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1 Les politiques RH comme élément indispensable de la
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Les politiques RH
comme élément indispensable
de la « métamorphose »
de la Protection sociale
Philippe Renard
Directeur de l’URSSAF d’Île-de-France
Depuis l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à l’organisation de la Sécurité sociale, le
renforcement des Caisses nationales comme têtes de réseau a également concerné les
politiques de gestion des ressources humaines.
Dans les quatre branches du régime général, des experts ont été recrutés,
des structures créées, des schémas directeurs élaborés, des réseaux RH
constitués. Très vite, les Caisses nationales ont été convaincues que des
orientations RH propres à chaque branche trouvaient leur place entre le
cadre conventionnel négocié à l’UCANSS et les politiques locales, pour mieux
accompagner l’évolution des métiers spécifiques à chacune d’elles.
Cependant le décret du 12 mai 1960 a été maintenu, laissant à chaque Caisse
les prérogatives juridiques liées au statut d’employeur. Même si le lien entre
la Caisse nationale et le directeur a fortement évolué depuis 1996 (date de la
création du Comité des carrières) et s’est achevé en 2011 par la nomination
directe du directeur par la Caisse nationale. Notons également que l’ordonnance de 1996, via l’article 217-7 du Code de la Sécurité sociale, accroît la
responsabilité du directeur en lui confiant la présidence du comité d’entreprise, jusque-là confiée au président du conseil d’administration. Par cette
responsabilité accrue, il devient pénalement responsable et il est exposé à
une procédure pour délit d’entrave vis-à-vis des Instances Représentatives
du Personnel (IRP).
Pour compléter ces évolutions, la loi de financement de la Sécurité sociale
de 2002 a modifié sensiblement la gouvernance de l’UCANSS. Les prérogatives des Caisses nationales ont été renforcées par leur présence au comité
exécutif, lequel définit les grandes orientations des politiques de ressources
humaines communes aux quatre branches et décide des mandats de négociations pour faire évoluer le cadre conventionnel de la branche professionnelle
du régime général. Les partenaires sociaux sont restés dans la gouvernance
de l’UCANSS par l’intermédiaire du Conseil d’Orientation (COR). Toutefois,
force est de constater que le dialogue social se fait aujourd’hui quasiment
exclusivement entre, d’une part, le directeur de l’UCANSS ou les directeurs
des Caisses nationales et, d’autre part, les fédérations représentant les
salariés.
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Les évolutions de la Protection sociale
Néanmoins, le COR reste le garant des grandes orientations inter-branches, son
pouvoir étant renforcé depuis la loi de financement de la Sécurité sociale de 2009
qui instaure une Convention d’Objectifs et de Gestion (COG) entre l’UCANSS et l’État.
Au plan local, la fonction RH s’est transformée. La traditionnelle administration du
personnel a évolué en secteurs RH, qui ont développé des méthodes nouvelles et
utilisé des outils renouvelés (formation professionnelle, entretien annuel d’évaluation…). À ce jour, ces derniers n’ont pas tous atteint le même niveau de professionnalisme, comme le montre un audit récent de la Mission Nationale de Contrôle (MNC)
sur les modes de recrutement.
Ce cadre général étant posé, il s’agit maintenant d’essayer d’analyser si la RH a connu
des métamorphoses aussi profondes que celles observées dans d’autres domaines
(le métier, la gestion du risque, la qualité de service aux usagers, le pilotage de la
production, la lutte contre les fraudes, etc.). Il s’agit aussi de vérifier si les évolutions
en matière de RH ont été pertinentes et suffisantes pour accompagner et faciliter la
mise en place des objectifs définis dans les COG.
La réponse ne va pas de soi. En effet, déjà à la fin des années 90, les démarches de
gestion prévisionnelle des compétences étaient encouragées. En atteste par exemple
le projet « Nous Demain » de l’Assurance maladie. De même, à la suite de la mise en
place de la classification du 14 mai 1992, l’Observatoire des métiers de l’UCANSS
apportait des analyses intéressantes sur l’évolution des métiers. Ce qui pourrait laisser à penser que, dès cette époque, la RH était un vecteur de la modernisation de nos
organisations.
