Les difficultés de recrutement en Alsace, aujourd`hui et demain

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Les difficultés de recrutement en Alsace, aujourd`hui et demain
Avis
« Les difficultés de
recrutement en
Alsace, aujourd’hui
et demain »
20 novembre 2000
Vu la Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés
des communes, des départements et des régions,
Vu la Loi n°86-16 du 16 janvier 1986 relative à l’organisation des
régions,
Vu la Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration
territoriale de la République,
Vu la décision d’autosaisine du Bureau du Conseil Economique
et Social d’Alsace, en date du 29 février 2000,
Vu le projet d’avis transmis par les Commissions
« Développement Economique et Social » et « Formation » du CESA le
16 novembre 2000,
Vu la décision du Bureau du CESA en date du 20 novembre
2000,
Monsieur Joseph ZORGNIOTTI, rapporteur, entendu
LE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL D’ALSACE
EMET L’AVIS SUIVANT :
POUR :
57
CONTRE :
7
ABSTENTION :
0
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INTRODUCTION
Le retour de la croissance est aujourd’hui source de tensions
significatives sur le marché de l’emploi en Alsace, alors que pendant de
nombreuses années, la demande d’emploi a été nettement supérieure
à l’offre. La longue période de crise que nous avons connue, a eu pour
effet d’exclure de nombreux salariés de l’activité économique et
d’empêcher un grand nombre, en particulier des jeunes, d’être intégrés
socialement par le travail. Par ailleurs, la formation générale des jeunes
s’est élevée pour répondre à la demande de qualification formulée,
notamment par les entreprises, et pour permettre de réguler le nombre
de chômeurs.
Malgré la reprise, près de 62 300 demandeurs d’emploi restent inscrits
dans les agences de l’ANPE, fin septembre 2000, dont 38 300
personnes à la recherche d’un CDI à temps plein (catégorie 1).
Favoriser l’accès à l’emploi et l’intégration sociale par le travail de cette
population est un défi collectif majeur, qui peut être relevé aujourd’hui
plus facilement du fait d’une conjoncture plus favorable.
Les difficultés de recrutement ont des conséquences sur l’activité de
certaines entreprises et leurs délais de réactivité pour répondre aux
demandes des clients. Leurs capacités de production peuvent se
trouver bridées et leurs projets de développement revus à la baisse,
voire abandonnés.
Si la croissance actuelle de l’économie et la réduction du temps de
travail sont sources de tensions sur le marché du travail, celles-ci
seront accentuées, à plus long terme, par l’évolution démographique :
départ en retraite des classes d’âges issues des années d’après guerre
et leur remplacement par les générations issues des classes
« creuses » à partir des années 2005/2010. La proximité des marchés
du travail allemands et suisses, confrontés de manière plus précoce à
ce phénomène démographique, accentuera nos difficultés en Alsace.
Cette situation, interpelle les partenaires sociaux, les collectivités
territoriales et l’Etat. Le Conseil Economique et Social d’Alsace a fait
sienne la préoccupation des difficultés de recrutement à l’occasion
d’une auto-saisine décidée par son Bureau, le 29 février 2000.
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Le CESA s’est fixé plusieurs objectifs :
- constater et analyser les difficultés de recrutement ;
- identifier les leviers sur lesquels agir efficacement, à court,
moyen et long termes ;
- formuler des propositions à l’attention des collectivités
territoriales et des services de l’Etat, de leurs établissements
publics respectifs, ainsi que des partenaires sociaux.
A cette fin, il a adopté une démarche d’analyse fondée sur une étude
statistique, confiée à l’OREF, et sur des auditions d’acteurs
socioprofessionnels et institutionnels. De nombreuses propositions ont
été formulées parmi lesquelles le CESA n’a retenu que celles relevant
de son champ de compétences.
Les résultats de ces travaux sont présentés en deux parties
complémentaires : la première revient sur le constat et l’analyse des
difficultés de recrutement (I- DIAGNOSTIC), la seconde énonce les
propositions du CESA (II- PROPOSITIONS).
I- DIAGNOSTIC
De 1990 à 1998 l’emploi a progressé de 6,2 % en Alsace. Cette
progression s’est encore accélérée à partir de 1998, avec une
augmentation moyenne annuelle de 1,8 %. Portée principalement par
l’industrie automobile, les transports, la restauration, et les services aux
entreprises, cette croissance n’explique cependant, qu’une partie des
besoins de recrutement. Le renouvellement des effectifs, y compris
dans les secteurs où les effectifs sont en diminution (commerce de
détail, bâtiment, équipement mécanique,...), constitue une seconde
explication.
Le volume global des embauches et le taux de chômage en Alsace (de
5,5 % de la population active de catégorie 1 en Alsace, contre une
moyenne nationale de 9,5 %) ont mis en évidence trois données
principales :
- la qualification insuffisante ou inadaptée de certains
demandeurs d’emploi ;
- le marché du travail qui recèle des métiers considérés
comme peu attractifs par les demandeurs d’emploi ;
- l’exclusion des personnes les plus éloignées de l’emploi.
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Les caractéristiques des difficultés de recrutement et l’analyse des
freins à l’emploi constituent les deux volets du diagnostic réalisé.
1. Les Caractéristiques des difficultés de recrutement
Afin de repérer les secteurs confrontés à des difficultés de
recrutement, le CESA s'est attaché à étudier l’offre et la demande
d’emploi, pour identifier :
- les métiers déficitaires ;
- la nature des difficultés ;
- les entreprises les plus concernées ;
- les publics constituant un potentiel de main-d’œuvre ;
- les disparités géographiques entre les différents bassins
d’emploi.
1.1. Les métiers déficitaires
L’étude pilotée par l’OREF, réalisée grâce à la mobilisation de
nombreux partenaires institutionnels du secteur de l’emploi, a
distingué 23 métiers sur 466 identifiés au Répertoire Opérationnel
des Métiers et des Emplois, présentant des difficultés de
recrutement avérées.
Celles-ci concernent pour moitié des ouvriers et pour un tiers des
employés. Les besoins en personnel, concernant notamment les
métiers de niveau IV et V, demeurent importants.
