BIEN FERTILISER EN BIO, ÇA COMPTE Ou comment faire un plan

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BIEN FERTILISER EN BIO, ÇA COMPTE Ou comment faire un plan
BIEN FERTILISER EN BIO, ÇA COMPTE
Ou comment faire un plan de fertilisation
pour une ferme maraîchère diversifiée
Jean Duval, agr., CETAB+
Novembre 2014
1. À partir du plan de culture, créer des groupes selon un ou
plusieurs des critères suivants :
- Cultures exigeantes, moyennement exigeantes, peu
exigeantes;
- Sols riches, moyens ou pauvres (matière organique, P, K);
- Cultures avec paillis plastique/irrigation ou sans.
2. Déterminer le budget disponible pour l’achat de chaux, de
fumier, de compost et d’engrais divers. Établir une stratégie
générale de fertilisation.
3. Pour chaque groupe de cultures, établir les besoins moyens à
rencontrer à partir des grilles de fertilisation du CRAAQ et des
résultats d’analyse de vos sols.
4. Établir la valeur des apports provenant :
- De la matière organique du sol;
- Des précédents (ex. : engrais vert de légumineuses, prairie);
- Des apports de fumier et compost.
5. Calculer les besoins qui restent à combler par les autres
engrais organiques (ex. : fumier de volaille granulé, farine de
plumes, etc.) et par les engrais minéraux (ex. : sulfate de
potassium, sulpomag). Déterminer les doses nécessaires.
6. Vérifier les besoins pour les autres éléments secondaires (Mg,
Ca) et oligo-éléments (ex. : bore, molybdène). Déterminer les
apports nécessaires pour combler ces besoins.
7. Compiler la quantité totale nécessaire de chaque engrais.
Vérifier si ça correspond au budget prévu. Si ça dépasse,
prioriser certaines cultures plus rentables…ou augmenter le
budget!
1
RAPPELS ET MISE EN GARDE
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Éléments minéraux
Le cycle de l’azote (N), du phosphore (P) et du soufre (S) passe par la
matière organique et la vie du sol en bio (pas de formes directement
absorbés par les plantes) ;
Ceux du potassium (K), du magnésium (Mg), du calcium (Ca) non,
mais leur libération à partir de sources moins disponibles (ex. : roche
mère, mica) est aussi affectée par la vie du sol.
Sol en santé
Si le sol est compacté ou mal drainé (manque d’oxygène!), les engrais
organiques (sources de N et P) vont MAL TRAVAILLER, l’humus va
peu minéraliser;
S’il manque d’eau, surtout si le sol est léger, les engrais organiques NE
TRAVAILLERONT PAS;
Si le pH ou l’état calcique n’est pas optimum, l’activité biologique est
réduite et les engrais TRAVAILLERONT MOINS.
Contrôle des conditions
Les grilles de fertilisation ont été conçues pour des engrais solubles
utilisés en agriculture conventionnelle. En tous les cas, les calculs ne
seront que des estimés, mais amènent un usage RATIONNEL des
matières fertilisantes.
Plus on a le contrôle sur les conditions de croissance (ex. :
température et humidité en serre), plus le résultat de la fertilisation est
prévisible;
On peut activer la minéralisation de l’humus, donc la libération d’azote,
par le TRAVAIL DU SOL. Plus on travaille le sol (ex. : binage/sarclage
hebdomadaire), plus on libère d’azote. On peut aussi nuire au sol par
un travail de sol excessif…
Règlementation
Si vous avez plus de 5 ha en horticulture, vous devez avoir un PAEF
préparé et signé par un agronome.
Si vous recevez du fumier d’une entreprise assujettie à un PAEF, vous
devez apparaître comme receveur dans ce PAEF et avoir des analyses
de sols démontrant que vous pouvez être receveur.
Même avec moins de 5 ha, vous devez connaître et respecter les
règlementations pertinentes (REA, guide des MRF, etc.). Ex. : distance
d’épandage par rapport aux puits, cours d’eau, emplacement des
andains de compost, etc.
2
1. Créer des groupes de cultures
Exigence des cultures
Surtout déterminée en fonction des besoins en azote
- Exigeantes : solanacées, cucurbitacées, crucifères (sauf
rutabagas), céleri;
- Moyennement exigeantes : ail, épinards, laitues, maïs, oignons
poireaux;
- Peu exigeantes (frugales) : betteraves, carottes, haricots, pois
Note : la carotte et l’oignon sont considérés moins exigeants en bio
qu’en conventionnel en raison du contrôle des mauvaises herbes
difficile. Dans les grilles du CRAAQ, ce sont des cultures assez
exigeantes.
