1/11 Contribution du ministère de la culture et de la communication

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1/11 Contribution du ministère de la culture et de la communication
Contribution du ministère de la culture et de la communication
à la conférence nationale sur les rythmes scolaires
Jean-François Chaintreau
chef du service
de la coordination des politiques culturelles et de l'innovation
Secrétariat général
La question de l’équilibre entre le temps scolaire et le temps non scolaire a, de longue date, donné
lieu en France à une multitude d’interventions publiques et de dispositifs. Elle émerge de
préoccupations plurielles liées à la protection de l’enfant, à sa santé, au développement de ses
potentiels, à son épanouissement et son émancipation. L’ensemble de ces interventions se cristallise
autour de la problématique de « l’aménagement des temps de l’enfant. On distingue généralement
trois types de temps :
Le temps scolaire est le temps passé par l'enfant en classe(allant de l'ouverture de la classe à sa
fermeture)organisé sous la responsabilité de l'institution scolaire et dans le cadre des programmes et
des horaires officiels d'enseignement.
Le temps périscolaire est le temps passé par l'enfant dans l'école ou non, qui encadre le temps
scolaire proprement dit. Il recouvre plus précisément le temps d'accueil du matin, la pause
méridienne, l'accueil ou l'accompagnement de fin de journée, après la classe.
Le temps extra-scolaire est le temps passé par l'enfant, hors de la responsabilité de l'école, dans les
demi-journées "sans école". (le mercredi, le samedi, les vacances scolaires...)
L’aménagement des temps de l’enfant a été inscrit à l’agenda de l’action gouvernementale depuis le
milieu des années 80 jusqu’à la fin des années 90 et s’est concrétisé dans différents programmes :
contrat d’aménagement du temps de l’enfant, contrats bleus, contrat ville enfant jeune, contrat
aménagement des rythmes de vie de l’enfant et du jeune...
I La théorie d’action au fondement de l’action publique relative à l’aménagement des
temps de l’enfant
Même si ces questions sont d’importance, l’aménagement des temps de l’enfant se situe, dans sa
philosophie, bien au-delà d’une réponse à la « crise » de l’école ou encore d’une action en vue de la
démocratisation culturelle. Sa théorie d’action met l’accent tout à la fois sur la cohésion sociale, le
développement des individus et des territoires, la citoyenneté et la démocratie.
Le temps de l’enfance et de la jeunesse est appréhendé comme un temps de construction du sujet,
un temps d’expérience, un temps de découverte et de valorisation de ses potentiels. La philosophie
d’action de cette politique porte une autre représentation de l’enfant que celle de l’élève, celle d’un
enfant acteur, doté de droits ; droit à l’épanouissement, droit à la parole, droit au sens critique, droit
à l’intégration. Cette figure de l’enfant renvoie ainsi à un projet de société plus inclusive et plus
démocratique où les enfants, comme les adultes, exercent un réel pouvoir sur leurs vies, sur leurs
espaces et sur leurs temps, tel que le préconise la Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre
59, principes confortés par la convention internationale des droit de l'enfant 30 ans plus tard (20
novembre 1989).
Ce qui est en jeu dans la philosophie de l’aménagement des temps de l’enfant, c’est également une
conception de l’éducation plus active où l’enfant participe à la construction des savoirs, se les
approprie en les intégrant à des projets personnels, valorise ses potentiels dans le cadre d’une
histoire personnelle où la réussite n’est pas seulement scolaire. C’est aussi une appréhension plus
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large des savoirs qui articule les connaissances fondamentales, les savoir-faire, les apprentissages de
la sensibilité, l’esprit critique, la formation de la personnalité comme facteurs de maturation
intellectuelle et affective. Cette éducation appelle la constitution d’une communauté éducative
élargie, composée de parents, d’enseignants, de professionnels de la culture et du sport,
d’animateurs, d’élus et d’acteurs éducatifs locaux.
II Historique des dispositifs : une difficile conciliation entre les compromis socioéconomiques et la prise en compte de l'intérêt de l’enfant
Parmi les textes officiels concernant l'aménagement du temps, on peut distinguer, grosso modo,
deux grandes périodes:
-avant 1979-1980, l'organisation socio-économique détermine les décisions sur les temps de travail
et les vacances. Si des considérations médicales et pédagogiques s'expriment, elles restent sans
influence déterminante sur les mesures prises. Celles-ci se situent quasi exclusivement dans la
perspective de l'organisation annuelle et nationale du calendrier scolaire et de ses conséquences.
