Brésil de Lula - de la contestation à l`action
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Brésil de Lula - de la contestation à l`action
Page |1 Le Brésil de Lula : de la contestation à l’action Sous la direction de M. Christian HARBULOT Simon Ducasse Anne Le Garrec JBO Alexandre Verno César Volaire 30.01.07 / Promo X 1 Page |2 1808 15 fois la France, 8,5 millions de Km², 188 millions d’habitants, 31 millions de jeunes (15-30 ans), une économie parmi les dix plus puissantes mondiales. Oui mais encore ? Pays présenté comme acteur incontournable il semble avoir les atouts pour accéder au rang de puissance. Mais qu’attend-t-il pour s’affirmer ? Quelles marges de manœuvre possibles à sa montée en puissance ? L’histoire du Brésil s’inscrit depuis le début de sa découverte en 1500 par le navigateur portugais Pedro Alvares Cabral, dans un environnement effervescent. En 1807, Jean VI, alors Roi du Portugal, et la famille royale s'embarquent pour le Brésil et s'installent dans la capitale de la vice-royauté, Rio de Janeiro, qui devient la capitale de l' empire colonial portugais. Ils fuient le Portugal, à la suite de l’invasion des troupes napoléoniennes. L’arrivée de l’aristocratie portugaise animera le développement du Brésil, tant dans ses velléités de construction sociétale que de conquêtes territoriales. C’est Pierre Ier, resté au Brésil comme régent, qui proclame l’indépendance du pays le 7 Septembre 1822 à São Paulo ; la monarchie devient constitutionnelle en 1824. En échange d’une protection, le Brésil entame son premier accord de « libre-échange » avec l’Angleterre : il entre alors dans le jeu des relations internationales. Le drapeau du Brésil a été institué le 19 novembre 1889. Les principales couleurs y symbolisent les richesses du Brésil : le vert pour la forêt équatoriale et le jaune (or) pour les ressources du sous-sol. Le globe central représente le ciel, avec au centre la Croix du Sud, symbole chrétien et symbole austral. Sur le bandeau central, est écrit « ORDEM e PROGRESSO » (Ordre et progrès), une devise de politique pragmatique, tirée du positivisme fondé par le philosophe français Auguste Comte. Oui, le Brésil possède de nombreux atouts et outils, mais le mode d’emploi n’est pas encore tout à fait au point. Ce dernier n’a jamais réussi au cours de son histoire à imposer son poids sur l’échiquier mondial. Aujourd’hui, la croissance économique (+3,1% en 20061) ajoutée au poids de sa politique étrangère sont des illustrations du désir et de l’affirmation du Brésil sur la scène internationale. La naissance de cette puissance se concrétise par l’arrivée au pouvoir en 2002 de l’emblématique Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula. Sa réélection, mise en doute par certains observateurs, en 2006 permet aux dirigeants brésiliens de poursuivre les politiques engagées lors de son premier mandat. La pérennisation de son potentiel économique, mise à rude épreuve par les différents jeux d’influence régionaux, ou encore la mainmise américaine, marquent le contexte dans lequel le Brésil évolue. D’un rapport du faible au fort, le Brésil veut s’imposer aujourd’hui sur la scène internationale comme un fort parmi les forts. 1 La monarchie portugaise s’installe au Brésil. Le Brésil peut commercer avec tous les pays 7 septembre 1822 Indépendance Fin de l’autorité portugaise 1889 Création de la république brésilienne, basée sur le modèle américain 1917 Le Brésil s’engage du coté des alliés et représentera l’Amérique du sud à Versailles en 1919 1930 Développement économique, populisme et montée des classes moyennes 1964 Instauration de la dictature militaire l’appuyée par la CIA 1985 Fin de la dictature militaire Instauration de la nouvelle république 26 mars 1991 Création du Mercosur lancement de la construction continentale 27 octobre 2002 Arrivée au pouvoir de Lula 2010 Fin du second mandat de Lula source OCDE 2 Page |3 SOCLE DE LA PUISSANCE BRÉSILIENNE L ’émergence du Brésil au cours des dernières années tient en premier lieu à un certains nombre de facteurs. Avant de parler de contexte politique ou international, il faut tout d’abord se pencher sur la puissance géographique, démographique et économique du Brésil. Le Brésil est avant tout une puissance géographique. C’est le cinquième pays au rang mondial, tant par sa superficie (plus de 8,5 millions de km²) que par sa démographie (188 millions d’habitants). Cette situation rend le Brésil incontournable dès que l’on parle de l’Amérique latine. Ce pays représente la moitié du continent en termes de superficie et de population, et possède des frontières avec tous les pays du continent, exception faite du Chili et de l’Equateur. Ressources territoriales Hydrocarbures Sa situation géographique lui permet de profiter de nombreuses ressources en matières premières, et en particulier en ce qui concerne les ressources énergétiques, véritable enjeu de puissance au niveau international. Le 21 avril 2006, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva annonce l’autosuffisance du