Sols riches ou pauvres
La richesse peut être vue sous différents angles.
Le niveau de matière organique :
Plus de 4% pour un loam, plus de 3% pour un sable = riche
La richesse en P :
Reflète souvent l’historique de fertilisation et la fertilité accumulée.
Note : si PAEF nécessaire, « abaques » (besoins P du guide
CRAAQ) à respecter.
La richesse en K : comme cet élément est très important pour la
qualité des légumes (couleur, saveur, etc.) et qu’on peut ajuster avec
des engrais minéraux, la richesse en K peut servir de critère de
regroupement.
Cultures avec ou sans paillis
L’absence de paillis permet de faire des apports en bandes en saison
près des rangs de cultures exigeantes. Les engrais liquides bio sont
encore coûteux mais la fertigation peut être considérée pour des
cultures de haute valeur.
3
2. Budget et stratégie
Budget
Qu’est-ce qui est raisonnable? Ça dépend de l’historique, des
cultures, etc.
Tableau 1 - Intrants de fertilisation pour 50 paniers en ASC ou 1 ha
(Weill et Duval 2009)
Intrants
Quantité
Coût
approximatif
Fumier/compost
60 tonnes
700$
Fumier granulé
500 kg
175 $
SulPoMag
300 kg
300$
Chaux
500 kg
25 $
Total
1200 $
Autres exemples :
1 060 $/ha selon le guide technico-économique ASC (MAPAQ 2013)
4 350 $ US/ha dans un exemple de ferme aux États-Unis.
Tableau 2 - Stratégie de fertilisation - un exemple
Légumes exigeants
Sols riches
Dose modérée de
compost/fumier au départ
ou retour d’engrais vert de
légumineuses
Apport d’engrais organique
(ex. : farines, fumier granulé)
aux périodes critiques
Légumes
moyennement
exigeants
Légumes frugaux
Dose faible de
compost/fumier au départ
Apport d’engrais organique
au besoin
Aucun apport
Sols pauvres
Dose généreuse de
compost/fumier au
départ ou retour
d’engrais vert
légumineuses
Apport d’engrais
organique en saison
Apport d’engrais
minéraux
Dose moyenne de
compost/fumier
Apport d’engrais
minéraux
Dose faible de compost
au départ
4
3. Déterminer les besoins
Deux outils nécessaires :
- Analyses de sol;
- Grilles de fertilisation du CRAAQ (CRAAQ. 2010. Guide de
référence en fertilisation, 2e édition);
Tableau 3 - Résumé grilles CRAAQ – besoins en kg/ha N, P2O5, K2O
Richesse
du sol
SELON
ANALYSE
Azote
Solanacées
choux,
brocolis,
patates
Laitue,
alliacées,
cucurbitacée
épinards
Pois,
haricots,
rutabagas,
rabioles
Betterave,
radis,
carottes,
panais
Moyenne
ASC*
Solanacée : Alliacées : Rutabaga : Carotte : 80
135-150
110
35
Chou :
Épinard :
Haricot :
Betterave :
150-230
120
45-60
110
Radis :
Brocoli :
Laitue : 70
Pois :
(45)
130-190
20-35
Patates :
Cucu : 115
125-150
Maïs :
95-140
Phosphore
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Moyenne
0-50
240
184
143
163
182
50-100
215
159
123
138
159
100-150
190
141
105
110
137
150-200
165
123
92
95
119
200-300
123
88
75
75
90
300-400
73
54
52
50
57
40038
30
20
30
30
Potassium
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Moyenne
0-50
237
194
132
233
199
50-100
198
165
110
190
166
100-150
160
133
92
145
132
150-200
122
101
72
103
99
200-300
83
71
55
75
71
300-400
45
43
40
45
43
40023
23
20
30
24
*Ne fait pas partie des grilles CRAAQ. Calculé par Anne Weill, agr.
5
4. Établir la valeur des apports
APPORT DE LA MATIÈRE ORGANIQUE DU SOL
15 kg N/ha pour chaque 1% de plus que 4%
Ex. : 6,5 % m.o. = 22,5 kg N/ha
Si culture de courte durée, ajuster à la baisse
Si la teneur en matière organique est très élevée (ex. : 8%), peut-être
un problème de drainage : ne pas compter plus d’azote!
Note : aussi possible de compter 4 kg P2O5/ha pour chaque 1% de
plus que 4%
APPORTS DE FUMIER ET COMPOST
1. Déterminer une dose d’application
Méthode de la toile au champ
- Disposer une toile plastique (poids connu) large comme
l’épandeur au sol (par exemple 2 m x 2.5 m = 5 m2).
- Passer par-dessus avec l’épandeur en marche (noter le rapport
de vitesse et le pto!).