Parmi les métiers de production, ce sont ceux du bâtiment
(ouvrier de maçonnerie, électricien du bâtiment et des travaux
publics,…), de la mécanique (ajusteur mécanicien, opérateurrègleur sur machine outil,…), de la métallurgie (chaudronnier
tôlier, soudeur,…), de l’industrie agroalimentaire (préparateur de
produit carnés, …) et de la restauration (cuisinier, …), qui sont les
plus sensibles.
Parmi les métiers de services, ce sont les emplois commerciaux
(représentant à domicile, attaché commercial en biens
d’équipements professionnels,…), de la restauration (employé
polyvalent de restauration, serveur) et de l’électronique /
informatique (informaticien d’études, interconnecteur matériel
électrique et électromécanique, …) qui sont les plus touchés.
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D’autres secteurs d’activités, tels que les métiers de la
maintenance et de la logistique, connaissent des difficultés. Le
secteur de la fonction publique, notamment hospitalière et
territoriale, n’est pas épargné par ces difficultés (cf. certains
métiers de l’entretien, du secteur sanitaire et social, comme par
exemple le métier d’infirmière, …).
1.2. La nature des difficultés
Les difficultés affectant les métiers déficitaires sont de nature
diverse. Si la classification proposée ci-dessous ne se veut pas
figer, elle présente cependant l’intérêt d’apporter une appréciation
qualitative sur ces difficultés. En effet, selon qu’elles soient
conjoncturelles ou structurelles, qualitatives ou quantitatives, elles
appellent des solutions différentes. Il convient de distinguer :
Les difficultés à caractère structurel et quantitatif, liées à
l’insuffisance des effectifs formés (sont par exemple concernés,
les métiers d’ouvrier qualifié du bâtiment, d’employé médical et
paramédical, …) ;
Les difficultés à caractère structurel et qualitatif, générant des
comportements de rejet de la part des personnes à l’entrée en
formation comme de la part des personnes formées (sont par
exemple concernés, les métiers de représentant à domicile, de
conducteur transport routier, …) ;
Les difficultés à caractère conjoncturel et quantitatif, liées à
l’émergence rapide d’importants besoins de main-d’œuvre sur des
missions de courte durée, ne laissant pas à l’appareil de formation
le temps d’adapter ses moyens (sont par exemple concernés, les
métiers de soudeur, d’informaticien, …) ;
Les difficultés à caractère conjoncturel et qualitatif, liées à la
présence de demandeurs d’emploi dont le niveau de qualification
ne correspond pas aux besoins requis pour certains emplois, ou
liées aux délais incompressibles d’adaptation de l’appareil de
formation aux besoins des entreprises (sont par exemple
concernés, les métiers de vendeur en équipement de la personne,
d’agent d’usinage des métaux, …).
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1.3. Les entreprises les plus concernées
Bien des entreprises rencontrent des difficultés de recrutement,
en raison notamment :
- des conditions d’emploi proposées :
* niveau des rémunérations et avantages sociaux ;
* contrat (à durée déterminée, de travail temporaire), statut
(contractuel, vacataire) ;
* contenu et organisation du travail ;
* conditions d’exercice des métiers.
- de la concurrence entre les entreprises en particulier entre les
entreprises de type artisanales et les autres ;
- de l’image dépréciée de certaines d’entre elles.
Par ailleurs, la gestion prévisionnelle des emplois insuffisante
voire inexistante, tant dans le secteur public que dans le secteur
privé, a pour conséquences des exigences professionnelles trop
élevées, un encadrement des postes de travail insuffisant, des
perspectives d’évolution interne incertaines.
Parmi les entreprises concernées, les TPE-PME éprouvent des
difficultés spécifiques supplémentaires, en raison des profils
recherchés, nécessitant davantage d’autonomie, de polyvalence,
voire de spécialisation technique.
1.4. Les publics constituant un potentiel de main-d’œuvre
Certains demandeurs d’emploi sont confrontés à des difficultés
particulières du fait de leur sexe, de leur origine, de leur parcours
personnel,…. Ces difficultés sont souvent cumulatives.
Il existe un potentiel important de main d’œuvre disponible en
Alsace parmi les catégories de demandeurs d’emploi : les
femmes, les personnes issues de l’immigration, les jeunes des
quartiers en difficultés, les étudiants sortant du 1 er cycle de
l’enseignement supérieur sans avoir obtenu de diplôme.
D’autres catégories, encore exclues du monde du travail
représentent également un potentiel : les personnes à faible
qualification, les adultes de plus de 50 ans, les personnes en
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contrat d’insertion, les bénéficiaires des minima sociaux, les
travailleurs reconnus handicapés.
1.5. Les disparités géographiques entre les différents bassins
d’emploi
Le faible taux de chômage régional masque des réalités très
contrastées selon les bassins d’emploi. Dans certains secteurs
ruraux, la précarité existe, même si elle est moins visible. Les
zones urbaines, mieux desservies en équipements et en
infrastructures ne sont cependant pas homogènes. Les zones
urbaines dites « sensibles » se caractérisent par un taux élevé de
chômage et une forte proportion d’allocataires du RMI.
Les bassins d’emplois situés en zones frontalières, en particulier
les bassins de Haguenau – Wissembourg au Nord et Saint-Louis
au Sud, présentent les taux de chômage les plus bas, du fait de
l’interpénétration des marchés du travail et de l’attractivité des
zones économiques de Karlsruhe et de Bâle. Les difficultés de
recrutement y sont plus prégnantes en raison de l’emploi, pour
des raisons financières, d’une partie de la population active
qualifiée ou non, dans les pays limitrophes.
2. Les freins à l’emploi en Alsace
Identifier les freins à l’emploi dans notre région a constitué une
étape importante du diagnostic. S’il s’avère délicat de rendre
compte de la complexité des mécanismes animant le marché du
travail, cette démarche préalable présente l’intérêt de mettre en
évidence les principaux leviers, sur lesquels agir.
2.1. Les freins inhérents aux métiers et à leur environnement
Parmi les freins inhérents aux métiers et à leur environnement,
certains sont apparus déterminants car cités de façon récurrente
par des sources diverses.
Les conditions de travail (pénibilité…), les rémunérations perçues,
les perspectives d’évolution de carrière ainsi que les rythmes de
travail (temps partiel, temps partagé, horaires décalés) proposés
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par certaines entreprises, sont des freins au recrutement, voire au
maintien en poste des salariés.
