concurrence - contrats - consommation de Juin 2013

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concurrence - contrats - consommation de Juin 2013
La Lettre de
www.jpkarsenty.com
DISTRIBUTION
- CONCURRENCE - CONTRATS - CONSOMMATION
Juin 2013
Distribution
 Effet de clauses d’approvisionnement prioritaire et de non-ré-affiliation post-contractuelle dans un
contrat de franchise
Dans un arrêt du 3 avril 2013 (n°10/24013 et 10/24273), la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la validité
de clauses insérées dans des contrats de franchise et d’approvisionnement.
En l’espèce, une enseigne de distribution alimentaire avait conclu un contrat de franchise mettant à la charge du
franchisé une clause de non-adhésion auprès de toute enseigne concurrente ainsi qu’une clause de
non-ré-affiliation post-contractuelle, d’une durée d’un an à compter de la résiliation du contrat et dans un
périmètre de 5 kms. En parallèle, le franchisé a conclu un contrat d’approvisionnement comportant une clause
d’approvisionnement « prioritaire ».
S’approvisionnant de manière importante auprès d’un autre fournisseur, le franchisé avait été antérieurement
condamné par un Tribunal arbitral pour manquement aux obligations découlant de ces clauses.
Le fournisseur a ensuite assigné le fournisseur concurrent afin de voir engager sa responsabilité délictuelle, pour
tierce complicité dans la violation de cette clause, action qui a fait l’objet de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du
3 avril 2013.
La Cour a considéré que la clause d’approvisionnement prioritaire a été appliquée comme une clause
d’approvisionnement exclusive, clause anticoncurrentielle par objet. Pour être licite au regard du droit de la
concurrence, une telle clause doit être indispensable pour organiser le contrôle nécessaire à la préservation de
l’identité et de la réputation du réseau symbolisé par l’enseigne. Pour la Cour, l’exclusivité d’approvisionnement
ne peut concerner que les marques propres au réseau de franchise. Or, en l’espèce, cette obligation couvrait
également les produits de marques nationales. La Cour a donc jugé que la clause était disproportionnée aux
nécessités de la protection du savoir-faire du réseau et de la défense des intérêts légitimes du franchiseur et
qu’elle ne pouvait bénéficier de l’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux.
S’agissant de la clause de non adhésion auprès d’une enseigne concurrente, la Cour d’appel a considéré que
l’approvisionnement, même majoritaire, du franchisé auprès d’une centrale d’achat concurrente ne présumait
pas d’une adhésion à cette centrale. Par ailleurs, la Cour a rappelé que l’interprétation donnée à cette clause par
le franchiseur lui conférait la portée d’une clause d’approvisionnement exclusive anticoncurrentielle.
La Cour d’appel a donc conclu que le fournisseur concurrent ne pouvait se voir reprocher d’avoir contribué à la
violation de ces deux clauses.
Directeur de la Publication :
Martine Karsenty-Ricard
Dépôt légal à la parution
ISSN : 1969-7015
La Cour d’appel a également estimé qu’une interdiction de ré-affiliation post-contractuelle pouvait être
considérée comme inhérente à la franchise, dans la mesure où elle permet d’assurer la protection du savoir-faire
transmis. Cependant, la Cour a relevé que le franchiseur n’établissait pas le caractère indispensable de cette
clause tant au regard du but poursuivi, de sa durée et de son périmètre. Par ailleurs, la Cour a constaté que la
clause de non-ré-affiliation ne pesait sur le franchisé que dans l’hypothèse où le contrat avait été rompu avant
son terme en raison des fautes du franchisé. La Cour d’appel a donc déduit que cette clause s’analysait en une
mesure préventive de nature à décourager le franchisé de quitter le réseau prématurément, étrangère à la
protection des intérêts concurrentiels du franchiseur, ayant des effets comparables à une clause de non
concurrence.
Considérant que la clause de non-ré-affiliation ne pouvait bénéficier de l’exemption par catégorie relatif aux
accords verticaux, la Cour d’appel a conclu que l’obligation de non-ré-affiliation constituait une entente au sens
de l’article L.420-1 du code de commerce, inopposable à la centrale d’achat concurrente.
La Lettre de
Distribution
 Article L.442-6, I, 5° du code de commerce et clauses attributives de compétence
La jurisprudence a à nouveau eu l’occasion de préciser l’articulation des clauses attributives de compétence avec
les actions fondées sur l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce. Dans une première affaire ayant donné lieu à
un arrêt rendu le 5 mars 2013 par la Cour d’appel de Paris (n°12/19993), un fournisseur américain avait rompu
en 2010 ses relations commerciales le liant depuis 1981 avec son distributeur français, à la suite d’une
réorganisation.
