dimensionnement en première dotation des pièces de

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dimensionnement en première dotation des pièces de
DIMENSIONNEMENT EN PREMIÈRE DOTATION DES PIÈCES DE
RECHANGE D’UNE INSTALLATION DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ
INITIAL SPARE PARTS SIZING OF AN ELECTRICITY POWER PLANT
Vincent SCHNEIDER
ASSETSMAN
2bis, Passage Roche
78000 VERSAILLES
Article présenté au congrès
des fiabilistes LAMBDA MU
les 5, 6 et 7 octobre 2010.
Résumé
Cet article présente l’apport des nouvelles méthodes d’Asset Management développées par ASSETSMAN, en
particulier dans l’aide à la décision quant à l’identification d’un stock de pièces de rechanges stratégiques en première
dotation d’une installation de production d’électricité. La méthode proposée, basée sur la gestion du compromis
Risques/Coûts, est utilisée pour le choix d’une politique de stockage et des rechanges à stocker. Le but de cette étude
est de fournir à EDF des éléments technico-économiques pertinents pour dimensionner judicieusement le stock de ses
rechanges à haute valeur ajoutée.
Summary
This paper presents the contribution of new methods of Asset Management developed by ASSETSMAN, especially in
supporting the decision process in the identification of an initial strategic spare parts stock sizing on an electricity power
plant. The proposed method, based on the Risks/Costs approach is used in this study to choose the right spare parts to
store and their storage policy. The aim is to provide to EDF relevant technical and economical facts to judiciously size its
high added value spare parts stock.
Introduction
Cet article présente la démarche d’aide à la décision basé sur le compromis Risque/Coût menée par Electricité De
France & ASSETSMAN afin de dimensionner le stock de pièces de rechanges stratégiques en première dotation de
nouveaux équipements de production d’électricité.
Le périmètre technique de l’étude concerne les éléments à très forte valeur ajoutée formant « le cœur » de la
production et de la transformation de l’électricité, à savoir les turbines, les alternateurs, les transformateurs ou les
pompes de circulation.
L’enjeu réside dans l’identification des rechanges opportuns à mettre en stock en assurant le meilleur compromis
technique, économique et opérationnel. L’objectif final est de fournir aux services centraux un outil de pilotage
permettant d’ajuster le niveau de risque à consentir en fonction des investissements en pièces de rechange à engager.
Contexte
Dans le cadre de la modernisation de son parc thermique, Electricité De France cherche à optimiser les
performances de ses installations futures et plus particulièrement leur disponibilité et leur rentabilité.
En effet, celle-ci mettra en service, à l’horizon 2012, 6 unités de production d’électricité à Cycle Combiné Gaz (CCG)
sur 3 sites de production : Blénod (France, 1 unité), Martigues (France, 2 unités) et West Burton (Grande-Bretagne, 3
unités). D’ores et déjà, elle souhaite harmoniser et optimiser un maximum de pratiques entre les sites qui accueilleront
ces unités.
Le déploiement de ces 6 nouvelles unités de production étant dès aujourd’hui axé sur la rentabilité et la pertinence
des décisions, EDF a fait appel à ASSETSMAN et à ses méthodes innovantes Risques/Coûts pour permettre de
franchir un palier supplémentaire dans la recherche des gains possibles tout en maitrisant les risques associés.
Naturellement, la question hautement stratégique de la mutualisation des stocks se pose et celle-ci est d’autant plus
importante que le budget à allouer est très conséquent.
Les objectifs de l’étude étaient :
Déterminer quelles sont les références à stocker en première dotation ou à ne pas stocker
Quelle stratégie de stockage est à adopter : stockage dédié site par site ou stockage mutualisé ?
Processus méthodologique
Cette partie présente les principales étapes du processus méthodologique engagée dans cette étude.
1
Données d’entrée
Les méthodes développées par ASSETSMAN pour l’identification du meilleur compromis Risque d’indisponibilité / Coût de
la solution repose sur l’évaluation de l’exposition aux risques d’indisponibilité dans le choix du niveau de stock optimum à
adopter.
En effet, jusqu’à aujourd’hui les études technico-économiques intègrent le plus généralement les coûts d’exploitation, les
coûts de maintenance, les éventuels investissements nécessaires mais ne prennent pas assez en compte les manques à
gagner induits.
Désormais, ASSETSMAN a prouvé que non seulement ils devaient être pris en compte mais qu’ils ont un impact important
dans les prises de décision.