Le déficit d’information sur la nature de certains métiers,
notamment les métiers manuels de niveau V, leurs conditions
d’exercice et d’évolution induit une perception négative. Celle-ci
semble largement partagée par les jeunes, mais également par
les parents et les personnes en charge de l’orientation, qui
privilégient souvent les formations généralistes longues au
détriment des formations professionnelles. Ces métiers
connaissent également une désaffection au niveau de la
formation professionnelle continue, où de nombreux stages
enregistrent des effectifs incomplets, voire sont annulés, faute de
candidats.
La démarche de rapprochement de l’offre et de la demande,
pratiquée par l’ANPE, laisse encore nombre d’employeurs et
salariés insatisfaits, malgré les efforts déployés. L’insuffisance
des procédures d’évaluation des besoins au sein de l’entreprise,
et donc des compétences réellement recherchées par les
intermédiaires, est également évoquée.
2.2. Les freins inhérents aux dispositifs de formation
Le dispositif de formation a lui aussi été évoqué. Plusieurs
constats relatifs aux conditions d’organisation et de
fonctionnement ont permis d’identifier des freins majeurs au
recrutement :
- l’inadaptation des qualifications des demandeurs d’emploi
aux besoins des entreprises : avec l’augmentation globale des
offres d’emploi et la diminution corrélative du nombre de
demandeurs d’emploi, la probabilité de rencontrer des personnes
pas ou peu qualifiées, parmi les personnes encore disponibles,
augmente ;
- les délais et les conditions d’adaptation des formations aux
besoins des entreprises : ils demeurent longs et complexes, du
fait notamment, de la difficulté des employeurs publics et privés à
anticiper l’évolution de leurs besoins, mais également des
contraintes réglementaires et techniques encadrant la définition et
la mise en œuvre des programmes de formation ;
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- les modalités de recrutement : elles donnent encore la priorité
aux personnes immédiatement adaptées au poste à pourvoir,
sans utiliser la formation interne des salariés en place, qui reste
pourtant un moyen privilégié de construction des compétences, à
l’intérieur de l’entreprise.
- le manque de candidats à l’emploi issus des lycées
techniques et des lycées professionnels aussi bien que de
l’apprentissage :
* l’apprentissage au niveau V a des effectifs globalement
stagnants, voire en baisse dans certains secteurs
professionnels,
* les effectifs des lycées professionnels, longtemps stables,
viennent de connaître une forte baisse, qui ne s’explique que
pour une part modeste par la légère croissance des lycées
d’enseignement général ou technique.
Les départs vers la vie active semblent expliquer, en grande
partie, ces deux phénomènes. Par ailleurs, si le débauchage de
jeunes entrés en formation professionnelle s’amplifiait, il réduirait
les effectifs des diplômés de ces filières. Enfin, le CAP, référence
de base de nombreux métiers manuels, tend à être dévalorisé. En
effet, cette qualification est de plus en plus fréquemment
considérée comme un outil d’insertion au détriment de sa vocation
initiale de formation professionnelle.
2.3. Les freins connexes
Ces freins ne sont pas immédiatement associés à l’emploi.
Cependant, leur influence sur la disposition des personnes au
chômage à accepter une offre d’emploi, si elle est plus
difficilement perceptible, n’en demeure pas moins réelle.
Les freins immatériels
Ils ont une incidence soit sur la disposition d’un demandeur
d’emploi à accepter une offre, soit sur celle d’un dirigeant à
recruter un demandeur d’emploi :
- l’assimilation trop systématique, entre un métier et le
sexe masculin, a pour conséquence d’exclure les femmes
de certains postes de travail (cf. certains emplois industriels
ou du BTP, traditionnellement réservés aux hommes) ;
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- l’acceptation des différences, gage d’intégration d’une
personne dans une entreprise, une équipe de travail, est
encore trop faible. Or, quelle que soit leur origine, il semble
que cette difficulté soit un frein important au recrutement des
personnes issues de l’immigration ;
- les entreprises concernées par l’obligation d’emploi des
travailleurs handicapés et qui ont la possibilité d’offrir des
emplois adaptés à ces personnes, privilégient le versement
d’une contribution annuelle à l’AGEFIPH pour s’acquitter de
leur obligation ;
- le manque de repères de certains demandeurs d’emploi, la
méconnaissance des contraintes élémentaires de la vie en
société (respect de soi-même et acceptation de l’autre,
intégration au travail et respect de ses règles,…) constituent
un obstacle au recrutement de ces personnes ;
- la perception de l’Alsace, enfin, est trop souvent partielle,
voire partiale, ce qui nuit à l’attractivité de la région auprès
d’une main-d’œuvre en provenance d’autres régions.
Les freins matériels
Les contraintes matérielles associées à certains emplois influent
sur le mode de vie et sur le budget des demandeurs d’emploi.
Les facteurs de mobilité
Les conditions de déplacement ou de logement ont une
incidence directe sur l’acceptation d’une offre d’emploi.
Malgré les efforts réalisés par les collectivités territoriales,
l’insuffisance, voire l’absence, de transports collectifs dans
certains bassins d’emploi et entre bassins a été relevée.
L’organisation des différents modes de transport collectif et
de leur interconnexion reste imparfaite. Les aides publiques
consenties se limitent, en outre, souvent aux personnes en
recherche d'un emploi et ne bénéficient pas toujours à celles
ayant repris un travail ; or le coût du transport est un facteur
dissuasif pour l’acceptation des emplois les moins rémunérés.
Avec le transport, le logement est un facteur de mobilité fort
entre bassins d’emploi ; il est un vecteur contribuant à la
fluidité du marché du travail. Parmi les caractéristiques de la
situation alsacienne relevées par le CESA dans son avis sur
le logement (mai 2000), le prix élevé du logement en Alsace
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et un parc locatif relativement restreint, connaissant une faible
rotation et concentré dans les agglomérations, tout
particulièrement en matière de logement social, ont été
soulignés.
Les services de garde d’enfants
La question de la garde des enfants est incontournable pour
un nombre important de personnes susceptibles de prendre
ou de reprendre une activité professionnelle. Cette question
est trop souvent associée aux emplois féminins, alors qu’elle
devrait concerner les deux parents.
Parfois d’ordre financier, notamment pour les revenus
proches ou inférieurs au SMIC, les problèmes posés par la
garde d’enfants relèvent plus fréquemment des contraintes
horaires liés aux systèmes de garde et aux postes de travail.
