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GALERIE COMMUNE
[Ecole Régionale Supérieure d'Expression Plastique de Tourcoing Département Arts Plastiques de l'Universuté de Lille III]
présente
NUMBERS installation multimedia
ENGRAM : Joanna Andraos et Caroline Tabet
Conception sonore : THE ALTERED EAR / Jawad Nawfal et Victor Bresse
Vernissage le jeudi 6 janvier à partir de 18h00
Exposition du 7 janvier au 4 février 2005
Lundi – mercredi – jeudi de 12h30 à 16h30 vendredi - samedi de 14h30 à
18h30
Imaginez un espace clos, habitable, où des images surdimensionnées sont projetées sur les murs, où
le son enveloppe le visiteur comme la texture même de l’air ou un vêtement qu’il devrait revêtir pour
franchir les parois animées. Cet espace disons qu’il s’appelle " Numbers " : c’est du moins la façon
dont nous percevons, de prime abord, l’installation de Joanna Andraos et de Caroline Tabet
présentée il y a peu au célèbre Dome City Center de Beyrouth, au Liban.
Sur ces images, filmées, photographiées à Beyrouth, au Caire et à Paris, des lieux s’installent,
mouvants, peuplés de figures transitoires et de l’énigmatique présence d’un personnage féminin qui
tour à tour dissout les lieux et les articule, suture les vides et instaure au cœur même de la pulsation
des grandes villes l’ultime sentiment d’une attente.
Géographie étoilée, entre Moyen-Orient et Europe, fluidité des corps, mouvement des villes où se
pressent des foules compactes… Mais tout aussi bien, si l’on veut bien y prêter attention : lieu unique
du présent, rejoué " à l’identique " dans les trois villes, coagulation des figures qui paraissent
davantage soustraites qu’inscrites, immobilité des lieux… C’est cette ambivalence même, cette
incertitude de lecture qui fait de " Numbers " une étrange symphonie, tour à tour polyphonique ou
atonale, comme si le regard même du spectateur se trouvait contaminé par la subtilité d’un dispositif
en creux, ou par l’énergie comme évidée d’une tension.
D’ailleurs le noir et blanc semble parfois coloré et l’architecture musicale (signée Jawad Nawfal et
Victor Bresse) s’érige en nappes diffuses où les effets d’évanouissement du son ponctuent par
intervalles des cristallisations plus entêtantes. A nouveau, tel serait l’étonnant paradoxe de
" Numbers " : l’appareillage multimedia finit par s’effacer au profit d’un site habité par un tressage
d’images et de son. La dimension exploratrice, incantatoire voire hallucinatoire de " Numbers " en fait
à l’évidence une expérience singulière dans le champ de l’art contemporain.
Des villes, des figures qui les traversent, spectrales, une femme, passant à travers les parois de ces
mondes dispersés, souveraine, des coulées sonores, scandées ou suspendues… On pourrait parler
d’aléa et de chance. Les artistes parlent volontiers de jeu de probabilité fondé sur le hasard, mot dont
elles soulignent l’origine arabe (az-zâhr, le dé) : sans doute devons-nous comprendre que nous
appartenons, nous aussi, à ces mondes : nous sommes le quatrième côté du carré et c’est avec nous
que le cube, ou le dé, de " Numbers " se referme… " Un coup de dé n’abolira jamais le hasard "
écrivait Mallarmé.
Michel Cegarra