-de 1980 à nos jours, l'intérêt de l'enfant et les considérations pédagogiques prennent
progressivement plus d'importance. On s'attache davantage aux rythmes hebdomadaires et
journaliers. La problématique émerge en réponse aux travaux des chronobiologistes (mise en
évidence des rythmes d’apprentissage, de la variation de la capacité d’attention de l’enfant au cours
de la journée scolaire), remise en cause de la journée scolaire jugée en France trop « lourde ». Elle
traduit la volonté de trouver le moyen de concilier les besoins de l’enfant, et les contraintes qui
pèsent sur la disponibilité des parents (en France dès les années 80 toutes les jeunes mères et toutes
les femmes travaillent, ce qui n’est pas le cas en Allemagne par exemple), mais aussi avec les
exigences de l’industrie du tourisme.
La décentralisation et la déconcentration entraînent un mouvement de territorialisation des
politiques éducatives et la nécessité d'une articulation entre le national et le local.
•
Avant 1980, un temps scolaire pour une société d'adultes.
La question de l'organisation du temps scolaire apparaît dès la fin du XIXe siècle avec l'école de la
IIIe République. Le calendrier scolaire annuel a longtemps été construit pour répondre aux besoins
d'organisation, d'abord de la société rurale (contrainte des travaux agricoles), puis de la société
industrielle. Les modifications introduites par la suite avaient pour objectif de mieux répondre aux
innovations économiques et aux avancées des modes de vie (vacances, tourisme), sans faire fi du
fonctionnement pédagogique propice à l'instruction. La semaine scolaire avec une interruption le
jeudi découlait des lois Jules Ferry sur la laïcité de l'école afin de permettre l'organisation de la
catéchèse en dehors de l'école. Ce ne sont donc pas des raisons pédagogiques, ni physiologiques qui
ont prévalu pour l'instauration de cette coupure. La journée scolaire, quant à elle, n'a pratiquement
connu aucun changement durant toute cette période.
Dans les années 1950 et 1960, ce système d'organisation du temps est contesté par des médecins qui
attirent l'attention sur le « malmenage scolaire» des enfants (professeurs Debré, Douady,
Thomazi...) et par des innovations pédagogiques (classe avec mi-temps sportif en 1953, tiers-temps
pédagogique en 1964, disciplines d'éveil en 1969, classes de découverte).
Dès la fin des années 1970, certaines écoles et certaines communes se lancent dans des expériences
d'aménagement de la semaine et de la journée (St Fons, Hérouville St Clair). Ces initiatives prônant
une « école ouverte » sur la cité, sur son environnement et ses partenaires sont accompagnées d'un
engagement des associations complémentaires.
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1980 - 1987 : vers une ouverture de l'école sur ses partenaires.
C'est au début des années 1980 que la question des rythmes scolaires connaît une approche
nouvelle, facilitée par le développement des travaux sur la chronobiologie de l'enfant (Reinberg,
Testu, Montagnier...) et par le rapport du professeur Émile Lévy au Conseil économique et social
(1980). Ce dernier met en avant que les rythmes scolaires sont inadaptés aux besoins biologiques,
physiques et psychologiques des enfants. L’écolier français a, en comparaison avec les enfants des
pays développés, une journée et une semaine scolaires trop chargées et déséquilibrées, une
mauvaise répartition des périodes de travail et de repos durant l’année. Il faudra attendre cependant
les lois de décentralisation (notamment la loi du 22 juillet 1983 dans ses articles 25-26 et 27) pour
que de réelles avancées soient possibles : utilisation des locaux scolaires en dehors des périodes
d'enseignement et possibilité pour les collectivités locales de compléter l'action éducative de
l'éducation nationale. La loi du 16 juillet 1984, à l'initiative du Ministère de la Jeunesse et des
Sports, va ouvrir la possibilité, à la demande de l'équipe des maîtres, d'utiliser des intervenants
extérieurs agréés. Ces textes de loi vont permettre à la circulaire dite "Calmat - Chevènement"
(éducation nationale/jeunesse et sports) du 13 décembre 1984 d'apporter une orientation nouvelle
qui, pour la première fois, préconise « le développement des liaisons de l'école avec les partenaires
éducatifs locaux ». Par la mise en place « d'aménagements du temps scolaire » (A.T.S.), on affirmait
que l'action éducative ne s'arrêtait pas à la porte de l'école, que des actions éducatives pouvaient être
organisées dans le prolongement et en complémentarité de l'action de l'école.
•
1987 - 1988 : l'école en retrait des rythmes scolaires.