L’insuffisance des structures existantes – du moins en milieu
urbain- et plus généralement l’absence d’une information
centralisée sur les places disponibles imposent des délais qui
empêchent fréquemment les candidats à répondre
favorablement et rapidement à des offres d’emploi ou à des
opportunités de formation. Les difficultés des parents isolés
se trouvent accrues.
Il se pose une question du même ordre pour la garde à
domicile de parents âgés / invalides.
La question des prestations sociales et des revenus de
remplacement
La complexité et les délais des procédures d’accès à ces
dispositifs en cas de perte d’un emploi ou d’arrivée du terme
d’un contrat sont des freins à l’acceptation de contrats de
travail à durée déterminée.
La perte immédiate ou différée de prestations sociales, en
cas de reprise d’activité à faible rémunération, peut être un
obstacle au retour à l’emploi.
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II- PROPOSITIONS
Les propositions qui suivent visent à remédier aux difficultés de
recrutement identifiées. Parmi celles-ci, le CESA a distingué les
propositions susceptibles d’avoir des effets à moyen et long terme des
propositions à plus court terme. Cependant, l’acuité des problèmes
rencontrés impose de s’engager dans les deux directions dès
aujourd’hui.
Trois priorités seront abordées successivement :
- intervenir sur la mise en relation entre offre et demande, et sur
les conditions du recrutement ;
- promouvoir la compétence, mobiliser la formation ;
- privilégier les bassins d’emploi, espaces de concertation et de
projet.
1. Intervenir sur la mise en relation entre offre et demande, et
sur les conditions de recrutement
Actions à court et moyen terme
1.1. Mieux évaluer les compétences des demandeurs d’emploi et
mieux définir les profils recherchés
Les critères pris en compte lors des recrutements, tant du côté de
l’offre que de la demande, ne sont pas toujours suffisamment
précis. Les procédures de recrutement écartent, parfois à tort,
certains publics. En effet, en raison de la situation de l’emploi
dans le passé, de nombreuses embauches ont été effectuées à
des niveaux de qualification supérieurs aux exigences réelles des
emplois. Face aux difficultés de recrutement actuelles,
l’amélioration de ces procédures est une réelle nécessité.
Le recours simultané à l’évaluation des qualifications et
compétences des demandeurs d’emploi d’une part, et à l’analyse
de l’emploi à pourvoir d’autre part, affine le positionnement des
candidats par rapport à cet emploi et accroît la probabilité d’une
bonne adéquation. En outre, ceci doit permettre de proposer au
candidat un éventuel complément de formation dès l’embauche
réalisée.
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Les outils d’évaluation de compétences
Exceptés les bilans de compétence, ces outils d’évaluation
diffèrent selon qu’ils s’adressent aux demandeurs d’emploi jeunes
ou adultes.
-
pour les jeunes : l’outil mis en œuvre par la Région est le
banc d’essai ;
-
pour les adultes : les EMT et ENCP sont gérés par l’ANPE.
Ils devraient s’adresser tout particulièrement aux publics éloignés
de l’emploi.
Le CESA propose que ces outils apprécient, d’une part
l’aptitude professionnelle et, d’autre part, la capacité à
s’intégrer dans un collectif de travail. Le plus souvent mis en
œuvre en situation de travail, ils devraient se dérouler sur des
périodes plus longues. Ces évaluations devraient être réalisées
par ou avec l’appui de professionnels et faire l’objet d’une prise en
charge financière par l’Etat ou les collectivités territoriales selon
les publics visés.
Ces évaluations pourraient viser plus particulièrement les
demandeurs d’emploi recherchant des postes de niveau CAPBEP dans des métiers déficitaires. Un cadre de référence
commun entre les acteurs de l’emploi et ceux de l’Education
Nationale (codification des niveaux,…) doit être mis en place.
Les outils d’analyse des postes et de définition de profils
Certaines entreprises, notamment les TPE/PME, ne disposent
pas toujours des compétences internes pour réaliser l’analyse des
emplois à pourvoir. Le recours à un conseil afin d’établir une
définition objective, détaillée et opérationnelle des fonctions, et
plus généralement, d’ouvrir une réflexion sur les ressources
humaines dans l’entreprise, pourrait être encouragé.
Le CESA propose que des conseils soient mis à la disposition des
TPE/PME, à titre expérimental, sur un ou plusieurs territoires, et
ce en concertation entre les partenaires sociaux et la Région.
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1.2 Optimiser l’intervention des intermédiaires et le recours aux
structures permettant un rapprochement entre l’offre et la demande
L’action des intermédiaires devrait être différenciée selon les
publics : jeunes à la recherche d’un premier emploi, demandeurs
d’emploi adultes et personnes en situation d’exclusion sociale et
professionnelle. Elle doit avoir pour objectif de renforcer leur
accompagnement.
Les intermédiaires institutionnels
Les interfaces entre offre et demande sont assurées par des
intermédiaires qui constituent un maillon essentiel dans la
construction des parcours d’accès à l’emploi. L’action de ces
intermédiaires porte, selon les cas, sur le savoir-être, sur la
qualification ou sur l’aide à l’élaboration d’un projet professionnel.
Avec la diminution du nombre de demandeurs d’emploi jeunes et
adultes, les personnels des ML/PAIO et de l’ANPE se trouvent
confrontés à des personnes de plus en plus éloignées de l’emploi.
Celles-ci requièrent un suivi individualisé les accompagnant vers
l’emploi. Aussi, la poursuite de la professionnalisation de ces
intermédiaires devra t-elle passer par une disponibilité du
personnel pour ce suivi et un contact renforcé avec
l’entreprise afin de mieux identifier la demande et de mieux
construire les parcours vers l’insertion.
Les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE)
Les SIAE recrutent sur les postes aidés des personnes en
situation d’exclusion sociale et professionnelle pour les conduire
vers un emploi durable.
Si leur pédagogie les amène, dans un premier temps, à intervenir
sur l’insertion sociale de ces personnes (respect des horaires,
présentation, intégration dans une équipe, autonomie…), elle leur
permet également d’acquérir les gestes professionnels. Cette
formation devrait faire l’objet d’une procédure de validation,
reconnue par les branches professionnelles, afin d’augmenter les
possibilités d’insertion ultérieure des personnes concernées et de
valoriser leur parcours.
