Le couple et le droit du travail
Transcription
Le couple et le droit du travail
Le couple et le droit du travail Université de Lille 2 - Droit et Santé Faculté des sciences politiques, juridiques et sociales Le couple et le droit du travail Céline LEBORGNE Mémoire de D.E.A. de Droit social Sous la direction de Monsieur le Professeur Pierre-Yves VERKINDT Année universitaire 1999-2000 1 Le couple et le droit du travail Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont permis de réaliser ce travail, et plus particulièrement Monsieur Verkindt pour sa disponibilité et ses précieux conseils. 2 Le couple et le droit du travail SOMMAIRE Table des abréviations…………………………………………………………………….4 Introduction………………………………………………………………………………..7 TITRE PREMIER : La prise en considération limitée d’une dépendance entre les membres du couple……………………………………………………………………….18 CHAPITRE I : Une dépendance nécessaire des membres du couple……………...20 CHAPITRE II : Une dépendance voulue par le couple……………………………34 TITRE SECOND : L’autonomie des membres du couple favorisée …………………52 CHAPITRE I : L’indifférence de la situation de couple sur l’activité professionnelle de ses membres…………………………………………………………………….54 CHAPITRE II : L’indifférence des agissements d’un membre du couple sur l’activité professionnelle de l’autre………...……………………………………...69 Conclusion………………………………………………………………………………...82 Bibliographie……………………………………………………………………………...84 Table des matières……………………………………………………………………….94 3 Le couple et le droit du travail TABLE DES ABREVIATIONS A Article Art. Assemblée nationale AN B Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation (Chambres civiles) Bull. civ. Bulletin social, Francis Lefebvre BS Lefebvre C Cahiers prud’homaux Cah. prud’h. Cahiers sociaux du barreau de Paris Cah.soc.barreau Code civil C. civ. Code du travail C. trav. Confer Cf. Conseil d’Etat CE Cour d’appel CA Cour de cassation, assemblée plénière Cass. ass. plén. Cour de cassation, chambre commerciale Cass. com. Cour de cassation, chambre sociale Cass. soc. Cour de justice des communautés européennes CJCE D Dalloz périodique DP Dalloz-Sirey D. Droit de la famille Dr. de la famille Droit ouvrier Dr. ouvrier Droit et patrimoine Dr. et patrimoine Droit social Dr. soc. 4 Le couple et le droit du travail E Exemple ex. G Gazette du palais Gaz.pal. I Ibidem ibid. J Journal officiel (Lois et décrets) JO L La semaine juridique (édition générale, entreprise…) JCP Loco citato loc.cit. N Numéro n° O Observation obs. Opere citato op.cit. P Page p. Paragraphe § Petites Affiches PA Q Quotidien juridique Quot.jur. 5 Le couple et le droit du travail R Répertoire du notariat Défrenois Défrenois Revue de jurisprudence sociale RJS Revue trimestrielle de droit civil RTD civ. Revue trimestrielle des droits de l’homme RTDH T Tribunal de grande instance TGI 6 Le couple et le droit du travail INTRODUCTION Le couple est, à l’heure actuelle, au cœur des débats essentiels en droit de la famille et des personnes1, et d’une manière générale, dans la société. L’adoption récente de la loi relative au pacte civil de solidarité du 15 novembre 19992 et les débats et prises de position3 qui en ont résulté, constituent une parfaite illustration des préoccupations actuelles du législateur en la matière. Au vu de l’évolution de la société marquée par la banalisation de l’union libre, la diminution des unions légitimes et l’augmentation croissante des divorces, certains auteurs, déplorant une « crise du droit de la famille4 », invoquent la nécessité pour celui-ci de se trouver « une boussole5 », laquelle pourrait être constituée par la notion juridique de couple. Ainsi, Mme Brunetti-Pons souligne que : « l’importance quantitative du phénomène du concubinage rend actuellement nécessaire une réflexion sur l’émergence d’une notion qui a permis au législateur de tenir compte de ces nouvelles données sociales6 ». La tendance actuelle est donc à un intérêt croissant porté au concept de "couple". Pour certains, la référence à une telle notion permettrait en effet de faire face aux bouleversements qui agitent à l’heure actuelle le droit de la famille. De cette façon, M. Normand s’interroge-t-il sur l’existence d’une notion juridique de couple telle que « le couple serait affecté d’un statut propre, générateur d’effets juridiques applicables à tous les couples répondant à sa définition, indépendamment de savoir si ces couples sont mariés ou non 7». 1 LECUYER (H), La notion juridique de couple, Dr. et patrimoine, octobre 1997, n°53, p. 62 Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, JO du 16 novembre 1999, p. 16959 3 Cf. pour ex. MALAURIE (P), Un statut légal du concubinage ?, Defrénois 1998, n° 13, p. 871 4 BRUNETTI-PONS (C), L’émergence d’une notion de couple en droit civil ; RTD civ., janvier-mars 1999, p.29 5 NORMAND (J), Rapport de synthèse lors du colloque sur « la notion juridique de couple » des 20 et 21 juin 1997, Etudes juridiques, Economica, Paris, 1998, 154 p. 6 BRUNETTI-PONS (C), op.cit., p. 28 7 NORMAND (J), loc.cit. 2 7 Le couple et le droit du travail Ces questionnements mettent en valeur l’incertitude actuelle quant à la définition et la conceptualisation de cette notion8. Concrètement, la question qui se pose est de déterminer comment le droit appréhende la notion de couple. Comme le souligne Anne-Marie Gilles : « Si comme le disait Aristote : " l’être humain est par nature enclin et apte à former un couple ", le droit, lui, est-il apte à saisir le couple ? 9». Dès lors, qu’est-ce qu’un couple au sens juridique du terme ? Quelles caractéristiques reflètent la réalité de ce concept ? Selon le Professeur Lécuyer : « à travers la notion de couple, ce sont la famille et la société qui sont en cause10 ». L’étude de cette notion, telle qu’elle est appréhendée par le droit se révèle donc primordiale : le couple est un composant essentiel de la vie de famille et de la société. Il appartient par conséquent au droit de prendre en considération « cette chose plus compliquée et plus confondante que l’harmonie des sphères11 », qu’est le couple. Le mot "couple" est tiré du langage commun et n’est donc pas une création du droit. Il manifeste même, selon le Professeur Lécuyer, « un phénomène de double appartenance 12». Aussi, ce mot est-il « à cheval sur le langage du droit et le langage courant 13». Etymologiquement, le mot "couple" est issu du latin copula : lien pour attacher ensemble deux animaux14. De même, pour le Littré, il s’agit d’ « un lien pour attacher ensemble deux ou plusieurs choses pareilles15 ». Concernant les êtres humains, il s’agit donc d’un lien unissant deux personnes. Ainsi, le couple peut classiquement être défini comme « un homme et une femme unis par des relations affectives, physiques, et le langage commun accepte, par extension, de qualifier couple deux personnes du même sexe vivant ensemble et unies par de mêmes 8 GILLES (AM), Le couple en droit social, Collection droit civil, Economica, p.7 ibid. 10 LECUYER (H), loc.cit. 11 citation de Julien Gracq, écrivain du XX ème siècle 12 LECUYER (H), loc. cit. 13 ibid. 14 Le Robert, cf. couple 15 LITTRE (E), Dictionnaire de la langue française, Tome 2, p. 1262 9 8 Le couple et le droit du travail relations. Il peut aussi y avoir couple lorsque deux personnes sont simplement réunies par un sentiment ou un intérêt commun. Enfin, dans un dernier sens commun, le couple est compris comme un ensemble de deux choses16 ». Pareillement, le Professeur Cornu relève que le couple est « l’union que forment un homme et une femme entre lesquels existent des relations charnelles et en général une communauté de vie, soit en mariage, soit hors mariage ; se dit parfois de deux individus du même sexe qui vivent ensemble 17». Nombreuses sont ainsi les acceptions du mot « couple » en langage familier. Le couple semble donc s’entendre de toute union affective et morale entre deux individus de sexe différent ou du même sexe. Quoiqu’il en soit, le couple se caractérise par deux éléments : la dualité et l’existence d’un lien18. La première caractéristique nous amène donc à exclure de notre étude, toutes les associations de personnes comprenant plus de deux individus. En outre, le couple peut-être caractérisé par le lien qu’il implique, à savoir « l’union de deux êtres par la volonté, le sentiment ou toute autre cause qui les rapproche19 ». La question qui se pose ici est cependant de déterminer s’il existe une notion juridique de couple ? Comment le couple est-il envisagé en droit ? Quelles sont les critères et caractéristiques du couple permettant à celui-ci de se voir reconnaître un véritable statut juridique ? Pendant longtemps, la conception juridique française du couple s’est limitée au mariage20. Aussi, si le droit fiscal a utilisé le mot "couple" pour la première fois (1917)21, celui-ci ne visait cependant pas le couple vivant en concubinage. Puis, prenant acte de l’évolution du couple dans la société française et de l’importance statistique de l’union libre, le droit de la sécurité sociale a usé de ce terme, visant ce faisant indifféremment 16 LECUYER (H), loc.cit. CORNU (G), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 1992 18 GILLES (AM), loc.cit. 19 Dictionnaire Larousse, cf. couple 20 PANSIER (FJ), Aspects sociaux du PACS : présentation synthétique, Dr. et patrimoine, avril 2000, n° 81, p. 71 21 MALAURIE (P), Couple, procréation et parenté, D. 1998, p. 127 17 9 Le couple et le droit du travail tous les couples, mariés ou non. Ainsi, comme le rappelle le Professeur Malaurie, « le couple de la sécurité sociale s’oppose aux personnes seules. Il ne distingue pas les concubins et les époux : ce sont, pour elle, les mêmes 22». En droit civil, il a fallu attendre 1994 pour que le terme même de "couple" apparaisse dans la loi23. Dès lors, ce mot est entré dans le langage législatif du droit civil 24 de manière tardive, puisqu’il a fallu attendre la loi du 29 juillet 199425 sur la bioéthique pour que la notion de couple soit définie par le législateur. En ce sens, aux yeux de nombre d’auteurs, la notion de couple est une notion de droit civil26. Comme l’indique Madame Clotilde Brunetti-Pons, l’importance du concept était soulignée par les sociologues depuis de nombreuses années en ce qu’il permettait une assimilation du concubinage au mariage27, et permettait de répondre aux réalités de fait. Amorcée sur le plan légal par la loi Malhuret de 1987 et la loi du 08 janvier 1993, la loi de 1994 a posé une définition juridique du couple à l’article L 152-2 du code de la santé publique28. Ainsi, aux termes de cet article : « l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporte la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans… ». Ce texte vient fixer des limites à la notion de couple en exigeant que celui-ci soit formé d’un homme et d’une femme, et qu’il présente une certaine stabilité29. Une notion juridique de couple est donc apparue en droit civil en 1994, plus précise que dans le langage courant, même si celle-ci, née de la crise du mariage, a pu apparaître à certains comme un « mythe30 », un artifice. 22 ibid. PANSIER (FJ), loc.cit. 24 MALAURIE (P), loc.cit. 25 loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procrétion et au diagnostic prénatal , JO du 30 juillet 1994 26 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F), Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille, RTDC, avril-juin 1995, p. 249 27 BRUNETTI-PONS (C), loc.cit. 28 ibid. 29 BRUNETTI-PONS (C), op.cit., p. 29 30 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F), loc.cit. 23 10 Le couple et le droit du travail La conception juridique du couple en droit civil recouvrait donc, de par cette disposition législative, les couples mariés ou vivant en concubinage. Toutefois, étaient écartés les homosexuels : « privés de mariage civil, les homosexuels se trouvent exclus de concubinage, dans la mesure où le droit ne reconnaît toujours pas leur communauté de vie31 …». Ainsi, malgré la loi de 1993 portant diverses mesure d’ordre social32 et intégrant la situation de l’assuré homosexuel, le législateur de 1994 confirmait la position prise par la Haute juridiction quelques années auparavant. Celle-ci avait rejeté en effet, dans un arrêt du 11 juillet 1989, toute possibilité d’extension du terme « conjoint » aux homosexuels. En l’espèce, un salarié de Air France, après avoir déclaré son homosexualité, revendiquait l’application du statut du personnel aux termes duquel Air France s’engageait à accorder aux agents et aux membres de leur famille, y compris aux couples « en état d’union libre », des billets à tarif réduit. Or, la Cour de cassation a considéré qu’une telle disposition « qui étend le bénéfice de ladite mesure au conjoint en union libre, doit être comprise comme ayant entendu avantager deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans pour autant s’unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu’un couple constitué d’un homme et d’une femme33 ». D’ailleurs, elle a confirmé cette « définition restrictive du concubinage34 » dans un arrêt du 17 décembre 199735. Pourtant, cette discrimination entre homosexuels et hétérosexuels était critiquable, et cette non-reconnaissance du couple homosexuel sur le plan juridique contestable, même si certains auteurs approuvent cette prise de position, à l’instar du Professeur Malaurie qui considère que « la tricherie sur les mots est toujours le signe d’une dérive intellectuelle et morale36 ». Une intervention du législateur était donc nécessaire : « exclus du mariage, relégués au secret de l’alcôve et à la confidentialité de leurs relations par le juge et le droit, il ne 31 MOUTOUH (H), La question de la reconnaissance du couple homosexuel : entre dogmatisme et empirisme, D. 1998, p. 369 32 loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social, JO 23 avril 1993, p. 6528 33 Cass. soc. 11 juillet 1989, X…c/ Air France ; X…c/ CPAM, D. 1990, p. 582, note Malaurie 34 MOUTOUH (H), op.cit., p. 370 35 Cass. soc. 17 décembre 1997, Vilela c/ Madame Weil, D. 1998, p. 111, conclusions Weber, note Auber 36 MALAURIE (P), note sous CASS soc. 11 juillet 1989, précité supra note n° 33 11 Le couple et le droit du travail restait plus aux homosexuels que la difficile voie de l’intervention politique et législative37 ». En ce sens, la loi de 1999 relative au pacte civil de solidarité pose une « conception polymorphe de la vie de couple 38». Définissant le concubinage comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple 39», celle-ci est venue reconnaître le bénéfice du cadre juridique marital aux homosexuels, et poser une égalisation de principe des effets juridiques entre mariage et contrat d’union civile. Elle constitue ainsi une reconnaissance législative du couple homosexuel, même si pour certains, il n’est guère cohérent de consacrer une notion de couple qui associe le concubinage au mariage, et d’un autre côté, séparer le concubinage du mariage par l’élaboration d’un statut légal propre à l’union libre40. En outre, elle vient rompre avec la définition traditionnelle du concubinage telle qu’elle avait été posée par les juges en 198941, et par le législateur en 1994. Aussi, il apparaît que prédomine l’idée d’« un pluralisme des couples42 » en droit civil au détriment d’une notion juridique de couple à proprement parlé. Comme l’indique Anne-Marie Gilles en effet : « les éléments constitutifs du couple s’avèrent variés depuis que les conséquences positives du mariage ont été étendues au couple non marié. Tantôt la stabilité et la continuité des relations sont nécessaires, tantôt la relation doit être inscrite dans la durée. Parfois, une simple relation affective caractérise le couple. En outre, depuis que le législateur a consacré la notion de couple dans la loi du 29 juillet 1994, il faut ajouter la procréation et la communauté de vie comme éléments constitutifs du couple43 ». 37 ibid. PANSIER (FJ), loc.cit. 39 C. civ. article 515-8 40 BRUNETTI-PONS (C), loc.cit. 41 Cass. soc. 11 juillet 1989, précité supra note n° 33 42 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F), A propos du pluralisme des couples et des familles, PA, 28 avril 1999, n° 84, p. 29 43 GILLES (AM), op.cit., p. 9 38 12 Le couple et le droit du travail La difficulté en droit civil, comme nous l’avons vu, est de poser des critères permettant de dessiner les contours d’une notion juridique de couple. D’ailleurs, le Professeur Lécuyer, constatant la multiplicité des critères permettant de distinguer la notion de couple, s’interroge : « ne risque-t-on pas, dans la recherche de la notion de couple, de trouver d’autres critères, d’être l’inventeur d’un trésor trop important et d’en conclure, sans paradoxe, à l’existence d’une notion sans critère ?44 ». Le couple fait donc l’objet d’un questionnement à l’heure actuelle en droit de la famille, non facilité par la loi de 1999 relative au pacte civil de solidarité laquelle pose clairement « qu’il existe plusieurs formes de vie à deux45 ». L’objet de la présente étude sera de déterminer si le droit du travail, de par l’usage qu’il fait de la notion de couple, est de nature à clarifier ce concept. Quelle approche le droit du travail a-t-il de la notion de couple ? En quoi le couple peut-il être pris en considération par le droit du travail ? Le droit du travail, de par l’usage qu’ il fait de la notion de couple, apporte-t-il une contribution à la définition que le droit civil peine à élaborer ? Cette question peut a priori surprendre. En effet, la vie de couple fait partie intégrante de la vie personnelle de tout individu, protégée en l’article 9 du code civil selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée ». En ce sens, nombreuses sont les jurisprudences condamnant le non-respect de la vie sentimentale, laquelle présente un caractère « strictement privé »46. Une quelconque référence au couple par le droit du travail ne semble donc pas évidente. Ce principe de respect de la vie privée, posé en l’article 9 du code civil, amenait certains auteurs à mettre en exergue l’existence « d’une sphère secrète de vie d’où chacun aura le pouvoir d’écarter les tiers47 », ou encore « le droit de tenir les tiers en lisière d’un domaine réservé, de les tenir en respect, et de pouvoir dans ce domaine, échapper à leurs 44 LECUYER (H),op.cit.,p. 65 PANSIER (FJ), loc.cit. 46 pour ex. TGI Paris, 02 juin 1976, D. 1977, p. 364 45 13 Le couple et le droit du travail interventions, leurs sollicitations 48». Ce principe doit être affirmé avec force : considéré comme l’un des droits primordiaux de la personnalité49, il est nécessaire qu’il soit protégé au mieux par le législateur et les juges. Or, comme l’indique M. Waquet : « la notion de vie privée en droit du travail est connue50 ». En effet, le contrat de travail conclu entre un salarié et son employeur est classiquement considéré comme conclu « intuitus personae », c’est à dire en fonction de la seule considération de la personne. Si le salarié se trouve soumis, du fait du rapport de subordination, à exécuter son travail sous le contrôle du chef d’entreprise qui peut en contrôler l’exécution et en sanctionner l’inexécution, « le principe est que cette subordination est limitée à l’exécution de la prestation de travail…51 ». Dès lors, on ne saurait concevoir que le chef d’entreprise ait égard à la vie de couple du travailleur. Celleci constitue en effet un élément à part entière de la vie privée du salarié : « le salarié est un homme libre et son attachement volontaire et limité à l’employeur s’exerce dans un cadre défini par un contrat de travail52 ». Dans le reste de sa vie, le travailleur est libre : libre de mener sa vie comme il l’entend, libre de se marier ou non, de vivre en concubinage, sous réserve qu’il ne nuise pas à l’entreprise. A l’inverse, dans l’exercice de sa profession, le travailleur est subordonné à son employeur qui ne peut légitimement prendre acte de la vie de couple du salarié, « vie qui échappe à l’autorité de l’employeur, qui n’est pas soumise au lien de subordination qui caractérise le contrat de travail 53». Si la spécificité du contrat de travail est que le salarié place sa personne sous l’autorité de l’employeur et en ce sens, renonce à une certaine autonomie dans la conduite de sa personne, il « n’aliène pas sa personne 54». En dehors de l’accomplissement de la 47 BADINTER (R), Le droit au respect de la vie privée, JCP 1968, I, n° 2-136 CORNU (G), Droit civil, Tome 1, 5ème édition, n°513 49 GULPHE (P), De la non interférence de la vie privée sur la vie professionnelle du salarié en droit français, JCP E 1990, II, 15 736, p. 219 50 WAQUET (P), Vie personnelle et vie professionnelle du salarié, Cah. Soc. Barreau, 1994, n° 64, p. 289 51 SAVATIER (J), La liberté dans le travail, Dr. soc. 1990, p. 49 52 ibid. 53 WAQUET (P), loc.cit. 54 SAVATIER (J), loc.cit. 48 14 Le couple et le droit du travail tâche définie au contrat, il conserve sa liberté : le couple en tant qu’élément de la vie personnelle du salarié ne doit pas avoir d’incidence dans la vie professionnelle de celui-ci. Ainsi, « la sphère de la vie de couple est généralement distincte de celle de la vie professionnelle, et les deux domaines ne devraient donc pas interférer l’un sur l’autre55 ». Donc, a priori, la vie de couple, en tant qu’élément de la vie privée du salarié, ne doit pas interférer avec le travail de l’un ou l’autre de ses membres. Ainsi, « il est traditionnellement affirmé qu’il doit exister une cloison étanche entre la vie professionnelle et la vie extra professionnelle du salarié. Dans les rapports entre employeur et salarié, c’est l’exécution correcte du travail convenu qui importe et dans l’appréciation portée par l’employeur sur la façon dont le salarié effectue la tâche qu’il lui a confiée, ne doivent pas venir interférer des considérations relatives à la vie privée ou publique du salarié. Il s’agit là d’une garantie importante de la liberté individuelle qui permet à chaque individu de se ménager une sorte de domaine réservé sur lequel la vie professionnelle ne saurait avoir aucune emprise 56». Ainsi adapté au droit du travail, cet impératif de protection de la vie privée a pour conséquence de poser en principe l’absence de relation entre la vie de couple du salarié et sa vie professionnelle. A noter que, pendant longtemps, pour désigner « la part inaltérable de liberté que conserve un salarié malgré le lien de subordination qui l’unit à son employeur 57», la jurisprudence utilisait le terme de « vie privée ». Ainsi, dans le célèbre arrêt Rossard du 22 janvier 1992, la Cour de cassation pouvait proclamer que « dans sa vie privée, le salarié est libre d’acheter les biens, produits ou marchandises de son choix 58». Cette expression était cependant discutable, et à ce titre discutée. Quant à l’expression utilisée par le Professeur 55 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, Ecrits en hommage à Gérard Cornu, PUF, 1994, p. 415 56 DESPAX (M), La vie extra professionnelle du salarié et son incidence sur le contrat de travail, JCP I 1176, 1963, p. 26 57 WAQUET (P), En marge de la loi Aubry :travail effectif et vie personnelle du salarié, Dr. soc. 1998, n° 12, p. 1 58 Cass. soc. 22 janvier 1992, Mme Rossard c/ Société Robuchon et fils, Dr. soc. 1992, p. 334 15 Le couple et le droit du travail Despax, c’est à dire « la vie extra professionnelle59 », tout en ayant le mérite de désigner l’ensemble des actes accomplis par le salarié en dehors de l’entreprise et du temps de travail, ne visait pas les actes exécutés par le salarié aux lieux et temps de travail, mais ne correspondant pas à une instruction de l’employeur. Aussi, la Cour de cassation a-t-elle substitué à ces expressions, la notion de « vie personnelle », même si certains précisent que la distinction entre « vie privée » et « vie professionnelle » avait au moins le mérite « de ne pas nier que le travail est une des formes de la vie des personnes, et que le droit du travail relève autant du droit des personnes que du droit des obligations60 ». Quoiqu’il en soit, cette notion de « vie personnelle », plus large, inclut « l’ensemble du comportement du salarié, qu’il relève de l’intimité de la vie privée ou du comportement public, qui échappe à l’autorité de l’employeur, pendant ou en dehors de la durée du travail 61». La vie personnelle du salarié, y compris sa vie de couple, doit donc en principe demeurer étrangère à la vie professionnelle de ses membres62. Toutefois, on ne peut légitimement ignorer les « inévitables empiètements de l’une sur l’autre63 ». Nul ne peut nier les interférences qui existent ainsi nécessairement entre le couple et le travail. En effet, « si l’activité humaine peut-être découpée en tranches de temps, consacrées respectivement à la vie familiale et à la vie du travail, la personne humaine est une64 ». Dès lors, on ne peut considérer qu’il existe une cloison étanche entre la vie de couple et les relations de travail de ses membres : il existe de nombreuses interférences entre ces deux « sphères65 », que le droit du travail sera amené à réguler. Le Professeur Despax résume en ce sens parfaitement ces phénomènes : « il semble que les relations de travail sont plus perméables qu’il ne le paraît au premier abord à des considérations qui tiennent à la vie privée du salarié ou à l’exercice par celui-ci des libertés publiques. Il en résulte une plus grande fragilité des rapports de travail… 66». 