Les difficultés d'organisation expliquent, en partie, le gel de la coopération institutionnelle entre
l'Éducation nationale et Jeunesse et Sports. La circulaire du 11 février 1987, signée par Christian
Bergelin, secrétaire d'État chargé de la Jeunesse et des Sports, porte sur un aménagement des
rythmes extra-scolaires. À travers « les contrats bleus », des activités sportives et culturelles sont
développées dans les écoles élémentaires en dehors du temps scolaire, sans lien avec ce dernier.
Ces contrats sont signés entre l'État et les collectivités locales en liaison avec les associations.
•
1988-1990 : pour une politique d' "aménagement des rythmes de vie des enfants".
Avec la circulaire Educ nat / Jeunesse et sports du 2 août 1988, on revient à une liaison forte entre
temps scolaire et temps hors scolaire et l'on s'engage vers une politique globale d'aménagement des
temps de vie de l'enfant. Des orientations nouvelles se font jour : mieux adapter les rythmes aux
besoins des jeunes, mieux équilibrer la journée et libérer du temps dans la semaine pour des
occupations non scolaires. Rapidement, le ministère de la Culture participe à cette politique
(instruction interministérielle du 13 avril 1989). La loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet
1989 vient donner un cadre réglementaire à ces initiatives. A partir du constat que l'organisation et
la gestion du temps scolaire sont mal équilibrées, elle préconise une meilleure organisation des
activités scolaires dans la journée, la semaine et l'année. La circulaire EN/JS/MC du 18 mai 1990
traduit la volonté désormais clairement affichée de prendre en compte tous les temps de l'enfant et
d'élaborer des projets dans son intérêt : développer son autonomie, sa socialisation et sa capacité à
élaborer des projets personnels et collectifs, contribuer à son insertion sociale et culturelle, faciliter
sa réussite scolaire. Elle préconise la mise en place de projets locaux articulés avec les projets
d'école :
–
le contrat d'aménagement du temps de l'enfant (CATE) signé par la commune ;
–
l'extension de ce contrat dans le cadre d'un projet éducatif concernant l'ensemble de la cité et
s'appuyant sur un partenariat plus large.
Parallèlement à ces dispositions, la loi du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques
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permet une avancée significative quant à la possibilité dévolue à des professionnels des arts et de la
culture dans d'intervenir dans les enseignements artistiques. Le décret du 6 mai mai 1988 pris en
application de cette loi encadre la mise en œuvre de ces interventions, sous la responsabilité des
enseignants.
•
1991: L'émergence de préoccupations nouvelles.
Le décret du 6 septembre 1990 modifié par celui du 22 avril 1991 introduit une plus grande
souplesse afin de libérer les initiatives. Il donne une assise réglementaire aux premières expériences
de semaines de 4 jours, mises en place dès 1989 en dehors de toute circulaire ou de toute
instruction officielle.
Entre 1991 et 1993, un certain nombre de circulaires et instructions, tout en se situant dans la
continuité des circulaires précédentes, apportent des exigences nouvelles (circ.Jospin-Bredin-Lang
du 20 septembre 1991, circ. Bredin-Lang du 15 octobre 1992, instructions Jeunesse et Sports du 13
janvier 1993) comme :
- la recherche de l'articulation avec la politique de la ville et la politique des ZEP, la prise en compte
des spécificités du milieu rural à travers un « projet éducatif local » ;
- l’insistance sur la qualité du projet (lutte contre l'inflation d'activités et nécessité de formation des
intervenants);
Les CVE deviennent CVEJ (Contrat Ville Enfants Jeunes).
•
1995: Continuité et innovation par les « aménagements des rythmes scolaires » (ARS).
Une circulaire interministérielle du 31 octobre 1995 rappelle la volonté des trois départements
ministériels de pérenniser la politique d'aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes
(ARVEJ). Le contrat ARVEJ doit regrouper tous les autres dispositifs (CATE, CVE, CVEJ) dans un
contrat unique et pluriannuel. Un comité national de suivi et d'évaluation est constitué.
Une instruction Jeunesse et Sports du 23 novembre 1995 lance le programme expérimental des «
aménagements des rythmes scolaires » (ARS) en mettant en place des sites pilotes. La continuité
avec les textes précédents est évidente mais un pas de plus est franchi : il apparaît nécessaire de
rééquilibrer les différents temps de l'enfant. Du coup, on encourage une répartition différente du
temps scolaire sur différentes périodes (journée, semaine, année). Il s'agit de travailler sur le rythme
quotidien des enfants, avec l'intention de réduire le temps scolaire d'enseignement journalier.