La formation dispensée par ces structures d’insertion,
passerelles pour les personnes les plus éloignées de l’emploi,
vers le monde de l’entreprise, doit faire l’objet d’un financement
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spécifique, correspondant tant à l’activité pédagogique en
situation de travail qu’aux interventions des organismes de
formation ou de validation.
En outre, les SIAE devraient être davantage sollicitées pour la
mise en œuvre de diagnostics relatifs à l’évaluation des
compétences de ces publics en situation de travail.
La conjoncture favorable doit être mise à profit pour développer
les passerelles entre les SIAE et les entreprises du secteur
marchand afin de construire de véritables parcours vers l’emploi.
Les Entreprises de Travail Temporaire (ETT)
Pour certains publics, l’intérim peut être un moyen de rebondir. En
effet, il constitue pour une partie des jeunes une étape avant une
intégration dans l’entreprise.
Confronté à la raréfaction de la main d’œuvre, ce secteur ne
s’attache plus exclusivement à faire la mise en relation entre offre
et demande mais pratique également l’analyse des postes de
travail dans un souci d’élargir la recherche de candidats.
Les ETT s’attachent, par ailleurs, à intervenir sur la qualification
des intérimaires. Des actions de formation ont d’ores et déjà été
aidées par la Région Alsace. Le soutien de ce secteur en
matière de formation pourrait être poursuivi par la Région
sous réserve que les contributions des OPCA aient bien été
épuisées.
Actions à moyen et long terme
1.3. Améliorer les conditions
rencontrant des difficultés fortes
d’emploi
dans
les
secteurs
Des raisons matérielles ou les conditions d’accueil dans
l’entreprise peuvent être à l’origine des difficultés de recrutement
dans certains secteurs professionnels. Elles ont fait l’objet d’un
développement dans la partie 21 du diagnostic.
Pour les métiers connaissant un fort taux de rotation des emplois
et/ou des différentiels importants entre l’offre et la demande, le
CESA propose que, dans les meilleurs délais, des réflexions
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soient, selon les cas, développées ou engagées par les
partenaires sociaux.
1.4. Agir face à la discrimination afin de mobiliser une main
d’œuvre disponible
L’analyse conjointe des emplois à pourvoir et des compétences
des demandeurs d’emploi élargit le champ des candidats
potentiels et participe, à ce titre, à la lutte contre les
discriminations. Elle ne constitue cependant qu’un premier niveau
de réponse.
Si elle est inscrite dans la loi, l’égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes ne se traduit pas toujours dans les faits.
Certaines branches professionnelles devraient mobiliser
davantage les dispositions existantes, encore trop méconnues,
afin de faciliter l’intégration des femmes dans leur secteur
d’activité. Dans les entreprises, certains postes de travail, encore
réservés aux hommes, demandent à être adaptés (vestiaires,
assistance/ automatisation des tâches les plus lourdes,…). Une
information plus large des aides disponibles devrait être
diffusée.
Les Commissions Départementales d’Accès à la Citoyenneté,
créées récemment, constituent des lieux de prise de conscience,
de réflexion, voire d’action, sur le thème de la discrimination.
Le CESA propose que soit élaborée, dans ce cadre, une
charte régionale qui prenne position contre toutes les formes de
discrimination sur les lieux de travail auxquelles sont confrontées
les personnes issues de l'immigration. Pour être opérationnelle,
cette charte devrait être proposée à la discussion dans le cadre
des instances représentatives du personnel (entreprises,
administrations, services publics,…) et donner lieu à des
résolutions et à des actions concrètes. De plus, elle pourrait être
relayée en direction du grand public.
Les difficultés de recrutement des demandeurs d’emploi de plus
de 50 ans doivent être soulignées ; leur expérience
professionnelle devrait être davantage mise en valeur.
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1.5. Promouvoir l’Alsace au plan national et/ou de l’Union
européenne
Le recours à une main d’œuvre extérieure à l’Alsace semble
opportun pour les qualifications pour lesquelles des difficultés
aggravées peuvent être identifiées. Afin de renforcer
l’attractivité de l’Alsace auprès de candidats potentiels,
plusieurs types d’actions peuvent être engagés :
-
mieux valoriser l’image de la région, de sa population et de
son savoir-faire, par des campagnes de communication ;
-
communiquer sur les métiers déficitaires en Alsace et sur les
conditions d’emploi proposées ;
-
mettre en place un N° vert et tout autre moyen (NTIC,…)
susceptible d’apporter les informations utiles à d’éventuels
candidats.
2. Promouvoir la compétence, mobiliser la formation
Actions à court et moyen terme
2.1. La construction de compétences au sein de l’entreprise
La formation au sein de l’entreprise reste un moyen privilégié pour
construire les compétences adaptées à ses besoins. Face à la
raréfaction du personnel immédiatement opérationnel, les
entreprises seront amenées à réorienter la formation dans
l’entreprise pour faire évoluer le personnel en place et pour
intégrer le personnel nouvellement recruté.
La négociation concernant la formation professionnelle, entre les
partenaires sociaux d’une part, entre ces derniers et l’Etat d’autre
part, devrait conduire à une évolution de la formation davantage
en phase avec l’évolution du marché de l’emploi.
Mobiliser l’outil « formation » dans l’entreprise s’inscrit dans une
démarche de GPEC et suppose une réflexion stratégique relative
aux besoins en personnel à moyen terme.
Le CESA propose que la Région aide les entreprises qui
développent une réflexion stratégique en matière de
ressources humaines : au delà du recours à un conseil pour la
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GPEC déjà évoqué en supra, il convient de développer l’aide à
l’ingénierie de formation via les organismes collecteurs.
La formation professionnelle continue des salariés
Face à la raréfaction de certaines compétences, le plan de
formation de l’entreprise constitue un outil intéressant pour
l’entreprise et pour le salarié. Pour un poste donné, il peut en effet
s’avérer plus pertinent de proposer à un salarié de nouvelles
fonctions au sein de l’entreprise, moyennant le recours à une ou
plusieurs actions de formation. Le recrutement à opérer portera
par conséquent sur le poste libéré par le salarié. Le SAE3,
dispositif aidé par la Région, finance la formation du salarié qui
change de fonctions, à la condition que ce changement permette
le recrutement d’un demandeur d’emploi.