59 DESPAX (M), loc.cit. SUPIOT (A), Les nouveaux visages de la subordination, Dr. soc. 2000, p. 131 61 WAQUET (P), Vie personnelle et vie professionnelle du salarié, loc.cit. 62 GULPHE (P), loc.cit. 63 ESCANDE-VARNIOL (MC), note sous CASS soc. 16 décembre 1997, Delamaere c/ Office notarial de Mes Ryssen et Blondel, JCP G, 1998, II 10101,p. 1119 64 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit. 65 ibid. 66 DESPAX (M), op.cit., p. 27 60 16 Le couple et le droit du travail Ainsi, le droit du travail sera en certaines circonstances appelé à prendre en compte cet élément de la vie personnelle du salarié. Il doit se préoccuper dans une certaine mesure de la vie de couple des salariés. Mais, de par l’usage qu’il fait de la notion de couple, le droit du travail apporte-t-il une contribution à la définition du couple que le droit civil élabore avec difficulté ? De l’étude des textes et de la jurisprudence, il nous importera de mettre en évidence cette conception " travailliste " du couple, de mettre en exergue les situations d’interférence entre le couple et le travail. Dans nombre de situations, la vie de couple et les rapports de travail de l’un ou l’autre de ses membres, vont être enchevêtrés. Le droit du travail sera donc amené à opérer une conciliation entre les deux. Il en résultera nécessairement une approche spécifique au droit du travail de la notion de couple. Le couple est par définition composé de deux personnes, exerçant parfois chacune une activité professionnelle autonome, mais unies par un lien affectif qui ne peut-être totalement occulté par leurs employeurs respectifs. Il revient dès lors au droit de concilier l’exigence d’autonomie des membres du couple dans l’exercice de leur profession, eu égard au principe de respect de la vie privée et au caractère « intuitus personae » du contrat de travail, avec ce lien d’affection qui caractérise le couple. Ainsi, selon les situations, il appartiendra, tant aux juridictions du travail qu’au législateur, de promouvoir cette autonomie ou au contraire tenir compte de cette interdépendance. Or, il semble résulter de l’étude du droit du travail que celui-ci privilégie l’autonomie des membres du couple (Titre II), au détriment de leur interdépendance (Titre I). 17 Le couple et le droit du travail TITRE PREMIER : La prise en considération limitée d’une dépendance entre les membres du couple : 18 Le couple et le droit du travail Même s’il est « traditionnellement affirmé qu’il doit exister une cloison étanche entre la vie professionnelle et la vie extra professionnelle du salarié… »67, nul ne peut nier les interférences qui existent entre le couple et le travail. La vie professionnelle de chacun est en effet ponctuée de rencontres et de contraintes, qui rejaillissent nécessairement sur la vie de couple. Ainsi, « le couple (…) ne peut vivre dans une bulle d’où seraient évacuées les activités professionnelles de chacun de ses membres 68». A contrario, le droit du travail ne peut légitimement ignorer cet aspect essentiel dans la vie de la majorité des salariés, qu’est la vie de couple. Il importe de relever, dans un premier temps, que certaines dispositions ou jurisprudences, en faisant découler de la vie de couple nombre de conséquences sur la relation de travail de l’un ou de l’autre, tendent à mettre en avant l’existence d’un lien de dépendance entre ses membres. Cependant, cette prise en compte d’une dépendance du couple s’avère limitée. En effet, l’existence d’un lien d’interdépendance dans le couple ne sera révélée en droit du travail que dans les stricts cas où elle apparaît nécessaire au regard de certains impératifs, ou lorsque les parties l’auront décidé en ce sens. Le droit du travail met ainsi parfois en évidence une dépendance entre les membres du couple, que celle-ci soit nécessaire ( Chapitre I ), ou voulue ( Chapitre II ). 67 68 DESPAX (M), loc.cit. SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 416 19 Le couple et le droit du travail CHAPITRE I : Une dépendance nécessaire des membres du couple Des éléments tenant à la vie personnelle du salarié et plus particulièrement à sa vie de couple sont exceptionnellement pris en compte, tant par le juge, que par le législateur69. Il en résulte nécessairement une dépendance entre les membres du couple puisque l’exécution et le maintien de la relation de travail d’un salarié seront influencés par la qualité de conjoint ou concubin de celui-ci. Celle-ci ne semble toutefois pouvoir être déduite, en droit du travail, que d’hypothèses où se voit révélée la nécessité de respecter certaines exigences. Ainsi, au nom du droit de chaque travailleur à une « vie familiale normale », le couple pourra apparaître dans la relation professionnelle d’un quelconque de ses membres comme un facteur permettant l’octroi d’avantages, de compensations ou de faveurs. Au contraire, dans d’autres situations, l’existence d’une vie de couple et d’une relation amoureuse entre ses membres pourra se révéler être un obstacle à la relation professionnelle de l’un d’eux, eu égard au trouble causé à l’intérêt de l’entreprise ou à la possibilité de trouble causé à celle ci. Aussi, au vu de l’existence du conjoint, concubin ou partenaire, un travailleur se verra accorder tel ou tel avantage ou, à l’opposé, supportera telle ou telle contrainte. La prise en considération d’une dépendance entre les membres du couple est donc en ce sens limitée, qu’elle n’a pour objectif que de répondre à deux impératifs : la conciliation de la vie de couple et de la vie professionnelle et le respect du « droit de chacun à une vie familiale normale » ( Section I ) ou le respect de l’intérêt de l’entreprise (Section II ). 69 LEVENEUR (J), Vie privée et familiale et vie professionnelle, in La personne en droit du travail, p. 47 20 Le couple et le droit du travail Section I ) Une dépendance nécessaire dans l’intérêt du couple : Comme le souligne le Professeur Savatier « le législateur impose parfois à l’employeur de tenir compte de l’existence du couple pour permettre à celui ci une vie familiale normale …70». Cette prise en considération du couple par l’employeur relève alors du bon sens. L’objectif est de permettre au salarié de mener à bien sa carrière professionnelle tout en lui offrant les moyens de profiter de son entourage. Certains avantages ou « discriminations positives71 » seront alors accordés au salarié au regard de sa situation familiale et plus précisément de sa vie de couple. La question qui se pose étant de déterminer l’usage fait par le droit du travail de la notion de couple, il convient de souligner que, sans user expressément du vocable ″couple ″, cette dépendance nécessaire des membres du couple est tantôt expressément stipulée par le législateur ( §1 ), tantôt sous-jacente ( §2 ). § 1 – Manifestations légales expresses de l’interdépendance : Nombreuses sont les dispositions imposant à l’employeur de prendre en considération la vie de couple des salariés travaillant à son service, afin de réaliser la conciliation la plus favorable entre leur vie de couple et leur vie professionnelle. En matière de réglementation des horaires de travail et de congés, le législateur pose ainsi un certain nombre de règles, incluant comme critère de décision à charge de l’employeur, l’existence d’un conjoint ou concubin. A ce titre, des auteurs expriment en effet le souhait « que la vie sociale soit rythmée par des moments où pourront se retrouver dans un loisir commun, tous ceux que leur travail aura séparé dans la vie courante72 ». Ceci explique sans doute la référence directe au couple faite par le législateur, en matière de congés notamment. Ainsi, l’article L 223-7 du code du travail, relatif aux congés payés, dispose que « les conjoints travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané ». A 70 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p.421 LEVENEUR (J), loc. cit. 72 SAVATIER (J), L’assouplissement des règles sur le repos dominical, Dr. soc. 1994, p.180 71 21 Le couple et le droit du travail noter toutefois que l’employeur peut imposer des horaires de travail différents aux conjoints travaillant dans la même entreprise « sous réserve qu’il pourrait se voir reprocher un abus du droit s’il refusait de tenir compte de leurs aspirations, alors qu’une coordination de leurs horaires ne nuirait pas à l’entreprise 73». L’exigence de prise en compte du couple par l’employeur ne semble donc expressément sanctionnable qu’en matière de congés payés. Au contraire, si les deux époux ne travaillent pas dans la même entreprise, l’article L 223-7 du code du travail prévoit en son alinéa 3 à la charge de chaque employeur, de tenir compte pour l’ordre des départs en congés « de la situation de famille des bénéficiaires, notamment des possibilités du conjoint dans le secteur privé ou public… ». A l’origine, ce texte ne concernait que les conjoints et donc, le couple ne s’entendait que du couple marié. Dorénavant, la loi du 15 novembre 199974 prévoit l’obligation pour l’employeur de tenir compte d’un pacte civil de solidarité. Ainsi, l’emploi dans une même entreprise de deux personnes « pacsées », accorde à celles-ci le droit de bénéficier de l’article L 223-7 du code du travail. Néanmoins, il semble que les contraintes pesant sur l’employeur ne soient pas excessives. En effet, mis à part l’hypothèse où le couple travaille au service d’un employeur identique et a « droit » à un congé simultané, l’alinéa 3 de l’article L 223-7 du code du travail n’impose en aucune manière à l’employeur de calquer les vacances de son salarié sur celles de son conjoint. En ce sens, la Cour de cassation est venue rappeler que « les dispositions de la convention collective alléguée par une salariée n’imposent pas à l’employeur de calquer la date des congés sur ceux du conjoint si l’activité de l’entreprise ne peut s’en accommoder75 ». On imagine en effet aisément la difficulté d’ordre matériel si chaque employeur devait tenir compte des dates de congés des conjoints, concubins ou partenaires de chacun de ses salariés. Cette solution conduit d’ailleurs le Professeur Savatier à considérer que ce texte demeure « exceptionnel76 ». Toutefois, il n’en constitue pas moins une référence directe au couple par le législateur, une manifestation de l’intérêt porté par le droit du travail à la vie familiale du salarié. 73 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit. loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, art. 18, JO du 16 novembre 1999 75 Cass. soc. 19 juin 1997, Meusnier c/ SARL La feuille Rose, RJS 8-9/97, n°987, p. 615 74 22 Le couple et le droit du travail En outre, certains évènements, liés à la vie de couple du salarié, permettent l’octroi de plein droit de jours de congés en cas de demande de celui ci. Issu d’une loi du 19 janvier 1978, l’article L 226-1 du code du travail prévoit la possibilité pour un salarié de bénéficier de congés pour évènements familiaux, en l’occurrence, d’une autorisation exceptionnelle d’absence de quatre jours pour le mariage du salarié ou de deux jours pour le décès du conjoint (ces jours d’absence n’entraînent pas de baisse de rémunération et sont assimilés à des jours de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel). Ces dispositions sont également applicables aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité77, et illustrent encore une fois la nécessité de tenir compte, dans la détermination des droits du salarié à l’égard de son employeur, des évènements de sa vie de couple. La mise en valeur d’une dépendance entre les membres du couple est rendue nécessaire dans une optique de conciliation de sa vie privée et sa vie professionnelle. D’autres textes font expressément référence au conjoint d’un travailleur pour lui accorder certaines faveurs. Comme l’indique Jean Leveneur : « les vacances sont une chose, mais il y a aussi le reste de l’année, et il est inutile de dire combien la vie matrimoniale des deux époux se trouve amputée lorsque les nécessités de la vie professionnelle de chacun les conduisent à travailler, et parfois à résider, dans des endroits très éloignés l’un de l’autre78 ». Ainsi, en matière de fonction publique, la loi du 30 décembre 192179 prévoit « le rapprochement des fonctionnaires qui étrangers au département sont unis par le mariage, soit à des fonctionnaires du département, soit à des personnes qui y ont fixé leur résidence ». De cette façon, cette loi, dite « Roustan », impose de réserver 25 % des postes vacants dans le département aux fonctionnaires souhaitant se rapprocher de leurs conjoints. Complétant ce dispositif, une loi de 198480 en matière de fonction publique d’Etat, prévoit que « dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille (…) Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur 76 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit. loi du 15 novembre 1999, précitée supra note n° 2 78 LEVENEUR (J), op.cit., p.54 79 loi du 30 décembre 1921, article 1er 80 loi du 11 janvier 1984, articles 60 et 62 77 23 Le couple et le droit du travail conjoint pour des raisons professionnelles… ». La même loi indique également « si les possibilités de mutation sont insuffisantes dans leur corps, les fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles peuvent dans toute la mesure compatible avec les nécessités de fonctionnement du service compte tenu de leur situation particulière, bénéficier en priorité du détachement… ». Ces règles, identiques en matière de fonction publique hospitalière81 et territoriale82, sont en outre étendues aux personnes liées par un PACS83. A noter cependant, qu’elles ne constituent pas un droit pour les fonctionnaires concernés mais une simple priorité. Toutefois, là encore, la vie de couple est intégrée au dispositif mis en place afin de permettre aux fonctionnaires de mener « une vie familiale normale ». De la même façon, l’article L 321-1-1 du code du travail prévoit comme critère pour fixer l’ordre des licenciements pour motif économique « les charges de famille et celles de parents isolés ». La vie de couple sera donc nécessairement un indice à prendre en considération par l’employeur pour définir l’ordre des licenciements. Cette disposition s’inscrit sans conteste dans un esprit de faveur aux salariés vivant en couple, tout comme l’article L 432-8 du code du travail prévoyant que « le comité d’entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les activités sociales ou culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou de leur famille… ». L’employeur est ainsi tenu dans certaines hypothèses de prendre en considération la vie de couple des salariés et leur accorder certaines facilités ou priorités afin de respecter leur « droit à une vie familiale normale ». §2 - Manifestations indirectes de l’ interdépendance : D’autres dispositions mettent en valeur de manière sous-jacente l’incidence que peut jouer la vie de couple sur la vie professionnelle de chacun de ses membres, pour souligner l’interdépendance des membres du couple. 81 loi du 09 janvier 1986, article 38 loi du 26 janvier 1984, article 54 83 loi du 15 novembre 1999, précitée supra note n°2 82 24 Le couple et le droit du travail Certaines réglementations, sans pour autant faire référence directement au couple, reflètent cependant la volonté de respecter la vie de couple du salarié. Ainsi, et comme l’indique le Professeur Savatier « le souci de permettre aux salariés de mener une vie familiale inspire également les règles sur les horaires de travail. S’il faut lutter contre le travail de nuit ou maintenir le principe du repos dominical, c’est notamment pour permettre aux travailleurs de se retrouver en couples en dehors des heures où le travail hors du foyer les sépare 84». A n’en pas douter en effet, le principe du repos dominical posé en l’article L 221-5 du code du travail tend à permettre aux salariés de passer du temps avec leur famille et donc leur conjoint ou concubin : « il ne s’agit pas seulement de disposer d’un temps à soi, que l’on ne donne pas au patron, mais de partager le temps avec les autres, de célébrer ensemble une fête qui rompt avec le quotidien85 ». Il est à souligner que cette règle donne actuellement lieu à un débat86 opposant les tenants d’une suppression de ce principe (milieux d’affaire) et les tenants du maintien du repos dominical lequel est considéré comme la base d’une vie sociale « équilibrée particulièrement autour de la cellule familiale87 ». De la même façon, la rigoureuse réglementation entourant encore actuellement le travail de nuit des femmes en France88 illustre indirectement cette prise en compte par le législateur français du couple en droit du travail. En outre, l’ensemble du dispositif relatif aux heures supplémentaires89 et le strict encadrement mis en place « dessinent une sphère minimale de vie privée 90» tendant encore une fois à protéger la vie de couple du salarié. En effet, ces réglementations visent à éviter des horaires trop lourds ou trop contraignants de nature à nuire à l’équilibre de la vie de famille et donc, du couple. 84 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 426 SAVATIER (J), L’assouplissement des règles sur le repos dominical, loc.cit 86 LYON-CAEN (J), PELISSIER (J), SUPIOT (A), Droit du travail, Précis Dalloz, Droit privé, 18ème édition, Paris, 1996, p. 428 87 COUTURIER (G), Droit du travail : les relations individuelles de travail, PUF, 1994, p. 423 88 C. trav. art. L 213-1 89 C. trav. art. L 212-5 et suivants 90 LEVENEUR (J), loc.cit. 85 25 Le couple et le droit du travail Dans la même optique, la jurisprudence sera parfois amenée à se référer à la vie de couple du salarié pour régler différents litiges auxquels elle se trouve confrontée. La référence à la situation de couple, en des espèces où la loi ne l’impose pas, permettra ainsi parfois au juge d’accorder tel ou tel avantage au salarié. Ainsi, par exemple, pour déterminer les critères de validité des clauses de nonconcurrence en droit du travail, certains auteurs soulèvent l’opportunité pour les juges de tenir compte de la vie familiale du salarié et donc de sa vie de couple : « en effet, la possibilité de retrouver un emploi pour un salarié célibataire, n’est pas la même que celle d’un salarié marié avec trois enfants scolarisés et dont le conjoint est fonctionnaire. Pour ce dernier, le périmètre de la recherche est plus restreint, le changement de domicile plus problématique91 ». D’ailleurs, des arrêts ont dans ce sens annulé une clause de nonconcurrence au motif qu’elle « aurait obligé la salariée à s’expatrier très loin pour retrouver du travail 92» ou ont validé une telle clause car celle ci ne privait pas le salarié de la « possibilité de trouver un emploi dans les agglomérations proches et importantes sans avoir à déménager93 ». A n’en pas douter, la vie familiale semble avoir été un critère pour les juges du fond qui viennent restreindre par là même les pouvoirs de l’employeur et l’impact de telles clauses. De même, une jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière de clause de mobilité admet que l’on retienne les éléments de la vie personnelle (en l’espèce la situation du conjoint) pour mettre en évidence l’absence de faute dans le refus opposé par le salarié à la directive de l’employeur94. La Cour de cassation condamne ainsi l’employeur, pour usage abusif d’une clause de mobilité, pour avoir imposé au salarié, qui se trouvait dans une situation familiale critique ( référence à son épouse enceinte de sept mois), un déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d’autres salariés. Cet arrêt est novateur95. En effet, la référence à la situation de famille pour le respect d’une procédure de mutation pouvait être prévue dans des conventions collectives. Mais, pour la première fois, en l’absence de toute convention collective le prévoyant expressément, la Haute juridiction vise la vie de couple du salarié : « situation qualifiée de 91 GAVALADA (N), Les critères de validité des clauses de non concurrence en droit du travail, Dr. soc. 1999,p. 582 92 CA Toulouse 24 avril 1998, Jurisdata 42404 93 CA Rennes 31 mars 1998, Jurisdata 41692 94 Cass. soc. 18 mai 1999, Société Legrand c/ M. Rochin, Dr. soc.1999, p 734, note Gauriau 26 Le couple et le droit du travail critique, tant la soudaineté de la décision eut un impact psychologique auprès de la future mère et laissa présager quelques difficultés relatives à la période de l’accouchement. Du moins aurait-il fallu donner un peu de temps au couple pour qu’il soit en mesure de réorganiser sa vie de famille…96 ». Ainsi les juges, en l’absence de tout texte, prennent parfois l’initiative de se référer à la vie couple du salarié. Ils créent ainsi un lien de dépendance entre les membres de couple en ce qu’ils viennent limiter, de par l’existence du conjoint, concubin ou partenaire, les possibilités d’imposer au salarié une restriction à son contrat de travail. La vie de couple est donc un élément essentiel de la vie du salarié non occulté par les juges. Un autre exemple significatif de cette dépendance entre les membres du couple en droit du travail peut être trouvé dans l’application de