Ceuta – Positionnement commun de l`AEDH et de l`APDHA sur la

Transcription

Ceuta – Positionnement commun de l`AEDH et de l`APDHA sur la
Ceuta –
Positionnement commun de l’AEDH
et de l’APDHA sur la situation à
Ceuta.
Bruxelles, le 18 juin 2014
Ceuta –
Positionnement commun de l’AEDH sur la situation à Ceuta après la visite d’une
délégation de l’APDHA sur les lieux. Propositions concrètes aux candidats espagnols
aux élections européennes et à l’ensemble des eurodéputés une fois élus.
A l’occasion de la visite d’une délégation du parti vert européen (PVE) menée par la
candidate allemande aux élections européennes, Fransiska Keller, les délégations de
diverses associations espagnoles faisant partie du réseau Migreurop se sont rendues à
Ceuta le 7 avril dernier. L’APDHA, qui est également membre de l’AEDH, faisait partie de
cette délégation.
Bien plus qu’une simple visite de campagne électorale pour les européennes1, ce
déplacement a été l’occasion de mesurer, sur le terrain, la situation relative à l’immigration
dans l’enclave espagnole de Ceuta, notamment au regard des derniers évènements
tragiques de février.
Un premier élément clé a été la visite du CETI. Actuellement, y résident plus de 800
personnes, alors que la capacité d’accueil du centre n’est que de 520 personnes. Du fait du
conflit en Syrie, le nombre de personnes de cette nationalité présentes dans le CETI de
Ceuta a connu une forte augmentation. Ce sont des familles entières (23 avec un total de 54
enfants), qui se retrouvent, bloquées dans le CETI de Ceuta, dans des conditions
inadaptées, notamment pour des enfants dont certains âgés de quelques mois. Ces familles
remplissent les conditions qui devraient leur permettre d’obtenir une protection
internationale, mais ne parviennent pas à demander l’asile, ni à accéder à la péninsule
espagnole pour faire examiner leur demande. Par ailleurs, si le centre a mis en place des
activités, des cours d’espagnol, ou encore une aide médicale, aucune aide psychologique ou
d’accompagnement personnel n’a été envisagée, alors que nous connaissons les épreuves
que ces immigrés ont dû traverser pour arriver jusqu’au CETI.
En outre, alors que la durée moyenne de séjour dans le centre est comprise entre 6 et 8
mois, ce délai n’est encadré par aucune limite et varie selon chaque migrant. De fait,
certaines personnes y demeurent durant plusieurs années, sans perspective de parvenir
jusqu’à la péninsule hispanique.
1
Cette rencontre a également permis à l’APDHA de présenter le manifeste de l’AEDH « Pour une Europe des
droits de l’homme ». Pour plus d’informations sur la campagne : http://www.foraeuropeofhumanrights.eu/
La délégation a également pu observer, une fois de plus, les conditions prévalant à la
frontière entre Ceuta et le Maroc. Elles témoignent tant de la bêtise humaine que d’une
politique migratoire espagnole et européenne violatrice des droits fondamentaux des
migrants.
Le dernier drame qui, en février, a entraîné le décès de 15 personnes sur la plage du Tarajal
parce qu'elles cherchaient à franchir cette frontière, n'est qu'un exemple de la violence à
laquelle sont exposés les migrants. Constituée de deux barrières parallèles faites de
barbelés et lames tranchantes, la frontière est surveillée en permanence par les forces de
l'ordre espagnoles et marocaines, créant une atmosphère pesante et oppressante.
L’interpellation d’un agent de la Guardia civil disant « pas le droit de regarder », marque bien
le fait qu’aucun droit ni aucune liberté n’ont leur place à cet endroit.
Le climat est identique au niveau de l’espace commercial du Tarajal, lieu d’échange
quotidien de marchandises entre les personnes qui font transiter des biens de part et d’autre
de la frontière. Au sein de cet espace, la délégation de l’APDHA a pu être témoin de la
violence des forces de l’ordre espagnoles à l’encontre des femmes étrangères qui
franchissent la frontière pour vendre leurs marchandises. Les policiers n’ont aucun respect
pour elles et n’hésitent pas à utiliser menaces et coups de matraques pour faire « régner
l’ordre ».