Brésil en pétrole : cette déclaration est intervenue dans le cadre de la mise en opération de la plateforme pétrolière « offshore » P50, au large de l’Etat de Rio de Janeiro. Le Brésil extrait plus de 15 Gtep / an, ses réserves se situent à plus de 11,2 Mds de Barils. Par ailleurs, 76% des réserves pétrolières nationales sont en « offshore profond ». La demande quotidienne nationale s’élève à 1,8 millions de Barils. L’autosuffisance, atteinte avec une production égale ou supérieure à cette demande, permet de mettre le pays à l’abri de trop fortes volatilités internationales des prix du pétrole. Elle le protège de plus contre une baisse d’approvisionnement d’un produit aussi stratégique que le pétrole. Selon Petrobras, l’autosuffisance du pays en pétrole est assurée pour les 10 prochaines années, grâce aux ressources naturelles. D’un point de vue international, le gouvernement brésilien est par ailleurs conscient que la stabilité énergétique améliore l’image du Brésil. Il y a 30 ans, le pays devait importer la totalité du pétrole nécessaire à sa consommation. Aujourd’hui, il dégage un excédent d’au moins 3 Mds $ par an grâce aux exportations d’hydrocarbures. Petrobras prévoit une production de 2,3 millions de barils/jour en 20102. Dorénavant le Brésil peut concurrencer d’autres états pétroliers latino-américains qui ont une production excédentaire, tels que le Venezuela ou le Mexique. 2 http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/budget.htm (Janvier 2007) 3 Page |4 Nucléaire L’autosuffisance énergétique passe aussi par la maîtrise de l’énergie nucléaire. Le Brésil possède une centrale nucléaire avec deux réacteurs (Angra I et Angra II) et des pourparlers sont en cours pour la construction d’un troisième. Cette énergie ne représente qu’une faible part (4,3%). Néanmoins le Brésil met l’accent sur ce domaine technologique en développant une technique originale d’enrichissement de l’uranium, qu’elle a tenue à garder secrète lors du passage des inspecteurs de l’AIEA (Agence Internationale pour l’Energie Atomique). Le Brésil entre ainsi dans le petit club des pays dominant cette technologie : les Etats-Unis, la France, la Russie, le Royaume Uni, le Japon et la Hollande. L’atout du nucléaire est doublement important pour le Brésil puisqu’il est le 6ème exportateur d’uranium mondial alors que seulement 1/3 de son territoire a été sondé. En enrichissant son uranium en yellow cake, le Brésil peut vendre directement au consommateur tel que la Chine, le Japon, ou l’Inde. Ethanol Par ailleurs le Brésil est aussi le premier producteur mondial d’éthanol (154 millions d'hectolitres par an) à destination des filières de biocarburant. Cette culture démarre suite aux chocs pétroliers puis est mise en veille, car peu rentable, avec la baisse des cours du pétrole. Mais avec l’envolée récente du prix du baril, les biocarburants sont à nouveau rentables pour le consommateur brésilien. Ces biocarburants sont d’autant plus appréciés que les constructeurs automobiles proposent désormais des moteurs dits « flex fuel » qui utilisent indifféremment le diesel ou l’éthanol. Le consommateur s’adapte donc au marché et n’a plus à choisir l’une ou l’autre des solutions. Le Brésil a encore une énorme capacité d’augmentation de production de canne à sucre. A la fois technologiquement en pointe et force de production, le Brésil se positionne, aujourd’hui, comme un acteur majeur sur ce segment. D’autant qu’en Europe la canne à sucre ne pousse pas alors que la commission fixe à la part des biocarburants à 5,75% à l’horizon 20103. Le gouvernement inscrit le flex fuel dans une politique de développement durable. Mais il est à mettre en regard avec les cultures intensives dopées par les engrais et les pesticides face aux problèmes pollution des sols et de déforestation qui gangrènent le pays à long terme. Agriculture Sa superficie et sa localisation géographique font de l’agriculture brésilienne l’une des plus puissantes au monde : premier producteur mondiale de sucre de canne, café, fruits tropicaux, premier cheptel bovin au monde avec 170 millions de têtes, second producteur mondial de soja. La balance commerciale des exportations agricoles vers les Etats-Unis est de 38 Mds $ en 2005, en comparaison, la balance commerciale totale du Brésil est de 44 Mds $ sur la même période (US State department issues background note on Brazil – 01/11/06). L’agrobusiness du pays est redoutable à l’exportation. L’Union Européenne et les Etats-Unis, conscients de la puissance de feu par les prix de l’agriculture brésilienne, tentent de limiter son impact en protégeant leurs marchés et leurs agricultures internes par des droits de douanes élevés. Par exemple un taux de douanes de 177% pour le bœuf brésilien à l’entrée sur le marché européen. Afin de conforter son poids sur la scène internationale, le Brésil s’appuie sur les organisations commerciales internationales pour une plus grande libéralisation des marchés. Au travers du G20, le Brésil lutte pour l’aboutissement des négociations sur le cycle