- Peser le tout (fumier +plastique). Déterminer le poids du fumier.
- Calculer la dose à l’hectare : poids du fumier en kg divisé par
superficie du plastique x 10 000 m2/ha x 1t /1000kg.
Ex. : Je « récolte » 15 kg de fumier sur un plastique de 5 m2.
15kg/5m2x10 = 30 t/ha
Pour plus de précision, répéter au moins 3 fois (ou avec trois toiles).
Méthode du nombre d’épandeurs
On multiplie le nombre de « voyages » d’épandeur par le poids
moyen d’un épandeur et on divise par la superficie couverte. Le poids
moyen peut être établi par une pesée ou estimé (volume à capacité
de l’épandeur x densité du fumier)
Densité : fumier (0,75 à 0,9) ou du compost (0,5 à 0,65)
Lisier : 220 gallons = 1 m3 = 1 tonne
Note : 1 camion 10 roues = environ 12 m3
6
2. Ajuster une dose d’application
Soit en changeant la vitesse d’avancement du tracteur;
Soit en changeant la vitesse à la prise de force (pto);
Soit en changeant les ajustements de l’épandeur.
3. Calculer la valeur fertilisante de l’apport de fumier/compost
Analyse du fumier/compost
N-P2O5-K2O exprimé en kg/tonne humide pour le fumier.
Compost commercial : souvent en % de poids en matière sèche
Ex. : Un compost à 60% d’humidité (40% ms) avec une
analyse 2-2-1 =
Donc 1000 kg sec contient 20 kg N.
Poids humide = 1000 / 0.4 = 2500 kg ou 2,5t
20 kg N / 2,5 t = 8 kg N/tonne de compost humide
Fumier : Idéalement, il faut obtenir une analyse du fournisseur. Sinon,
on peut prendre les valeurs moyennes du CRAAQ :
Tableau 4 – Valeurs moyennes : lisiers, fumiers, compost
Engrais organique
Lisier porc
Lisier vache
Fumier poulet
Fumier vache laitière
Compost de ferme
MS (%)
C/N
3
7
68
19
29
3
7
11
15
15
N
(kg/t)
3,2
2,6
27,5
5,3
7,3
P2O5
K2O
1,5
1,5
31,3
3,6
(9,1)
1,6
3,4
23,1
5,3
(5,4)
Valeur de l’apport pour les fumiers solides :
N disponible an 1 = N total x coefficient d’efficacité / facteur de perte
Tableau 5 - Coefficient d’efficacité (simplifié à partir guide CRAAQ)
Culture
C/N fumier
Loam à sable
Argile
Courte
10-12
0,55
0,45
13-15
0,30
0,25
16-20
0,25
0,20
21-25
0,15
0,15
Longue
10-12
0,65
0,55
13-25
0,35
0,30
7
Facteurs de perte pour les fumiers (méthode simplifiée)
Incorporé en moins de 3 heures (ou compost) : pas de pertes
Incorporé en moins de 2 jours : diviser par 1,1
Pas incorporé : diviser par 1,2
Pour les lisiers : Coefficient d’efficacité de N varie de 0,35 à 1,00.
Voir Guide CRAAQ.
Ex. : Lisier incorporé 24 h après application avant semis d’engrais
vert : compter 0,65.
Pour le P et le K des fumiers et composts :
Coefficient d’efficacité = 1,00
Perte = 0 sauf si appliqué après récolte (diviser par 1,6 pour P; 1,4
pour K)
PRÉCÉDENT OU ENGRAIS VERT DE LÉGUMINEUSES
Tableau 6 - Apport du précédent selon guide CRAAQ
Culture
Racines (kg N/ha)
Tout (kg N/ha)
Prairie 40% légumineuses
40-60
60-85
Prairie 80% légumineuses
40-70
80-120
Vieille prairie (> 5ans)
25-35
60-80
Soya
25
60-80
Pois
25
35-50
Pour les engrais verts de légumineuses, idéalement, évaluer
biomasse et faire analyser pour N
Règle du pouce : 1 pied de biomasse de légumineuse = environ 1
t/ha MS
Trèfles : 3-3,5% N; Vesces : 3-4% N; Pois : 2,5-4,5% N.
Tableau 7 - Azote disponible selon teneur en azote (Jobin et
Douville,1996)
% d’azote dans l’engrais vert 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5
% d’azote disponible
20 30 40 50 60 70 80 90
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5. CALCUL DES DOSES D’ENGRAIS
Diviser le besoin à combler par les engrais organiques ou minéraux
par l’analyse en N-P-K-Mg de l’engrais.