Cette visite de terrain, comme les précédentes, renforce notre volonté de dénoncer les
violations des droits de l’homme qui continuent de marquer notre société, notamment à nos
frontières où souffrance et mort forment le quotidien. Voilà trop longtemps que les autorités
nationales et les institutions européennes font la sourde oreille !
L’APDHA et l’AEDH dénoncent :
-
-
Le renforcement de la fermeture des frontières, synonyme de souffrance et de morts;
L’impossibilité pour les migrants présents dans le CETI – situé en territoire espagnol,
faut-il rappeler - de parvenir jusqu’à la péninsule espagnole ;
Les expulsions illégales de l’Espagne vers le Maroc qui ont lieu de manière
récurrente à la frontière de Ceuta, en violation de la législation espagnole tout comme
de la législation internationale et des traités internationaux ratifiés par l’Espagne ;
La violence systématique exercée à l’encontre des migrants de chaque côté de la
frontière ;
Le non-respect des migrants et de leurs droits (droit à la vie, droit à la dignité
humaine, droit de présenter une demande d’asile, notamment) ;
Le non-respect des législations et conventions internationales, particulièrement celles
qui encadrent le droit d’asile mais aussi les conditions et durée de rétention des
migrants.
L’APDHA et l’AEDH considèrent que l’actuel mode de gestion des migrations porte en lui de
graves atteintes aux droits de l’homme, générant de multiples souffrances. C’est une
politique inhumaine, immorale et cruelle, qui ignore et nie la réalité des migrations. C’est
pour cela que nous demandons un changement radical de ces politiques migratoires. Nos
deux associations appuient les recommandations et propositions concrètes des associations
espagnoles du réseau européen Migreurop afin de mettre un terme à l’enfer vécu à la
frontière sud de l’UE.
Ces recommandations s’adressent aux autorités espagnoles mais aussi aux institutions
européennes car les frontières de Ceuta et Melilla ne sont pas seulement des frontières
nationales, ce sont des frontières clés au sud de l’UE, tel un pont entre l’Europe et l’Afrique.
L’AEDH rejoint ces propositions, et revendique :
1)
Faciliter la régularisation des personnes immigrées.
2)
Faciliter et garantir l’entrée sur le territoire de l’UE en tant que demandeur d’asile à
ceux qui se trouvent dans les conditions leur permettant de solliciter une protection
internationale.
3)
Appliquer des critères amples pour la réunification familiale, afin de permettre l’entrée
dans l’UE de ceux qui ont des proches résidant au sein de l’UE, en leur attribuant des visas
de séjour.
4)
Accorder un nombre significatif de visas aux ressortissants des pays africains.
Nos associations estiment que ces mesures, encadrées par les procédures administratives
déjà existantes, peuvent être mises en place dès maintenant, sans générer de trop grandes
difficultés pour l’UE comme pour l’Espagne. Nous savons qu’elles ne permettront pas de
mettre un terme à tous les problèmes liés à la politique migratoire européenne mais, au
moins, répondront-elles à une situation d’urgence.
Nous demandons également la tenue d’une table ronde réunissant des entités et institutions
représentatives, dont la fonction serait de débattre avec les instances nationales,
communautaires et internationales qui ont un rôle dans la politique migratoire. L’AEDH, tout
comme l’APDHA, soutiennent cette proposition de Migreurop-Espagne, estimant que la
construction d’une Europe se disant démocratique et respectueuse des droits de ses
citoyens ne peut pas se faire au détriment des droits et libertés de ses voisins. L’Europe dont
nous avons appuyé la construction porteuse de progrès humains n’est pas compatible avec
cette Europe « forteresse » qui s’enferme derrière des frontières et des « murs » toujours
plus nombreux et plus infranchissables.
Contacts :
Rafael LARA, Président
AEDH, Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme
33, rue de la Caserne. B-1000 Bruxelles
Tél : +32(0)25112100 Fax : +32(0)25113200 Email : [email protected]
L'Association Européenne pour la Défense des Droits de l'Homme (AEDH) regroupe des
ligues et associations de défense des droits de l'Homme des pays de l'Union Européenne. Pour
en savoir plus, consultez le site www.aedh.eu