L'organisation de la semaine doit être rééquilibrée par la mise en place d'un aménagement dans le
cadre d'une organisation hebdomadaire sur au moins 5 jours. La semaine de 4 jours est donc
proscrite pour les écoles qui désirent se lancer dans ces nouvelles expérimentations. Il s'agit
également de dégager des plages de temps significatives pour permettre la mise en place d'activités
sportives, culturelles et de loisir, tout en respectant la durée scolaire annuelle obligatoire par une
réduction progressive des vacances d'été.
•
1997-1999 : Dans la continuité du "projet éducatif local", le "contrat éducatif local".
Le 27 mai 1998, le gouvernement affirme, par une communication au Conseil des ministres, sa
volonté de poursuivre cette politique en faveur des enfants et des jeunes à travers la mise en place
des contrats éducatifs locaux (CEL). Une circulaire interministérielle du 9 juillet 1998 définit les
objectifs et les modalités de ces nouveaux contrats. Pour la première fois, quatre ministères sont
signataires (Éducation nationale, Jeunesse et Sports, Culture, Ville). Ils rappellent la volonté de
l'État de mobiliser tous les partenaires (administrations et établissements de l'État, collectivités
territoriales, organismes à vocation sociale – CAF, FAS – et familles) afin d'élaborer un projet
éducatif qui "en respectant la diversité des rythmes de vie et d'apprentissage" favorise l'accès des
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enfants à la diversité des connaissances, des lieux de savoir et des pratiques. Il s’agit avant tout de
rendre cohérents les dispositifs existants en veillant à une meilleure caractérisation et à une bonne
articulation entre temps scolaire, périscolaire et extra-scolaire.
On assiste alors à un développement important des politiques éducatives locales à l’initiative des
collectivités territoriales, recourant ou pas, selon les cas, au dispositif CEL. Les préoccupations
relatives à l’aménagement du temps de l’enfant ne disparaissent pas mais apparaissent moins
prégnantes dans les projets.
A la rentrée 2008, le Ministère de l’éducation nationale décide de modifier l'organisation
hebdomadaire des écoles du 1er degré, en instaurant, par la suppression du samedi matin, la
semaine de quatre jours. Cette nouvelle organisation marque ainsi une prise en compte moindre des
préoccupations d’équilibre des temps de l’enfant portés par la chronobiologie et la
chronopsychologie.
III Quelques commentaires sur les grandes tendances.
L'examen de ces différents textes dans leur continuité et leur enchaînement permet de dégager
quelques tendances et d'appréhender l'évolution des objectifs et des modalités d'intervention.
•
L'intérêt de l'enfant
L'importance attachée à la place de l'enfant dans le dispositif a considérablement évolué. Dans la
circulaire de 1984, le souci d'un aménagement du temps conçu dans l'intérêt de l'enfant n'apparaît
pas. Il faut attendre la loi d'orientation de juillet 1989 qui, en plaçant l'enfant au cœur du système
éducatif, va donner aux politiques publiques, dans le domaine des aménagements du temps et des
rythmes, une approche nouvelle que l'on retrouvera, désormais, dans toutes les circulaires.
D'autre part, la centration de l'enfant au cœur du système éducatif amène également la
reconnaissance du vecteur de transmission que sont les pairs. Ainsi, un nouveau triangle « Famille école - pairs » permet l'émergence d'une approche irénique d'ouverture (à l'encontre de la « clôture »
préconisée par le célèbre philosophe Alain. Le débat reste ouvert).
•
Objectifs généraux et « réussite scolaire »
Une référence explicite dans les objectifs aux « résultats scolaires » ou à « la réussite scolaire »
n’apparaît pour la première fois que dans la circulaire du 18 mai 1990. Il faut noter cependant que
cet objectif est situé en dernière position après « développer l'autonomie, la socialisation» et «
contribuer à l'insertion sociale et culturelle ». Dorénavant, toutes les circulaires reprendront cet
objectif, mais celui-ci n’est pas prioritaire.
•
Vers une meilleure cohérence des actions
L’histoire de ces dispositifs révèle la préoccupation des pouvoirs publics de rendre cohérentes les
différentes interventions : recherche de complémentarités entre ministères, recherche de cohérence
entre des objectifs éducatifs pluriels, recherche d’articulation avec les collectivités territoriales.
•
Volontarisme et généralisation
Les dispositifs préconisés se sont succédé et empilé au fil des ans. Il faudra attendre la circulaire sur
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les CEL pour qu'il soit précisé explicitement que les dispositions prévues par les circulaires
n°95.243 E.N. et n°95.179 J&S du 31 octobre 1995 seront abrogées à partir du 1er septembre 1999.