Le Tribunal de Commerce de Paris, saisi par ce distributeur sur le fondement de la rupture brutale des relations
commerciales, se déclare incompétent au motif que s’applique au litige la clause du contrat de distribution
attribuant compétence aux juridictions de l’Etat de Floride.
Le distributeur forme alors un contredit, estimant que son action, de nature délictuelle, écarte la clause
attributive de compétence, réservée aux litiges de nature contractuelle. La Cour d’Appel de Paris a considéré que
la nature délictuelle de la responsabilité encourue par le fournisseur n’est pas exclusive, par principe, de
l’application d’une clause attributive de juridiction valablement stipulée entre les parties.
Dans la mesure où la clause attribuait compétence aux juridictions américaines de manière claire et précise à
tout litige ou différend susceptible d’opposer les parties, la Cour d’Appel rejette le contredit.
Dans une autre affaire tranchée par le Tribunal de commerce de Paris dans une décision du 21 février 2013, un
fabricant de motos avait rompu en 2012 ses relations commerciales, établies depuis 1987, avec son distributeur.
Ce dernier l’assigne alors devant le Tribunal de Commerce de Paris sur le fondement de l’article L 442-6, I, 5° du
code de commerce. Le fabricant soulève l’incompétence du Tribunal de commerce, en application de la clause
du contrat attribuant compétence au Tribunal de Grande Instance de Paris pour « tout différend né de la
cessation du contrat ou trouvant sa source dans les relations commerciales entre les parties ou leur rupture ».
Le Tribunal retient cette argumentation en se fondant sur les motifs suivants :
La nature du litige le range au nombre des différends auxquels la clause s’applique ;
Les commerçants sont en droit de stipuler une clause attribuant compétence au Tribunal de Grande Instance
afin de trancher les litiges qui les opposent ;
Une telle stipulation doit recevoir application, réserve faite des cas où la compétence du Tribunal de
Commerce est d’ordre public.
Par ces deux décisions, la jurisprudence rappelle le principe de l’autonomie de la volonté des parties au regard
de la compétence des juridictions amenées à se prononcées sur des actions fondées sur l’article L 442-6, I, 5° du
code de commerce.
Contrats
Distribution
 Annulation d’une clause de non-ré-affiliation post-contractuelle en l’absence de savoir-faire à
protéger
Dans un arrêt du 6 mars 2013 (n°09/16817), la Cour d’Appel de Paris a considéré que la clause de non
ré-affiliation post-contractuelle constitue une restriction de concurrence si elle n’est pas proportionnée au but
de protection du savoir-faire du franchiseur.
En l’espèce, un franchiseur suspend les livraisons de l’un de ses franchisés à la suite d’impayés. Ce dernier
s’adresse alors à un autre fournisseur exploitant une enseigne de distribution alimentaire concurrente pour
approvisionner son magasin.
La Lettre de
Le franchisé a ensuite décidé de rompre ses relations contractuelles avec le franchiseur, qui a alors assigné
successivement le franchisé au titre de la violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, et le
nouveau fournisseur en tierce complicité de la violation de ses obligations par le franchisé.
La clause de non-réaffiliation interdisait au franchisé, pendant une période de 3 ans à compter de la date de
résiliation du contrat, d’utiliser une enseigne de renommée nationale ou régionale et d’offrir des marchandises
dont les marques sont liées à une telle enseigne dans un rayon de 5 kilomètres du magasin du franchisé.
La Cour d’appel de Paris, s’appuyant sur l’avis n°12-A-15 de l’Autorité de la concurrence du 9 juillet 2012, rendu à
sa demande, a considéré que si une telle clause est en principe licite, elle peut constituer une restriction de
concurrence, comme en l’espèce.
En effet, la clause de non-réaffiliation post-contractuelle a pour but de permettre au franchiseur de communiquer
aux franchisés son savoir-faire et son assistance sans risquer qu’ils profitent à des concurrents.
Or, dans la présente affaire, la Cour d’appel a retenu que le savoir-faire du franchiseur était de « faibles technicité,
spécificité et originalité », la clause de non-réaffiliation n’étant donc pas indispensable à la protection du
savoir-faire transféré. La Cour d’appel a également souligné le caractère disproportionné de la durée de
l’interdiction de réaffiliation.
En conséquence, la Cour d’appel a estimé que cette clause était nulle et inopposable aux tiers de par son objet et
son effet anticoncurrentiels.