l’article L 351-1 du code du travail relatif aux garanties de ressources des travailleurs privés d’emploi. En l’occurrence, l’allocation de remplacement ne peut être versée qu’aux travailleurs involontairement privés d’emploi. La démission d’un salarié ne pourra donc lui permettre de se voir octroyer un tel revenu. Néanmoins, il est des hypothèses où la démission sera assimilable à une perte involontaire d’emploi en ce qu’elle a été causée par un motif reconnu légitime par la Commission paritaire de l’Assedic97. A cet égard, la jurisprudence a été amenée à considérer qu’ « est un motif légitime de démission le fait pour une employée de collectivité locale de quitter son emploi pour suivre la personne avec qui elle vit depuis plusieurs années en concubinage notoire et qui fait l’objet d’une mutation professionnelle dans une ville éloignée98 » Dans toutes ces hypothèses, le juge et le législateur font référence, directement ou non, au couple formé par le salarié et son conjoint ou concubin, pour lui accorder certains avantages au nom du droit à une vie familiale normale. Les membres du couple sont donc en ce sens dépendants l’un de l’autre, mais à leur profit. Il est toutefois des circonstances où la vie de couple et l’existence d’un lien affectif entre deux salariés, de la même 95 GAURIAU (B), note sous Cass. soc. 18 mai 1999, précité supra note n° 94 ibid. 97 Cass. soc. 20 mars 1990, RJS 1990, p. 295 96 27 Le couple et le droit du travail entreprise ou non, doivent être nécessairement prises en compte à leur détriment au vu d’un intérêt supérieur : celui de l’entreprise. Section II ) Une dépendance nécessaire dans l’intérêt de l’entreprise: Comme l’indique Marie-Cécile Escande-Varniol : « le statut de salarié ne peut faire perdre à un individu son identité propre ; législateur, jurisprudence et doctrine se sont souvent montrés attentifs à protéger la vie privée ou extra professionnelle du salarié afin de résoudre le difficile problème de la rencontre de deux sphères qui se repoussent et qui s’attirent en se recouvrant partiellement : la conciliation des intérêts de l’entreprise et de l’exercice des libertés fondamentales des salariés99 ». Il appartient donc à l’employeur, contrôlé par le juge, d’opérer une conciliation entre la vie de couple du salarié et la nécessité de protéger les intérêts de son entreprise. Or, il est des cas où l’existence d’une relation amoureuse apparaît comme un frein à la bonne exécution de la relation de travail d’un salarié. Il est ainsi des circonstances où existe une incompatibilité entre la vie de couple et le travail de l’un ou l’autre des membres, au regard de la spécificité de certaines fonctions ( §1 ) ou du trouble au bon fonctionnement de l’entreprise qu’entraîne une telle relation ( §2 ). §1 – Incompatibilité du couple avec l’exercice de certaines fonctions : Certaines dispositions législatives prennent en compte la vie de couple d’un salarié pour refuser à son conjoint ou compagnon d’exercer des fonctions spécifiques au sein de l’entreprise. Ces fonctions sont présumées incompatibles avec la qualité de conjoint de l’employeur. Ainsi, concernant l’élection des délégués du personnel, l’article L 423-8 du code du travail indique que les membres de la famille du chef d’entreprise y compris son conjoint 98 CE 25 septembre 1996, Quot. Jur. 09 janvier 1997 ESCANDE-VARNIOL (MC), Les éléments constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif extraprofessionnel, RJS 7/93, p. 403 99 28 Le couple et le droit du travail ne sont pas éligibles à cette fonction et ne peuvent ainsi valablement représenter le personnel. Cette règle est identique en matière d’élection des membres du Comité d’entreprise (article L 433-5 du code du travail). Donc, le conjoint du chef d’entreprise ne peut-être ni délégué du personnel, ni membre du Comité d’entreprise. Cette règle n’a pas toujours existé et ainsi, avant 1973, rien n’empêchait le conjoint d’occuper l’une ou l’autre de ces fonctions. Cependant, et comme le soulignait le Professeur Rouast en 1962 : « il est vraisemblable que le fait qu’ils ont des relations familiales sera toujours un obstacle à ce qu’ils soient choisis par les autres employés pour les représenter dans ces diverses fonctions 100». La qualité de conjoint du chef d’entreprise est donc aujourd’hui un obstacle à son éligibilité, le législateur faisant ici prévaloir le lien de dépendance unissant les membres du couple. De la même façon, en matière de mandatement syndical prévu par la loi Aubry II101, l’alinéa 3 de l’article 19 VI énonce que « ne peuvent être mandatés les salariés qui en raison des pouvoirs qu’ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d’entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d’entreprise mentionnés au 1er alinéa des articles L 423-8 et L 433-5 du code du travail ». Rappelons simplement ici que le mandatement est une délégation de pouvoirs d’une organisation syndicale à un salarié de l’entreprise en vue de la négociation et de la conclusion d’un accord d’entreprise. Il permet en quelque sorte d’accréditer ponctuellement un salarié pour une négociation d’entreprise. En ces hypothèses, le législateur prend acte de l’absence de compatibilité de la qualité de représentant du personnel ou de mandaté syndical, avec celle de conjoint du chef d’entreprise. En effet, le risque est trop grand de voir le conjoint de l’employeur subir des pressions importantes de la part de celui-ci et ne pas pouvoir remplir les fonctions qui lui sont assignées avec suffisamment de crédibilité. L’existence d’un lien affectif entre les membres du couple implique trop de risques. Il est à noter cependant que le législateur ne vise pas les concubins en la matière : pourtant, les risques sont identiques. 100 101 ROUAST (A), Le droit du travail familial, Dr. soc., p. 160 loi n° 98-461 du 13 juin 1998, article 19 VI, JO du 14 juin 1998 29 Le couple et le droit du travail Quoiqu’il en soit, l’intérêt de l’entreprise et la bonne exécution des mandats explique que le législateur n’admette pas l’éligibilité du conjoint du chef d’entreprise. Le risque d’atteinte à l’intérêt de l’entreprise est trop grand : la crainte est ici légitime. §2 - Incompatibilité de la vie de couple avec le bon fonctionnement de l’entreprise : La Cour de cassation tire du droit au respect de la vie privée, l’impossibilité de rompre le contrat de travail d’un des membres du couple pour une cause liée à sa vie personnelle102. Ainsi, en principe, la vie de couple est sans incidence sur la vie professionnelle de chacun. Cependant, une exception doit venir limiter ce principe : l’hypothèse où, du fait de la vie de couple, un salarié trouble le bon fonctionnement de l’entreprise. Ce n’est, comme l’indique le Professeur Savatier, « que l’application du principe posé à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme : ″ la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ″103 ». Il est ainsi légitime de penser que la liberté de tout salarié dans sa vie de couple est totale, tant qu’elle ne crée pas au sein de l’entreprise un trouble. Si tel est le cas, il découlera de l’existence d’une relation affective, une dépendance entre les membres du couple, au détriment du salarié. Dès lors, « il est possible que des agissements en lien avec la vie de couple du salarié soient une cause réelle et sérieuse de licenciement quand ils apportent un trouble à l’entreprise104 ». Cette constatation résulte d’un arrêt du 20 octobre 1976 selon lequel l’employeur ne pouvait se prévaloir à l’encontre du salarié « de faits de sa vie privée, dès lors qu’il n’était pas établi que ses liaisons féminines auraient été à l’origine d’un scandale et auraient eu des répercussions sur l’exécution de ses obligations professionnelles105 ». A contrario, l’existence de preuves que les liaisons du salarié aient été de nature à mettre en 102 Cass. soc. 17 avril 1991, Painsecq c/ Association Fraternité Saint Pie X, JCP 1991 II, 21724, note Sériaux SAVATIER (J), Le licenciement, à raison de ses mœurs, d’un salarié d’une association à caractère religieux, Dr. soc. 1991, p. 489 104 GILLES (AM), op. cit., p. 130 105 Cass. soc. 20 octobre 1976, Foyer de retraite du combattant c/ Dumas, Bull. civ. V, n° 508 103 30 Le couple et le droit du travail péril le bon fonctionnement de l’entreprise, aurait constitué une justification du licenciement. En ce sens, un cadre marié et père de cinq enfants, entretenant une liaison avec une jeune employée de l’entreprise, a pu être considéré comme ayant eu un comportement portant atteinte au bon ordre de l’établissement et justifiant son licenciement106. De la même façon, a été licencié pour faute grave un salarié, homme d’entretien et charcutier, entretenant des relations adultères avec la femme de l’employeur laquelle avait quitté le domicile conjugal pour vivre avec lui. En l’espèce, le licenciement a été tiré d’une cause liée à la vie privée mais au regard du « comportement déloyal et injurieux au sein de l’entreprise familiale107 ». Ainsi, du fait du « caractère malsain résultant de la situation108 », le juge a pu considérer que l’existence d’un lien affectif au sein du couple formé par le salarié et l’épouse de son employeur, créait un trouble à l’entreprise. Dès lors, la référence au « bon fonctionnement de l’entreprise » permet parfois de justifier une sanction prise à l’encontre d’un salarié au regard de sa vie de couple. Depuis un arrêt du 17 avril 1991, les juges rappellent ainsi que « si en principe il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie privée, il en est autrement lorsque le comportement de l’intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière109 ». Comme l’indique Jean Savatier « la référence à la nature des fonctions et à la finalité de l’entreprise implique une appréciation in concreto des motifs justifiant le licenciement 110». Ainsi, la référence à la vie de couple pourra constituer ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement selon les tâches confiées au salarié ou selon la nature de l’entreprise. Aussi, une société a pu reprocher à un cadre d’avoir volontairement frappé sa compagne elle-même salariée « à proximité de l’usine où il avait travaillé dans le passé et était connu des salariés, à l’heure où l’équipe de l’après-midi quittait son poste… » pour 106 Cass. soc. 19 juillet 1965, L c/ Société des établissements F, Dr. soc. 1966, p. 35 CA Versailles 27 mai 1986, Volovick c/ Masseboeuf, D. 1986, IR, p. 420 108 CA Paris 13 février 1985, Delot c/ Celis, D. 1985, IR, p. 269 109 Cass. soc. 17 avril 1991, précité supra note n°102 110 SAVATIER (J), Le licenciement, à raison de ses mœurs, d’un salarié d’une association à caractère religieux, op. cit. , p. 488 107 31 Le couple et le droit du travail justifier son licenciement111. Pareillement, le fait pour une salariée d’avoir eu une liaison avec son employeur, désormais décédé, entraîne un état permanent de tension entre la salariée et la veuve ayant succédé à son époux à la tête de la société, de nature à nuire à l’entreprise112. Surtout, la notion de finalité propre de l’entreprise à laquelle se réfère la Cour de cassation n’est pas sans rappeler la célèbre jurisprudence Dame Roy ayant opposé une institutrice à l’établissement privé d’enseignement catholique qui l’avait licencié en raison de son remariage après divorce. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, après avoir posé en principe qu’il ne pouvait « être porté atteinte sans abus à la liberté du mariage par un employeur que dans des cas très exceptionnels où les nécessités des fonctions l’exigent impérieusement113 », avait justifié le licenciement de l’enseignante au motif que l’établissement « attaché au principe de l’indissolubilité du mariage, avait agi en vue de sauvegarder la bonne marche de son entreprise, en lui conservant son caractère propre et sa réputation 114». Certains ont pu se demander si cette jurisprudence n’était pas « périmée 115» avec l’introduction des articles L 122-45 du code du travail et L 123-1 du code du travail , interdisant respectivement les sanctions et licenciements en raison de la situation de famille, et les discriminations en fonction du sexe ou de la situation de famille. Cependant au regard de l’arrêt précité du 17 avril 1991116 touchant un litige opposant une association religieuse et un salarié homosexuel, il semble que cette solution demeure valable pour les entreprises de tendance. Il a été ainsi jugé que « dans certaines entreprises à tendance idéologique, l’employeur est en droit d’exiger de ceux de ses salariés chargés par lui d’une mission spirituelle un mode de vie et de pensée conformes à leurs finalités117 ». Ainsi, lorsque le salarié, dans sa vie de couple, est en contradiction avec les valeurs morales ou les doctrines promues par l’entreprise au service de laquelle il s’est engagé, et qu’en raison 111 Cass. soc. 1er avril 1992, Oberle c/ SAIC Velcorex, RJS 5/92, n° 576, p. 328 Cass. soc. 1er avril 1992, Gaillard c/ SA Bourrée et fils, RJS 5/92, n° 577, p. 329 113 Cass. Ass. Plén. 19 mai 1978, Dame Roy c/ Association pour l’éducation populaire Sainte Marthe, D. 1978, p. 541 114 Ibid. 115 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 425 116 Cass. soc. 17 avril 1991, précité supra note n° 102 117 CA Paris, 29 janvier 1992, Association Fraternité Saint Pie X c/ Painsecq, Dr. soc. 1992, p. 335 112 32 Le couple et le droit du travail de ses fonctions, il apporte un trouble caractérisé à l’entreprise, une sanction apparaît justifiée aux yeux des juges. Dans toutes ces hypothèses, le salarié voit dans sa vie de couple une justification d’une sanction prise à son égard. Le juge fait en effet prévaloir l’intérêt de l’entreprise au vu du trouble apporté à son fonctionnement. Ainsi, « sous couvert du critère de l’intérêt de l’entreprise, le comportement du salarié dans sa vie personnelle peut avoir des incidences sur sa relation de travail 118». Le droit du travail se réfère ainsi dans nombre de cas à la vie de couple du salarié afin de concilier celle-ci avec la relation de travail de ses membres. Dans d’autres circonstances, le droit du travail permet la création entre les membres du couple d’une relation contractuelle particulière ayant pour effet de créer entre ses membres un lien d’indivisibilité : le contrat de couple. 118 BROCHETON (P), Vie personnelle et vie professionnelle, l’art de l’équilibre, Semaine sociale Lamy, janvier 1999, n° 915, p. 7 33 Le couple et le droit du travail CHAPITRE II : Une dépendance voulue par le couple Il est généralement admis que « le contrat de travail procède d’une relation purement individuelle entre employeur et salarié 119». Le contrat de travail s’analyse en effet, comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération120. La conclusion d’un contrat de travail lie ainsi deux parties : la salarié qui s’engage à fournir personnellement une prestation de travail et l’employeur qui contrôle l’exécution du travail et en sanctionne l’inexécution. Cependant, ce schéma contractuel classique peut être écarté dans quelques hypothèses. Ainsi en est-il, par exemple, lorsqu’un salarié s’engage à effectuer une prestation de travail pour plusieurs employeurs tenus solidairement envers lui. A l’inverse, il arrive qu’un employeur ait à recruter pour une même tâche ou pour des tâches complémentaires plusieurs salariés. Ainsi, un seul et même contrat pourra généralement lier les salariés qui seront considérés solidaires l’un de l’autre, leur engagement étant indivisible121. Apparaît donc ici la notion de contrat de travail collectif lequel peut être défini comme « unissant pour l’accomplissement d’une tâche moyennant le versement d’un salaire un employeur à plusieurs personnes agissant ensemble et de concert solidairement et individuellement122 ». Les contrats de travail collectifs étaient déjà connus en matière de travaux agricoles saisonniers123 (pour exemple Cass soc 24 février 1961124) et encore aujourd’hui dans le 119 MOUVEAU (E), Le contrat de couple et le droit du travail, D. 1998, p. 385 C. trav. article L 120-2 121 Cass. soc. 04 mars 1981, Boudaud c/ Ranger, Bull. civ. V, n° 177 122 PANSIER (FJ), Le contrat de couple, Cah .soc. barreau, n° 115, p. 349 123 ibid. 124 Cass. soc. 24 février 1961, Consorts Baudon et Miquel, Dr. soc.1961,p. 359 120 34 Le couple et le droit du travail domaine du spectacle125, même s’il semble qu’ils ne connaissent pas actuellement un grand développement126. A vrai dire, la situation la plus fréquente est celle du contrat conclu avec un couple de travailleurs dont la vie commune facilite l’exécution de la prestation de travail, sans que le mariage ne soit une condition de validité du contrat127 : on parlera alors de contrat de couple. Ce type de contrat est utilisé notamment pour les employés de maison, gardiens d’immeuble ou encore gérants salariés de magasins. Il convient dès à présent de différencier ce contrat de couple, des hypothèses de partage d’un même poste de travail occupé alternativement par deux travailleurs, mais qui ne forment pas nécessairement un couple au sens affectif du terme. Ces situations seront donc écartées de la présente étude. En effet, « si rien n’empêche la mise en place de cette pratique, il nous semble opportun de ne pas utiliser le terme de couple pour éviter une confusion128 ». Comme l’indique le Professeur Jean Mouly, le contrat de couple est « une pratique avérée dans les relations sociales, même si l’usage de ces contrats reste relativement marginal, limité à certaines professions (...) et s’il est peu probable que la promotion actuelle dans le droit civil contemporain de la notion de couple puisse faire sortir ce type de convention de sa marginalité 129». Au regard d’un certain nombre d’incertitudes textuelles, le contrat de couple est aujourd’hui critiqué et remis en cause130. Ces contrats semblent en effet poser problème eu égard à certaines dispositions impératives du code du travail, et donc au vu de leur légalité. Ainsi, certains auteurs relèvent-ils « la contrariété de principe131 » entre le contrat de couple, contrat collectif, et le droit du contrat de travail par essence individuel. En effet, la 125 C. trav. Art. L 762-1 alinéa 4 PANSIER (FJ), loc. cit. 127 Cass. soc. 07 mai 1986, Madame Genco c/ SARL Gérance Varoise, Bull. civ. V, n° 204 128 GILLES (AM), op. cit., p. 138 129 MOULY (J), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, Duarte c/ copropriéte Le Buffon, D. 1999, p. 443 130 MOUVEAU (E), loc. cit. ; MOULY (J), op. cit., p. 445 131 MOUVEAU (E), loc.cit. 126 35 Le couple et le droit du travail stipulation d’un lien d’indivisibilité entre les engagements des membres modifie la nature du contrat de travail et influe sur le régime juridique applicable. Il n’apparaît pas nécessaire de développer ici davantage les objections à l’encontre du contrat de couple, elles-mêmes développées par divers auteurs, sauf à considérer que celles ci pourraient, à terme, venir remettre en cause l’application pratique de ces contrats, leur utilisation par les employeurs. Ainsi, pour certains auteurs, l’avenir du contrat de couple s’avère « passablement écorné132 ». Ces critiques, quant à l’incompatibilité de certaines dispositions impératives du code du travail avec le contrat de couple, peuvent s’expliquer d’autant plus facilement que le contrat de couple n’est régi par aucune disposition du code du travail. Cependant, bien que non visé par les textes légaux, le contrat de couple doit être présumé valable dès lors qu’il n’est pas expressément interdit133. D’ailleurs, « la jurisprudence admet, malgré le silence de la loi, la liceité de ces contrats de couple134 ». C’est donc aux juges qu’il faut se référer en la matière, ceux ci ayant été amenés à faire face à cette question de la conciliation du droit du travail avec la volonté des membres d’un couple de lier leurs engagements professionnels. La difficulté majeure à relever est que le contrat de couple fait appel tant à des mécanismes propres au droit du travail qu’à des notions intégrées au droit commun des contrats135. Aussi, le recrutement par un employeur d’un couple de travailleurs est-il rendu plus complexe du fait du rapport d’indivisibilité établi entre eux. Face à la carence de la loi, les tribunaux ont eu à intervenir pour établir les conditions de validité de tels contrats et préciser les effets entre les membres de l’indivisibilité des engagements. Destiné à répondre à certaines situations spécifiques de travail, le contrat de couple suscite moult interrogations. Prise en considération par le droit du travail de la vie de couple, il se caractérise par la volonté de ses membres de lier leurs engagements et donc de créer un lien de 132 ibid. PANSIER (FJ), loc.cit. 134 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p.423 135 SORDINO (MC), Réflexions sur le contrat de travail conclu avec un couple de travailleurs, PA, 31 juillet 1996, n° 92 133 36 Le couple et le droit du travail dépendance. L’intérêt de la présente étude sera, afin de déterminer l’usage dont il est fait de la notion de couple dans cette hypothèse, de souligner comment se manifeste cette interdépendance entre les membres du couple ( Section I ) pour en déterminer les effets entre eux ( Section II ). Section I ) Le contrat de couple ou la stipulation d’engagements indivisibles : Les tribunaux sont régulièrement appelés à trancher les différends liés à l’application des contrats de couple. Découle de cette jurisprudence un certain nombre de règles permettant d’apprécier les conditions de validité d’un tel contrat et ses effets sur les membres du couple. La jurisprudence sociale utilise le terme d’ « indivisibilité » pour caractériser le lien entre les deux travailleurs136. En effet la Cour de Cassation a expressément reconnu l’indivisibilité des engagements souscrits entre deux époux dans un arrêt de 1981 : « l’engagement de B… était, de l’aveu même de ce dernier qui avait invoqué la nécessaire collaboration de son époux pour lui permettre de remplir les fonctions à lui proposées par la société, concomitant et indivisible, de celui de Dame B…137 ». Depuis, cette qualification a toujours été réaffirmée par la jurisprudence et emporte avec elle nombre de conséquences pour les parties au contrat. Quoiqu’il en soit, avant de déterminer les effets d’une telle indivisibilité, encore faut-il constater comment elle se manifeste concrètement ; c’est à dire déterminer comment le contrat de couple est significatif d’une dépendance entre les membres du couple. Or, cette interdépendance se voit révélée dès la conclusion du contrat de couple, tant par les conditions de fond de celui-ci, à savoir l’adéquation du couple au regard des fonctions à accomplir (§1) que par les conditions de forme, à savoir la volonté des membres du couple de lier leurs engagements (§2). 