra-osseux est mobilisé, afin de répondre aux besoins, pouvant ainsi entraîner une déminéralisation osseuse. Ce remaniement osseux a lieu même pour les femmes n’ayant pas de déficit et d’autant plus important pour les femmes ayant un déficit en calcium. Or, la déminéralisation osseuse est l’un des facteurs de relargage du plomb intra-osseux dans l’organisme à l’origine d’une majoration de la plombémie maternelle, à son tour néfaste pour le fœtus ou le nourrisson, du fait de la diffusion du plomb à travers le placenta et le lait. Une étude portant sur 670 femmes enceintes au Mexique en 2003 a montré les effets bénéfiques de la supplémentation en calcium comme moyen de prévention contre le saturnisme. Lors de cette étude en double aveugle randomisée, 336 femmes ont reçu une supplémentation de 1200 mg de calcium et 336 ont reçu un placebo. La moyenne géométrique du taux de plomb était de 38 µg/L chez les femmes supplémentées et de 41 µg/L chez les femmes avec placebo (p=0,05). Lors du premier trimestre, il a été observé une diminution de 11 % du taux de plomb chez les femmes supplémentées par rapport aux femmes ayant reçu le placebo. Lors du deuxième trimestre, cette diminution était de 14 % (p <0,001) et pour le troisième trimestre de 8 % (p=0,11). Cette diminution augmentait avec la compliance des femmes à prendre le traitement allant jusqu’à 24 % lorsque le traitement était à 75 % pris (p <0,001). D’autres études montrent une diminution de la plombémie et des concentrations du plomb dans le lait maternel du fait d’une supplémentation en calcium durant la grossesse et l’allaitement. L’intérêt de la supplémentation calcique est reconnu et fait l’objet de recommandations durant la grossesse et l’allaitement. Aux USA, le CDC préconise un apport en calcium de 2 g/j pour les femmes ayant une plombémie ≥ 50 µg/L ou un antécédent de plombémie ≥ 50 µg/L . En France, l’apport calcique doit être d’au moins 1,2 g/j en cas de carence calcique quelle que soit la plombémie et en cas d’allaitement si la plombémie maternelle est > 100 µg/L.