Vignoble suisse - QueSavoirDesVins

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Vignoble suisse - QueSavoirDesVins
Club « Que savoir ? »
Que savoir du Vignoble suisse ?
Depuis 1983, je donne des cours d’initiation à la dégustation, en prenant comme
référence, les grands cépages dits internationaux, c’est-à-dire ceux que l’on
retrouve à la base de la viticulture des pays nouveaux, sans oublier bien des pays
européens. Or ces cépages sont d’origine française.
Parler des vins australiens, américains, sud-africains, c’est bien mais il ne
faudrait pas ignorer des pays ou régions trop ignorés des consommateurs. Lutter
contre la mondialisation, c’est déjà savoir parler de nos vins.
J’habite le canton viticole de Neuchâtel, Suisse, où malheureusement, force est
de constater qu’il est plus facile d’enseigner les vins de Bordeaux, que ceux du
Tessin, Grisons ou Genève. L’on boit traditionnellement les mêmes produits,
Chasselas, Oeil-de-perdrix, Pinot, un peu de Chardonnay, et le consommateur
pense, à tort, qu’il connaît les vins de son pays.
En 1877 la surface viticole suisse était de 32930 hectares répartis ainsi :
En 1877
Suisse romande
11’980 ha
Suisse alémanique
12'898 ha
Suisse italienne
8’061ha
L’on constate que c’est la Suisse alémanique qui est la 1ère région viticole du
pays.
En 1999
Suisse romande
11'461 ha
Suisse alémanique
2’590 ha
Suisse italienne
991 ha
En 122 ans la Suisse a perdu plus de la moitié de sa surface viticole, surtout au
détriment de la Suisse alémanique et du Tessin, suite aux maladies, mildiou,
phylloxera, oïdium … etc., à des problèmes économiques, à une intense
urbanisation, et à une grande concurrence des vins étrangers.
Les cépages et les vins
Club « Que savoir ? »
Les cépages principaux sont :
Les Blancs :
Le Chasselas, le no 1 – 35% de la surface – 48% de la production totale
Le Sylvaner, appelé Johannisberg ou Rhin dans le Valais
Le Riesling-Sylvaner
Les Rouges :
Le Gamay, le Pinot noir et le Merlot
Ces 6 cépages couvrent à eux seuls, le 95% du Vignoble suisse, ce qui ne génère
pas une variété dans la production de nos vins.
Et ceci devient grave quand les Blancs sont représentés par des cépages en
régression. Le chasselas est un cépage de bouche, manquant d’acidité. Dans le
peu de région où il est planté, on l’arrache.
Le Sylvaner est aussi en recul. Seul le Riesling-Sylvaner garde une place
prépondérante en Suisse alémanique. Mais ce n’est pas le vin qu’il produit, qui
permettra de lutter contre la concurrence étrangère.
Les Rouges, eux, sont représentés par de grands cépages, mais plantés dans
beaucoup de pays producteurs.
Alors Vive le Valais ! Ce Canton, certes a la chance de posséder une palette de
cépages – environ 45 – a faire pâlir d’envie les passionnés d’Ampélographie
(étude scientifique des cépages), d’un climat remarquablement doux, permettant
de cultiver des variétés tardives. Certaines années, l’on vendange l’Humagne
rouge au mois de novembre. Mais aussi d’une politique intelligente, laissant une
liberté certaine au monde viticole.
Ce Canton possède des cépages, tels la Reze, l’Amigne, l’Arvine, et l’Humagne
blanc d’origine valaisanne, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Et certains
vignerons ont compris que c’était dans l’exploitation de ces cépages et de
quelques autres – Cornalin – Humagne Rouge – Diolinoir pour les Rouges –
Marsanne (ermitage) - Pinot Gris (Malvoisie) que résidait son avenir.
Ces cépages ont progressé de 60% en surface durant la dernière décennie 19902000. Il est vrai que leur marge de progression est très grande puisque le
Chasselas, le Pinot Noir et le Gamay totalisent 89% de l’encépagement du
Valais. Ajoutons 4,5% de Sylvaner (Johannisberg) soit 93,5% de la surface
totale du Valais.
Reste 6,5% que se partagent une quarantaine de cépages !...
Le monde entier possède les Pinots, Gamay, Syrah, les Cabernets et tous les
grands Seigneurs de la viticulture, mais le monde ne possède pas de Cornalin,
Arvine, Amigne et les autres …. Je crois en la réussite de ces cépages, à la
condition de savoir en parler.