136 137 GILLES (AM), op. cit., p.139 Cass. soc. 04 mars 1981, précité supra note n° 121 37 Le couple et le droit du travail §1- L’ adéquation du couple à la spécificité des fonctions à accomplir : Le contrat de couple n’est admissible que sous certaines conditions, à savoir l’existence d’un couple (A), et la complémentarité des fonctions à exercer (B). A) Le couple, condition essentielle de validité du contrat de couple : La conclusion d’un contrat de couple nécessite la signature, conformément à son intitulé même, d’un couple. Mais dans cette hypothèse, qu’entend-t-on sous ce terme ? Le contrat de couple est- il exclusivement réservé aux époux ? Selon Fréderic-Jérome Pansier, « la notion de couple ne se confond pas avec le statut du mariage. Il suppose seulement qu’il existe entre les deux salariés des relations présentant un caractère suffisant de stabilité, de continuité et de notoriété, manifesté par la vie commune, afin que le travail en commun concorde avec la situation personnelle des salariés, et soit présumée conforme à leurs désirs138 ». Dès lors, le mariage n’est pas une condition de validité du contrat de couple qui s’étend à toute relation affective entre deux individus. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 07 mai 1986139 donne effet à un contrat de couple conclu entre une salariée engagée en qualité de concierge et son concubin recruté en tant que surveillant jardinier. De même, ont vocation à signer un tel contrat et lier leurs engagements de manière indivisible, les relations impliquant une communauté de vie telles l’union libre ou encore le PACS. Cependant, ces relations doivent présenter un degré suffisant de stabilité et de sérieux. Comme l’indique le Professeur Savatier : « dans ces contrats de couple, l’employeur ne consent au contrat qu’en raison de la vie commune des deux salariés, nécessaire pour l’exécution des prestations de travail140 ». Cette condition de validité qu’est l’existence d’un couple a pour corollaire la résiliation du contrat de couple en cas de disparition du couple pour quelque cause que ce 138 PANSIER (FJ), loc.cit. Cass. soc. 07 mai 1986, précité supra note n° 127 140 SAVATIER (J), op.cit., p. 423 139 38 Le couple et le droit du travail soit141. Ainsi, en cas de divorce, de séparation des concubins ou des partenaires, ou encore en cas de décès, la condition déterminante qu’est l’existence d’une vie de couple, disparaît. En toute logique, le défaut d’un élément essentiel a pour conséquence que soit vidé de tout sens le contrat de couple. Au regard de cette conséquence néfaste du contrat de couple, il est à relever l’intervention de la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 10 mars 1994142. Elle vient en effet rappeler que le fait de lier le sort du contrat de travail d’un couple de concubins engagés en qualité de gérants de magasins à la séparation ou au divorce du couple constitue une restriction apportée par l’employeur au droit des époux ou des concubins de se séparer. Or, en l’espèce, avait été inscrite dans deux contrats une clause prévoyant leur résiliation automatique en cas de séparation ou de divorce. Au nom de la liberté pour un couple de se séparer, les juges du fond considèrent qu’une telle clause n’est pas admissible, la société n’apportant aucun élément propre à justifier de son obligation de recourir à l’emploi d’un couple de gérants. La cour de Paris vient donc poser en principe, sur le fondement de l’article L 120-2 du code du travail, que la relation de cause à effet selon laquelle la disparition du couple entraîne la résiliation du contrat de travail ne pourra être prévue que dans des cas strictement et évidemment nécessaires. Elle vient par la même réduire au strict minimum les possibilités de recours à un contrat de couple. En outre, le contrat de couple n’est légitimement admissible que dans certaines professions impliquant des fonctions liées. B) L’ interdépendance des fonctions occupées par le couple : Le contrat de couple trouve sa cause dans la volonté, tant de l’employeur que du couple, de lier les engagements des deux salariés de manière indivisible, au regard de l’activité et de la tâche à accomplir qui leur est commune et complémentaire. Dans cette optique, ce type de contrat régit le plus souvent la situation des employés de maison (même si le recrutement de ce personnel est en nette régression), mais aussi des gardiens d’immeuble ou encore des gérants. 141 PANSIER (FJ), op.cit., p. 350 39 Le couple et le droit du travail Dans ces hypothèses, l’utilisation de ce type de contrat s’explique et trouve sa légitimité dans l’interdépendance existant entre les fonctions et missions à charge des travailleurs. En effet, « l’exécution de ces prestations de travail doublée parfois de l’attribution d’un logement de fonction, implique une collaboration étroite entre salariés…143 ». Comme l’indique le Professeur Savatier, « l’interdépendance des contrats liant chaque membre du couple à l’employeur n’est admissible que si ces contrats portent sur des emplois complémentaires et si les salariés concernés trouvent un avantage à l’union de leur contrat144 ». Ces conditions expliquent que le recours au contrat de couple soit assez limité. Antérieurement, le recours au contrat de couple était courant pour le personnel domestique145 : ainsi, un couple était embauché à charge pour l’époux d’être jardinier ou chauffeur et pour la femme d’être cuisinière ou femme de ménage. Aujourd’hui, le contentieux a trait surtout aux gardiens d’immeuble ou encore aux gérants salariés de magasins. Ces emplois se caractérisent en effet par l’intérêt et la nécessité de recourir à un couple au vu de la complémentarité et l’absence de dissociabilité des fonctions. Les concierges et employés d’immeuble à usage d’habitation sont visés par le code du travail depuis une loi de 1977146. L’article L 771-1 du code du travail précise les conditions qui doivent être remplies pour bénéficier des dispositions légales : un immeuble d’habitation, être salarié, assurer la garde, la surveillance et l’entretien de l’immeuble ou une partie de ses fonctions. Or, souvent, des couples sont engagés pour assurer l’ensemble de ses fonctions. De la même façon, des contrats de couple seront fréquemment signés par des gérants ( concernés par le droit du travail). Le contrat de couple nécessite ainsi que la relation de travail se situe pour les deux membres du couple dans un même cadre d’activité et dans l’accomplissement de tâches similaires ou proches : « l’unicité du contrat signifie que les tâches à réaliser, pour les 142 CA Paris,10 mars 1994, D. 1994, IR p. 139 REYNES (B), Contrat de travail et indivisibilité des engagements, PA,27 juillet 1994, n° 89, p.29 144 SAVATIER (J), Les contrats de travail conclus avec un couple de travailleurs, Dr. soc. 1994, p.239 145 ibid. 146 GILLES (AM), op. cit., p. 136 143 40 Le couple et le droit du travail deux salariés, sont étroitement liées147 ». L’activité de chaque membre du couple est si étroitement liée à celle de l’autre qu’on ne peut imaginer que ces tâches soient attribuées à deux salariés totalement indépendants l’un de l’autre. Cette interdépendance des tâches est illustrée de manière significative dans un arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 1993148. En cette espèce, la Haute juridiction reproche à l’employeur d’avoir rompu le contrat de travail du couple sans tenir compte de la complémentarité des tâches. S’agissant de conjoints gardiens d’immeuble, l’épouse victime d’un accident du travail voulut reprendre son poste mais avec une inaptitude temporaire partielle d’un mois. Suite au licenciement des époux, la Cour de cassation est amenée à préciser que « les engagements d’un couple de gardiens concierges étant indivisibles et sauf impossibilité de maintenir le contrat de travail, les intéressés ne pouvaient être licenciés en raison de l’inaptitude momentanée de l’un d’eux que l’autre peut suppléer dans ses tâches149 ». Une telle solution, soucieuse du maintien du contrat, a pour intérêt de fournir ici un excellent exemple de la complémentarité des fonctions. Au-delà de ces conditions de fond que sont l’existence d’un couple et la complémentarité des fonctions, existent des conditions de forme. Celles-ci permettront de déterminer les sources de l’indivisibilité des engagements entre les deux salariés. §2 -Le contrat de couple ou la dépendance conventionnelle des membres du couple : Il est à noter que les conditions de forme sont celles applicables à tout contrat individuel de travail. Cependant, au vu de la particularité du contrat de couple, certaines règles spécifiques seront à prendre en considération Quand un employeur veut engager de manière indivisible un couple de travailleurs, une question essentielle de pure forme va apparaître : « les époux sont-ils engagés par deux contrats ou par un seul et même contrat ? En d’autres termes, le rapport 147 PANSIER (FJ), loc.cit. Cass. soc. 14 octobre 1993, Gentil c/ SA Gautard immobilier, D. 1994, p. 251 149 ibid. 148 41 Le couple et le droit du travail d’indivisibilité unit-il deux contrats distincts ou existe t-il un acte juridique unique qui comprend deux engagements indivisibles ?150 ». Le doute est ici permis en ce que la jurisprudence fait tantôt référence à un contrat unique, tantôt à des contrats distincts. De même, les conventions collectives pourront prévoir la dualité des contrats ou non. A titre d’exemple, la convention collective des « gardiens, concierges et employés d’immeuble » prévoit en son article 2 que « si un employeur, pour le service de l’immeuble, doit répartir les tâches demandées entre deux conjoints, un contrat de travail devra être établi pour chacun d’eux aux conditions de la convention collective nationale151 ». A l’inverse, d’autres conventions collectives sembleront plus favorables à un contrat unique lorsqu’un couple est engagé152. La jurisprudence semble faire preuve d'hésitation. Ainsi, dans certains arrêts, la Haute juridiction fait référence à « un seul et même contrat153 », ou à l’expression « contrat de travail commun aux deux époux154 » ou vise « le contrat qui les liait à l’employeur155 ». Mais, et à la suite de Marie-Claire Sordino156, il convient de se demander si ces expressions visent une unité de negotium ou d’instrumentum. Sachant que la formation de plusieurs negotia n’est pas exclusive d’un unique instrumentum, évoquer un seul contrat de travail n’est ainsi pas forcément significatif. D’ailleurs, d’autres jurisprudences se réfèrent à une dualité de contrats de travail157 : encore récemment, un arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 1998158 vise les contrats de travail des époux. La doctrine semble elle-même être favorable à cette solution159. En fait, la jurisprudence semble admettre que « les deux manières de procéder sont également valables160 ». 150 SORDINO (MC), loc.cit. Convention collective des « gardiens, concierges et employés d’immeuble », Avenant départemental Alpes Maritimes, n° 1, novembre 1981, article 2 152 MOULY (J), note sous CA Limoges 17 décembre 1990, SNC Cuff et compagnie c/ Madame Sparato, Dt.soc. 1991, p.596 153 Cass. soc. 04 mars 1981,précité supra note n° 121 154 Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148 155 Cass. soc. 17 mars 1993, Sag c/ Koziel, RJS 4/93, n° 423, p. 255 156 SORDINO (MC), note sous Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148 157 Cass. soc. 30 novembre 1977, Epoux Radenac c/ Société Hochet et compagnie, Bull. civ. V, n° 654 ; Cass. soc. 07 mai 1986, précité supra note n°127 158 Cass. soc. 18 novembre 1998, précité supra note n° 129 159 MOULY (J), note sous CA limoges 17 décembre 1990, précité supra note n° 152 160 PANSIER (FJ), loc.cit. 151 42 Le couple et le droit du travail Donc, pour produire effet, les engagements du couple peuvent être souscrits tant dans le cadre de deux contrats distincts que dans un seul contrat de travail. « Dans un souci de simplicité, l’expression générique ″contrat de couple ″ communément employée, désigne ici indifféremment les deux situations161 » : soit le dispositif contractuel est organisé en un groupe indivisible de deux contrats, soit un contrat unique comprend deux engagements indivisibles. Reste maintenant à déterminer comment se manifeste cette indivisibilité, comment elle naît. Par définition, l’indivisibilité apparaît comme « l’état de ce qui ne peut être divisé 162». Lorsque deux époux ou concubins sont embauchés ensemble, leurs engagements pourront être dits indivisibles, que cette indivisibilité résulte d’une manifestation expresse ou non de volonté des parties. Comme l’indique Marie-Claire Sordino, « la volonté est la source primordiale de l’indivisibilité 163». Il est en effet nécessaire que les époux acceptent de travailler l’un avec l’autre et acceptent que le sort de l’engagement de l’un soit lié au sort de l’autre de manière indissociable. L’indivisibilité des engagements peut être expressément stipulée par le biais d’une clause d’indivisibilité, insérée par les parties dans le contrat de travail des salariés. La prestation de travail est alors indivisible « intellectuellement » en ce que l’objet de l’obligation, envisagé in abstracto, n’est pas nécessairement indivisible, mais le devient en raison du but que les parties ont assigné à l’obligation164. Nombreux sont les cas où le couple recourt à une telle stipulation : le contrat précise alors que les obligations devront être exécutées conjointement et solidairement, ou encore que la cessation des fonctions de l’un entraînera la cessation des fonctions de l’autre165. Un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 25 juin 1999166 vient cependant rappeler qu’ « une clause d’indivisibilité des contrats de travail consentis à deux époux ou concubins ne peut être librement stipulée 161 NEVIERE (E), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, Duarte c/ copropriété Le Buffon, Défrenois 1999, n°15-16, p.855 162 SORDINO (MC), note sous Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148 163 ibid. 164 REYNES (B), op.cit., p. 30 165 Cass. soc. 07 mai 1991, M.X c/ Agence Martinet, Bull. civ. V, n° 221 166 CA Toulouse 25 juin 1999, SA Mutilchauss c/ Klelifa, RJS 11/99, n° 1415 43 Le couple et le droit du travail quels que soient les emplois en cause, dans la mesure où elle reviendrait à écarter pou l’un des deux conjoints les garanties d’ordre public en matière d’emploi ». En l’espèce, la Cour d’appel considère que l’interdépendance des deux contrats n’est admissible que si ces derniers portent sur des emplois complémentaires, si l’activité des deux conjoints est indissociable et si l’employeur est dans l’impossibilité de maintenir l’un des emplois sans l’autre. Le dispositif contractuel ainsi mis en place met les engagements des deux époux ou partenaires dans la dépendance l’un de l’autre. Mais parfois, l’indivisibilité des engagements doit être déduite non d’une clause expresse de volonté mais de certains éléments caractéristiques. En l’absence de clause expresse d’indivisibilité, le principe est la divisibilité des engagements. En effet, la création d’un tel lien nécessite une volonté non équivoque des parties. Cependant, parfois, le juge pourra déduire l’indivisibilité des modalités d’exercice des fonctions. Certains éléments pourront ainsi aider le juge dans sa recherche de la commune intention des parties : l’existence d’un salaire global167, d’un logement de fonction168…Il appartiendra donc aux tribunaux de déduire de la présence de ces éléments l’existence d’un rapport d’indivisibilité entre les membres du couple. Une fois définies ces conditions de validité du contrat de couple et par la même les marques de l’interdépendance entre les membres du couple, il convient d’en déterminer les effets. Section II) Les effets entre les membres du couple de l’indivisibilité des engagements : Le contrat de couple institue entre les membres du couple un lien d’indivisibilité. Mais quels sont les effets d’un tel lien ? Comme l’indique le Professeur Mouly « ces contrats ne manquent pas de faire difficulté car ils comportent le plus souvent des stipulations qui sont de nature à tenir en échec nombre de dispositions impératives du code 167 168 Cass. soc 19 mai 1969, Bull. civ. V, n° 333 Cass. soc 14 octobre 1993, précité supra note n° 148 44 Le couple et le droit du travail du travail, en particulier dans le domaine de la rupture. C’est d’ailleurs à ce propos que se noue le contentieux, régulier sinon abondant…169 ». L’indivisibilité des contrats signifie que l’existence d’un engagement est la condition sine qua non de l’existence de l’autre, et donc, que la cessation de l’un entraîne celle de l’autre. Ainsi, « la distinction entre un contrat interdépendant divisible et un contrat interdépendant indivisible est importante car les conséquences de la rupture d’un seul contrat ne sont pas semblables170 ». Incontestablement, si les contrats interdépendants divisibles sont en principe sans effets l’un sur l’autre ; en cas d’indivisibilité, la rupture de l’un aura des incidences sur celle de l’autre. Le Professeur Savatier souligne à cet effet : « il y a des cas où la prestation de travail promise par les deux membres d’un couple est indivisible de sorte que l’un ne peut exécuter cette prestation dès lors que l’autre n’y participe plus, soit à la suite d’un licenciement, soit pour toute autre cause 171». Mais dans quelle mesure la rupture de l'engagement d’un membre du couple aura telle une incidence sur l’autre ? Quelle est la valeur de cette interdépendance, le degré de cette dépendance ? La question des effets entre les membres du couple de l’indivisibilité des engagements a fait l’objet d’une évolution jurisprudentielle très importante. De cette évolution pouvons nous retirer un riche enseignement quant à l’appréhension par le droit du travail et ses juridictions de la notion de couple. L’évolution en la matière est en effet significative en ce qu’elle marque un passage d’une rupture automatique de la relation de travail de l’autre membre du couple en cas de cessation de l’activité de l’un (§1 ) à une rupture contrôlée ( §2 ). §1- Une rupture automatique critiquable : Dans un premier temps, la jurisprudence faisait découler de l’indivisibilité des engagements du couple, la justification d’une rupture « par voie de conséquence » de la 169 MOULY (J), note sous 18 novembre 1998, précité supra note n° 129 GILLES (AM), loc. cit. 171 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit. , p.424 170 45 Le couple et le droit du travail relation de travail de l’époux dont le conjoint avait vu son contrat de travail rompu. Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt du 30 novembre 1977 pouvait estimer que « l’interdépendance des fonctions ne permettait pas de dissocier l’exécution de leurs contrats de travail et que la rupture justifiée de celui du mari avait constitué en l’espèce une cause réelle et sérieuse de rupture de celui de la femme172 ». Dès lors, un motif de licenciement à l’encontre du mari justifiait le licenciement de l’épouse pour une cause réelle et sérieuse. De la même façon, en 1988173, la Cour de cassation faisait produire effet à la clause d’un contrat de couple prévoyant que celui-ci était conclu sous la condition essentielle et déterminante de l’emploi des deux époux et qu’en cas d’empêchement d’un d’eux, le contrat se trouverait résilié. Ce mécanisme de rupture par ricochet suscitait toutefois un certain nombre de questions, en ce qu’ il conduisait notamment à l’exclusion des règles protectrices du licenciement. En outre, un arrêt de 1981 décidait, à la suite d’une démission de la femme, que le contrat unique, concomitant et indivisible de l’époux devait être rompu « du fait de celui ci ». En l’espèce, la Cour de cassation approuvant les juges du fond, décidait donc qu’une seule et même qualification devait être donnée aux ruptures. Ainsi, elle affirmait que « le départ de Madame B… avait eu pour résultat d’entraîner la rupture du contrat de travail unique par le fait des deux salariés 174», et donc que les deux salariés étaient démissionnaires. Cette solution sera reprise, mais appliquée cette fois aux concubins, en 1986175. En résumé, la jurisprudence posait le principe de la rupture automatique de l’engagement du conjoint en cas de cessation de l’activité de l’autre, mais retenait surtout la thèse de l’unité de qualification. L’interdépendance entre les époux était donc à son maximum. Mais cette jurisprudence n’était pas exempte de critiques. 172 Cass. soc. 30 novembre 1977, précité supra note n° 157 Cass. soc. 14 avril 1988, Bull. civ. V, n° 235 174 Cass. soc. 04 mars 1981, précité supra note n° 121 173 46 Le couple et le droit du travail La thèse de la rupture automatique et celle de l’unité de qualification présentent l’inconvénient majeur de tenir en échec l’application des dispositions impératives du droit du licenciement176. En effet, en faisant découler du rapport d’indivisibilité une rupture automatique et un motif réel et sérieux, la jurisprudence permettait aux parties d’éluder l’application du droit du licenciement, pourtant d’ordre public. Ces solutions étaient donc mises à rude épreuve par la doctrine laquelle relevait perpétuellement les inconvénients qu’elles pouvaient représenter. Ainsi, cette jurisprudence est vite apparue exagérée, comme pouvant conduire à « des aberrations juridiques inextricables177 ». De même, selon Fréderic-Jérome Pansier : « cette solution, cohérente en soi puisque la disparition du couple mettait nécessairement fin au contrat de couple, pouvait apparaître comme manifestant une injuste rigueur puisque le licenciement, que nous supposons justifié pour fautes commises par un salarié, aboutissait à un second licenciement atteignant le deuxième salarié de plein droit, sans que celui ci ait été en mesure de faire état de l’absence de grief formulé à son encontre et de contester utilement l’existence à son endroit d’une faute réelle et sérieuse178 » Si du fait du caractère d’indivisibilité qui unit les engagements du couple, la rupture de l’un entraînant celle de l’autre est justifiée, l’unité de régime juridique jusque dans la qualification des ruptures, pouvait sembler excessive. Ainsi, et comme le souligne le Professeur Pélissier, la thèse de l’unité de qualification « ne traduit pas la réalité des situations de fait 179». En effet, dans l’espèce de 1981, l’époux qui est directeur conseil hôtelier est considéré comme démissionnaire du seul fait de la démission de son épouse, les époux étant liés par un seul et même contrat et l’engagement de la salariée, indivisible de celui de son mari, ayant été la condition de l’accord de ce dernier . Or, cette solution est difficilement conciliable avec l’idée selon laquelle une démission doit être claire et non équivoque. L’indivisibilité fait peser sur le couple un lien tel, que l’un ou l’autre des membres du couple, pourra voir son contrat de travail rompu à son détriment, alors qu’il n’a lui-même exprimé aucune volonté en ce sens. 175 Cass. soc. 07 mai 1986, précité supra note n° 127 MOULY (J), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, précité supra note n°129 177 ibid. 178 PANSIER (FJ), loc.cit. 179 PELISSIER, note sous Cass. soc. 04 mars 1981, D. 1982, p. 81 176 47 Le couple et le droit du travail En outre, cette solution est limitée. Ainsi, lorsqu’un salarié est mis à la retraite et que l’autre ne remplit pas les conditions légales prévues en la matière ( article L 122-14-13 du code du travail ), nul doute qu’il ne pourra bénéficier du même type de rupture. En fait, pour certains auteurs, la rupture devrait obéir à un régime particulier qui tirerait les conséquences juridiques du caractère conditionnel de l’engagement de l’autre. Pour ces derniers, la rupture ne serait donc ni un licenciement, ni une démission, mais la conséquence de la réalisation d’une condition extinctive180. Face à ces difficultés, la jurisprudence a subi une nécessaire évolution. §2 - Une rupture « contrôlée » privilégiée : Les juges sont intervenus en limitant les conséquences de l’indivisibilité et donc de l’interdépendance voulue par les parties (A). Cette évolution marque une certaine diminution de la spécificité du contrat de couple et, est significatif d’une conception du couple privilégiant l’autonomie de ses membres (B). A) La réduction des effets de l’indivisibilité : La jurisprudence récente semble rompre avec cette idée de rupture automatique et avec la thèse de l’unité de qualification. Ainsi, elle impose dorénavant à l’employeur qui veut rompre le contrat d’un des époux par suite d’un évènement ayant entraîné la rupture de l’autre, qu’il ne « se borne pas à prendre acte d’une rupture qui se serait produite automatiquement, mais respecte les règles du licenciement181 ». Dès lors, il apparaît que les juges tendent à réduire l’impact sur le contrat de travail du comportement de l’entourage familial du salarié182. La Cour de cassation indique en effet, qu’en présence d’un contrat de travail prévoyant sa résiliation automatique avec préavis légal en cas d’impossibilité pour l’un des membres d’un couple de gardiens d’immeuble d’exercer ses fonctions, la rupture sur l’initiative de l’employeur suite au divorce des époux et à la demande de l’autre s’analyse en licenciement. 