Cependant, les pratiques ont en particulier rapidement posé le problème de la place des différentes
disciplines, en particulier sportives et artistiques, celui de la polyvalence des maîtres, du rôle et des
compétences des différents acteurs: enseignants, intervenants associatifs, professionnels de la
culture, artistes.
Elles interrogent également les moyens budgétaires y afférant. Pour exemple, à partir de 2008, le
ministère de l'éducation nationale fait un effort budgétaire sans précédent à l'occasion de la mise en
place de l'accompagnement éducatif qui prévoit également l'encadrement par des intervenants
extérieurs. Cependant, la note interne concernant les modalités de rémunération des intervenants
limite la pluralité des intervenants, notamment dans les domaines artistiques et culturels. Elle
favorise, par un important contingent d'HSE, l'intervention des enseignants et remet en cause, par
un taux de rémunération peu attractif, la qualification des intervenants extérieurs.
Tous les dispositifs préconisés n'ont pu être mis en œuvre que sur la base du volontariat, ce qui
s'explique en partie par la nécessité du partenariat avec les communes et les associations. Il est
certain qu'une politique aussi complexe et multidimensionnelle que l'aménagement des temps de
l'enfant peut difficilement être imposée sous une forme unique à des acteurs aux intérêts aussi
divergents, qu'elle nécessite la prise en compte des spécificités locales et qu'elle ne peut être au bout
du compte qu'un compromis né de nombreux échanges et négociations. Ainsi comprend-on mieux
qu'il n'ait jamais été préconisé une quelconque généralisation. Or, si l'aménagement du temps et des
activités des enfants constitue effectivement un enjeu de société important, il est clair que les
politiques publiques dans ce domaine doivent avoir une vocation généraliste. Comment peuventelles s'appliquer sur tout le territoire et concerner tous les enfants, tout en tenant compte des
spécificités locales ? Le défi reste à relever.
Le renforcement de l’éducation artistique et culturelle dans la formation des enfants et des jeunes a
été et reste largement tributaire de l’aménagement des temps de l’enfant et du jeune. Il doit être
pensé de façon globale de manière à articuler des objectifs éducatifs et pédagogiques de nature
complémentaire durant le temps scolaire et durant les temps péri et extra-scolaire. Pour favoriser
cette « continuité éducative » la coopération entre des acteurs exerçant des métiers différents dans
des institutions ayant des missions différentes (écoles, structures de loisir, institutions culturelles,
établissements d’enseignement spécialisé…) est plus que nécessaire. Cette coopération ne peut pas
seulement relever du volontariat, elle doit donner lieu à la mise en place de cadres formels pour
pouvoir se développer : reconnaissance statutaire des temps de coopération, formations conjointes,
conventions de partenariat, espaces de confrontation des approches éducatives et pédagogiques,
etc.).
L'éducation artistique et culturelle devrait ainsi faire l'objet de réflexion au sein d'instances de
concertation État/collectivités territoriales, à l'heure où la réforme de ces dernières a confirmé le
maintien dérogatoire du domaine culturel dans la clause de compétence générale. Le cadre existe :
Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel présidé par le ministre de la
culture et le Conseil territorial de l'éducation nationale présidé par le ministre de l'éducation
nationale. Mais, au mieux, il conviendrait de réactiver le groupe de pilotage interministériel de
l'éducation artistique et culturelle en y associant les collectivités territoriales.
•
la prise en compte de l'arrivée du numérique et la modification des pratiques culturelles
des jeunes
On ne peut ignorer désormais la place centrale prise par internet dans l'accessibilité à la culture
même si pour ces premières années, nous serions plus honnêtes de parler de l'accessibilité aux
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industries culturelles. Le ministère de la culture met en place une stratégie numérique à cet effet
mais il est évident également que la conférence doit prendre en compte ces changements
fondamentaux. L'éducation ne s'est jamais terminée à la sortie de l'école mais l'impact d'internet et
l'accessibilité aux différents savoirs peut inverser les temps de la connaissance entre l'institution
scolaire et la famille. En outre, ces phénomènes intègrent dorénavant la transmission par les pairs. Il
est donc fondamental qu'il y ait une reconnaissance des temps passés hors de l'institution.
La condition pour que ce temps passé devant les différents écrans ne se fasse pas simplement dans
l'intérêt des sociétés commerciales est que l'institution mette en place une vraie politique d'offre
éducative et culturelle dans le respect des droits d'auteurs (Hadopi) et qu'elle valorise ce temps en
dépassant les messages de prévention.