Pour tenter de répondre à cette question, nous rappellerons tout d’abord quelques
caractéristiques du capital humain de l’institution. Puis, nous examinerons le tournant
majeur qui s’opère au début des années 2000. Enfin nous montrerons qu’aujourd’hui,
la RH a changé et qu’elle a atteint un niveau de qualité identique à ce qu’on observe
dans d’autres branches professionnelles. Au point de devenir un élément stratégique
à prendre en compte au même titre et au même moment que les évolutions informatiques ou législatives.
1. Un capital humain
dont les particularités se renforcent
Le nombre de salariés en contrat à durée déterminée (CDI) s’élevait à 166 960 en 2005. Il n’est plus
que de 154 503 en 2011, soit une baisse de 12 457 (7,5 %). C’est pratiquement l’équivalent de la
branche Retraite ou la branche du Recouvrement. À noter : cette baisse des CDI n’a pas été compensée
par une hausse des CDD.
Les structures juridiques ont également fortement diminué : 524 Caisses en 2005, 432 en 2011. Ces
chiffres témoignent du changement profond dans l’organisation des réseaux des différentes branches :
rationalisation de la présence des Caisses sur le territoire (départementalisation), impact de la loi HPST
de 2009 avec la disparition des URCAM.
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L’âge moyen des salariés, déjà relativement élevé, progresse encore : 44,9 ans en 2005, 45,4 ans en 2011. Autre
particularité forte : un taux de féminisation déjà élevé qui continue à s’accroître : 75,7 % en 2005, 76,8 % en 2011.
Avec pour conséquence un temps partiel important (17,1 %), choisi et non subi dans la quasi-totalité des cas.
La rémunération des femmes est en moyenne inférieure de 18,8 % par rapport aux hommes. Il convient toutefois de
souligner que ce différentiel est le fruit de la structure des emplois occupés par les deux genres.
Le salaire brut annuel moyen s’élève à 35 099 euros en 2011.
Concernant les mouvements du personnel, deux éléments sont à prendre en compte. Un : des départs en retraite
nombreux mais en net retrait puisque l’année 2011 retrouve un niveau proche du niveau de 2005 : 3 711 départs en
2005, 4 940 en 2010, 3 477 en 2011. Deux : un niveau d’embauches en CDI qui se stabilise sur les cinq dernières
années : 2 915 en 2005, 2 456 en 2010, 2 711 en 2011.
2. Début des années 2000 : la métamorphose est en marche
À cette époque, grâce aux progrès technologiques qui permettent de faire circuler la voix et l’image sur n’importe
quel point du territoire, il devient plus facile et plus économique de déplacer la charge de travail que de déplacer les
personnes. Les organisations du travail vont se transformer en conséquence et des mutualisations de toutes sortes vont
voir le jour.
Toujours à cette époque, comme d’autres grands secteurs de l’économie tertiaire, la Sécurité sociale s’est mise à dissocier de plus en plus les activités du front office et du back office. La recherche d’une plus grande qualité de service aux
usagers (avec notamment une meilleure réponse au téléphone) a conduit les réseaux à trouver de nouvelles réponses.
Le modèle qui prévalait à la fin des années 1990 dans lequel le technicien effectuait toutes les tâches a été mis à mal.
À l’exception de l’Assurance maladie, qui a gardé une forme de spécialisation.
Enfin, très vite, le renforcement des processus liés à la certification des comptes et le besoin croissant de maîtriser la
production ont conduit à mettre en place des organisations capables de répondre aux nouvelles exigences des politiques
publiques. La nature et le contenu des emplois s’en sont trouvés très fortement modifiés.
Prenons un exemple qui illustre parfaitement ces évolutions : l’accueil téléphonique des usagers. Pour simplifier, nous
pouvons considérer que deux grands schémas organisationnels se sont mis en place pour en améliorer l’efficacité.