Le CESA soulignait d’ailleurs dans son avis sur la Promotion
Sociale (octobre 1999) l’intérêt du recours à la VAP qui participe
pleinement à l’objectif de diversification et d’individualisation des
parcours des salariés.
La promotion des dispositifs et des aides aux entreprises qui
privilégient la formation des salariés afin de leur permettre de
progresser au sein de l’entreprise (notamment la VAP, le SAE3)
devra être renforcée en sollicitant notamment l’implication des
organisations professionnelles et partenaires sociaux.
Les formations en apprentissage, en alternance ou alternées
La réussite de ces diverses voies de formation repose tout
d’abord sur la qualité du tutorat en entreprise : qualification,
disponibilité, expérience professionnelle et pédagogique du maître
d’apprentissage ou du tuteur,…. La qualité de l’alternance sera
également fonction de l’articulation et de la complémentarité entre
apports théoriques et pratiques. Une collaboration suivie entre
organisme de formation et entreprise doit s’instaurer.
Préconisés par le CESA dans son avis sur « l’insertion des jeunes
en situation d’exclusion sociale et professionnelle » (juin 1997),
les Actions de Formation Alternées (AFA) qui incluent une forte
alternance en entreprise ont fait la preuve de leur efficacité. Les
méthodes pédagogiques mises en œuvre privilégient l’élaboration
d’un contenu de formation à partir de l’analyse préalable des
situations de travail, et permettent d’adapter les actions de
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formation précisément à la réalité de l’entreprise. Ces modalités
supposent un accompagnement fort dans l’entreprise.
Dans cette perspective, le CESA propose différentes actions
complémentaires :
- les actions de formation à forte alternance devraient être
généralisées pour les publics en difficultés relevant du CFI.
Dans ce cadre, le double tutorat, qui prévoit
l’accompagnement et le suivi en entreprise par un
formateur, doit être étendu ;
- le temps consacré à la personne en cours de formation par
l’entreprise, et tout particulièrement par la TPE/PME
devrait, sous certaines conditions et évaluations, donner
lieu à un soutien voire à une prise en charge financière.
- parmi les mesures à l’embauche, le contrat d’orientation
mérite d’être promu en direction de publics ciblés.
- la palette des mesures existantes devrait être complétée
par un stage de formation professionnelle ou un contrat en
alternance réservé aux jeunes demandeurs d’emploi
titulaires d’une formation générale de niveau IV visant
prioritairement l’acquisition de gestes professionnels ; le
contenu et la durée des parcours de formation proposés
devraient être aménagés pour ce public pour lequel les
fondamentaux généraux sont considérés comme acquis ; ces
actions sont à cibler prioritairement pour les métiers
déficitaires avec pour objectif l’obtention d’un diplôme
professionnel.
Le CESA demande à la Région, dans le cadre du Plan
Régional de Développement des Formations Professionnelles
des Jeunes, d’organiser une concertation élargie à
l’ensemble des partenaires pour définir des actions
prioritaires.
Actions à moyen et long terme
2.2. Les contrats d’objectifs et autres mesures structurelles
S’il revient d’abord à chaque entreprise de se préoccuper de la
gestion prévisionnelle de ses effectifs, certaines actions
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collectives peuvent néanmoins être entreprises à la faveur des
groupements ou branches professionnelles dans la perspective
de faciliter la résolution de difficultés de recrutement et d’impulser
des évolutions structurelles par la formation. Différents
financements sont mobilisables à cet effet : FSE, EDDF, ligne
Contrats d’Objectifs.
Les contrats d’objectifs constituent le stade le plus avancé d’une
telle réflexion. La Région Alsace, acteur pivot de ce dispositif,
s’est fortement mobilisée en faveur de l’élaboration de ces
contrats. Ces efforts méritent d’être encore amplifiés,
notamment pour les branches qui connaissent des difficultés
de recrutement structurelles.
La réflexion devrait également porter sur les métiers transversaux
du tertiaire et des techniques industrielles afin de permettre
l’élaboration de contrats d’objectifs de métiers transversaux.
Une attention particulière doit être apportée à l’évaluation et au
suivi de ces contrats par la mise en place d’indicateurs.
2.3. L’image des métiers à fort déficit de main d'œuvre et
l’orientation
C’est avant tout l’image des métiers à fort déficit de main d’œuvre
qui doit être restaurée en améliorant leur condition d’exercice et
donc leur attractivité.
Ainsi les élèves choisiront leur cursus scolaire, professionnel
technique ou général, davantage en lien avec les besoins
identifiés du marché du travail. Ces derniers sont très évolutifs et
nécessitent une grande adaptabilité des salariés.
Une bonne formation générale de base est une condition
nécessaire à cette exigence d’adaptation permanente demandée
par les entreprises.
Dans son avis sur le PRDF (novembre 1997), le CESA soulignait
que « l'orientation relève non pas d'une action ponctuelle mais
d'une démarche permanente qui associe, sans les confondre
l'information et l'aide à la réflexion individuelle portant sur les
choix d'orientation,... même si un renforcement du nombre de
Conseillers d'Orientation Psychologues est nécessaire, il importe
que les équipes éducatives (professeurs principaux,...)
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s'impliquent dans la démarche d'éducation à l'orientation
notamment par les projets d'établissement. Elles doivent aussi
pouvoir s'appuyer sur une formation approfondie à l'élaboration et
au suivi d'une démarche d'orientation, conduite en partenariat
avec d'autres acteurs et avec les professions. » Ces propositions
restent d'actualité. Le CESA demande que soient renforcés
rapidement les outils et moyens nécessaires à leur réalisation.
Face aux difficultés de recrutement actuelles, le CESA rappelle
que « l'amélioration des outils de communication et la pertinence
de l'information », constituaient des axes prioritaires de ses avis
antérieurs sur l’orientation. A ce titre, le CESA propose d’étendre
les actions suivantes, déjà expérimentées à diverses échelles
(communes, bassins d’emploi,…) et à l’initiative de multiples
partenaires (établissements scolaires, employeurs, branches
professionnelles,…) :
-
favoriser toutes les occasions de contacts entre
jeunes, familles et professionnels dans les entreprises,
au plus près des postes de travail et des réalités
professionnelles ;
-
rendre compte de la réalité des métiers et des besoins
par des campagnes de promotion par branche ou
secteur professionnel,… A ce titre l’initiative du CRA
« la météo de l’emploi » mérite d’être renforcée ;
-
mener une campagne de communication dans la durée,
du point de vue de l’identité visuelle et du message,
sous l’égide du CRA et en direction du grand public,
des parents et des jeunes ;
-
faire la promotion de filières de formation
professionnelle qualifiantes qui valident à l’issue du
CAP/BEP, une première aptitude professionnelle, et
offrent l’accès à des diplômes de niveau 4 (Bac pro,
BP, BTM) et de niveau III (BTS, BM,…) ; accompagner
les professions dans cette démarche ;
-
promouvoir auprès des universités les métiers à
orientations technologiques, en direction des étudiants
ayant suivi les enseignements de 1ers
cycles
universitaires (DEUG).