180 ibid. Cass. soc. 07 mai 1991, précité supra note n°165 182 GAUDU (F), Le licenciement pour perte de confiance, Dr. soc. 92, p. 35 181 48 Le couple et le droit du travail Aussi, « la rupture du contrat de travail du conjoint non démissionnaire doit s’analyser comme un licenciement quand l’employeur est à la base de la rupture183 ». Cette jurisprudence condamne par la même l’analyse faite par la Cour d’appel de Limoges en 1990, qui considérait que devait être appliquée « la clause selon laquelle la rupture du contrat entre la société et l’un des gérants entraîne ipso facto et dans les mêmes conditions la rupture de ce contrat à l’égard de l’autre184 ». Donc, le licenciement par ricochet sera soumis à la procédure et aux effets de droit commun du licenciement. Comme l’indique Jean Mouly185 : « La résiliation d’un contrat de couple par voie de conséquence est une rupture autonome par rapport à la rupture initiale ; d’autre part, elle n’intervient pas de plein droit mais suppose, si l’employeur entend s’en prévaloir, qu’il prenne l’initiative d’un licenciement » Néanmoins, la Cour de cassation, dans l’arrêt Gentil du 14 octobre 1993186, vient souligner que le licenciement d’un couple de gardiens, au motif de l’inaptitude partielle de l’un d’eux, n’avait pas été accepté car l’époux pouvait assumer les tâches que sa conjointe ne pouvait temporairement effectuer. L’employeur ne se trouvant pas dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, le licenciement du couple n’était pas justifié. L’indivisibilité des engagements joue donc ici en faveur du maintien des contrats : l’employeur devra prouver qu’il lui est impossible de remplacer l’un des salariés. En outre, la jurisprudence rappelle que la première rupture doit être justifiée. Ainsi, un arrêt du 17 mars 1993187 vient souligner qu’en cas d’irrégularité du premier licenciement ( en l’espèce, il s’agissait d’une autorisation administrative de licenciement non obtenue), le licenciement de l’autre était irrégulier compte tenu du caractère indivisible des deux engagements. Ainsi, « le licenciement par ricochet demeure un licenciement, et non une résolution du contrat automatique188 » : les règles légales du licenciement trouveront donc 183 ibid. CA Limoges 17 décembre 1990, précité supra note n° 152 185 MOULY (J), note sous 18 novembre 1998, précité supra note n° 129 186 Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148 187 Cass. soc. 17 mars 1993, précité supra note n° 155 188 SAVATIER (J), Les contrats de travail conclus avec un couple de travailleurs, op. cit., p. 240 184 49 Le couple et le droit du travail à s’appliquer si l’employeur justifie d’une première rupture régulière et de l’impossibilité pour lui de maintenir les contrats. B) L’ « autonomie des ruptures » favorisée : Dorénavant, en cas de rupture de l’engagement de l’un des membres du couple, l’engagement de l’autre sera rompu, mais la rupture ne sera plus automatique et il appartiendra à l’employeur de prendre l’initiative du licenciement. Qui plus est, même si le premier licenciement est justifié, la Cour de cassation dans un arrêt récent est venue exiger des juges du fond qu’ils vérifient l’existence d’une cause réelle et sérieuse pour le second licenciement. Par cet arrêt du 18 novembre 1998189, la Haute juridiction vient opérer un revirement de jurisprudence. En l’espèce, des gardiens d’immeuble sont licenciés en juillet et en septembre 1990. Tous deux, considérant que le licenciement n’avait pas de cause réelle et sérieuse, agissent devant les tribunaux. Les juges du fond estimaient, en vertu de l’ancienne jurisprudence, que le congédiement pour faute de l’un constituait une cause réelle et sérieuse du licenciement de l’autre. Cependant, la Cour de cassation vient poser en principe qu’ « une clause de résiliation ne dispense pas les juges de rechercher si la rupture a une cause réelle et sérieuse190 ». Ainsi, dans un contrat de couple, l’indivisibilité des engagements des salariés ne constitue plus nécessairement et automatiquement, en cas de licenciement de l’un, une cause réelle et sérieuse du licenciement de l’autre : « la spécificité du contrat de couple ne suffit pas pour considérer que la légitimité du licenciement initial constitue une justification automatique du licenciement second 191». Comme le souligne le Professeur Mouly : « cet arrêt signifie seulement que la stipulation d’une indivisibilité entre les engagements ne suffit pas à elle seule à justifier le licenciement du second salarié…192 » Toute cette évolution jurisprudentielle est intéressante dans cette étude de l’approche par le droit du travail et ses juridictions de la notion de couple. En effet, les 189 MOULY (J), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, précité supra note n° 129 ibid. 191 ibid. 192 ibid. 190 50 Le couple et le droit du travail juges soumettent la rupture « par voie de conséquence » aux règles du licenciement, et surtout refusent de faire de la première rupture une cause réelle et sérieuse de la seconde. Apparaît ainsi une certaine autonomie entre les ruptures, et une atténuation des effets de l’indivisibilité des engagements et donc de la spécificité du contrat de couple. Pourquoi ne pas considérer une telle évolution comme caractéristique du couple de manière générale, c’est à dire plus significatif par l’indépendance qui unit ses membres que par l’interdépendance ? Ainsi, même le contrat de couple, qui caractérise pourtant l’interdépendance voulue des membres du couple, connaît une évolution telle que les conséquences de l’indivisibilité sont nettement réduites pour faire prévaloir l’idée d’autonomie entre les membres. Il résulte de l’étude du droit du travail que les juridictions du travail et le législateur se réfèrent parfois à la vie de couple d’un salarié pour mettre en exergue l’existence d’un lien d’interdépendance entre celui-ci et son conjoint ou compagnon. Cependant, ces hypothèses sont limitées en ce qu’elles n’ont pour autre finalité que de concilier la vie professionnelle du travailleur avec sa vie de couple, protéger le bon fonctionnement de l’entreprise ou encore répondre à la volonté même du couple de voir ses engagements liés de manière indivisible. 51 Le couple et le droit du travail TITRE SECOND : L’autonomie des membres du couple favorisée : 52 Le couple et le droit du travail A vrai dire, il semble résulter de l’étude du droit du travail, une nette volonté de la part tant de la loi, que des juges, de faire prévaloir l’autonomie des membres du couple dans l’accomplissement de leur prestation de travail respectives. En effet, « subordonné à l’employeur dans l’exécution de son travail, le salarié est libre dans sa vie de couple193 ». Or, si l’on admet que tout salarié est libre de vivre en couple ou non, on ne peut légitimement concevoir que le statut de couple puisse être pris en considération par l’employeur au détriment de son subordonné. Cela constituerait en effet une discrimination avérée par rapport aux salariés célibataires, lesquels échapperaient à tel ou tel risque de sanction puisque ne vivant pas en couple. Aussi, hors les cas où l’interdépendance entre les membres du couple s’avère nécessaire ou expressément voulue, le contrat de travail d’un salarié ne saurait être influencé par l’existence d’une quelconque relation affective : le mariage ou le concubinage d’un salarié, de même que le comportement du conjoint ou compagnon de celui-ci, ne sauraient avoir une quelconque incidence sur la relation de travail de l’un ou l’autre des membres du couple. L’autonomie des membres du couple est en ce sens caractérisée. Le droit du travail manifeste cette indépendance des membres du couple de par l’indifférence de la situation de couple sur la situation professionnelle d’un des membres ( Chapitre I ) et par la protection de l’activité de chacun des membres des agissements de l’autre ( Chapitre II ). 193 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit., p. 416 53 Le couple et le droit du travail CHAPITRE I : L’indifférence de la situation de couple sur l’activité professionnelle de ses membres : Le fait d’être marié ou de vivre en concubinage peut-il constituer un obstacle à la conclusion ou au maintien du contrat de travail d’un des membres du couple ? L’employeur peut-il justifier un refus de recrutement ou une sanction à l’égard d’un salarié en raison de sa situation de couple ? Ces questions peuvent apparaître aujourd’hui dénuées d’intérêt, en ce que le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour régir ces situations. Toutefois, il est intéressant de mettre en évidence cette conception du droit du travail, selon laquelle la situation de couple est sans incidence sur le statut professionnel de l’un ou l’autre des membres. Cette autonomie se manifeste à deux niveaux. Le droit du travail, au regard d’une jurisprudence constante et d’une législation relativement récente, refuse de prendre en considération la situation de famille du salarié pour le recruter ou le sanctionner (Section I ). De même, l’affirmation récente de la validité des contrats entre époux tend à prouver cette autonomie en ce que la situation de couple n’empêche en aucune manière un époux d’être salarié de l’autre ( Section II ). Section I ) La protection de la vie familiale du salarié : Au-delà de l’article 9 du code civil prévoyant expressément que « chacun a droit au respect de sa vie privée », nombre de textes travaillistes prévoient expressément l’impossibilité pour l’employeur de tenir compte de la situation de famille d’un salarié. Selon Mme Hennion-Moreau : « la notion de situation de famille est plus vaste que celle de situation matrimoniale (…) les textes visent à notre avis, non seulement les 54 Le couple et le droit du travail interdictions à mariage ou à remariage, mais aussi la nullité des engagements de ne pas avoir d’enfants pendant la durée du contrat ou encore la prise en compte de la situation de concubinage du salarié194 ». La vie familiale du salarié comprend donc la vie de couple de celui-ci, que celle-ci soit caractérisée par un lien de mariage ou non.. De par ce principe de protection de la vie familiale du salarié, l’autonomie des membres du couple est affirmée. Elle se manifeste en droit du travail, tant au moment de l’embauche de l’un d’eux ( §1 ), qu’au cours de la vie professionnelle de chacun ( §2 ). §1- L’ autonomie des membres du couple lors du recrutement de l’un d’eux : Comme l’indique le Professeur Savatier : « la disponibilité du travailleur pour se consacrer à ses fonctions dans l’entreprise peut, il est vrai, se trouver réduite par ses obligations familiales195 ». Aussi, il n’est pas rare dans la pratique des entretiens d’embauche que l’employeur questionne le postulant sur sa situation de famille et sa vie affective196. Nombre de candidats à un emploi affirment ainsi avoir été interrogés sur l’existence ou non d’un conjoint, voir d’un concubin ou partenaire, et éventuellement sur la profession de ce dernier. Il pourra ainsi arriver qu’une entreprise prenne en considération la vie de couple du postulant pour ne pas le recruter. Or, « ce n’est pas parce qu’un individu est dans une situation de dépendance lors de l’entretien d’embauche, que pour autant l’employeur a le droit de demander des informations sur son conjoint 197». Ces considérations, bien évidemment tues des employeurs, n’en restent pas moins illégitimes et illégales. Elles font en effet de la vie de couple un obstacle à la relation de travail de l’un ou l’autre. Aussi, le droit du travail prévoit expressément l’impossibilité pour un employeur de tenir compte de la situation de famille et donc de la vie de couple du salarié à l’embauche. 194 HENNION-MOREAU (S), note sous Cass. soc. 10 juin 1982, Société des éditions Quo Vadis c/ Dame Leemann, JCP 1984 II, 20230 195 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit., p. 425 196 GILLES (AM), op. cit., p. 127 197 ibid. 55 Le couple et le droit du travail Il a fallu attendre une loi du 31 décembre 1992, pour que soit étendue l’interdiction des discriminations prévues en l’article L 122-45 du code du travail, à l’embauche. Ainsi, cet article dispose : « Aucune personne ne peut-être écartée d’une procédure de recrutement (…) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de sa situation de famille… ». Or, en visant les mœurs et la situation de famille, le législateur protège la vie de couple du postulant. De la même façon, l’article L 123-1 du code du travail, mis en place suite à la loi du 13 juillet 1985 relative à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, indique que « sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si l’appartenance à l’un ou l’autre sexe est la condition déterminante de l’exercice d’un emploi ou d’une activité professionnelle, nul ne peut : mentionner ou faire mentionner dans une offre d’emploi (…) le sexe ou la situation de famille du candidat recherché ; refuser d’embaucher une personne (… ) en considération du sexe ou de la situation de famille ou sur la base de critères de choix différents selon le sexe ou la situation de famille ». Enfin, l’article L 121-6 du code du travail dispose que « les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié, ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles … ».Or, tel ne semble pas être le cas des éléments qui relèvent de la vie affective du candidat198. Un des objectifs évident de cet arsenal législatif est donc d’éviter que l’employeur ne tienne compte de faits relevant de la vie de couple du candidat et à ce titre, « sans rapport avec l’exécution du travail 199», pour refuser de l’embaucher. Aussi, l’employeur « ne doit pas prendre en considération le fait que le salarié est marié ou non ou qu’il a une liaison hors mariage 200» pour apprécier la capacité du candidat à occuper tel ou tel poste. Le droit d’investigation de l’employeur dans sa recherche de salariés et donc, dans la personnalité de ceux-ci, connaît des limites201. Selon M. Leveneur : « le législateur vise à 198 LEVENEUR (J), op.cit., p. 39 Cass. soc.17 mars 1971, Société Lyonnaise de Dépôts et de Crédit industriel c/ Dame Courtia, JCP 1971 II, 16870 200 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit. 201 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), op.cit., p. 183 199 56 Le couple et le droit du travail rendre la plus étanche possible la cloison en évitant d’avoir à révéler lui-même des aspects de sa vie privée202 ». De la même façon, tant les juges que le législateur, sont intervenus afin de protéger la vie familiale de tout salarié dans sa vie professionnelle. §2- L’autonomie des membres du couple dans leur vie professionnelle : Dès lors que des salariés sont embauchés dans une entreprise, le principe est que « l’employeur ne doit pas s’immiscer dans la vie privée de ceux-ci203 ». Au soutien de cette idée, nombre de textes prévoient ainsi l’interdiction pour un employeur de tenir compte de la situation familiale d’un salarié pour le sanctionner. L’article L 120-2 du code du travail introduit par la loi du 31 décembre 1992 prévoit qu’« il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la tâche à accomplir ou proportionnées au but recherché ». De même, l’article L 122-35 du code du travail interdit à l’employeur d’inscrire dans le règlement intérieur « des dispositions lésant les salariés dans leur emploi ou leur travail en raison de leur sexe, de leurs mœurs, de leur situation de famille ». En outre, de la même façon qu’ils prohibent les discriminations à l’embauche, les articles L 122-45 du code du travail et L 123-2 du code du travail interdisent à l’employeur de licencier en raison de la situation de famille. Tout comme en matière de recrutement, l’ambition de ces textes est d’éviter que le mariage ou le concubinage du salarié, de même que son divorce ou sa séparation, n’aient une incidence sur son contrat de travail. Cependant, ces dispositions sont récentes et expliquent que les juges aient eu à poser eux-mêmes les principes gouvernant à l’heure actuelle notre droit en la matière. Ainsi, le mariage ou le concubinage du salarié ne saurait justifier en eux seuls la rupture de son contrat de travail ( A ). A fortiori, l’employeur ne peut conventionnellement 202 203 LEVENEUR (J), loc. cit. SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit., p. 416 57 Le couple et le droit du travail prévoir de porter atteinte aux « libertés civiles 204» du salarié, au nombre desquelles la liberté de mariage et la liberté du divorce ( B ). A) Le rejet de la situation de couple comme justification de la rupture du contrat de travail d’un salarié : Bien avant que le législateur n’intervienne sur la question, il était acquis en jurisprudence que le simple fait pour un salarié d’être marié, d’envisager de se marier ou encore de vivre en concubinage, ne pouvait justifier son licenciement205. En d’autres termes, le statut de couple ne pouvait pas constituer un juste motif de sanction à l’égard d’un salarié. Ainsi, était considéré comme abusif, le licenciement d’un salarié motivé par son refus de régulariser par le mariage des relations intimes entretenues avec une employée de la même entreprise206. En effet, « la liberté du mariage comporte le volet négatif de toute liberté, à savoir le droit de n’en pas user 207». Dès lors, les pressions de l’employeur, se manifestant par le licenciement du salarié, ne pouvaient légitimement être admises. Pareillement, ont été jugés abusifs des licenciements fondés sur le projet de mariage de la salariée déplaisant à l’employeur208 : « l’employeur n’avait pu sans abus rompre le contrat de travail de demoiselle J… au seul motif que cette employée lui annonçait qu’elle allait prochainement contracter mariage, circonstance sans rapport avec l’exécution du travail 209». Enfin, dans la célèbre affaire Dame Roy relative à une enseignante d’une institution privée licenciée pour son remariage après divorce, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation est venue poser en principe « qu’il ne peut être porté atteinte sans abus à la liberté du mariage par un employeur que dans les cas très exceptionnels où les nécessités des fonctions l’exigent impérieusement210 ». 204 WAQUET (P), Les libertés dans l’entreprise, RJS 5/00, p. 335 LEVENEUR (J), loc.cit. 206 CA Paris, 1er juin 1900, DP 1904, 1, p. 299 207 BENABENT, Droit civil : la famille, Litec, 8ème édition, Paris, 1997, p. 75 208 Cass. soc. 05 février 1959, Crépin c/ Duval, Bull. civ. V, n°61 ; cf. aussi Cass. soc. 17 mars 1971, précité supra note n°199 209 Cass. soc. 17 mars 1971, précité supra note n°199 210 Cass. Ass. Plén. 19 mai 1978, précité supra note n°113 205 58 Le couple et le droit du travail Dès lors, en principe, la simple vie en couple ne peut justifier la décision de l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié. De la même façon, nombre de jurisprudences reflètent cette protection de la vie familiale de tout salarié en refusant d’avaliser des dispositions conventionnelles portant atteinte, tant à la liberté du mariage, liberté publique fondamentale de tout salarié211, qu’à la liberté du divorce. B) Le refus de toute restriction conventionnelle aux « libertés civiles212 » du salarié : Antérieurement à la loi du 04 août 1982 instituant l’article L 122-35 du code du travail susvisé, les juges étaient souvent appelés à trancher des litiges relatifs à des clauses de célibat introduites dans les contrats de travail « de femmes dont les fonctions exigeaient une particulière disponibilité, ou des déplacements lointains et nombreux 213». L’arrêt le plus célèbre en la matière est l’arrêt Barbier dans lequel une hôtesse de l’air à Air France, ayant informé son employeur de sa volonté de contracter mariage avec un autre salarié de la compagnie, s’était vue rayée des contrôles en application du règlement fixant les conditions de travail du personnel. Le problème en cette affaire « était de savoir si les règles de la profession pouvaient interdire aux hôtesses de l’air le droit au mariage. En d’autres termes, la clause de célibat comme accessoire au contrat de travail était-elle licite ? 214». En imposant une clause de célibat aux hôtesses de l’air, l’employeur venait restreindre au maximum la liberté pour celles-ci de se marier puisqu’elles se voyaient dans l’obligation de choisir entre le mariage et donc la rupture du contrat de travail, ou le maintien de ce contrat. Aussi, ces clauses furent-elles fortement décriées par la doctrine : « le célibat contractuel des hôtesses de l’air est difficile à justifier. Les raisons qu’on peut 211 en ce sens, le Conseil Constitutionnel affirme dans une décision du 18 août 1993 que « figure parmi les droits fondamentaux et les libertés…la liberté du mariage » 212 WAQUET (P), loc.cit. 213 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit. , p. 425 214 BROCHETON (P), op.cit. , p. 8 59 Le couple et le droit du travail imaginer à cet égard sont fragiles sinon choquantes215 ». Les raisons invoquées en l’espèce se résumaient en l’incompatibilité entre la vie de couple et la disponibilité constante et sans restriction nécessaire à cette catégorie de travailleurs. Cependant, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 30 avril 1963 est venu poser en principe que « le droit au mariage est un droit individuel d’ordre public qui ne peut se limiter ni s’aliéner ; il en résulte que, dans le domaine des rapports contractuels de droit privé à titre onéreux, (…), la liberté du mariage doit en principe être sauvegardée et, à moins de raisons impérieuses évidentes, une clause de non – convol doit être déclarée nulle comme attentatoire à un droit fondamental de la personnalité216 ». Aussi, le droit de se marier est fondamental et ne peut être à l’avance restreint : l’individu reçoit le droit de se marier comme une prérogative d’ordre public. Comme l’indique Jean Morrelet : « A la vérité, mariage ou célibat ne sauraient être ni interdits ni prescrits par des stipulations contractuelles. La personne humaine a des droits qui, par leur nature, échappent au domaine du contrat217 ». De même, une clause du contrat de travail d’une assistante sociale prévoyant que celui-ci serait rompu sans indemnité en cas de mariage de la salariée a pu être déclarée illicite comme contraire à la liberté du mariage. La Cour de cassation est venue rappeler que : « la clause de célibat insérée dans le contrat de travail d’une assistante sociale rurale, restrictive du droit au mariage et à la liberté du travail, est d’une portée exceptionnelle. En l’absence de justification de nécessités impérieuses, tirées de la nature des fonctions ou de leurs conditions d’exercice, les juges du fond peuvent allouer les indemnités de rupture à une assistante, congédiée au moment de son mariage en application d’une telle clause 218». La Haute juridiction venait donc, en cette affaire, se prononcer en faveur d’une interprétation très restrictive de telles clauses219. Elle a d’ailleurs maintenu cette solution en annulant la clause d’un règlement intérieur prohibant l’emploi simultané de deux conjoints dans l’entreprise220. 