• Premier schéma : les salariés concernés ont exercé ces activités à des moments différents de la journée ou de la
semaine, parfois même dans des lieux différents. Autrement dit, on leur a demandé de se partager entre une activité
« traitement de dossiers » et une activité « accueil téléphonique », cette dernière se faisant parfois dans un espace
réservé à la gestion des appels.
• Deuxième schéma : des plates-formes d’accueil téléphonique ont été mises en place, pour lesquelles on a recruté
des téléconseillers.
Ces schémas ont relancé le débat spécialisation/polyvalence déjà d’actualité au début des années 90. À cette époque,
beaucoup d’organismes avaient mis en place des organisations basées sur la polyvalence des agents. À partir des
années 2000, au contraire, le mouvement s’inverse : les Caisses ont tendance à privilégier des organisations qui
conduisent à la spécialisation des agents.
Force est de constater que les évolutions enregistrées depuis une dizaine d’années (complexité croissante de la
législation, exigence de qualité de service) rendent une forme de spécialisation nécessaire.
Il est en effet difficile aujourd’hui pour un salarié de maîtriser l’expertise nécessaire à l’ensemble des tâches. La longueur
et la complexité des formations professionnelles (initiale et continue) en témoignent. À cet égard, la formation Vademecaf
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a pu engendrer des incompréhensions lors de la mise en place du RSA. En effet, les salariés recrutés
n’ont été opérationnels qu’au bout de 12 à 18 mois.
Vers quelle forme de spécialisation les branches s’orientent-elles aujourd’hui ? Trois approches organisationnelles sont majoritairement déployées :
• Une spécialisation en fonction de la typologie des usagers. Ces organisations se développent par
exemple dans les Urssaf puisque la catégorie de cotisants est déterminante (législation et relation
très différentes selon qu’on traite des dossiers de travailleurs indépendants ou des dossiers de
grandes entreprises).
• Une spécialisation en fonction de la nature de la prestation (traitement des indemnités journalières
dans les Caisses primaires, entretiens personnalisés/information retraite…).
• Une spécialisation liée à la nature d’une tâche à l’intérieur d’un processus (tâches d’affiliation ou de
radiation, réponses de premier niveau au téléphone…).
Par l’impact qu’elle produit sur le contenu des emplois, sur les activités et sur les compétences nécessaires pour les réaliser, l’organisation du travail a des conséquences structurantes sur les politiques de
ressources humaines. Ces conséquences sont au moins aussi fortes que les évolutions des systèmes
d’information et les changements législatifs.
Ces évolutions organisationnelles concernent au moins 95 000 salariés (hors encadrement). Pourtant,
leur impact sur les métiers n’a pas, à notre sens, été suffisamment analysé avant leur mise en œuvre.
Les problématiques de gestion observées sur les plates-formes téléphoniques en sont un exemple.
Ainsi les mobilités entre les métiers du front office et du back office n’ont pas été suffisamment prévues
en amont. D’où des risques de démotivation des personnels sur les plates-formes, l’émergence de
conflits sociaux et l’absence de déroulement de carrière pour ces salariés.
Au cours de ces années 2000, parallèlement, des nouveaux métiers d’experts sont apparus (délégué
de l’Assurance maladie, contrôleur du recouvrement, conseiller retraite…). Force est de constater que
ces métiers, eux, ont fait en amont l’objet d’études précises de la part des services RH des Caisses
nationales. Cela peut s’expliquer par le fait que ces métiers étant nouveaux, il a fallu, d’une part, en
définir le contour des activités et, d’autre part, construire les formations nationales ad hoc.
En tout état de cause, il ne nous appartient pas de juger quelle forme d’organisation serait la plus pertinente. En revanche, à chaque mise en place d’une organisation, une politique RH doit être simultanément
déployée. Faute de quoi deux risques majeurs sont encourus. Une démotivation des personnels, qui
entraîne une perte de productivité et nourrit l’absentéisme. Une résistance au changement d’emploi (un
salarié qui reste trop longtemps sur une activité spécialisée changera difficilement de nature d’activité
lorsqu’il le faudra).