Le ministère de la culture développe depuis plusieurs années une stratégie en faveur d'un espace
numérique public. Ses établissements publics disposent de l’essentiel des facteurs-clés nécessaires
pour impulser ce renouvellement de politique publique, capable de constituer un choc d’offre, un
terrain d’appropriation et d’accompagnement culturels, mais aussi un modèle au plan international.
Il s’appuiera sur le rapport de Bruno Ory-Lavollée Partager notre patrimoine culturel, et constitue
une orientation centrale affirmée à de multiples reprises par Frédéric Mitterrand.
C’est en dépassant la logique du cumul - qui fait que spontanément «la culture va à la culture»qu’une politique durable d'éducation artistique et culturelle devrait produire un service public de
« culture à domicile » en direction du plus grand nombre et pas seulement au profit de ceux qui
capitalisent le tout.
L’essor des accès à cette «culture privée », que ce soit à domicile, ou de manière ambulatoire»
ramène à la question des équipements culturels domestiques et personnels, mais aussi des moteurs
de recherche, de l’indexation et donc de la facilité d’utilisation des contenus intellectuels. En effet,
le numérique et les moyens de communication permettent aux établissements d'enrichir
considérablement leur offre en proposant une palette diversifiée de services «à distance», et donc
potentiellement de toucher de nouveaux publics au delà des cercles de leurs habitués, tout en
engageant avec eux un dialogue permanent et interactif. Cette nouvelle donne contribue par
conséquent à décentrer la question des publics en l’étendant à celle de l’ensemble des usagers,
qu’ils viennent en personne ou non dans l’établissement, obligeant à considérer les équipements
culturels d’un regard neuf : les bibliothèques, les musées mais aussi les lieux de spectacle vivant,
s'ils restent bien entendu les lieux privilégiés de la confrontation directe aux œuvres et aux artistes,
sont aussi de plus en plus appelés à devenir des centres de ressources et des producteurs de services,
de connaissances voire d’émotions à distance, surtout bien entendu quand ils disposent de richesses
susceptibles d’être numérisées. Mettre des ressources sur internet est une première réponse mais le
souci est de ne pas créer un ghetto culturel numérique.
L’exemple de la cité des sciences et de l’industrie est de ce point de vue intéressant, institution créée
dans un bâtiment emblématique destiné à l’accueil du public (3 millions de visiteurs par an), elle
voit son effet démultiplié par un ensemble de services offerts sur internet qui génèrent un trafic de
7,2 millions de connexions par an1. En 2008 les 91 conférences et colloques organisés par la CSI ont été suivis par 21.000 auditeurs
physiques.
Le site Internet - quant à lui - avec plus de 500 conférences, classées par thèmes et diffusées en
ligne et à la carte, constitue une véritable encyclopédie multimédia accessible à tous de n’importe
quel point de la planète. Le portail « Conférences » a enregistré 388 000 visites en 2008, une hausse
1
Source : rapport d’activités 2008 - Cité des sciences et de l’industrie
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spectaculaire par rapport à l’année précédente (+ 12 %) confirmée par une augmentation
significative du nombre d’heures de visionnage qui a atteint le chiffre record de 90 719 heures.
Depuis 2009, le ministère de la culture et de la communication a mis en ligne un site en lien avec
l'enseignement de l'histoire des arts. Ce site est en soi un petit laboratoire de la stratégie numérique
du ministère. Dans un premier temps, il est un outil à destination des enseignants mais à terme il est
à la disposition de tout à chacun qui souhaite obtenir des ressources culturelles éducatives. Il est un
outil qui pourra à terme être utilisé dans la classe et hors la classe, par les enseignants et par les
élèves.
Depuis 2002, nous avons mené, avec la DEPP du le ministère de l'éducation nationale, une étude
sur les pratiques culturelles des jeunes (2000-2004-2006-2008) sur un panel d'enfants. (Elle est
l'équivalent de la grande enquête sur les pratiques culturelles des français du DEPS-Olivier
Donnat). La restitution de cette étude sur les jeunes a lieu à partir d'aujourd'hui, à l'occasion d'un
colloque international « Enfance et cultures » qui se tient au quai Branly.