Distribution
Consommation
 L’interdiction générale de la revente à perte à l’épreuve de la directive relative aux pratiques
commerciales
La Cour de justice de l’Union européenne, saisie sur renvoi préjudiciel, a eu à connaître d’une disposition
nationale belge édictant une interdiction générale d’offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, comparable à
l’interdiction résultant du droit français (CJUE, 7 mars 2013, Euronics Belgium CVBA c. Kamera Express BV, Ord.,
Aff. C-343/12).
Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont entrepris une harmonisation complète des règles
relatives aux pratiques commerciales déloyales, en adoptant une directive (2005/29/CE) relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs dans le marché intérieur, le 11 mai 2005.
Considérant que la disposition nationale vise à protéger les consommateurs et que la pratique en cause a pour
objectif d’inciter les consommateurs à l’achat, la Cour de justice a déduit que la revente à perte de biens entre
dans le champ d’application de la directive 2005/29/CE.
La directive interdit expressément aux États membres d’adopter des mesures plus restrictives que celles prévues
par la directive, même si ces mesures sont justifiées par la protection des consommateurs.
La directive établit par ailleurs une liste exhaustive de pratiques commerciales réputées déloyales en tant que
telles. Les pratiques non visées par cette liste ne peuvent être considérées comme déloyales « en toutes
circonstances » et doivent faire l’objet d’une analyse « in concreto » permettant d’établir, le cas échéant, leur
caractère déloyal.
Ayant constaté que la pratique consistant à revendre des biens à perte ne figure pas dans la liste des pratiques
commerciales déloyales « en toutes circonstances », la Cour de justice de l’Union européenne conclut que la
directive s’oppose à la disposition en cause, pour autant que cette disposition poursuive des finalités tenant à la
protection des consommateurs.
La Lettre de
Une décision rendue sur renvoi préjudiciel revêt un caractère obligatoire pour toutes les juridictions des États
membres. Le législateur français sera sans doute amené à faire évoluer la disposition relative à la revente à
perte, comme il l’a fait en matière de loteries commerciales avec obligation d’achat (2010), de vente avec primes
ou de ventes liées (2009).
Distribution
 Baisse des commandes et rupture brutale de relations commerciales établies
Un arrêt rendu le 7 mars 2013 (n°11/16439) par la Cour d’Appel de Paris illustre le cas d’une rupture brutale des
relations commerciales par la diminution progressive des commandes jusqu’à leur arrêt total, sans notification
préalable.
En l’espèce, une centrale de référencement a entretenu des relations commerciales avec une société chargée
d’effectuer une prestation de contrôle de conformité d’articles vestimentaires.
En 2003, la centrale, invoquant la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait le prestataire à
son égard, ainsi que la nécessité de réorganiser ses approvisionnements, lui a demandé de prendre toutes
dispositions nécessaires pour remédier à cette situation dans les 2 ans à venir, et l’a informé que les relations
prendraient fin, en toute hypothèse, au 31 décembre 2005.
En juillet 2004, la centrale a confirmé au prestataire qu’elle entendait réduire progressivement leur activité
commune et mettre fin à leurs relations commerciales après la collection printemps/été 2006.
Le prestataire a alors assigné la centrale au titre de la rupture brutale des relations commerciales.
La Cour d’Appel de Paris fait droit à sa demande, et relève que les relations commerciales entre les parties ont
duré 14 ans, la rupture étant intervenue de manière brutale après que le prestataire ait connu une hausse
notable de son activité l’ayant conduit à embaucher du personnel supplémentaire, et sans que lui soit donné de
signe de ce que cette augmentation n’était que ponctuelle.
En revanche, la Cour d’Appel rejette l’argument d’un état de dépendance économique à l’encontre du
prestataire, dans la mesure où si celui-ci était en situation de dépendance économique de fait, « rien ne
l’empêchait d’embaucher du personnel pour répondre à cette forte demande », d’autant qu’il n’a pas établi qu’il
n’avait pas la possibilité de proposer des services correspondant à son savoir-faire à d’autres distributeurs, de
sorte qu’il aurait pu « diversifier son activité pour se garantir des conséquences d’une diminution des
commandes, voire d’une rupture ».
Ont contribué à ce
numéro :
Martine KARSENTYRICARD
Béatrice MOREAUMARGOTIN
Jean-Philippe
ARROYO,
Nathalie TOURRETTE
Delphine ROBLINLAPPARRA
Bénédicte LHOMMEHOUZAI
Maïa MERLI
Tristan MONTAIGNE
Anne BELLARGENT
Hélène HIDOT
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