2
Simulation Risque/Coûts
L’objectif de la simulation Risque/Coût est d’identifier la quantité optimale de pièces de rechanges à stocker. L’intérêt de
ce type d’approche est de pouvoir identifier l’impact du risque de perte de production pour chaque référence (à l’aide des
chaînes de Markov), de pouvoir le chiffrer et le comparer aux coûts de possession. Il est alors possible d’identifier l’Impact
Economique Total (IET) résultant de la combinaison du risque d’indisponibilité valorisé, des coûts fixes, du coût d’immobilisation
et du coût de maintenance des pièces en stock.
Figure 1 : Définition du Stock optimum
Le stock optimum correspond donc à la plus faible combinaison entre le risque d’indisponibilité du rechange en cas de
rupture, de la conséquence en termes de manque à gagner et ses coûts de possession.
Ce stock optimum est alors comparé au niveau de stock actuel afin de dégager des gains ou au contraire des
investissements à fournir pour attendre l’optimum économique. Dans le cas d’un dimensionnement de stock en première
dotation, la situation actuelle correspond à un stock nul.
Les données d’entrées nécessaires à la simulation sont à la fois économiques (par exemple le coût de stockage et de
maintenance, le prix de la pièce) et techniques (par exemple le délai d’approvisionnement ou la demande annuelle). Elles sont
fournies par les experts et/ou par le retour d’expérience.
3
Robustesse des résultats
L’étape d’évaluation de la robustesse des résultats est très importante dans le cadre d’une étude de première dotation de
stock car les données d’entrées utilisées sont fortement incertaines. Le retour d’expérience faisant défaut dans le cadre de ce
type d’étude, les données d’entrée proviennent uniquement d’installations similaires sur lesquelles les experts se sont appuyés.
Cependant, le contacte technico-économique étant très fluctuant, il est important d’évaluer la robustesse des résultats aux
variations des données d’entrée.
Elle est obtenue par une analyse de sensibilité des données et la recherche des valeurs de rupture entraînant l’identification
d’un nouvel optimum.
3.1
Analyses de sensibilité
Le but de ce type d’analyse est d’évaluer l’impact des variations des données d’entrée sur l’IET. Le tableau suivant
présente un exemple de résultat : en faisant varier les données d’entrée désirées d’un certain pourcentage par rapport à la
valeur initiale, le simulateur appelé AssetSim™ évalue la variation du résultat associé, au niveau du stock optimum ainsi que de
l’IET. Celle-ci est donnée en pourcentage de la valeur initiale. AssetSim™ indique pour chaque cas si la variation de la donnée
d’entrée fait changer le niveau de stock optimum.
Figure 2 : Exemple de résultat d'analyse de sensibilité
Grâce à ces résultats, chacun peut évaluer facilement si certaines données sont sensibles dans la simulation et ainsi les
affiner pour rendre les calculs plus précis et les décisions plus fiables.
3.2
Recherche des valeurs de ruptures
Une autre manière d’évaluer la sensibilité des données d’entrée est la recherche de leurs valeurs de rupture. Ce sont les
valeurs extrêmes au-delà desquelles le niveau optimum de stock change. Le graphique ci-dessous présente un exemple de
résultats de valeurs de rupture fourni par AssetSim™ :
Figure 3 : Exemple de résultat de recherche des valeurs de rupture
Analyser les valeurs de rupture aide à évaluer la fiabilité niveau optimum de stock. Lorsqu’elles sont proches des limites
hautes et basses, il est important de vérifier l‘exactitude des données d’entrée et de les ajuster si nécessaire. De plus, en
s’aidant des valeurs de rupture, il est possible de fixer de nouveaux objectifs de production ou auprès des fournisseurs afin
d’atteindre et de dépasser les limites inférieures qui permettent de pouvoir stocker un rechange en moins.
L’analyse de sensibilités développée par ASSETSMAN fournit un réel outil de gestion de pièces de rechange : elle permet
de pouvoir identifier les données qui ont un impact sur la résolution du nombre de pièces de rechange optimum à stocker et de
les ajuster en s’aidant de ressources complémentaires comme du retour d’expérience, des bases de données, des avis
d’experts ou des ouvrages spécifiques.
Cette analyse de gestion de l’incertitude est essentielle dans le cadre de l’application de ces méthodes d’aide à la décision
et favorise en particulier la multiplication des scénarii à travers les cas pessimistes et optimistes des données d’entrée et par
conséquent la définition des limites de rupture d’une décision (break point), l’une des valeurs ajoutées de ce type d’approche.