3. Des politiques de ressources humaines rénovées,
au service de la performance de l’institution
Si les évolutions organisationnelles n’ont pas suffisamment été prises en compte sur le plan RH, force
est de constater, en revanche, que depuis fin 2004 la Sécurité sociale connaît des évolutions majeures
sur le plan des politiques de rémunération, de la formation professionnelle et dans sa prise en compte
des évolutions sociétales.
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3.1. Des accords de rémunération qui ont modernisé
très largement le cadre de travail
Dans les accords du 30 novembre 2004, les partenaires sociaux signataires ont fait preuve d’audace et de modernité. En
cassant les automaticités liées à l’ancienneté pour mieux reconnaître l’implication, le développement des compétences
et la performance (individuels et collectifs), la Sécurité sociale s’est dotée d’outils de rémunération modernes. Huit ans
après la signature de ces accords, les transformations sont profondes. Les orientations annuelles en matière de rémunération sont devenues partie intégrante des politiques de ressources humaines de chacune des Caisses.
La lettre annuelle de cadrage du président du comité exécutif de l’UCANSS, déclinée par branches et qui a elle-même
vocation à être déclinée localement, est un exemple concret de cette transformation. Elle permet de donner plus de
lisibilité et de sens aux politiques de rémunération, en fonction des objectifs assignés chaque année.
Il n’empêche qu’il demeure des difficultés de mise en œuvre. D’abord en raison d’une comparaison trop directe avec le
système de la fonction publique. Ensuite compte tenu du fait qu’une majorité de salariés considère encore ce système
injuste et opaque.
„ UNE COMPARAISON TROP DIRECTE AVEC LE SYSTÈME DE LA FONCTION PUBLIQUE
Le gel de la valeur du point, en écho au gel du point d’indice, en est l’illustration majeure. En effet, à partir du moment
où les mesures individuelles automatiques sont limitées (0,29 % du GVT), le système ne peut pas fonctionner sans une
augmentation générale. Sans augmentation collective, la question du maintien du pouvoir d’achat se pose avec acuité
dans un contexte où l’inflation est d’environ 2 % par an. En effet, les employeurs seraient obligés d’utiliser les points de
compétence pour compenser la perte du pouvoir d’achat – ce qui n’est bien évidemment pas leur vocation.
„ UN SYSTÈME PERÇU COMME INJUSTE ET OPAQUE
Selon les résultats du Baromètre Social Institutionnel (BSI), les salariés considèrent que leur rétribution n’est pas à la
hauteur de leur contribution : environ un quart des agents seulement estime être rémunéré à sa juste valeur par rapport
au travail accompli. En outre, les règles d’attribution des mesures de rémunération individuelle semblent peu visibles.
60 % des agents considèrent qu’elles ne sont pas connues, 72 % estiment qu’elles ne sont pas claires et 81 % qu’elles
manquent d’équité. L’effort d’explication doit donc être renforcé afin que ce système soit accepté par une plus grande
majorité des salariés.
Un outil est actuellement bien perçu par les salariés, c’est l’intéressement : 58 % des agents en apprécient le principe, 46 %
le jugent motivant. Par ailleurs, une très large majorité (83 %) déclare contribuer personnellement à l’atteinte des objectifs.
Mis en place en 2002 et renforcé en 2008 (2,5 % de la masse salariale), il est utilisé comme outil de pilotage par un grand
nombre d’organismes. Il contribue sans aucun doute au bon niveau de performances observé dans les différents réseaux.
Ces outils de rémunération constituent un atout appréciable pour la Sécurité sociale, atout que pourrait lui envier la
fonction publique.
3.2. Une recomposition très forte de la formation professionnelle
Historiquement, le régime général a investi de manière soutenue dans la formation de ses salariés : 4,78 % de la masse
salariale en 2011 (vs 4,75 % en 2006), soit une dépense moyenne annuelle de formation par salarié de 2 221 € pour
ceux qui en ont bénéficié (1 476 € en moyenne si on prend en compte l’ensemble des effectifs).
La complexité de nos législations explique ce taux élevé. L’effort de formation est en effet indispensable pour obtenir la
qualité requise dans la mise en œuvre des politiques publiques.