Il serait souhaitable que le projet régional « Cité des Métiers »
prenne en compte ces différentes préoccupations.
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Au vu de l’évolution de l’emploi, une analyse plus fine de la portée
et de la pertinence des manifestations du type « FORUMS de
l’emploi » paraît nécessaire. Le CESA propose qu’une
évaluation soit réalisée par la Région, qui devrait s’affirmer
davantage dans sa fonction de coordination.
Une mission permanente de collecte de l’information et de
veille sur les difficultés de recrutement et sur l’évolution des
métiers devrait être confiée à l’OREF. Le CESA estime que
l’ensemble des acteurs, et particulièrement les organisations
professionnelles et partenaires sociaux, devrait être associé à
cette démarche.
3. Les bassins d'emploi, espaces de concertation et de projet
Si les difficultés de recrutement peuvent s’analyser globalement,
certaines réponses sont à rechercher localement. Dans ses
précédents avis, le CESA avait déjà souligné la pertinence de
l’échelon territorial en tant que lieu d’analyse et de concertation.
Les territoires, et tout particulièrement les bassins d'emploi,
revêtent un caractère stratégique pour un certain nombre de
leviers identifiés en matière de difficultés de recrutement :
formation, mais aussi logement, transport, services …
Si l’Alsace a connu un fort développement de la coopération
intercommunale, ce premier niveau s’est révélé trop étroit pour
certaines thématiques. La loi d’orientation du 25 juin 1999 place
les « pays » au centre des politiques territoriales. Ils préfigurent
des espaces de projet ou de coopération dans la perspective de
renforcer la cohérence territoriale sur des espaces plus vastes.
Le CESA propose que des plans d’action locaux soient
élaborés par bassins d'emploi en faveur de l'emploi et de la
formation, et que ces plans intègrent les aspects
périphériques à l'emploi. Outre les collectivités territoriales, les
usagers, les organisations professionnelles et partenaires sociaux
et, selon le cas les services compétents de l'Etat et les
organismes para-publics, devront y être associés.
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3.1. Elaborer des plans d'action locaux en matière d'emploi /
formation
Un diagnostic, cadre de référence pour l’emploi local,
constituera un préalable aux plans d'action locaux. Ceux-ci
pourraient donner lieu à une contractualisation sur objectifs,
chaque partenaire y apportant sa contribution en fonction de ses
compétences dans le but de développer une réelle synergie des
interventions et des moyens autour des actions retenues.
Afin de repérer les besoins non satisfaits et d’analyser la nature
des difficultés de recrutement, la production de données de
référence territorialisées par l’ANPE et l'OREF s'avère
indispensable.
Des outils sont à mettre en place dans les bassins d’emploi
en référence à ces plans. Ainsi en matière d'orientation la "Cité
des métiers" devra, si elle se réalise, être mise à la disposition
des acteurs concernés pour une utilisation adaptée aux
orientations retenues.
Le CESA rappelle que dans son avis sur la Promotion Sociale
(octobre 1999) il avait proposé que « sur chaque territoire
correspondant aux zones Emploi-Formation, un lieu d’accueil
destiné aux salariés soit rendu visible… Les regroupements de
type Maison pour l’Emploi et la Formation qui rassemblent
différents services sont à encourager. La collaboration des
municipalités et des structures intercommunales sera
recherchée ».
Par ailleurs, la Région devra veiller à ce que l’offre de
formation professionnelle continue proposée (programmes
demandeurs d'emploi jeunes et adultes, programme destiné aux
salariés) réponde aux besoins identifiés par les plans d’action
locaux.
Le programme de formation en faveur des demandeurs d’emploi
devrait être articulé avec les SIAE afin de construire des parcours
individualisés vers l’emploi, notamment pour les personnes les
plus en difficultés.
Il est également nécessaire, pour les TPE/PME, d’organiser une
réflexion autour des besoins en emplois et en formation pour
proposer des outils adaptés (type SAE3).
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Le CESA propose que, du fait de sa compétence en matière
de formation, la Région, avec l’appui de ses animateurs
territoriaux, soit le pivot de cette concertation.
3.2. Etendre les plans d'action locaux à des aspects périphériques
à l'emploi
Parmi les aspects périphériques ayant une forte incidence sur
l’emploi, la mobilité des demandeurs d'emploi, le logement et les
services de garde d'enfants, pour lesquels les collectivités
disposent de leviers d'action, ont été plus particulièrement
relevés. Le CESA propose que ces aspects fassent partie
intégrante des plans d'action locaux.
Les déplacements domicile- travail
Les transports devraient faire l’objet d’une réflexion dans chaque
bassin d’emploi et plus particulièrement dans les zones rurales qui
connaissent des carences plus affirmées en matière de transports
collectifs. Si les efforts de la Région et des Départements en
terme de maillage et de cadencement des transports collectifs
(ferroviaires et routiers) doivent être poursuivis, d’autres aspects
se révèlent également déterminants : création et sécurisation de
parkings-relais, aménagement des gares, …
Le CESA propose plusieurs pistes d’action en vue de favoriser le
transport :
-
l’instauration d’un « chèque transport » à financement
mutualisé, lorsque le réseau de transport collectif est
inexistant ou que son organisation ne permet pas au
salarié de l’utiliser. Cette aide pourrait être accordée aux
salariés disposant de revenus proches du SMIC.;
-
davantage de cohérence est à rechercher entre les
autorités organisatrices -les collectivités locales- dans
l’accès aux différents modes de transport et dans les
politiques tarifaires. Le développement du titre de transport
multimodal doit être encouragé. L’instauration en région
Alsace d’un système de tarification intégré de type « carte
orange » doit être mis en place à court terme ;
-
le covoiturage présente un intérêt pour des trajets
significatifs ; il devrait être soutenu par une promotion sur
les lieux de travail et la création de parkings-relais ;
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-
les expériences facilitant les déplacements des personnes
en difficultés qui ont accédé à un stage ou à un emploi sont
à étendre ;
-
les formules de transports collectifs légers, de type
transports à la demande, qui offrent une souplesse horaire
et des délais d’intervention courts, doivent être
développées.