Cependant, trouver les valeurs optimales et mesurer leur robustesse n’est pas suffisant ; à cause de fortes contraintes de
production, logistique ou pour des raisons financières, il peut ne pas être acceptable ou trop difficile d’atteindre les niveaux
optimaux. C’est pourquoi ASSETSMAN a développé une manière d’atteindre un niveau de stock acceptable : le stock à risque
consenti que nous développerons dans le paragraphe 5.
Cas d’application pour EDF
1
Les scenarii étudiés
Les démonstrations technico-économiques sont avides de définition de scénarii alternatifs à la solution initialement
pressentie souvent intuitive et basée sur des considérations éminemment techniques.
Dans le cadre de cette étude commanditée par EDF, les différents scenarii se sont portés sur les différentes stratégies de
stockage, par l’évaluation des gains potentiels d’une mutualisation des stocks entre sites par rapport à un stockage dédié par
site de production. Les questions posées sont : Quelles références sont à stocker sur chaque site ? Une mutualisation du stock
est-elle opportune ? Si oui, doit-elle se faire sur un des sites de production ? Sur un lieu tiers ?
En effet, le choix quant à la meilleure solution, devient alors plus facilement justifiable à partir du moment où l’ensemble des
solutions alternatives a été identifié et quantifié. Pour cette étude, la définition de l’ensemble des scénarii repose sur des
stratégies et des lieux de stockage différents, donc une ventilation différente des investissements sur l’ensemble des
équipements.
Plusieurs solutions ont été dégagées :
Chacun des sites de production, Blénod, Martigues et West Burton, stocke les rechanges dont il a besoin

Stockage dédié par site
Figure 4 : Schéma de principe du stockage dédié
Chaque site est à la fois lieu de production d’électricité et lieu de stockage des propres rechanges.
Le stockage est commun aux 3 sites de production

Stockage mutualisé dans un magasin distinct
Figure 5 : Schéma de principe du stockage mutualisé indépendant
Les sites ne sont que des lieux de production d’électricité ; le stockage des rechanges est effectué dans sur un lieu séparé.

Stockage mutualisé dans un magasin sur un des sites de production
L’examen détaillé des données d’entrées a fait ressortir l’intérêt d’une solution de mutualisation des pièces de rechanges sur un
des trois sites de production. En effet, le périmètre concerné étant plus important sur le site de West Burton, celui-ci sera
potentiellement plus consommateur en pièces de rechanges que Blénod ou Martigues. Il peut donc paraitre judicieux d’y
stocker les rechanges. Voici le schéma de principe :
Figure 6 : Schéma de principe du stockage mutualisé sur un des sites de production (West Burton)
Les sites de Blénod et Martigues ne sont que des lieux de production. West Burton est à la fois lieu de production d’électricité et
centre de stockage des pièces de rechanges des 3 sites.
Au-delà des paramètres d’entrée nécessaire à la simulation Risque/Coût (nombre d’élément installé, consommation annuelle,
manque à gagner lié à l’indisponibilité, délai d’approvisionnement, …) les simulateurs d’ASSETSMAN ont intégré pris en
compte les revenus d’une assurance liée à l’indisponibilité potentielle, souscrite par EDF sur le site de West Burton. Celle-ci
couvre les pertes de production au-delà d’un certain nombre de jours d’indisponibilité constaté.
L’analyse Risque/Coût de ces 3 scenarii s’est rapidement portée en faveur du stockage mutualisé. La prise de risque
générée en délocalisant le stockage des sites de production reste marginale face aux gains dégagés en ne stockant qu’une
faible quantité de rechanges pour les 3 sites. L’étude fait également ressortir que compte tenu de la demande potentielle de
rechange conséquemment plus importante à West Burton que sur les autres sites, le nombre de pièces de rechange optimal qui
lui est dédié est presque suffisant pour couvrir également la demande des 2 autres sites de production.
2
Le risque consenti
Les études d’optimisation de pièces de rechange stratégiques sont plus que souvent nécessaires et cruciales compte tenu
de l’importance des investissements et du capital immobilisé mis en œuvre. Il peut être économiquement intéressant de pouvoir
s’affranchir l’acquisition de certaines références judicieusement choisies, quitte à consentir un risque d’indisponibilité
supplémentaire.