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Avec l’accord sur la formation professionnelle de 2005, renouvelé par l’accord de 2010, les politiques
de formation ont évolué sensiblement. Un des points majeurs de cet accord a été la création d’une
commission paritaire nationale pour l’emploi et la formation professionnelle (CPNEFP), à l’instar d’autres
grandes branches professionnelles.
Depuis 2006, date de sa mise en place, la CPNEFP a accompli un travail important sur différents
points.
„ UNE PRIORISATION DU FINANCEMENT DES FORMATIONS AU SEIN DES QUATRE BRANCHES
La participation des Caisses nationales au sein du collège employeur contribue d’une part à avoir une
analyse transverse des enjeux, d’autre part à mieux définir les priorités propres à chaque branche. Il
convient de souligner que les formations dites « nationales » (maîtrise d’ouvrage assurée par une Caisse
nationale) sont passées de quelques-unes au début des années 2000 à plus de 160 aujourd’hui. Cet
accroissement très fort montre l’importance du levier formation pour accompagner l’évolution des
métiers.
„ UNE VALORISATION EN INTERNE ET VIS-À-VIS DE L’EXTÉRIEUR DES MÉTIERS DE LA SÉCURITÉ
SOCIALE
La création de Certificats de Qualification Professionnelle (CQP) en est l’exemple le plus probant.
Plusieurs CQP ont été créés depuis 2006 : délégué à l’Assurance maladie (DAM), manager opérationnel, relation de service. Le CQP permet de donner un signe de reconnaissance fort au salarié qui
l’obtient. Ce dernier peut s’en prévaloir dans le cadre de son parcours professionnel, tant au sein de
l’institution qu’à l’extérieur. Le CQP est aussi un outil de communication qui valorise les métiers de
la Sécurité sociale. Mis en place à l’initiative des partenaires sociaux, il est la preuve qu’un dialogue
social riche et nourri aboutit à des solutions de type gagnant/gagnant. Enfin, l’entrée du régime
général dans Uniformation (OPCA choisi à l’unanimité par les partenaires sociaux) permet d’envisager
la création de CQP communs avec d’autres partenaires de la sphère sociale, comme l’Agirc Arcoo
ou la Mutualité.
„ LA PUBLICATION DE DEUX RAPPORTS ANNUELS : LE RAPPORT POUR L’EMPLOI ET LE
RAPPORT SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Publiés pour la première fois en 2007, ces rapports sont aujourd’hui aussi riches que ceux publiés par
l’Observatoire des assurances. Ces deux rapports sont présentés à la presse spécialisée ainsi qu’à nos
partenaires chaque année. Ils contribuent donc également à la valorisation de nos métiers en dehors
de la sphère Sécurité sociale. C’est aussi un outil d’analyse commun entre les partenaires sociaux.
„ L’OBSERVATION ET L’ANALYSE DES ÉVOLUTIONS EN COURS ET À VENIR
La CPNEFP s’est dotée d’un programme qui vise à publier des études. Objectif : repérer les facteurs
déterminants de l’évolution des activités et des emplois. Dans ce cadre, deux études majeures ont
été conduites récemment, l’une sur la relation de service, l’autre sur les effets de la dématérialisation.
Bien d’autres chantiers sont en cours en ce qui concerne la formation professionnelle. Citons l’optimisation des achats auprès des prestataires extérieurs afin de bénéficier d’une approche grand compte de
leur part (enjeu annuel : 30 millions d’euros). Citons également la rationalisation du réseau institutionnel
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de formation (RIF). La Sécurité sociale a la chance de posséder ses propres centres de formation. Il est en effet indispensable que les formations propres à nos métiers soient dispensées en interne. Une rationalisation de l’organisation de
ce réseau devrait permettre d’accroître encore la qualité des formations dispensées, de clarifier l’offre sur le territoire et
de mieux la faire connaître. Et ce, dans un contexte économique de plus en plus contraint.