S’il s’agit d’un engrais organique, il doit être « digéré » par les
microorganismes d’abord! Donc jamais 100% disponible.
Si pas de sols riches en P, possible de calculer en fonction de N.
Ex. : Après avoir considéré le précédent et les apports de
fumier, il reste 50 kg/ha d’azote à fournir à mes choux. Je
prévois le combler avec de l’Acti-sol (5-3-2). Je considère 80%
de minéralisation.
50 kg/ha / 5% N / 80% disponible = 1 250 kg/ha de 5-3-2
Note : cet engrais va aussi apporter
1250 kg x 3% P2O5 = 38 kg de P2O5 et
1250 kg x 2% de K2O = 25 kg de K2O
Pour les engrais minéraux de potassium (sulfates), on peut compter
100% de disponibilité.
Ex. : Il reste 100 kg/ha de K2O à combler. J’utilise du sulfate de
potassium (0-0-50).
100 kg/ha / 50% K20 = 200 kg/ha de 0-0-50
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6. AUTRES BESOINS
Chaux
Besoin en chaux déterminé en fonction du pH tampon de l’analyse de
sol. Ne pas mettre plus de 3 t/ha/an en général. Pas avec fumier.
Calcul rapide : (7 – pH tampon) x 10 = dose à appliquer
Si Mg bas, préférer chaux dolomitique.
Oligo-éléments et calcium en saison
Tableau 8 - Exemples d’apports foliaires de calcium, bore et
molybdène en cas de carence (Source : Anne Weill)
Culture élément
produit
Crucifère - Solubor
bore
21%
Betterave
Bore
Solubor
21%
Dose/1000 date
l / ha
1.1-2.2 kg Traitement 1 : 10 jours après la reprise des
(2g/l/10m2) plants;
Traitement 2 : au début de l’inflorescence
pour le brocoli et le choux fleur
1 à 3 kg
1er traitement quand les plants ont 15 cm
de solubor puis 2 ième traitement : 15 jours plus tard
Crucifère - Molybdate 0.25 kg
Dès l’apparition des symptômes
molybdène de sodium (2.5 g/10l)
37%
Laituecalcium
Poivron
tomate
Céleri
Chlorure
de
calcium
36%
Chlorure
de
calcium
36%
Chlorure
de
calcium
36%
9 kg
Dès l’apparition des symptômes – la solution
doit atteindre le coeur
9 kg
Ajouter un agent mouillant; dès l’apparition
des fruits de la première grappe
5 kg
En période de sécheresse; avant l’apparition
des symptômes
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Feuille de calcul – Fertilisation bio - Exemple
Groupe de cultures:
Légumes exigeants (crucifères et pommes de
terre) sans paillis plastiques sur sol riche en
matière organique et P
Parcelles: A1, B3, D4, E1 et le clos à Ti-Mé
Superficies: 1,2 ha
Analyse de sol: 5% m.o.; ph tampon : 6,7; P=325; K=125; Mg=125
N
P2O5
K2 O
Besoins de la culture selon grilles CRAAQ
150
73
160
-Apport par matière organique du sol1
15
4
0
-Apport par fumier ou compost2
42
84
64
-Apport par précédent ou engrais vert3
54
= À combler par les engrais
39
-
96
Engrais 1 : 1000 kg/ha de 5-3-2 (fumier
granulé) soit 1,2 t au total
Engrais 2 : 150 kg/ha de 0-0-50 (sulfate
de potassium), soit 180 kg au total
Engrais 3 : Solubor
40
30
20
Besoins non comblés
75
-
(45 de
trop!)
-
1. La teneur en matière organique des parcelles est en moyenne de 5%.
Donc, on peut ajouter 1 x15 kg N/ha. La minéralisation de P est le quart
de celle de N.
2. Ces parcelles ont reçu une application de 15 t/ha d’un compost jeune
laissé en surface en automne avec une analyse de 8 kg N/t, 9 kg P2O5/t et
6 kg K2O/t. Le C/N du compost est de 18 :1.
3. Un engrais vert de pois fourrager a été semé tard l’année précédente
après une récolte de laitue, carotte. L’engrais vert a donné 3 t/ha de
biomasse à 3 % d’N. 3000 kg x 3% x 60 % = 54 kg N disponible.
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Feuille de calcul – Fertilisation bio
Groupe de cultures: ______________________________________
Parcelles: _______________________________________________
Superficies: _____________________________________________
N
P2O5
K2 O
Besoins moyens du groupe de cultures
-Apport par matière organique du sol
-Apport par fumier ou compost
-Apport par précédent ou engrais vert
= À combler par les engrais
Engrais 1 :
Engrais 2 :
Engrais 3 :
Besoins non comblés
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