Les principaux résultats que cette enquête soulignent sont :
La connexion permanente
Le numérique est un espace libre par opposition à l’école et la famille. « Je suis connecté donc je
suis », l’âge du premier téléphone portable est le nouveau rite d’initiation car il permet d’être en
contact permanent avec les « pairs ». L’importance de la connexion dépasse de loin les contenus qui
s’y référent. Cependant, l’arrivée d’une nouvelle génération de téléphones permettant de se
connecter sur internet et de nouveaux abonnements, réduisant la part de la téléphonie classique en
échange de ce nouveau type d’accès en fait un nouveau média financièrement aussi accessible
change déjà la donne.
la présentation permanente de soi, dans un contexte compétitif
Le succès des blogs, remarquable chez les jeunes français, traduit parfaitement bien cette tension
paradoxale entre l'intimité (on a essayé de définir les blogs comme de tels journaux intimes en
ligne) et l'exposition publique de soi, ce que certains appellent parfois « l'extimité ». On pourrait à
cet égard faire référence à l'écriture de soi, telle que Michel Foucault a pu l'analyser, mais sans
oublier ici à quel point elle est organisée, configurée par les industries des réseaux sociaux.
« Je me présente donc je suis ». L’essor des blogs et des réseaux sociaux type Facebook, c’est-àdire le fait de se mettre en scène sur le réseau, pour communiquer avec ses « amis », les « pairs » est
une véritable machine anti-école car le temps passé à multiplier le nombre de connections, en
compétition les uns avec les autres est une activité chronophage qui concurrence le temps de
l’étude. L’écran permet soit de jouer (jeux vidéos), soit d’échanger (connectivité), soit de travailler
(documentation) et il est très difficile, voire impossible de savoir réellement ce que l’enfant fait
devant son écran. Ceci est encore renforcé par certaines plates-formes de blogs, telles Skyblogs liée
à la radio musicale Skyrock qui ont tendance à formater les formes de présentation de soi-même .
Cette intimité présentée à l’extérieur porte désormais le nom d’extimité.
L’enfant multiprocesseur
Le mode d'accès « spontané » des jeunes à la culture et à la communication consiste à multiplier en
parallèle les sources et les accès. Il s'ensuit une sorte de virtuosité de l'enfant multi-processeur mais
aussi une forme d'attention très particulière, parfois définie comme « hyper-attention » qui loin
d'être une « super-attention » est au contraire un type d'attention qui nécessite d'être constamment
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relancée, soutenue de l'extérieur.
Les pratiques de saturation de l’espace culturel sont très répandues : allumer la télévision, couper le
son pour le remplacer immédiatement par une forme musicale quelconque, téléphoner en surveillant
sur un écran partagé à la fois une vidéo, son propre blog et rester attentif à sa messagerie
instantanée.
Cette virtuosité dans la dispersion de l’attention n’est guère favorable à la concentration nécessaire
à l’étude mais il faut bien avouer qu’elle prépare aussi au monde professionnel compétitif qui est le
notre désormais même si ces excès sont parfois contestés (critique de la pensée PowerPoint).
En guise de conclusion concernant les évolutions numériques
L’accès, l’organisation, de l’espace public numérique est l’objet d’une concurrence forte entre
quelques acteurs internationaux (Google, Microsoft, Yahoo!, etc.) centrée sur l’intermédiation,
l’accès aux contenus culturels et l’information sur ceux-ci. L’importance volumétrique et qualitative
d’un patrimoine culturel national cristallise juridiquement des enjeux cruciaux économiquement,
culturellement, politiquement.
Identifiées comme telles depuis le début des années 90, les politiques culturelles du ministère en la
matière doivent prendre en compte la véritable mesure de la question de l’espace public numérique
culturel et la place que devrait y occuper les données publiques culturelles comme c’est le cas dans
le service public audiovisuel. Or, comme le souligne les résultats de l’Enquête Pratiques culturelles
des Français à l’ère numérique, l’enjeu central du renouvellement de la politique culturelle de l'État
n’est plus de maintenir un service public audiovisuel n’est pas celui des 15-35 ans pour ne rien dire
des moins de 15 ans, mais d’occuper l’espace numérique, c’est-à-dire celui des nouveaux écrans.
IV.
Éléments de contexte et les pistes pour l'avenir
Un secteur prioritaire : le primaire
La diminution des horaires dans le premier degré à la rentrée 2008 (passage de 26h à 24h à
l'occasion de la semaine de 4 jours) a eu fatalement une conséquence sur les actions d'éducation
artistique et culturelle, alors que dans le même temps devenait obligatoire l'enseignement de
l'histoire des arts. La concomitance de ces annonces n'a pas été favorable à l'installation sereine de
cet enseignement.
Moins d'heures d'enseignement se traduisent souvent un resserrement autour des « fondamentaux ».
Le processus de généralisation de l'éducation artistique et culturelle qui vise à ne plus s'appuyer
uniquement sur des enseignants « militants » s'en trouve malheureusement ralenti. L'enseignement
de l'histoire des arts devenu obligatoire peut contrebalancer ce mouvement. Néanmoins, cet
enseignement s'appuie également sur une rencontre avec les œuvre set les artistes. La réduction des
horaires accentue le risque de décontextualisation.