3.3. Une forte dynamique autour des thèmes sociétaux
Force est de constater que sur les questions de société, la Sécurité sociale a développé des politiques dynamiques,
souvent en lien avec les valeurs inhérentes à ses missions.
Le premier plan cadre du développement durable pour la période 2007/2010 illustre bien l’implication de l’institution
sur ces questions. Dès sa préparation, fin 2006, il témoigne de l’implication forte de la Sécurité sociale à une période
où les thèmes sociétaux n’étaient pas encore une priorité dans les entreprises. L’architecture de ce plan cadre, décliné
par branches puis localement, a contribué à ce que tous les salariés s’impliquent. Six années après, l’engagement est
autour aussi fort. Le deuxième plan cadre 2011/2014 ne connaît pas d’essoufflement. Un outil de suivi développé
par la CNAM (PERLS) a été déployé dans toutes les branches. Des résultats probants sont enregistrés, aussi bien sur
les aspects environnementaux (baisse des consommations d’eau, d’électricité) que sur les aspects sociétaux (taux de
clauses sociales dans les marchés). Cette implication est reconnue à l’extérieur, l’institution ayant été chargée de piloter
l’élaboration du guide des entreprises publiques socio-responsables.
La signature des accords RSE par les partenaires sociaux témoigne également de cette dynamique. Ces accords
participent au développement de politiques RH basées sur des principes de non discrimination et de respect de l’équilibre
vie privée/vie professionnelle. L’égalité hommes/femmes ou la gestion des âges font maintenant partie des éléments qui
sont analysés régulièrement dans chacune des Caisses.
4. Une métamorphose qui fait des RH un élément stratégique
à prendre en compte au même titre que les évolutions
informatiques ou législatives
Nous formulons l’hypothèse que les schémas directeurs des ressources humaines, souvent élaborés quelques mois
après les COG, le seront demain dans le même temps. Il est en effet indispensable que l’impact RH soit pris en compte
lorsqu’on décide des orientations inscrites dans les COG. À titre d’exemple, l’impact de l’intensification de la lutte contre
la fraude n’a pas été suffisamment pris en compte pour un certain nombre de métiers. C’est ainsi que certains travailleurs
sociaux ont eu des difficultés pour faire évoluer leurs pratiques. On pourrait aussi citer la mise en place d’organisations
matricielles, souvent sources de déstabilisation pour les salariés.
En conséquence, la place des responsables RH des Caisses nationales devrait être au même niveau que celle des
directeurs métiers ou celle des directeurs informatiques. Dans des structures où le capital humain est à la base de la
performance, le directeur des ressources humaines doit être un des piliers de l’élaboration de la stratégie globale de
l’entreprise. Aujourd’hui, la RH est trop souvent encore axée sur les outils et pas suffisamment considérée comme un
axe majeur de la performance globale de nos organisations.
Ces remarques sont basées sur l’analyse que, dans les dix prochaines années, la performance du régime général sera
encore plus déterminée qu’aujourd’hui par la motivation – et donc l’implication – de ses salariés.
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À cet égard, nous considérons que les gains de productivité futurs seront issus de trois facteurs
principaux :
• l’évolution continuelle des outils informatiques et des systèmes de production ;
• l’adaptation des organisations afin d’accroître sans cesse l’efficience (fusion, mutualisation, rationalisation des processus, renforcement des outils de pilotage…) ;
• la motivation des personnels, source de productivité, d’engagement et de qualité au travail.
Ce dernier item est pour nous la pierre angulaire de la réussite. D’où l’intérêt de s’interroger sur les
différentes sources de motivation des salariés. Grâce au BSI et au diagnostic conduit en 2011 sur l’état
de santé des salariés du régime général, nous disposons d’informations précises. Il ressort de ces
études que la qualité de vie au travail dépend d’une dizaine de facteurs.
Par ordre décroissant d’importance :
1. la reconnaissance par la direction ou l’encadrement supérieur ;
2. un poids raisonnable des tâches de reporting ;
3. la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle ;
4. le sentiment d’utilité ;
5. le sentiment de faire un travail de qualité ;
6. la reconnaissance au travers des points de compétences ;
7. un rythme soutenable des évolutions ;
8. le fait d’être associé aux décisions qui concernent son travail ;
9. la qualité de la relation avec le supérieur hiérarchique direct ;
10. des perspectives d’évolution professionnelle.