215 MORELLET (J), Le célibat contractuel ? le cas des hôtesses de l’air, Dr. soc. 1961, p. 287 CA Paris, 30 avril 1963, Epoux Barbier c/ Air France, D. 1963, p. 428 217 MORELLET (J), note sous CA Paris 30 avril 1963, Dr. soc. 1963, p. 485 218 Cass. soc. 07 février 1968, Fédération de la mutualité agricole de l’Aube c/ Dame Forestier, Bull. civ. V, n° 84 219 HENNION-MOREAU (S), note sous Cass. soc. 10 juin 1982, précitée supra note n° 194 220 Cass. soc. 10 juin 1982, précité supra note n° 194 216 60 Le couple et le droit du travail Il résulte de cette jurisprudence que l’employeur ne peut prévoir conventionnellement que le mariage ou le concubinage d’un salarié emportera rupture de son contrat de travail. Pareillement, une jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris, vient rappeler que le principe d’une protection de la vie familiale des salariés, dégagé à l’occasion d’une atteinte abusive à la liberté du mariage, concerne tout autant la liberté pour un couple de se séparer221. Ainsi, le fait de lier le sort du contrat de travail d’un couple de concubins à leur séparation ou divorce constitue une restriction apportée par l’employeur au droit des époux et concubins de se séparer. L’employeur n’ayant pu justifier de la nécessité d’une telle clause, celle-ci a été annulée. Au nom de la protection de la vie familiale des salariés, le droit du travail affirme l’indépendance de la vie de couple sur la vie professionnelle, et donc l’autonomie des membres du couple dans leurs relations de travail respectives. Un autre témoignage de cette autonomie est à relever dans l’affirmation par le droit du travail de la validité des contrats de travail conjugaux. Section II ) Les contrats de travail au sein même du couple ou la marque d’une autonomie entre ses membres : « Que le couple formé entre le dépositaire du pouvoir patronal et le salarié soit consacré par un mariage ou qu’il demeure en l’état de concubinage, il est fondé sur une relation amoureuse qui échappe à la logique des rapports entre employeur et subordonnée dans le contrat de travail. Ce qui est en cause, ce n’est pas le fonctionnement de l’institution matrimoniale, mais l’application des règles du droit du travail entre les membres du couple 222». En la matière, il a été jugé que le mariage d’une employée avec le chef d’entreprise ou la liaison d’une salariée avec son employeur ne modifiait pas la nature de la relation de 221 CA Paris 10 mars 1994, Kretzer c/ Société Myris Chaussures, précité supra note n° 142 61 Le couple et le droit du travail travail les unissant jusqu’alors223. Dans le même esprit, si la rupture de la liaison entre un chef d’entreprise et une salariée incite celle-ci à quitter son emploi, la rupture ne doit pas s’analyser nécessairement en démission224. Il apparaît donc que l’existence d’une relation affective n’a aucune incidence sur le statut professionnel de l’autre membre du couple. Toutefois, cette autonomie n’a pas toujours été évidente : longtemps s’est posée la question en effet de savoir si la situation de couple était compatible avec un contrat de travail entre ses membres. Même si selon certains auteurs, les « données du problème ont changé 225» et à ce titre, la discussion sur le contrat de travail entre époux serait dénuée d’intérêt, l’admission de ce type de contrat par le législateur est révélatrice de l’approche par le droit du travail de la notion de couple ( §1 ). En effet, en affirmant la possibilité pour un membre du couple d’être salarié(e) de son conjoint, le droit du travail met en valeur l’indépendance de chacun dans l’exécution de sa prestation de travail ( §2 ). §1- La compatibilité de la vie de couple avec un contrat de travail entre ses membres : Cette admission de la compatibilité de la situation de couple avec la conclusion d’un contrat de travail n’a pas toujours été admise par la doctrine (A). Il a fallu attendre une loi de 1982 pour que soit posé en principe la validité du contrat de travail conjugal (B). A) La difficile admission du contrat de travail entre époux : « S’il est un domaine où il a semblé pendant longtemps que le Droit n’avait pas accès, c’est celui de travail effectué à l’intérieur de la famille. Tout pouvait sembler être régi sans discussion possible par les principes de l’autorité maritale et ceux de la puissance paternelle. La femme étant subordonnée à son mari par l’effet de son mariage, le travail 222 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 416 Cass. soc. 03 juin 1981, Consorts Rouquette c/ Madame Delon, Bull. civ. V, n° 492, p. 371 224 Cass. soc. 02 juillet 1992, D Groeta c/ SA Disanto, RJS 8-9/92, n° 970, p. 544 223 62 Le couple et le droit du travail qu’elle pouvait fournir se référait soit à sa fonction normale dans le ménage, soit à son devoir de collaboration avec son mari pour assurer la vie de ce ménage… 226». De la même façon, Charles Freyria souligne : « il est des formules utilisées par le droit social moderne qui au siècle dernier, eussent parues incompréhensibles : telle est bien la notion d’un rapport de travail entre époux qui constitue l’un des conjoints le salarié de l’autre227 ». Cependant, tant au vu de l’évolution des idées et des mœurs quant à la place de la femme dans le ménage et dans la société, qu’au vu de la fréquence accrue du concours apporté par l’un des époux à son conjoint, la question d’un contrat de travail entre époux se faisait persistante228. Concrètement, la question s’est longtemps posée de savoir si un époux pouvait apporter une collaboration salariée à l’entreprise et à l’activité professionnelle de son conjoint, en étant lui-même considéré comme un salarié de droit commun. Le problème essentiel était donc de déterminer si un contrat de travail était ou non licite entre époux229. A cet égard, la doctrine était divisée : le principe de l’admission d’un contrat de travail entre époux n’était pas unanimement accepté en ce qu’on craignait « une incompatibilité entre deux statuts antinomiques : celui du droit du travail et celui du droit de la famille, sinon du moins des difficultés d’adaptation des droits et obligations nées de ces deux statuts230 ». La validité d’un contrat entre époux fit donc l’objet de doutes. Ainsi, à la question de savoir si les rapports de travail entre deux conjoints pouvaient faire l’objet d’un contrat de travail distinct de la simple entraide conjugale, le Professeur Cornu répondait par la négative : « Il n’est pas seulement malaisé de dégager le contrat de travail de l’aide familiale ; il est même douteux qu’il présente entre époux la moindre nécessité 231». 225 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc. cit. ROUAST (A), Le droit du travail familial, Dr. soc. 1962, p. 154 227 FREYRIA (C), La notion de relation de travail entre époux, Dr. soc. 1952, p. 378 228 FREYRIA (C), op. cit., p. 379 229 ROUAST (A), op. cit., p. 155 230 FREYRIA (C), op. cit., p. 381 231 CORNU (G), Le contrat entre époux ; Recherche d’un critère général de validité, RTD civ., 1953, p. 461 226 63 Le couple et le droit du travail Peu à peu, cette validité a pu se concevoir même si récemment encore, certains auteurs considéraient qu’un contrat de travail ne pouvait être valablement conclu au sein d’un même couple du fait de la dépendance d’un époux par rapport à l’autre résultant de la subordination232. « dépassées 233 Cependant, ces discussions doctrinales semblent aujourd’hui » : la compatibilité du lien de subordination propre au contrat de travail avec le statut conjugal a été définitivement posée en principe par la loi du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants234. B) La validité de principe des contrats de travail entre époux : Affirmant la validité du contrat de travail entre époux, le législateur est intervenu en 1982, admettant ainsi « la compatibilité des liens affectifs avec un contrat de travail235 ». La loi du 10 juillet 1982 propose aux conjoints de commerçants et artisans trois statuts. Ils peuvent exercer leur activité en qualité de collaborateur, associé ou salarié. Deux articles de la loi sont consacrés au conjoint salarié. L’article 10 décide ainsi de l’affiliation au régime de sécurité sociale du conjoint qui participe à titre habituel, professionnel et onéreux à l’activité de son époux. L’article 11 instituant l’article L 784-1 du code du travail le fait bénéficier des dispositions du code du travail. Ainsi, « les dispositions du présent code sont applicables au conjoint du chef d’entreprise salarié par lui et sous l’autorité duquel il est réputé exercer son activité dès lors qu’il participe effectivement à l’entreprise ou à l’activité de son époux à titre professionnel et habituel et qu’il perçoit une rémunération horaire minimale égale au salaire minimum de croissance236 ». A noter que la récente loi relative au pacte civil de solidarité prévoit l’application de cet article au partenaire et donc, son assimilation au conjoint237. 232 TEILLIAIS (G), Salariat conjugal et régimes matrimoniaux, PA n° 15 du 13 décembre 1996 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), op. cit., p. 106 234 Loi n° 82-596 du 10 juillet 1982, D. 1982, p. 323 235 LARERE (MA), Délimitation de l’entraide et du contrat de travail en jurisprudence, BS Lefebvre 3/00, p. 117 236 C. trav. Art. L 784-1 237 loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, article 18, JO du 16 novembre 1999 233 64 Le couple et le droit du travail Quoiqu’il en soit, l’article L 784-1 du code du travail met fin à la polémique sur la validité du contrat de travail entre époux238. Selon certains auteurs, « le seul problème sera donc de rechercher si en fait, la collaboration s’explique par la simple entraide familiale ou par l’exercice réel de l’activité d’un travailleur salarié 239». Pour ce faire, afin de caractériser l’existence d’un contrat de travail entre époux, les juges devront constater la réunion des critères posés par l’article L 784-1 du code du travail. A noter dès à présent un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation selon lequel « ce texte n’est pas applicable au conjoint qui se prétend salarié d’une société dont son époux ou son épouse est le dirigeant240 ». Comme le souligne le Professeur Le Cannu, l’intéressé doit être salarié du conjoint et non de la société dirigée par le conjoint : « dans le contexte de la loi de 1982, il n’y a à ce sujet guère de doutes : c’est l’entreprise individuelle du conjoint, ou son activité personnelle indépendante qui sont visées (…) la faveur très appréciable consentie au conjoint subordonné, malgré les traditionnelles réticences à admettre le salariat entre époux, ne peut qu’être l’objet d’une interprétation restrictive241 ». §2- La reconnaissance légale de l’indépendance des membres du couple : La vie de couple n’est ainsi pas un obstacle à la conclusion d’un contrat de travail au sein même du couple. La conclusion d’un tel contrat ne suppose le respect d’aucune procédure particulière mais relève de l’application pure et simple du code du travail. Il apparaît cependant souhaitable, au vu de la qualité des contractants, de formaliser cet accord dans un écrit afin d’en faciliter la preuve en cas de contestation de la réalité de celui-ci242. En outre, le contrat de travail entre époux doit respecter les conditions de fond propres à tout contrat de travail à savoir une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination. Plus précisément, l’article L 784-1 du code du travail impose deux 238 GILLES (AM), op. cit., p. 126 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), loc. cit. 240 CASS com. 05 juillet 1995, Despinoy c/ Assedic de la Réunion, PA n° 2 du 03 janvier 1996 241 LE CANNU (P), note sous Cass. com. 05 juillet 1995, précité supra note n°240 242 TEILLIAIS (G), loc. cit. 239 65 Le couple et le droit du travail exigences243 : le conjoint doit recevoir une rémunération au moins égale au SMIC et il doit participer effectivement à titre professionnel et habituel. Comme l’indique Georges Teilliais244 : « le versement d’un salaire semble être une condition essentielle et nécessaire à la validité d’un contrat de travail entre époux ». On imagine en effet sans mal un époux employant son conjoint en qualité de salarié pour lui faire bénéficier des avantages résultant du droit du travail et de la protection sociale, mais convenant par avance une rémunération ne donnant lieu en fait à aucun paiement effectif afin de dispenser l’entreprise d’une charge supplémentaire245. Or, dans cette hypothèse, on ne saurait légitimement appliquer au conjoint le statut de salarié. Même s’il est concevable qu’un conjoint fournisse un travail non rémunéré, le statut de salarié ne saurait être admis en cette situation. En ce sens, l’article L 784-1 du code du travail indique que la rémunération horaire minimale du conjoint doit être au moins égale au SMIC, de même que l’article L 243 du code la sécurité sociale requiert que le salarié perçoive « un salaire correspondant au salaire normal de sa catégorie professionnelle ». Dès lors, le conjoint du salarié doit pouvoir bénéficier d’un salaire au moins égal à celui versé à un autre salarié exerçant les mêmes fonctions. A noter qu’en cas de non-paiement effectif d’un salaire ou de non-respect des dispositions légales relatives au salaire minimum, les conjoints pourraient faire l’objet de poursuites pénales246. En outre, le contrat de travail entre époux implique que le salarié participe effectivement à l’activité de son conjoint à titre professionnel et habituel, quelle que soit la nature de la prestation à effectuer. L’article L 784-1 du code du travail exclut ainsi toute aide occasionnelle du conjoint247. Cependant, ce critère d’habitude n’implique pas que l’activité du conjoint soit nécessairement à temps plein248 : « ce statut de salarié ne remet 243 LARERE (MA), loc. cit. TEILLIAIS (G), loc. cit. 245 ibid. 246 C. trav.art. R 154-1 et R 154-3 247 CA Paris 17 décembre 1997, Sarl Différence c/ Crestot, RJS 3/99, n° 370, p. 221 248 RANDOUX (D), Le conjoint du chef d’une entreprise artisanale ou commerciale : collaborateur, salarié ou associé ?, JCP éd. E, 1983, n° 3103 244 66 Le couple et le droit du travail pas en cause la possibilité reconnue au conjoint d’occuper plusieurs emplois pour obtenir un revenu décent249 ». Une fois ces conditions remplies, le conjoint est réputé exercer son activité sous l’autorité du chef d’entreprise. Une présomption de salariat est ainsi posée. Cependant, celle-ci n’est pas irréfragable même si « le législateur a voulu faciliter l’accès du conjoint travaillant dans l’entreprise aux avantages du droit du travail en lui épargnant les difficultés de preuve250 ». Il appartiendra à quiconque voulant faire tomber cette présomption de prouver que le conjoint n’exerçait pas son activité sous l’autorité du chef d’entreprise. La validité du contrat de travail entre époux marquée par cette présomption, montre la volonté du législateur de mettre en valeur l’autonomie des membres du couple. La qualité de salarié ne dépend pas en effet de la qualité de conjoint du chef d’entreprise mais de la réunion de critères limitativement énumérés. Présumant la compatibilité de la vie de couple avec un contrat de travail entre ses membres, il admet ainsi l’absence d’incidence de la qualité de l’un sur le statut de l’autre. D’ailleurs, les avantages sociaux découlant de ce statut de conjoint salarié prouvent cette indépendance des membres du couple. En effet, la conclusion d’un contrat de travail conjugal permet l’affiliation à titre de droit propre et non en qualité d’ayant droit de l’employeur251. En contrepartie, le conjoint bénéficie des prestations sociales servies au titre du régime général de la sécurité sociale. En outre, le conjoint se trouve soumis aux règles du droit du travail. Ainsi, en cas de rupture de la relation de couple, le conjoint salarié pourra bénéficier des règles relatives au licenciement, la rupture du lien affectif ne constituant en aucun cas une cause réelle et sérieuse de licenciement252. La réflexion formulée en 1962 par le Professeur Rouast trouve ici tout son intérêt : « on doit constater d’abord que la notion de contrat de travail entre époux jadis presque 249 LARERE (MA), loc. cit. Ibid. 251 TEILLIAIS (G), loc. cit. 250 67 Le couple et le droit du travail inconnue, s’est implantée et s’est largement manifestée (… ) l’évolution sociale de la famille y a largement contribué en tendant à l’indépendance des divers membres qui la composent253 ». Ainsi, la situation de couple, marié ou non, n’exclut en aucune façon la validité d’un contrat de travail entre ses membres (validité des contrats entre époux…), de même qu’il n’a d’influence sur la conclusion ou le maintien de la relation de travail d’un salarié (interdiction de principe des clauses de célibat…) : le mariage ou le concubinage, de même que le divorce ou la séparation du couple, ne peuvent constituer en soi un obstacle à la relation professionnelle de l’un des membres du couple. Reste à déterminer si le comportement de l’un peut avoir une incidence sur le contrat de travail de l’autre. 252 253 Cass. soc. 04 février 1976, Bull. civ. V, n° 72 ROUAST (A), op. cit., p. 163 68 Le couple et le droit du travail CHAPITRE II : L’indifférence des agissements d’un membre du couple sur l’activité professionnelle de l’autre : Un employeur peut-il valablement sanctionner un salarié au regard de l’attitude de son conjoint, en invoquant l’incompatibilité d’intérêts entre l’entreprise et le lien affectif caractérisant le couple formé par le salarié et le conjoint ? La question qui se pose n’est donc plus de savoir si un salarié peut se voir opposer sa situation de couple comme un obstacle à la conclusion ou au maintien de son contrat de travail, mais de déterminer si un salarié peut-être sanctionné au vu des agissements de son conjoint. Si tel est le cas, nous serions amenés à considérer que le droit du travail, de par l’usage qu’il fait de la notion de couple, fait prévaloir un lien d’interdépendance entre ses membres. Cette question fit l’objet d’une jurisprudence nourrie et évolutive. Les juges ont ainsi longtemps admis que le comportement de l’un des époux254 ou concubins255 puisse justifier une sanction à l’encontre de l’autre sur le plan professionnel. Cette solution qui trouvait son fondement dans l’idée de « perte de confiance », amenait certains auteurs à considérer que « la vie sentimentale ou familiale du salarié n’est donc pas sans incidence sur sa vie professionnelle 256». Créant « une solidarité conjugale de fait257 » critiquable, les juges ont progressivement abandonné cette conception (Section I), pour faire prévaloir la seule prise en considération de la personne comme motif de licenciement ou de sanction d’un salarié (Section II). 254 Cass. soc. 26 juin 1980, Dame Voisin c/ SARL Atlas Levage et autres, Bull. civ. V, n° 573, p. 431 CA Paris 04 juin 1987, SARL Bergerat-Monnoyeur c/ Landgraf, D. 1987, p. 610, note Mouly 256 DESPAX (M), op. cit., p. 32 257 CHIREZ (A), La perte de confiance par l’employeur constitue-t-elle une cause réelle et sérieuse de licenciement ?, D. 1981, p. 193 255 69 Le couple et le droit du travail Section I ) Abandon d’une « solidarité conjugale de fait » critiquable : « Alors qu’en règle générale le mariage d’un salarié est un événement qui ne doit (en dehors du congé accordé à cette occasion) avoir aucune conséquence sur les rapports de travail, il peut arriver que la personnalité du conjoint choisi par le salarié soit un élément de gêne dans les rapports unissant le salarié et son employeur. La communauté de vie et d’intérêts existant entre conjoints est dans certains cas une donnée de fait dont il est impossible de faire abstraction sans qu’il en résulte un préjudice pour l’employeur et on ne saurait dans certains cas, lui faire grief d’en avoir tenu compte en licenciant le salarié dont la situation personnelle est devenue incompatible avec l’exécution normale de ses fonctions258 ». Le Professeur Michel Despax justifie ici le courant jurisprudentiel qui admettait le licenciement d’un salarié dû au comportement répréhensible de son conjoint ou concubin, ou à l’activité concurrente de celui-ci. Le fondement invoqué alors était « la perte de confiance » qui en résultait entre l’employeur et le salarié259. « La perte de confiance » pouvant être caractérisée comme un « état d’esprit, une opinion, bref un phénomène subjectif260 », l’idée qui prédominait alors était que l’employeur ne pouvait conserver à son service un salarié qui n’a plus sa confiance du fait des agissements de son conjoint261. Cette solution pouvait apparaître à certains comme curieuse et discutable262, en ce que la Cour de Cassation admettait que « la perte de confiance » ne reposant sur aucun fait imputable au salarié, soit considérée cependant comme une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ainsi, « par l’effet d’une curieuse culpabilité d’emprunt263 », le comportement d’un époux liait l’autre jusque dans sa relation de travail. A noter dès maintenant que cette jurisprudence s’appliquait tant aux époux, qu’aux personnes vivant en concubinage264. 