Club « Que savoir ? »
Mais je suis très sceptique, quand cette liberté viticole permet de faire n’importe
quoi, au nom de la mode. Et je pense aux assemblages pas très bien maîtrisés.
Pour une belle bouteille réussie, combien de vins approximatifs et fort chers,
faut-il ingurgiter ! J’ai dégusté récemment un Aigle rouge – Merlot et Cabernet
Sauvignon – 27 francs- vin d’une tristesse, à nous renvoyer au Coca-Cola; seul
le prix était splendide.
Et l’on baptise ces vins de jolis prénoms féminins, ou autres noms pompeux,
imitant les parfums. Nous assemblons n’importe quel cépage sans tenir compte
des complémentarités aromatiques. Seuls les noms des cépages sur l’étiquette est
important. L’on ne fait plus de vin, l’on fabrique du marketing.
Et puis il faut tirer un signal d’alarme sur ces cépages créés dans les laboratoires.
Parlons notamment du Gamaret et Garanoir, issus d’un croisement de Gamay et
de Reichensteiner. C’est un cépage blanc, donnant un vin neutre. Ce
Reichensteiner est né en 1978. Son créateur l’allemand Helmut Becker se
plaisait à dire q’il était le premier cépage européen, puisque issu de la Madeleine
Angevine (France) du Calabrese précoce (Italie) et du Muller-Turgau
(Allemagne). En principe lorsque l’on assemble un vin rouge léger – Gamay – à
un vin blanc Reichensteiner, l’on obtient un rosé plus ou moins coloré selon la
proportion des vins assemblés.
Et bien dans notre cas présent, le Gamaret et le Garanoir sont des vins de
couleur intense, bien charpentés, aux arômes épicés.
Miracle des laboratoires !! Sommes-nous certains qu’il nous faudra encore du
raisin, pour faire du vin ?
Je n’ai pas le même scepticisme avec le Diolinoir, croisement entre le Pinot noir
et le Rouge de Dioly anciennement Vieux Robin. Très beau vin.
Vins à déguster :
Tous les vins sont à déguster, mais tous les vins ne seront pas bons. Il y a des
artistes vignerons, et des vignerons. Comme dans tous les métiers, une
hiérarchie existe.
Rouge
Le Pinot Noir dans des zones tempérées. Ce cépage n’aime pas trop les excès de
chaleur – Le Gamay (région de Fully) l’Humagne rouge, la Syrah, le Cornalin,
la Durize (région de Fully), le Diolinoir. Goutez le Gamaret le Garanoir en mono
cépage.
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Blanc
La Petite Arvine, l’Amigne, la Marsanne (ermitage) le Pinot gris (Malvoisie) la
Reze. Du Sauvignon a été planté. Je crois à ce cépage dans cette région. Ne
condamnons pas le Chasselas, il se boira toujours du fendant. Il faut simplement
qu’il laisse un peu de place pour les autres cépages.
Dans les autres cantons, l’on reste très traditionnel.
Le Canton de Vaud, Pinot et Gamay représentent le 95% des Vins Rouges. Le
Chasselas 97% des Vins blancs.
Le Canton de Genève nous offre de beaux Merlots et des Chardonnay
intéressants.
Le Canton de Neuchâtel fait de beaux Pinots, Œil-de-Perdrix et des Chardonnay
bien équilibrés.
La Suisse alémanique pour les rouges, tombe aussi dans les vins d’assemblage,
certains fort bien réussis. Très beaux Pinot et Chardonnay dans les Grisons.
Dommage que beaucoup de ces vins soient gâchés par du gaz carbonique. Ca se
vend mieux parait-il.
Le Tessin, paradis de certains merlots, et rosés de merlots.
Testez les assemblages avec prudence, sans vous laissez conditionner par le nom
et le nombre des cépages.
Méfiez-vous des bouteilles ou des étiquettes trop clinquantes ; l’on boit du vin et
non pas l’étiquette.
Mais surtout, allez à la découverte des vins suisses. Certains sont étonnants. Il y
a des talents dans nos vignes. A vous de les rechercher, c’est toute la joie ou la
tristesse d’une dégustation.
Je tiens à m’excuser auprès des vignerons du Vully, des Côtes de l’Orbe, de
Bonvillars, du Lac de Bienne, de la Suisse orientale. Je ne les ai pas oubliés ; un
autre article me fera vous les découvrir.
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