On voit bien que ces dix déterminants de la qualité de vie au travail ont une incidence directe sur la
motivation, donc la productivité individuelle et collective, et sur la qualité du travail. Ces constats placent
le manager au centre des politiques RH futures. Il est au carrefour des métamorphoses de la protection
sociale. En effet, il pilote les transformations organisationnelles, il accompagne les évolutions technologiques, il met en œuvre les évolutions réglementaires, il pilote la production, il décline les politiques
RH. Au quotidien, il accompagne et guide l’action de ses collaborateurs. Dans les années futures,
l’investissement sur le capital managérial doit être à la hauteur de ces enjeux. De ce point de vue, les
travaux conduits par Annick Morel sur la dynamisation de la ressource dirigeante sont une preuve de la
prise de conscience nouvelle par l’institution de ces questions.
Autre élément clé pour les années qui viennent : la poursuite du développement d’un dialogue social
nourri. Les relations sociales sont encore parfois vécues comme une contrainte et non une opportunité
pour accompagner les transformations indispensables à nos fonctionnements. De ce point de vue, la
Sécurité sociale n’a pas achevé sa métamorphose et devra progresser dans les prochaines années. Les
partenaires sociaux (direction et organisations syndicales) devront trouver les moyens de progresser
dans le respect mutuel. L’approche contractuelle doit se développer au niveau des Caisses nationales
et des organismes locaux. Cette évolution passe par un dialogue social renforcé entre chaque Caisse
nationale et les organisations syndicales nationales, en cohérence avec les orientations inter-branches
pilotées par l’UCANSS. Un cadre conventionnel ad hoc pour accompagner les transformations inscrites
dans les COG est un scénario possible dans quelques années. Le protocole d’accord qui accompagne
la mise en place du schéma directeur du système d’information de la CNAMTS est, de ce point de
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vue, un exemple innovant en ce qu’il accompagne des transformations profondes dans l’organisation de l’informatique
de l’Assurance maladie.
Au plan local, des espaces de négociation doivent se développer, dans un cadre certes contraint et cohérent avec le
niveau national, mais avec quelques marges de manœuvre indispensables à toute recherche de compromis.
Sans le développement de cette culture du compromis, les relations sociales resteront basées sur des rapports de
force qui alimentent la culture de la contestation donc l’audience des syndicats, qui font reposer leur stratégie sur la
revendication systématique.
Là encore, le développement de la négociation locale devra être vu dans un cadre global défini par l’UCANSS. Il peut
s’appuyer sur la loi du 20 août 2008, qui place l’entreprise de terrain à la base de la modernisation du système de
démocratie sociale de notre pays.
En conclusion
Après avoir observé les transformations profondes de la RH depuis une dizaine d’années, il nous
semble que les métamorphoses à venir se concentrent sur quelques points :
1. Les politiques de ressources humaines doivent faire partie de la stratégie globale des différentes
branches de la Sécurité sociale. Elles doivent être en interaction avec les évolutions organisationnelles.
2. Le management doit être considéré comme au cœur des enjeux globaux de nos organisations.
De lui dépend la réussite de nos objectifs futurs.
3. Une grande partie des gains de productivité futurs passe par une plus forte motivation des
salariés (il est établi de manière certaine qu’environ 25 % des salariés sont en perte de confiance,
donc d’engagement – cf. résultats BSI).
4. Les transformations futures doivent s’appuyer sur un dialogue social nourri – et ce tant au
niveau des Caisses nationales qu’au niveau local.
5. Le développement d’outils de pilotage des politiques RH doit être poursuivi (BSI, études RH,
entrepôt de données RH et mise en place d’un véritable système d’information ressources humaines
inter-branches).
6. De véritables parcours professionnels, basés sur des politiques valorisant la mobilité, doivent
être proposés aux salariés.
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