258 DESPAX (M), loc. cit. CHIREZ (A), op.cit., p. 196 260 GAUDU (F), Le licenciement pour perte de confiance, Dr. soc. 1992, p. 32 261 COUTURIER (G), op.cit., p. 227 262 DESPAX (M), loc. cit. 263 CHIREZ (A), loc.cit. 264 KUHNMUNCH (O), Personnes, entreprises et relations de travail, éléments de jurisprudence, Dr. soc. 1988, p. 398 259 70 Le couple et le droit du travail Le principe d’une dépendance entre les membres du couple semblait posé ( §1 ). Toutefois, sous le poids des critiques, cette position ne pouvait que tomber dans le sens d’un revirement caractéristique de l’évolution de la notion du couple en droit du travail ( §2 ). §1- Une traditionnelle admission de la « perte de confiance » du fait du conjoint : Nombreuses sont les jurisprudences justifiant le licenciement d’un salarié par le comportement répréhensible ou l’activité concurrente du conjoint, ayant eu pour effet de faire disparaître la confiance de l’employeur265. Cependant, une distinction doit être opérée entre les arrêts antérieurs à la loi du 13 juillet 1973 attribuant un rôle majeur à la cause réelle et sérieuse de licenciement, et ceux qui lui sont postérieurs. Les motifs invoqués consistaient en ce que la faute d’un salarié avait nécessairement pour conséquence la disparition de la confiance que l’employeur pouvait avoir en la personne de l’autre conjoint. De la même façon, était justifié le licenciement d’un salarié dont l’époux travaillait dans une entreprise concurrente au motif que l’intérêt du couple était alors en totale contradiction avec l’intérêt de l’entreprise. Selon M. Chirez : « le salarié, dont le conjoint se livre à une activité concurrente, est perçu comme un possible cheval de Troie au sein de l’entreprise à cause du risque de diffusion d’informations, de détournement de clientèle, bref d’infidélités, qu’il représente 266». Avant la réforme de 1973, les juridictions du travail avaient pu ainsi considérer comme non abusif le licenciement d’un clerc de notaire au vu de certaines opérations immobilières effectuées par son épouse, ayant placé le notaire dans une situation délicate vis à vis de certains clients et ayant pu lui faire croire que la bonne réputation de son étude était en jeu267. De la même façon, a pu être justifié le congédiement d’une salariée pour « se prémunir contre le risque de la diffusion de secrets par l’intermédiaire du mari (…) 265 GAUDU (F), loc. cit. CHIREZ (A), loc.cit. 267 Cass. soc., 23 avril 1959, Bull. civ. IV, n°512, p. 421 266 71 Le couple et le droit du travail précédemment employé à l’entreprise et engagé par une maison concurrente ».268 Dans la même optique, la jurisprudence a admis le licenciement d’un visiteur médical marié à une visiteuse médicale d’un laboratoire concurrent269. De même, a été autorisé le licenciement d’une sténodactylographie au motif qu’elle projetait de se marier avec un ancien employé de l’établissement passé au service d’un concurrent270, ou d’un directeur commercial adjoint dont l’épouse avait constitué une société concurrente271. En ces affaires, il existait entre les deux époux une communauté d’intérêts et de réputation telle, que l’employeur était considéré comme légitime à rompre le contrat de travail de son salarié. A noter que l’employeur ne pouvait aucunement reprocher à la personne licenciée une quelconque faute de sa part dans l’exécution de sa prestation de travail. La loi de 1973 posant l’exigence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement272, sans modifier la jurisprudence relative à « la perte de confiance », en a toutefois quelque peu modifié les données. Au cours des débats parlementaires, le ministre du travail soulignait que « la cause est réelle si elle présente un caractère d’objectivité, ce qui exclut les préjugés et les convenances personnelles 273». La cause réelle est donc nécessairement objective en ce qu’elle doit se traduire par des manifestations extérieures susceptibles de vérification274. Comme l’indique Anne-Marie Gilles, la Cour de cassation « a été dans le sens de ces espérances sans hâte 275». Il a fallu en effet attendre un arrêt du 30 mars 1982 pour que les juges exigent la présence de ce caractère d’objectivité, et pour « que l’attitude du conjoint du salarié n’entraîne plus une présomption de perte de confiance 276». En cette affaire, le licenciement d’une salariée est jugé sans cause réelle et sérieuse, faute pour la société d’alléguer un fait précis justifiant la « perte de confiance », dans la mesure où 268 Cass. soc. 09 octobre 1959, Etablissements Marchand Boldoduc c/ Dame Dufrenois, D. 1960, p. 8 Cass. soc. 20 janvier 1960, Lacombe c/ Labo Civa, D. 1960, sommaire p. 31 270 Cass. soc. 09 janvier 1963, Demoiselle Matheus c/ Etablissements Trumel, Dr. soc. 1963, p. 351 271 Cass. soc. 02 décembre 1964, D. 1965, p. 97 ; v. aussi Cass. soc. 04 novembre 1976, Bull.civ. V, n° 556, p. 455 ; Cass. soc. 13 octobre 1976, Bull. civ. V, n° 485, p. 399 ; Cass. soc. 04 avril 1979, Bull. civ. V, n° 315, p. 230 272 C. trav. Art. L 122-14-3 273 JO débats AN 23 mai 1973, p. 1445, col.2 274 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), op.cit., p. 288 275 GILLES (AM), op. cit., p. 131 269 72 Le couple et le droit du travail « l’existence de relations de nature affective entre (les époux) ne saurait constituer un motif suffisant de la réalité d’une connivence entre eux pour nuire aux intérêts de la société… 277». Cette jurisprudence va donc dans le sens d’une limitation des licenciements de salariés dont le conjoint travaille dans une entreprise concurrente, puisque les juges imposent un fait précis et objectif pour justifier la « perte de confiance ». Or, de nombreux arrêts ont précisé que l’objectivité ainsi recherchée, était établie, tant au vu de l’importance des fonctions occupées par le salarié, qu’au vu de la taille de l’entreprise. Déjà en 1980, la Cour de cassation a jugé qu’une salariée pouvait être régulièrement licenciée sur le fondement de la « perte de confiance », au regard de ses fonctions notables dans l’entreprise. L’attendu de la Cour de cassation dispose ainsi qu’ : « en raison de l’importance de son poste de chef comptable et des rapports tendus existant entre la société Atlas Levage et son mari, la Dame Voisin ne pouvait plus accomplir son travail dans des conditions normales, ce dont il résultait une absence de confiance réciproque mettant obstacle en l’espèce au maintien des relations de travail278 ». Le licenciement de l’épouse trouvait donc son origine dans les désaccords opposant la société et son époux ayant abouti au licenciement de ce dernier, et non dans une quelconque négligence ou faute de sa part. La Cour de cassation justifie ici le licenciement de la salariée par les risques accrus de divulgations d’informations concernant la société du fait de sa qualité de chef comptable, poste de confiance et à responsabilités dans l’entreprise. De la même façon, a été retenue l’existence d’une cause réelle et sérieuse pour le licenciement d’une collaboratrice directe du directeur administratif et financier, en raison des rapports tendus existant entre son mari récemment licencié et l’employeur279. Qui plus est, la jurisprudence a confirmé l’existence de risques objectifs au vu de la petite dimension de l’entreprise, qui aurait favorisé la diffusion à l’intérieur de celle-ci d’informations d’ordre commercial et légitimé la crainte de l’employeur à l’égard de la salariée. La Cour d’appel de Paris justifie ainsi le licenciement pour cause réelle et sérieuse 276 ibid. Cass. soc. 30 mars 1982, SA Serinox c/ Madame Hervé , Bull. civ. V, n° 229 278 Cass. soc 26 juin 1980, précité supra note n° 254 279 Cass. soc. 06 juillet 1983, Madame Goupil c/ SA Boussac Saint-Frères, Bull.civ. V, n° 395, p. 281 ; cf. aussi Cass..soc. 06 mars 1986, Cah. Prud. 1987, n°1, p. 10 ; Cass. soc. 07 mai 1987, LS, J 388, p. 15 277 73 Le couple et le droit du travail d’une secrétaire commerciale par le fait qu’elle vive maritalement en concubinage avec un ancien salarié dorénavant au service d’une entreprise concurrente, et surtout au vu de la petite taille de l’entreprise où elle travaillait280. L’originalité de cet arrêt réside en ce que la solution s’applique à des concubins. Comme l’indique le Professeur Mouly : « Ce n’est pas le mariage en soi qui occasionne la perte de confiance, mais la communauté de vie qu’il implique, parce qu’elle favorise la divulgation d’informations. Dès lors que cette circonstance objective se retrouve dans l’union libre, elle doit produire les mêmes effets. Ce qui suppose que le concubinage ait une certaine épaisseur, une certaine stabilité281 ». En matière de « perte de confiance », le couple s’entend donc du couple marié comme du couple de concubins. La jurisprudence a ainsi longtemps considéré que le comportement ou l’activité du conjoint ou concubin du salarié pouvait justifier le licenciement de ce dernier. Même si l’influence du comportement de l’entourage du salarié s’est trouvée réduite du fait de l’exigence d’un risque objectif et précis pour justifier la perte de confiance, il n’en demeurait pas moins que la rupture du contrat de travail d’un salarié pouvait être due à l’autre membre du couple. §2- Une interdépendance des membres du couple injustifiée : La « perte de confiance » liée au fait du conjoint ou concubin, phénomène purement subjectif282, était ainsi admise comme motif réel et sérieux de licenciement au détriment du salarié, alors qu’il n’avait commis lui-même aucune faute. Le salarié subissait donc le comportement de l’autre membre du couple à un point tel que l’on aurait pu parler de licenciement pour "motif conjugal". Comme l’indique M. Kuhnmunch283, si l’indépendance professionnelle des époux était consacrée par le code civil, celle-ci se heurtait à des obstacles importants. 280 CA Paris 04 juin 1987, précité supra note n° 255 MOULY (J), note sous CA Paris 04 juin 1987, précité supra note n°255 282 GAUDU (F), op. cit., p. 33 283 KUHNMUNCH (O), loc.cit. 281 74 Le couple et le droit du travail Notamment, cette admission de la seule « perte de confiance » comme motif de licenciement pouvait être considérée comme une entorse à la loi de 1973284. En effet, même fondée sur les fonctions du salarié ou la taille de l’entreprise, la perte de confiance n’en demeure pas moins un état d’esprit, une opinion de l’employeur285. Ainsi, même si la jurisprudence imposait que l’employeur allègue un fait précis pour justifier la perte de confiance, « la portée du principe était dans la pratique ramenée à peu de choses286 ». Effectivement, le chef d’entreprise « suppose » qu’il ne pourra plus accorder sa confiance à son salarié du fait du comportement de son conjoint : « il s’agit d’un motif exclusivement subjectif et invariable287 ». Or, l’ensemble de la jurisprudence relative à la « perte de confiance » du fait du conjoint a trait à des affaires ou le chef d’entreprise craignait pour son entreprise sans justifier réellement d’un acte de concurrence à son égard. L’employeur était donc admis à licencier parce qu’il redoutait que la salariée épouse les querelles de son mari ou que celle-ci divulgue des informations confidentielles288. Critiquable, la jurisprudence admettait ainsi qu’un simple risque de révélation d’informations ou une absence de confiance mettant obstacle aux relations de travail, entraîne le licenciement du salarié. Elle ne répondait en ce sens aucunement aux exigences de réalité et de sérieux des motifs de licenciement posés par la loi. La simple preuve de la réalité d’un soupçon suffisait à justifier le licenciement. Mais surtout, elle admettait que le licenciement puisse être dû au conjoint. En effet, dans tous les arrêts relatifs aux licenciements de salariés fondés sur le comportement de l’entourage du salarié, la faute du salarié n’était en général pas établie289. Certes, l’existence d’une communauté de vie et d’une relation affective est un élément à prendre en compte en ce qu’il peut entraîner une gêne pour l’entreprise. Ainsi, les éléments relatifs à l’entourage du salarié peuvent constituer des faits objectifs de nature à justifier « la perte de confiance290 ». Toutefois, licencier un salarié pour cause réelle et 284 CHIREZ (A), op. cit., p. 196 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), loc.cit 286 GAUDU (F), loc.cit. 287 CHIREZ (A), loc. cit. 288 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), loc. cit. 289 GAUDU (F), loc.cit. 290 ibid. 285 75 Le couple et le droit du travail sérieuse sur le fondement du seul comportement de l’autre est critiquable. Sa faute était en effet simplement redoutée et il n’appartenait pas à l’employeur de démontrer la participation active du salarié dans les actes déloyaux291. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a-t -elle pu justifier le licenciement d’une salariée alors « qu’aucune violation de ses obligations vis-à-vis de son employeur ne lui sont reprochées292 ». Enfin, une telle position jurisprudentielle apparaît à certains, en réelle contradiction avec « le droit au mariage » proclamé par la Cour d’appel de Paris dans la célèbre affaire Barbier293 : en effet, admettre le licenciement d’un salarié au motif que celui-ci ou celle-ci projette de se marier ou est mariée avec un concurrent, semble porter atteinte au caractère d’ordre public de ce droit294. « Les gens se marient aussi "pour le pire"; qu’on se le dise ! Une nouvelle solidarité conjugale de fait vient s’ajouter aux solidarités ménagères légales existantes 295». Fort contestable, la jurisprudence relative à la perte de confiance du fait du conjoint allait heureusement connaître un revirement, dans le sens d’une autonomie des membres du couple dans l’exercice de leurs relations professionnelles. Les juges vont ainsi poser en principe, la protection de l’activité de chacun des membres des agissements de l’autre. Section II ) La seule prise en considération de la personne comme motif de sanction : A la question de savoir si le comportement du conjoint du salarié peut constituer en lui-même un juste motif de licenciement de ce dernier, nul doute n’est permis depuis un revirement de jurisprudence significatif de la Cour de Cassation. Désormais, le comportement de l’entourage du salarié a une influence très restreinte et toute sanction prise à l’encontre d’un salarié doit être justifiée par des éléments objectifs qui lui sont 291 GILLES (AM), loc.cit. CA Paris 04 juin 1987, précité supra note n°255 293 CA Paris, 30 avril 1963, précité supra note n°216 294 DESPAX (M), loc.cit. 295 CHIREZ (A), loc. cit. 292 76 Le couple et le droit du travail inhérents ( §1 ). Or, cette évolution de la jurisprudence est caractéristique de l’approche du couple par le droit du travail ( §2 ). §1- L’indifférence du comportement de l’entourage du salarié sur sa relation de travail : « Un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs ; la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue pas en soi un motif de licenciement296 ». La Cour de cassation dans l’arrêt Fertray du 29 novembre 1990, opère un véritable bouleversement des solutions jusque là affirmées en matière de « perte de confiance ». Les faits sont intéressants en ce qu’ils sont sensiblement similaires aux arrêts précédents. En l’espèce, la salariée était secrétaire comptable dans une entreprise dans laquelle son époux était employé comme cadre. Suite au licenciement de ce dernier, l’employeur est venu notifier à la salariée la rupture de son contrat de travail au vu de « l’incompatibilité entre les fonctions de secrétaire exercées dans les secrets de la vie de la Sté Wagner et le fait d’être épouse d’un ancien salarié qui nous (la société) attaque devant les tribunaux 297». Condamnant le licenciement ainsi justifié par l’employeur, la Haute juridiction décide que la rupture du contrat de travail d’un salarié doit reposer sur des faits objectifs lesquels, seuls de nature à fonder un licenciement pour motif personnel, doivent être inhérents au salarié, « et pour ainsi dire lui être imputables298 ». Aussi, « la perte de confiance » n’est plus en soi un motif de licenciement. Il ne faut pas en déduire qu’elle ne peut constituer une cause réelle et sérieuse299. Mais pour être acceptée comme telle par le juge, elle devra nécessairement se fonder sur des faits objectifs découlant du comportement personnel du salarié. Donc, il semble désormais exclu que le licenciement d’un salarié puisse être justifié par le seul comportement de son entourage, 296 Cass. soc. 29 novembre 1990, Mme Fertray c/ SA Etablissements R. Wagner et Cie, D. 1991, p. 191, note Jean Pélissier 297 ibid. 298 GAUDU (F), loc.cit. 299 RAY (JE), Fidélité et exécution du contrat de travail, Dr. soc. 1991, p. 377 77 Le couple et le droit du travail même à considérer que les données relatives au conjoint ou concubin puissent constituer des éléments objectifs. Cet arrêt met ainsi fin « aux dérapages antérieurs300 » dont la jurisprudence Voisin301 était une illustration brillante. Il prend le contre-pied de l’ancienne jurisprudence qui admettait, au vu de la relation affective existant entre le salarié et son époux ou compagnon, le licenciement d’un salarié du fait de son conjoint. Il est intéressant de remarquer que cette obligation de preuve d’un fait personnel au salarié, avait déjà été retenue par la Cour de cassation en 1986 lorsqu’elle considérait que « la perte de confiance, seul motif invoqué par la société, ne peut résulter que du comportement personnel du salarié (…) ; ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, le licenciement motivé par la perte de confiance de l’employeur dans son salarié mais fondé exclusivement sur des faits imputables au conjoint de ce salarié302 ». Cependant, elle ne tirait à l’époque aucune conséquence de ce principe303. Pareillement, le Conseil d’Etat en 1987 avait pu considérer qu’ « en l’absence de toute faute, n’est pas de nature à justifier le licenciement d’une salariée (…) le fait que son époux exerce une activité concurrente dans une autre société, le risque de communication de renseignements à son mari par la salariée, représentant du personnel et membre de comité d’entreprise, constituant une simple éventualité304 ». Quoiqu’il en soit, le principe est, depuis 1991, définitivement posé : le licenciement pour motif personnel doit être inhérent à la personne du salarié, ce qui implique qu’il ne puisse être fondé sur le seul comportement de l’entourage du salarié. En outre, l’employeur ne peut plus licencier un salarié en raison de simples soupçons. La chambre sociale a, à de nombreuses reprises, été amenée à confirmer cette position. Ainsi, a été considéré abusif le licenciement d’un salarié, l’employeur lui ayant 300 PICOD (Y), note sous Cass. soc. 27 novembre 1991, Ferrand c/ SA Librairie Larousse, D. 1992, p. 296 Cass . soc. 26 juin 1980, précité supra note n°254 302 Cass. soc. 03 juillet 1986, Société Anonyme Crit intérim c/ Mme Pioche, Bull. civ. V, n° 348, p. 268 303 GAUDU (F), loc. cit. 304 CE 17 juin 1987, Société Comarfa c/ Mme Buffeteau, D. 1988, som. comm. , p. 215 301 78 Le couple et le droit du travail simplement reproché de faire éventuellement bénéficier l’entreprise concurrente de sa femme de ses connaissances concernant l’élaboration des produits de la société305. Qui plus est, dans un arrêt de 1993, la Cour de cassation est venue préciser qu’ « un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié 306». Cette spécification vient encore fortifier l’orientation protectrice de la vie de couple du salarié, et d’une manière générale de sa vie privée. Récemment encore, le Professeur Paul- Henri Antonmattéi rappelait ainsi que tout fait objectif n’est pas susceptible de justifier le licenciement pour perte de confiance : tel est le cas de faits empruntés à la vie personnelle du salarié307. A noter enfin une tendance récente de la jurisprudence, pour des faits sensiblement similaires aux anciennes jurisprudences relatives à la « perte de confiance », de sanctionner par le biais de l’article L 122-45 du code du travail toute sanction autre que le licenciement, fondée sur les liens conjugaux. Ainsi, a été qualifié de discriminatoire en raison de la situation de famille un déclassement professionnel d’une salariée « motivé par la crainte que la salariée ne se livre à un espionnage industriel au profit de son époux exerçant une activité concurrente308 ». Donc, désormais, pour être valablement sanctionné, le salarié doit avoir lui-même commis un acte objectif détruisant la confiance de son employeur. Si le conjoint ou concubin, commet une faute ou travaille dans une entreprise concurrente, « la perte de confiance » qui peut en résulter n’est en soi pas suffisante. Le chef d’entreprise devra prouver l’acte fautif du salarié. De par cette protection accrue de la vie privée des salariés, les membres du couple recouvrent une totale indépendance dans l’exercice de leurs fonctions. 305 Cass. soc. 09 janvier 1991, M. Tible c/ société Billot, Bull. civ. V, n°1, p. 1 ; cf. aussi Cass. soc. 10 décembre 1991, Mme Deram c/ Sté Sdez industrie services et autres, D. 1992, IR, p. 35 306 Cass. soc. 07 décembre 1993, Mlle Steinbess c/ Sté Ufifrance patrimoine, D. 1994, som.comm., p. 309, note A. Lyon-Caen et C. Papadimitriou 307 ANTONMATTEI (PH), observations sous Cass. soc. 26 janvier 2000, Verrier c/ Sté Casino France, Dr. et patrimoine, n° 83, juin 2000, p. 117 308 Cass. soc. 10 février 1999, Mme Spender-Rocher c/ SA SATMA, Dr. soc. 1999, p. 410, obs. Bonnechère 79 Le couple et le droit du travail §2- L’affirmation de l’autonomie des membres du couple : L’ancienne jurisprudence qui admettait le licenciement d’un salarié fondé sur la « perte de confiance » du fait du conjoint, incluait une interdépendance entre les membres du couple en ce que les agissements de l’un avaient des incidences sur la relation de travail de l’autre. Toutefois, l’évolution de la jurisprudence en la matière tend à montrer la volonté de la chambre sociale d’évincer les motifs fondés sur le comportement d’un membre de l’entourage du salarié. En effet, « le comportement de l’époux, les vicissitudes de la vie conjugale, et plus largement familiale, entrent difficilement dans le champ contractuel309 ». En posant en principe que le comportement de l’époux ne peut justifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse du salarié, la Cour de cassation atténue ainsi à son maximum la prise en considération de la relation affective entre les membres du couple. A ce titre, il apparaît intéressant de relever la comparaison effectuée par le Professeur Gaudu310 entre la jurisprudence relative au contrat de couple et celle relative à « la perte de confiance ». Comme nous l’avons souligné, l’indivisibilité entre les contrats de travail des membres du couple entraînait, en cas de rupture de l’un, la rupture automatique de l’autre. Cependant, un arrêt de 07 mai 1991311 est venu limiter ce principe en précisant que la démission de l’un, si elle entraînait la rupture du contrat de travail de l’autre, n’impliquait pas nécessairement une démission de celui-ci. Ainsi, « la jurisprudence tend à réduire l’impact sur le contrat de travail du comportement de l’entourage familial du salarié, ici en n’admettant pas que ce comportement fonde un licenciement pour perte de confiance, là en n’admettant pas qu’il entraîne une rupture automatique du contrat 312». 