ASSETSMAN a donc proposé un outil permettant de visualiser le risque pris par rapport à l’optimum calculé précédemment.
Il permet de hiérarchiser les références étudiées par profitabilité d’acquisition, introduisant alors la notion d’ « Identification du
risque consenti ». Le but est de mettre en évidence la distribution de la prise de risque pour un certain coût d’acquisition de
pièces de rechanges et d’identifier les pièces ayant le plus fort potentiel de gain de risque pour le plus faible investissement
consenti. L’objectif est de pouvoir éliminer le maximum de risque en stockant le minimum de pièces.
Figure 7 : Principe d'analyse du Risque consenti
Remarque : Pour des raisons de confidentialité, le montant des investissements n’est pas dévoilé.
Cet outil fournit des éléments de décision quant à la priorisation des pièces de rechange à se procurer, jusqu’à atteindre le
niveau de stock optimum recommandé par le simulateur.
Dans le cadre de cette étude de pièces de rechange en première dotation, la question des investissements s’est évidement
posée dans un souci toujours important de retour sur investissement rapide. ASSETSMAN et EDF ont surtout voulu mettre
l’accent sur une répartition possible des investissements entre la France et la Grande-Bretagne qui accueillent ces sites de
production : en effet, comme évoqué dans le paragraphe 4, la solution de stockage retenue est une mutualisation des
rechanges à West Burton. Dans un souci d’équité, les pièces pouvant être utilisées par l’un et l’autre des pays, il était pertinent
de proposer une solution où un partage des investissements et donc du stockage serait possible.
Cependant, afin de dégrader le moins possible l’optimisation Risque/Coût optimale précédemment dégagée, le choix des
références à financer et à stocker par la France a été fait grâce à la hiérarchisation à risque consenti. Quelles pièces de
rechanges peuvent être financées par la France tout en acceptant le minimum de risque d’indisponibilité additionnel, et en
partageant les investissements le plus équitablement possibles entre les deux pays ?
ASSETSMAN a identifié 50% des références représentant 46% de l’investissement total et générant moins de 0.01% de
risque additionnel d’indisponibilité.
Grâce aux outils innovants d’ASSETSMAN, EDF dispose de toutes les informations nécessaires pour prendre des
décisions objectives en ayant étudié et comparés toutes les stratégies qui pouvaient être envisagées.
Conclusion
La démarche innovante et son application à cette étude d’optimisation de pièces de rechanges stratégiques ont fourni à
EDF un outil d’aide à la décision et de pilotage du stock de ses nouvelles installations. Les différents scenarii et stratégies
proposés par ASSETSMAN convergent toutes vers une optimisation par la mutualisation des stocks : ce scenario dégage des
gains de l’ordre de 20% sur la valeur du stock de pièces de rechange par rapport à une solution de stockage dédiée par site
tout en diminuant l’exposition au risque de rupture de stock (donc de non production) de plus de 65%.
ASSETSMAN à également choisi de proposer des éléments de décision à EDF dans le partage des investissements entre la
France et la Grande-Bretagne. La solution présentée est viable aussi bien économiquement que techniquement en conservant
une optimisation Risque/Coût tout à fait acceptable.
Cette étude est l'illustration d'une mise en pratique concrète d'une méthode d'intégration quantitative du risque dans une
approche de justification économique globale de solutions techniques.
Déployée en l'espace de seulement quelques semaines, elle a permis de prouver avec succès l'intérêt que représentent
conjointement cette méthode et l'outil de simulation informatique associé lorsqu'une aide à la décision est nécessaire pour
attribuer les fonds requis pour former un stock de pièces de rechanges.
La méthode et le simulateur AssetSim™ utilisés dans cette étude sont bien entendu transposables aux actifs de tout site
industriel, quel que soit sont secteur d’activité.
Comme pour d'autres problématiques technico-économiques, les outils d'Asset Management permettent un dialogue unifié
des différents niveaux de l'entreprise. Cette compréhension est rendue possible grâce à l'interprétation des données techniques
et de risque par leurs impacts financiers respectifs.
Références
Bazovsky Igor (2004), Reliability Theory and Practice. Dover Books.
De Azevedo Celso (2009), Guide de Gestion des actifs industriels, Chapitre 4, 47-61, Chapitre 5, 63-78. Dunod.
Fisher W. W. (2002), Markov process modeling of a maintenance system with spares, repair, cannibalization and manpower
constraints. The University of Mississippi.

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