Néanmoins, tout se joue avant l’adolescence, toutes les études montrent qu’à partir de cet âge les
pratiques culturelles changent complétement (lecture vers cinéma) sous l’influence des “pairs” qui
se renforce par rapport à l’influence de l’école et de la famille. C'est aussi à ce niveau scolaire que
les collaborations avec les collectivités locales ont été les plus fructueuses dans les différentes
expérimentations des précédentes décennies. Et c'est pour cela que ce niveau scolaire nous semble
le plus pertinent dans le lancement de nouveaux projets.
Le collège :
9/11
Les expérimentations lancées dans quelques collèges à la rentrée 2010 visant à organiser la journée
scolaire en deux temps : cours le matin , activités artistiques mais surtout sportives l’après midi,
doivent être suivies attentivement.
Il n’est cependant pas certain, loin s’en faut, qu’elles répondent à l’objectif d’un renforcement de la
cohérence entre les enseignements et activités artistiques et culturelles en temps scolaire et en
dehors du temps scolaire. On peut même s’étonner qu’elles aient été lancées sur le modèle allemand
alors même que ce soitdisant modèle fait aujourd’hui l’objet d’un examen critique en Allemagne,
notre voisin expérimentant désormais dans un nombre croissant d’établissements la journée scolaire
continue sur le modèle français. La séparation entre les matières dites fondamentales dont
l’apprentissage serait effectué en matinée et les activités artistiques et sportives reléguées l’après
midi, non seulement ne favorise guère l’intégration de l’éducation artistique et culturelle dans les
curriculums mais repose sur l’idée fausse selon laquelle seul l’apprentissage des matières
« fondamentales » requerrait concentration et effort, alors que l’éducation artistique comme
l’éducation physique pourraient être abordées de façon plus ludique.
Penser des parcours avec les différents partenaires des politiques éducatives et
culturelles
La notion de parcours culturel prend de l'importance dans les politiques d'éducation artistique et
culturelle. En effet, le parcours dans sa mise en œuvre prend en compte les différents temps de
l'enfant, dans l'école, après l'école, entre les différents niveaux scolaires, passerelle école-collège
par exemple.
De plus cette notion met aussi en œuvre les partenariats entre l'État et les collectivités territoriales,
qui ne peuvent être exclues d'une réflexion sur les politiques publiques éducatives et culturelles.
Élargir les enjeux de l'aménagement des rythmes scolaires
L'aménagement des rythmes scolaires ne peut se baser sur une unique légitimation réductrice et
abstraite. Une seule justification, se référant à la chronobiologie, a été développée dans les textes et
discours officiels pour la mise en œuvre des différents dispositifs évoqués plus haut.
Les autres enjeux de nature différente tels que la démocratisation du sport et de la culture,
l’apprentissage de la citoyenneté, la réussite scolaire, outre le bien-être de l’enfant ont été moins
affirmés. Cette situation est regrettable et devrait définir un objet de débat public bien au delà des
simples rythmes.
De la même manière la figure abstraite et universalisante de l’enfant ne manque pas aussi de
surprendre. Comment définissons-nous l'enfant du XXIème siècle dans une société qui doit prendre
en compte à la fois la « Patrie culturelle commune » et l'adoption d'un patrimoine artistique et
culturel ouvert à l'égale dignité des cultures du monde, reconnues dans le cadre de la convention de
l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (introduite
dans l'ordre juridique français en mars 2007) ?
Les formes d'un véritable dialogue interculturel permettrait la meilleure prise en compte des
identités multi-référentielles des enfants d'aujourd'hui.
Conclusion :
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Harmoniser une politique des rythmes scolaires sur tout le territoire national serait un contresens.
L'analyse des politiques culturelles ou éducatives depuis les dernières années nous le prouve. Le
territoire n'est plus seul et unique, des différences existent et l'expérimentation reste encore un des
moyens d'action le plus cohérent. Il faudrait qu'une nouvelle expérimentation prenne en compte le
caractère multidimensionnel et l’hétérogénéité des enjeux posés.
Encourager les différents acteurs de la communauté éducative à l’école et en dehors de l’école à
travailler ensemble, élaborer de concert des parcours cohérents entre les différents temps de la vie
de l’enfant ici considérés de façon transversale. Tels sont les enjeux des politiques à mener
nationalement et localement. Les conditions passent par un renforcement de la place de l’éducation
artistique et culturelle dans l’éducation et la formation des enfants et des jeunes.
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