LE gINgEMbrE : antiémétique de premier choix en

Prof. L. Angenot
Le gingembre :
antiémétique de premier
choix en pratique officinale
C
onsommé en Inde depuis des millénaires, à la fois comme ingrédient culinaire
et comme remède ayurvédique, le rhizome de gingembre est aujourd’hui
présent sur les étals de tous nos magasins d’alimentation.
Parallèlement, son usage médicinal a fait l’objet de milliers de publications
scientifiques au cours des 25 dernières années, dont plusieurs centaines d’études
cliniques. Remarquable antioxydant et anti-inflammatoire, le rhizome de gingembre
est surtout un anti-émétique à la fois efficace et fiable.
Constituants actifs
Le gingembre contient notamment une huile essentielle,
qui lui donne son arôme, et une oléorésine, de nature
lipidique mais non volatile, qui donne sa saveur poivrée.
Les composants actifs se trouvent dans l’oléorésine
(4 à 7,5% de la drogue). Les gingerols et les shogaols sont
les principaux responsables de l’activité thérapeutique.
Le plus caractéristique est le 6-gingerol. La drogue contient
entre 0,8 et 1,9% de gingerols totaux.1, 2
Mode d’action
Les propriétés antiémétiques du rhizome de gingembre
résultent d’une quadruple activité. Premièrement, il agit
comme antagoniste de la sérotonine (c’est l’un des neurotransmetteurs responsables des vomissements), en inhibant
les récepteurs sérotoninergiques 5HT3.3, 4 Deuxièmement, il
exerce une une action gastroprocinétique.5 Troisièmement,
il agit comme antispasmodique gastrique, par inhibition du
récepteur muscarinique pré-synaptique.6, 7 C’est enfin un
cholagogue, qui stimule la vidange biliaire.8
Etudes cliniques
Mal des transports. Neuf études cliniques ont mis
en évidence l’intérêt du gingembre (notamment comparé
au diménhydrinate) dans la prévention du mal des
transports.9, 10, 11
Nausées consécutives à la chimiothérapie. Trois études
ont démontré l’impact positif de l’administration de poudre
de gingembre en plus d’une thérapie antiémétique
classique.12, 13
Nausées post-opératoires. Cinq études totalisant 363
patientes après laparoscopie ont établi l’efficacité de la
poudre de gingembre à la dose d’1g pour prévenir les
nausées post-opératoires.14
Nausées de la grossesse. La revue Obstetrics and
Gynecology a analysé en 2005 six études cliniques menées
contre placebo ou contre substance de référence sur un
échantillon total de 675 femmes enceintes souffrant de
nausées, à la dose de 1g de poudre de gingembre/jour.
Elle a conclu à l’efficacité et à la sécurité du gingembre,
tant pour la mère que pour le fœtus et le nouveau-né.6
Cette évaluation est confirmée dans un rapport publié en
2005 par l’OMS, qui considère que le gingembre est un traitement efficace et sûr des nausées de la grossesse.15
Cette même conclusion est reprise dans la formation en
pharmacognosie de l’université de Liège.16
Indications
Le rhizome de gingembre est un antiémétique très complet.
Dans la pratique officinale, il se présente non seulement
comme un excellent préventif du mal des transports, mais
également comme une réponse de premier choix dans la
prise en charge des nausées et des vomissements chez la
femme enceinte. ➤
Dosage et posologie (adultes)
1) Rhizome séché : - grossesse : .............................. 1 g/j.17
- autres nausées : ............1 à 3g/j.18,19
2) Extrait standardisé à 10% gingerols :
- grossesse : ..........................100mg/j.
- autres nausées : .... 100 à 300 mg/j.
En plus d’une maîtrise exacte du dosage, l’extrait standardisé présente l’avantage d’une meilleure digestibilité, qui
facilite la compliance.
Précautions – effets indésirables
Interactions médicamenteuses : antagonistes de la
vitamine K. Bien que ce ne soit pas confirmé, il semble que
le gingembre pourrait inhiber la thromboxane synthase et
avoir un effet agoniste de la prostacycline. Mais cet effet
n’est observé qu’à une dose au moins vingt fois supérieure
à la posologie usuelle.20 D’autre part, une étude randomisée
auprès de volontaires sains n’a révélé aucune interaction
entre le rhizome de gingembre et la warfarine. Néanmoins
par précaution, on évitera de l’associer avec les anticoagulants antagonistes de la vitamine K, sans qu’il y ait une
surveillance du temps de coagulation. 21, 22, 23, 24, 25
Calculs biliaires. Prudence en cas d’obstruction des voies
biliaires, puisque le gingembre est cholagogue.26
Effets indésirables. Parmi les patients impliqués dans 15
études cliniques, 3,3% seulement ont ressenti des effets
indésirables digestifs d’intensité légère : reflux et brûlures
gastriques, douleurs gastriques et abdominales, nausées,
éructations.27
Aucune toxicité aigüe ou chronique n’est signalée lorsque
le gingembre est utilisé dans des doses raisonnables.
Les irritations stomacales apparaissent seulement à partir
de doses supérieures à 4-6 g/j.28
Grossesse. Dans son évaluation du rhizome de gingembre,
l’Agence Européenne du Médicament rapporte qu’aucun
effet néfaste sur la santé du fœtus, du bébé ou de la maman
ne peut être attribué au gingembre.25
A l’heure actuelle, on dispose d’études cliniques englobant un total de 1.902 femmes pendant la grossesse, dont
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1.002 au cours du 1er
trimestre.29 On peut
souhaiter que prochainement, l’EMA accepte
l’indication du rhizome
de gingembre dans les
nausées de la femme
enceinte.
Allaitement.
Prudence, car aucune donnée
n’est disponible.
Mutagenèse, carcinogenèse.
Au contraire, le gingembre est anti-mutagénique.30, 31, 32, 33, 34
Conclusion
Le rhizome de gingembre se présente comme un antiémétique précieux pour le conseil à l’officine, dans la prise en
charge des nausées en général, et en particulier dans le
mal des voyages et les nausées de la grossesse.
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