Le logement et la mobilité inter-bassins d’emploi
Dans une logique d’aménagement du territoire, il importe que le
développement d’activités hors des grandes agglomérations
s’accompagne d’une offre de logements adéquate.
En outre, il semble opportun de mieux faire connaître l’aide à la
location par l'avance des dépôts de garanties et la sécurisation
des loyers, actuellement en place dans le cadre de la participation
des employeurs à l'effort de construction, et des fonds
départementaux de solidarité logement.
Les services de garde d’enfants
La mise en place de ces services doit s'appuyer sur des
diagnostics locaux. De telles initiatives devront être stimulées
par des financements appropriés. Les études préalables
pourraient être prises en charge par la Région au titre de son
intervention en matière d’aménagement du territoire, les
Départements, les services de l’Etat et les Caisses d’Allocations
Familiales, étant compétents pour l’investissement et le
fonctionnement.
Le CESA demande que des services de garde à horaires
d’accueil compatibles avec les horaires de travail décalés
soient expérimentés dans le respect de l’enfant. Ces services
devraient par ailleurs offrir des possibilités d’accueil sans délais
d’attente, même si la durée en est limitée, afin de permettre une
réactivité plus grande des demandeurs d'emploi. Le « chèque
garde », aide destinée aux personnes relevant de minima sociaux
et ayant accédé à un emploi, mérite d’être mis en place et financé
par voie de mutualisation.
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CONCLUSION
Au cours des auditions qui ont jalonné l’élaboration de cet avis, un
constat s’est imposé : l’analyse des difficultés de recrutement procède
d’une grande complexité. Le diagnostic a mis en évidence des raisons
diverses et multiples. Aussi, les leviers d’action à mobiliser ne
sauraient-ils être ni simples, ni à effet immédiat. C'est sans aucun
doute la conjonction des efforts et des initiatives qui apportera les
réponses attendues.
L’évolution démographique laisse supposer que les difficultés de
recrutement pourraient se poursuivre, voire s’accentuer ; l’anticipation
par une réflexion prospective sur le Bassin Rhénan, qui n’existe
pas à l’heure actuelle, s’impose pour tous les partenaires.
Les propositions du CESA s’articulent autour de trois idées forces :
-
améliorer la mise en relation entre offre et demande, en
mettant l’accent sur les modalités de recrutement et les
conditions d'emploi,
-
considérer la formation comme un outil stratégique pour
l'entreprise et pour le salarié dans la perspective d'élever
les qualifications et les compétences,
-
s’attacher à élaborer des plans d'action locaux à l'échelle
des bassins d'emploi aujourd'hui, des "pays" demain,
comme support de l'intervention régionale.
Pour les métiers rencontrant des difficultés de recrutement importantes,
la situation présente exige la mise en œuvre d’un véritable plan
d’urgence reposant sur :
-
le développement de stages de formation professionnelle
ou de contrats d’alternance pour les jeunes titulaires
d’une formation générale de niveau IV, visant
prioritairement
l’acquisition
de
compétences
professionnelles,
-
une action sur l’image des métiers par une forte
opération de communication sous l’égide du Conseil
Régional d’Alsace.
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Le CESA a constaté que face aux difficultés et demandes exprimées,
de nombreux outils et mesures existent mais sont insuffisamment
connues. Un effort collectif de la part des organisations
professionnelles et partenaires sociaux et des services publics devra
porter dans les mois à venir sur la promotion et les conditions de
mobilisation des dispositifs auprès de ceux qui éprouvent des difficultés
à recruter ou à être embauchés.
Le CESA demande à la Région de prendre l'initiative de réunir
l'ensemble des acteurs concernés par les difficultés de recrutement
(organisations professionnelles et partenaires sociaux, Etat,
collectivités) dans le cadre d'une conférence régionale annuelle pour
examiner les suites réservées aux propositions de cet avis. Il souhaite
également que les partenaires sociaux engagent des négociations pour
trouver des réponses aux problèmes identifiés par métier ou par
branche professionnelle afin de surmonter les difficultés de
recrutement.
L’Alsace est à la conjonction de trois marchés du travail, tant par
l’implantation d’entreprises que par le travail frontalier.
Demain, les évolutions démographiques du bassin d’emploi
transfrontalier transformeront les données actuelles. Il est nécessaire
dès aujourd’hui, pour les responsables des systèmes de formation
(initiale et continue) en Alsace, d’impulser une réflexion sur la formation
pour permettre à l’économie alsacienne d’aborder le XXIème siècle et
son marché transfrontalier.
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GLOSSAIRE
AFA : Actions de Formation Alternées
AGEFIPH : Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des
Personnes Handicapées
ANPE : Agence Nationale pour l’Emploi
BEP : Brevet d’Etudes Professionnelles
BM : Brevet des Métiers
BP : Brevet Professionnel
BTM : Brevet Technique des Métiers
BTP : Bâtiment Travaux Publics
BTS : Brevet de Technicien Supérieur
CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle
CFI : Crédit Formation Individualisé
EDDF : Engagement de Développement de la Formation
EI : Entreprises d’Insertion
EMT : Essai en Milieu de Travail
ENCP : Evaluation du Niveau des Compétences Professionnelles
ETT : Entreprise de Travail Temporaire
ETTI : Entreprise de Travail Temporaire d’Insertion
FSE : Fonds Social Européen
GPEC : Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences
ML/PAIO : Mission Locale / Permanence d’Accueil d’Information et d’Orientation
NTIC : Nouvelles Techniques d’Informations et de Communication
OPCA : Organisme Paritaire Collecteur Agréé
OREF : Observatoire Régional Emploi-Formation
PLIE : Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi
RMI : Revenu Minimum d’Insertion
SAE3 : Stage d’Accès à l’Entreprise 3
SIAE : Structures d’Insertion par l’Activité Economique
VAP : Validation des Acquis Professionnels
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