309 GAUDU (F), loc.cit. ibid. 311 Cass. soc. 07 mai 1991, précité supra note n°163 312 GAUDU (F), loc.cit. 310 80 Le couple et le droit du travail En outre, et comme l’indique Madame Escande-Varniol313, l’abandon de cette jurisprudence est d’autant plus nécessaire « qu’à une époque où les trois quarts des femmes travaillent et où la majorité des couples ont fait des études identiques, le nombre de ménages travaillant dans des entreprises concurrentes est important ». Ainsi, conserver l’ancienne jurisprudence aurait été inadapté et aurait abouti à un nombre de licenciements pour perte de confiance du fait du conjoint invraisemblable. Ce faisant, le droit du travail, de par l’usage qu’il fait de la notion de couple, privilégie sans aucun doute possible l’idée d’indépendance des membres du couple dans le cadre de leur activité professionnelle salariée. Et pourquoi en irait-il autrement ? En effet, l’ordre des médecins ne radie pas le praticien dont l’épouse est indiscrète, de même que l’Etat ne révoquera pas le fonctionnaire à raison du comportement ou de la profession de sa femme…314. Cette situation est donc incontestablement adaptée à l’évolution de la société laquelle ne saurait admettre un nouveau motif de licenciement : le licenciement conjugal…315 313 ESCANDE-VARNIOL (MC), Les éléments constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif extraprofessionnel, RJS 7/93, p. 403 314 ibid. 315 ibid 81 Le couple et le droit du travail CONCLUSION De l’étude du droit du travail, nous avons pu souligner que celui-ci privilégiait l’autonomie des membres du couple dans l’exercice de leurs relations professionnelles. En effet, l’interdépendance des conjoints ou concubins ne peut-être déduite que d’hypothèses où elle apparaît comme une nécessité, eu égard à l’intérêt de l’entreprise ou au respect du « droit à une vie familiale normale ». Au contraire, le couple est envisagé comme l’union de deux êtres totalement autonomes l’un de l’autre, en ce que le statut de couple n’a aucune influence sur la relation professionnelle de l’un ou l’autre des membres, et en ce que l’un des membres du couple est désormais protégé des agissements de l’autre. En ce sens, le droit du travail ne fait que refléter l’évolution et la transformation du couple perceptible en droit civil, telle qu’elle est soulignée par Anne-Marie Gilles : « malgré la variété des formes, un point commun réunit néanmoins les couples : la progression de l’autonomie des membres316 ». Cette évolution semble avoir eu une importance sur la conception du couple par le droit de la famille317. Celui-ci en effet est passé d’une conception strictement liée au mariage, à une prise en considération croissante de l’individualité de chaque membre du couple. Cette faveur accordée à l’indépendance des membres du couple, s’est ainsi manifestée par la progression de l’autonomie et de l’égalité des époux, par la possibilité pour les époux de conclure des contrats de droit commun entre eux… Or, de la même façon, le droit du travail souligne cette évolution dans le couple. Ainsi, il est intéressant de remarquer, tant au vu de la jurisprudence relative au contrat de couple ou encore relative à « la perte de confiance », qu’au regard de la validité des contrats entre époux, que le droit du travail tend à privilégier l’autonomie des membres du 316 317 GILLES (AM), loc.cit. ibid. 82 Le couple et le droit du travail couple, lequel « n’est plus vécu comme un lieu de contraintes, où les membres doivent sacrifier leur liberté, mais comme le moyen d’assurer l’épanouissement de l’individu318 ». La conception que le droit du travail a du couple se rapproche donc sensiblement du droit civil, c’est à dire plus significatif par l’autonomie qui existe entre ses membres, que par un quelconque lien d’interdépendance. 318 ibid. 83 Le couple et le droit du travail BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES : Ouvrages généraux et dictionnaires: - BENABENT Alain, Droit civil : la famille, Litec, 8ème édition, Paris, 1997, 612 pages - CORNU Gérard, La famille, Domat Droit privé, Montchrestien, 5ème édition, 1996, 615 pages - CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 3ème édition, Paris : Presses Universitaires de France, 1992, 862 pages - COUTURIER Gérard, Droit du travail, les relations individuelles de travail, Presses Universitaires de France, 1994, 567 pages - JAVILLIER Jean-Claude, Droit du travail, LGDJ, 6ème édition, Paris, 1998, 779 pages - LITTRE Emile, Dictionnaire de la langue française, Tome 2, 1987, p. 1262 - LYON CAEN Gérard, PELISSIER Jean, SUPIOT Alain, Droit du travail, Précis Dalloz, Droit privé, 17ème édition, Paris, 1994, 919 pages - Code du travail, Dalloz, 2000 - Code civil, Dalloz, 1999 - Dictionnaire permanent des conventions collectives, Bulletin 135, p. 6268-6269 Ouvrages spéciaux : - BRUNETTI-PONS Clotilde, La notion juridique de couple, Etudes juridiques, Economica, Paris, 1998, 154 pages - LABBEE Xavier, Les rapports juridiques dans le couple sont ils contractuels ?, Septentrion Presses Universitaires, 1996, 144 pages 84 Le couple et le droit du travail - TEYSSIE Bernard, et al., La personne en droit du travail, Editions Panthéon Assas, Droit privé, Paris, 1999, 117 pages THESES : - GILLES Anne Marie, Le couple en droit social, Collection Droit civil, Economica - LE BRIS Raymond-François , La relation de travail entre époux, Librairie générale du droit et de la jurisprudence, Paris, 1965, 325 pages ÉTUDES DOCTRINALES ET ARTICLES: - BADINTER Robert , Le droit au respect de la vie privée, JCP 1968, I, 2-136 - BONAZIZ Paul, Vie privée et cause réelle et sérieuse de licenciement, Dr. ouvrier 1991, p. 201 - BROCHETON Pascal, Vie personnelle et vie professionnelle, l’art de l’équilibre, Semaine sociale Lamy, 04 janvier 1999, n° 915, p. 7 - BRUNETTI-PONS Clotilde, L’émergence de la notion de couple en droit civil, RTD civ., janvier mars 1999, p. 26 - CHIREZ Alain, La perte de confiance par l’employeur constitue-t- elle une cause réelle et sérieuse de licenciement ?, D. 1981, p. 193 - CORNU Gérard, Le contrat entre époux : recherche d’un critère général de validité, RTD civ., 1953, p.461 - DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille, RTD civ., avril-juin 1995, p. 249 - DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, A propos du pluralisme des couples et des familles, Petites Affiches, 28 avril 1999, n° 84, p. 29 - DESPAX Michel, La vie extra professionnelle du salarié et son incidence sur le contrat de travail, JCP I 1776, 1963, p. 26 - ESCANDE-VARNIOL Marie-Cécile, Les éléments constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif extra-professionnel, RJS 1993, p. 403 - FREYRIA Charles, La notion de relation de travail entre époux, Dr. soc. 1952, p. 378 85 Le couple et le droit du travail - GAUDU François, Le licenciement pour perte de confiance, Dr. soc. 1992, p. 32 - GAVALDA Natacha, Les critères de validité des clauses de non concurrence en droit du travail, Dr. soc . 1999, p. 582 - GERNEZ Véronique, Couple, famille et société : quel droit pour demain ?, Petites Affiches, 27 et 28 juin 2000, p. 7 - GULPHE Pierre, De la non interférence de la vie privée du salarié sur la vie professionnelle du salarié en droit français, JCP E 1990, II, 15 736 - HENAFF Gaël, Le rôle de la possession d’état dans la preuve du couple, Petites Affiches, 28 avril 1999, n° 84, p. 41 - HENAFF Gaël, La communauté de vie du couple en droit français, RTD civ., 1996, p. 551 - KUHNMUNCH Olivier, Personnes, entreprises et relations de travail, éléments de jurisprudence, Dr. soc. 1988, p. 384 - LARERE Marie-Aline, Délimitation de l’entraide et du contrat de travail en jurisprudence, RJS mars 2000, p. 117 - LECUYER Hervé, La notion juridique de couple, Dr. et patrimoine, octobre 1997, n° 53, p. 62 - LEMOULAND Jean Jacques, Présentation de la loi n° 99-944 du 15/11/99 relative au pacte civil de solidarité, D. 1999, p. 483 - LENOIR Pascal, L’homosexualité et le juge communautaire, RTDH, avril 1999, n° 38, p. 399 - LEVENEUR Jean, Vie privée familiale et vie professionnelle, in La personne en droit du travail, 1999, p. 32 - MALAURIE Philippe, Couple ,procréation et parenté, D. 1998, 12ème cahier, p. 127 - MALAURIE Philippe, Un statut légal du concubinage ?, Répertoire du Notariat Défrenois 1998, n° 13, p. 871 - MARTIN Didier, La coopération conjugale dans l’entreprise familiale, D. 1982, chronique p. 293 - MORRELET Jean, Un célibat contractuel ? le cas des hôtesses de l’air, Dr. soc. 1961, p. 287 86 Le couple et le droit du travail - MOUTOUH Hugues, La question de la reconnaissance du couple homosexuel : entre dogmatisme et empirisme, D. 1998, p. 369 - MOUVEAU Eric, Le contrat de couple et le droit du travail, D. 1998, p. 385 - M.D, Sanction liée à la situation de famille, Semaine sociale Lamy, mars 1999, n° 929, p. 11 - PANSIER Frédéric-Jérome, Le contrat de couple, Cahiers sociaux du Barreau de Paris, 01 décembre 1999, n° 115, p. 349 - PANSIER Frédéric-Jérome, Aspects sociaux du PACS : présentation synthétique, Dr. et patrimoine, avril 2000, n° 81, p. 71 - PANSIER Frédéric-Jérome, De la contractualisation du droit de la famille en général et du droit du mariage en particulier, Gazette du Palais, mars 1999,p. 5 - PEANO Marie-Annick, L’intuitus personae dans le contrat de travail, Dr. soc. 1995, p. 129 - ROUAST André, Le droit au travail familial, Dr. soc. 1962, p. 154 - RANDOUX Dominique, Le conjoint du chef d’entreprise artisanale ou commerciale : collaborateur, salarié ou associé ?, JCP éd. E, 1983, n° 3103 - RAY Jean Emmanuel, Fidélité et exécution du contrat de travail, Dr. soc. 1991, p. 376 - REYNES Brigitte, Contrat de travail et indivisibilité des engagements, Les petites Affiches, 27 juillet 1994, n° 89, p. 29 - SAVATIER Jean, Les contrats de travail conclus avec un couple de travailleurs, Dr. soc. 1994, p. 237 - SAVATIER Jean, La protection de la vie privée des salariés, Dr. soc. 1992, p. 329 - SAVATIER Jean, Le licenciement à raison de ses moeurs, d’un salarié d’une association à caractère religieux, Dr. soc. 1991, p. 485 - SAVATIER Jean, Vie de couple et rapports de travail, Écrits en hommage à Gérard Cornu, PUF, 1994, p. 415 - SAVATIER Jean, La liberté dans le travail, Dr. soc. 1990, p. 49 - SAVATIER Jean, L’assouplissement des règles sur le repos dominical, Dr. soc. 1994, p. 180 87 Le couple et le droit du travail - SORDINO Marie-Christine, Réflexions sur le contrat de travail conclu avec un couple de salariés, Les petite Affiches, 31 juillet 1996, n° 92 - SUPIOT Alain, Les nouveaux visages de la subordination, Dr. soc., février 2000, p. 131 - TEILLIAIS Georges, Salariat conjugal et régimes matrimoniaux, Les petites Affiches, 13 décembre 1996, n° 150 - WAGNER Emmanuel, La rémunération de la collaboration professionnelle du conjoint, D. 1985, chronique p. 1 - WAQUET Philippe, Vie personnelle et vie professionnelle du salarié, Les cahiers sociaux du Barreau de Paris, 1994, n° 64, p. 289 - WAQUET Philippe, Les libertés dans l’entreprise, RJS, mai 2000, p. 335 - WAQUET Philippe, En marge de la loi Aubry : travail effectif et vie personnelle du salarié, Dr. soc. 1998, p. 963 JURISPRUDENCE : - CA Paris, 01 juin 1900, DP, 1904, I, p.299, (liberté du mariage) - Cass. soc. 01 décembre 1955, Caisse Primaire de la sécurité sociale de Haute Savoie c/ Carrier, Dr. soc. 1956, p. 161 - Cass. soc. 17 janvier 1957, Bull. civ. IV, n° 61 - Cass. soc. 05 février 1959, Crépin c/ Duval, Bull. p. 152, (liberté du mariage) - Cass. soc. 23 avril 1959, Bull. civ. IV, p. 421, n° 512, (perte de confiance) - Cass. soc. 09 octobre 1959, Etablissements Marchand Boldoduc c/ Dame Dufrenois, D. 1960, p. 8, (perte de confiance) - Cass. soc. 20 janvier 1960, Lacombe c/ Laboratoires Ciba, D. 1960, sommaire p. 31, (perte de confiance) - Cass. soc. 24 février 1961, Baudon c/ Miquel, Dr. soc. 1961, p. 359,(contrat de travail collectif) - Cass. soc. 09 janvier 1963, Demoiselle Matheus c/ Etablissements Trumel, Dr. soc. 1963, p. 351 ; D. 1963, p. 36, (perte de confiance ) - CA Paris 30 avril 1963, Dr. soc. 1963, p. 482, note Morellet, (liberté du mariage) 88 Le couple et le droit du travail - Cass. soc. 02 décembre 1964, D. 1965, p. 97, (perte de confiance) - Cass. soc. 19 juillet 1965, L c/ Société des établissements F, Dr. soc. 1966, p. 35, (incompatibilité du couple avec le bon fonctionnement de l’entreprise) - Cass. soc. 07 février 1968, Fédération de la mutualité agricole de l’Aube c/ Dame Forestier, Bull. civ. V, n° 86, (liberté du mariage) - Cass. soc. 29 avril 1970, Dame Mingault c/ Société Aubercy, Dr. soc. 1970, p. 521 - Cass. soc. 17 mars 1971, Société Lyonnaise de dépôts et de crédit industriel c/ Dame Courtia, Bull. civ. V, n° 216, (liberté du mariage) - Cass. soc. 04 février 1976, Bull. civ. V, n°72, (article L 784-1 du code du travail ) - TGI Paris, 02 juin 1976, D. 1977, p. 364, (respect de la vie sentimentale) - Cass. soc. 13 octobre 1976, Bull. civ. V, n° 485, p. 399, (perte de confiance) - Cass. soc. 20 octobre 1976, Foyer de retraite du combattant c/ Dumas, Bull. civ. V, n° 508, (incompatibilité du couple avec l’entreprise) - Cass. soc. 04 novembre 1976, Bull. civ. V, n° 556, p. 455, (perte de confiance) - Cass. soc. 30 novembre 1977, Epoux Radenac c/ Société Hochet et compagnie, Bull . civ. V, n° 654, (contrat de couple) - Cass. ass. plén. 19 mai 1978, Dame Roy c/ Association pour l’éducation populaire Sainte Marthe, JCP 1978 II, 19 009, (liberté du mariage) - Cass. soc. 04 avril 1979, Union départementale de la mutualité sociale agricole de l’Oise c/ Dame Bisseux, Bull. civ. 1979, n° 315, p. 230 - Cass. soc. 04 octobre 1979, Garcia c/ Dame Seignolle, Bull. civ. V, n° 680, p. 500 - Cass. soc. 26 juin 1980, Dame Voisin c/ SARL Atlas Levage et autres, Bull. civ. V, n° 573, p. 431, (perte de confiance) - Cass. soc. 04 mars 1981, Boudaud c/ Ranger, Bull. civ. V, n° 177, p. 131, (contrat de couple) - Cass. soc. 03 juin 1981, Consorts Rouquette c/ Madame Delon, Bull. civ. V, n° 492, p. 371 - Cass. soc. 30 mars 1982, SA Serinox c/ Madame Hervé, Bull. civ. V, n° 229, p. 169, (perte de confiance) 89 Le couple et le droit du travail - Cass. soc. 10 juin 1982, Société des éditions Quo Vadis c/ Dame Leeman, JCP 1984 II, 20 230, note Hennion Moreau, (liberté du mariage) - Cass. soc. 06 juillet 1983, Madame Goupil c/ SA Boussac Saint Frères, Bull. civ. V, n° 395, p. 281, (perte de confiance) - CA Paris 13 février 1985, Delot c/ Celis , D. 1985 IR, p. 269 - Cass. soc. 06 mars 1986, SA Philips c/ Madame Pépin, Cahier prud’homaux 1987, n° 1, p. 10, (perte de confiance) - Cass. soc. 07 mai 1986, Madame Genco c/ SARL Gérance Varoise, Bull. civ. V, n° 204, (contrat de couple) - CA Versailles 27 mai 1986, Volovick c/ Masseboeuf, D.1986, IR p. 420 - Cass. soc. 03 juillet 1986, SA Crit intérim c/ Madame Pioche, Bull. civ. n° 348 , p. 268, (perte de confiance) - Cass. soc. 07 mai 1987, Légisocial, J 388, p. 15, (perte de confiance) - CA Paris 04 juin 1987, SARL Bergerat-Monnoyeur c/ Landgraf, D. 1987, p. 610, note Mouly, (perte de confiance) - CE 17 juin 1987, Société Comarfa c/ Mme Buffeteau, D. 1988, somm. , p. 215 - Cass. soc. 14 avril 1988, Epoux Imbert c/ Syndicat des copropriétaires de l’immeuble dit « la briqueterie », Bull. civ. V, n° 235, (contrat de couple) - Cass. soc. 11 juillet 1989, X...c/ Air France ; X...c/CPAM, D. 1990 p. 582, note Malaurie, (définition du concubinage) - Cass. soc. 20 mars 1990, RJS 1990, p. 295 - Cass. soc. 29 novembre 1990, Madame Fertray c/ SA Etablissements Wagner et compagnie, D. 1991, p. 190 , note Pélissier, (perte de confiance) - CA Limoges, 17 décembre 1990, SNC Cuff et compagnie c/ Madame Spataro, D. 1991, p. 596, note Mouly , (contrat de couple) - Cass. soc. 09 janvier 1991, Tible c/ Société Billot, Bull. civ. V, n° 1, p.1, (perte de confiance) - Cass. soc. 17 avril 1991, P...c/ Association Fraternité Saint Pie X, JCP 1991 II, 21 724, note Sériaux, Dr. soc. 1991, p. 489, (vie personnelle du salarié, trouble à l’entreprise) 90 Le couple et le droit du travail - Cass. soc. 07 mai 1991, M. X c/ Agence Martinet, Bull. civ. V, n° 221, (contrat de couple) - CE soc. 13 novembre 1991, Dr. soc. 92, p. 405 - Cass. soc. 27 novembre 1991, Ferrand c/ SA Librairie Larousse, D. 1992, p. 296, note Picod, (perte de confiance) - Cass. soc. 10 décembre 1991, Madame Deram c/ Société Sdez industrie services et autres, D. 1992, IR, p. 35, (perte de confiance) - Cass. soc. 22 janvier 1992, Madame Rossard c/ Société Robuchon et fils, Dr. soc. 1992, p. 334, (vie privée du salarié) - Cass. soc. 1er avril 1992, Oberle c/ SAIC Velcorex, RJS 5/92, n° 576, p. 328 - Cass. soc. 1er avril 1992, Gaillard c/ SA Bourrée et Fils, RJS 5/92, n° 577, p. 329 - Cass. soc. 02 juillet 1992, D Groeta c/ SA Disanto, RJS 8-9/92, n° 970, p. 544 - Cass. soc. 17 mars 1993, Sag c/ Koziel, RJS 4/93 , n° 423, p. 255, (contrat de couple) - Cass. soc. 14 octobre 1993, Epoux Gentil c/ SA Gautard immobilier, D. 1994, p. 251, note Sordino, (contrat de couple) - Cass. soc. 07 décembre 1993, Steinbess c/ Société Ufifrance patrimoine, D. 1994, som.comm., p. 309 ; Dr. social 1994, p. 213, (perte de confiance) - CA Paris, 10 mars 1994, D. 1994, IR p. 139 , (contrat de couple) - CE 09 décembre 1994, Ministre de travail c/ Société Obi France, D. 1995, IR, p. 23 - Cass. com. 05 juillet 1995, Petites Affiches 03 janvier 1996, n° 2, note Le Cannu Paul, (article L 784-1 du code du travail ) - CE 25 septembre 1996, Quot. juridique, 09 janvier 1997 - Cass. soc. 19 juin 1997, Mousnier c/ SARL La feuille Rose, RJS 8-9/97, n° 987, p. 615, (article L 223-7 du code du travail ) - Cass. soc. 16 décembre 1997, Delamaere c/ Office notarial de Maitres Ryssen et Blondel, JCP 1998 II, 10 101, p. 1119, note Escande –Varniol, (vie privée du salarié) - CA Paris 17 décembre 1997, Sarl Différence c/ Crestot, RJS, 3/99, n°370, p. 221 - Cass. soc . 17 décembre 1997, Vilela c/ Madame Weil, Dalloz 1998, p. 111, conclusions Weber, note Auber, (définition du concubinage) 91 Le couple et le droit du travail - CJCE 17 février 1998, Dr. de la famille, n°5, p. 8 - Cass. soc. 04 juin 1998, SARL Agence Bertrand c/ Georgeon, D. 1998, IR, p. 160 - Cass. soc. 01 juillet 1998, Chantemur Rhône-Alpes c/ Chassin, Juridisque Lamy, n° 3375 - Cass. soc. 18 novembre 1998, Duarte c/ copropriété Le Buffon, Répertoire du Notariat Défrénois 1999, n° 15-16, p. 854, note Nevière ; D. 1999, p. 443, note Mouly ; Jurisprudence sociale Lamy, n° 28 ,p. 19, (contrat de couple) - Cass. soc. 10 février 1999, Madame Spender-Rocher c/ SA Satma, Dr. soc. 1999, p. 410 ; D. 1999 IR, p. 68 ; RJS 1999, p. 360, n° 363 - Cass. soc. 04 mai 1999, Hezyszyn c/ Paul Jacottet SA, D. 2000, sommaire p. 85, note Frossard - Cass. soc. 18 mai 1999, Société Legrand c/ M. Rochin, Dr. soc. 1999, p. 734, note Gauriau ; D. 2000, som.comm. , p. 84, note Escande-Varniol , (usage abusif d’une clause de mobilité) - Cass. soc. 19 mai 1999, OPAC Val de Marne c/ Merel, Juridisque Lamy, n° 2316 - Cass. soc. 01 juin 1999, Banque populaire savoisienne de crédit c/ Meynet et autres, RJS 7/99, n° 898 - CA Toulouse 25 juin 1999, SA Multichauss c/ Klelifa, RJS 11/99, n° 1415, (contrat de couple) - Cass. soc. 26 janvier 2000, Madame Verrier c/ Société Casino France, Dr. et Patrimoine, juin 2000, n° 83, p. 117, observations Paul-Henri Antonmattéi, (perte de confiance) DOCUMENTS OFFICIELS : - Loi n° 82-596 du 10 juillet 1982, D. 1982, p. 323 - Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’ Etat, JO du 12 janvier 1984, p. 271 - Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, JO du 27 janvier 1984, p. 441 - Loi n° 86-33 du 09 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, JO du 11 janvier 1986, p. 535 92 Le couple et le droit du travail - Loi n° 94-965 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, JO du 30 juillet 1994, p. 11060 - Loi n° 98-461 du 13 juin 1998, JO du 14 juin 1998, p. 9029 ; JCP G, 24 juin 1998, p. 1179 - Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, JO du 16 novembre 1999, p. 16959 93 Le couple et le droit du travail TABLE DES MATIERES Remerciements…………………………………………………………………………… 2 Sommaire……………………………………………………………………………….….3 Table des abréviations…………………………………………………………………….4 Introduction………………………………………………………………………………..7 TITRE PREMIER : La prise en considération limitée d’une dépendance entre les membres du couple……………………………………………………………………….18 CHAPITRE I : Une dépendance nécessaire des membres du couple………………………….20 Section I : Une dépendance nécessaire dans l’intérêt du couple…………………….……21 §1 : Manifestations légales expresses de l’interdépendance………………………21 §2 : Manifestations indirectes de l’interdépendance………………………………24 Section II : Une dépendance nécessaire dans l’intérêt de l’entreprise……………………28 §1 : Incompatibilité du couple avec l’exercice de certaines fonctions……………28 §2 : Incompatibilité de la vie de couple avec le bon fonctionnement de l’entreprise ...……………………………………………………………………...30 CHAPITRE II : Une dépendance voulue par le couple………………………………………...34 Section I : Le contrat de couple ou la stipulation d’engagements indivisibles……………37 §1 : L’ adéquation du couple à la spécificité des fonctions à accomplir………….38 A : Le couple, condition essentielle de validité du contrat de couple…………38 B : L’interdépendance des fonctions occupées par le couple ….………….…..39 94 Le couple et le droit du travail §2 : Le contrat de couple ou la dépendance conventionnelle des membres du couple…......……………………………………………………………………….41 Section II : Les effets entre les membres du couple de l’indivisibilité des engagements….44 §1 : Une rupture automatique critiquable………………….………………….…..45 §2 : Une rupture « contrôlée » privilégiée………………..…………………….…48 A : La réduction des effets de l’indivisibilité entre les membres du couple…....48 B : L’ « autonomie des ruptures » favorisée…………….………...…….……...50 TITRE SECOND : L’autonomie des membres du couple favorisée………………….52 CHAPITRE I : L’indifférence de la situation de couple sur l’activité professionnelle de ses membres…………………………………………………………………………………………...54 Section I : La protection de la « vie familiale » du salarié………………………………..54 §1 : L’autonomie des membres du couple lors du recrutement de l’un d’eux……55 §2 : L’autonomie des membres du couple dans leur vie professionnelle….……...57 A : Le rejet de la situation de couple comme justification de la rupture du contrat de travail d’un salarié………………………………………………….58 B : Le refus de toute restriction conventionnelle aux « libertés civiles » du salarié…………………………………………………………………………..59 Section II : Les contrats de travail au sein même du couple ou la marque d’une autonomie entre ses membres……………………………………….…………………………………61 §1 : La compatibilité du couple avec un contrat de travail entre ses membres…………………………………………………………………………...62 A : La difficile admission du contrat de travail entre époux…………………..62 B : La validité de principe des contrats de travail entre époux………………..64 §2 : La reconnaissance légale de l’indépendance des membres du couple…..……65 CHAPITRE II : L’indifférence des agissements d’un membre du couple sur l’activité professionnelle de l’autre….……………………………………………………………………...69 Section I : Abandon d’ « une solidarité conjugale de fait » critiquable …………………..70 §1 : Une traditionnelle admission de la « perte de confiance » du fait du conjoint……………………………………………………………………………71 §2 : Une interdépendance des membres du couple injustifiée……………………74 95 Le couple et le droit du travail Section II : La seule prise en considération de la personne comme motif de sanction……76 §1 : L’indifférence du comportement de l’entourage du salarié sur sa relation de travail…………………………………………………………………………...…77 §2 : L’affirmation de l’autonomie des membres du couple……………….……....80 Conclusion………………………………………………………………………………...82 Bibliographie……………………………………………………………………………...84 Table des matières………………………………………………………………………..94 96