de Doha. Ces négociations sont le théâtre d’une confrontation entre les puissances économiques « traditionnelles » (UE, Etats-Unis) et les puissances émergeantes, Brésil en tête. 3 http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/l21061.htm 4 Page |5 Toutefois, d’autres pays émergeants comme la Chine et l’Inde possèdent de réelles perspectives de croissance. Même si les capacités de production du Brésil sont déjà élevées, ces dernières peuvent fortement augmenter pour répondre à une demande bien supérieure. Ce développement implique un recul de la forêt amazonienne et des recours à de nouvelles technologies comme les OGM. Les EtatsUnis et l’Union Européenne tentent de limiter ce développement en influençant la société civile, au travers d’ONG, comme l’illustre le moratoire récent sur de nouvelles parcelles de soja4. Avec les alliances stratégiques et économiques qu’il a réussi à tisser au sein du G20, le Brésil peut se prévaloir de devenir un acteur incontournable de l’échiquier géopolitique dès que les problématiques liées à l’agriculture seront maîtrisées. Eau En plus du pétrole, sa géographie a permis au Brésil de bénéficier de fortes ressources en eau. Ceci lui a permis de se doter du plus grand parc hydroélectrique mondial qui fournit plus de 80% de ses besoins en électricité. De plus, le Brésil est aussi le pays le plus riche en eau douce en Amérique du sud. Dans la région, on observe une forte implantation d’entreprises privées, cherchant à prendre en charge la gestion, le traitement et la fourniture de l’eau dans un contexte de crise de l’eau douce en Amérique du sud. On observe une croissance de 116% des concessions d’exploitation de sources d’eau minérale et au cours de l’été de 2003. Des partenaires internationaux Au regard de l’importance de ces ressources au niveau international, les autres puissances mondiales s’intéressent également à ce pays. En 2003, un rapport de la prestigieuse banque d’investissement Goldman Sachs inclus le Brésil dans les 4 puissances économiques émergentes qui vont dépasser les puissances établies. Brésil, Russie, Chine et Inde aspirent toujours plus de capitaux étrangers pour financer leur développement, de 10 Mds $ en 1996, jusqu’à 18 Mds en 2004. Les synergies entre ces quatre pays sont fortes. Le Brésil et la Russie sont riches en matières premières alors que l’Inde et la Chine sont très demandeuse. La Chine a d’ailleurs signé en 2004 plusieurs contrats d’investissement avec le Brésil, entre autres dans l’extraction de fer, et a entreprit une coopération dans le secteur spatial. Par ailleurs l’Union Européenne voit dans l’Amérique latine un partenaire de choix et organise dès 1999 un sommet UE – Amérique Latine. Suivi par 3 autres sommets en 2002, 2004 et 2006 respectivement à Madrid, Guadalajara et Vienne. Ces sommets visent à établir un dialogue et à engager une coopération économique et culturelle forte. La proximité du modèle politique du Mercosur avec l’UE est un point important, mais la domination Brésilienne et Argentine dans cette entité ne motive pas les autres pays à la rejoindre. Le Brésil voit en l’Europe un formidable marché pour son énorme production agricole, mais les subventions européennes ainsi que les droits de douanes empêchent sa compétitivité de s’exprimer pleinement. Indépendamment des réussites politiques, les grands groupes européens n’ont pas attendu pour partir à l’assaut de ce continent. L’Europe est déjà le premier investisseur étranger au Brésil avec près de 50% en 2000. 4 www.greenpeace.org/belgium/fr/press/releases/greenpeace-salue-le-moratoire 5 Page |6 Enfin la récente flambée des prix des matières premières permet au Brésil de réaliser un important excédent commercial. Il a doublé son exportation entre 1999 et 2004 tandis que l’importation n’augmentait que de 20%. Cette manne financière permet au Brésil de rembourser ses nombreuses dettes. En décembre 2005, c’est le FMI qui récupère ses fonds (15 Mds $) et le Président Lula annonce pour janvier 2006 le remboursement du club de Paris ainsi que des Nations Unies. Ainsi libéré de la pression de ses créanciers, le Brésil économise près de 100 millions de $, lui permettant de financer ces prétentions de développement de sa défense nationale. La force militaire brésilienne La dictature militaire À partir de 1964, le pays a connu une violente dictature militaire, comme les autres pays d'Amérique latine aux alentours des années 1960, 1970. Ce régime autoritaire a été mis en place, directement ou indirectement, par les États-Unis, par le biais des agissements de la CIA, afin d'empêcher la diffusion d'idées communistes en Amérique latine, perspective qui effrayait le bloc occidental depuis la révolution cubaine et la prise de pouvoir de Fidel Castro. Ainsi, dès les années 1970, le gouvernement brésilien a participé à l'opération Condor, vaste plan de coordination entre les dictatures militaires latino-américaines afin de lutter contre les opposants aux régimes, dans tout le continent. Cette opération, en partie à l'initiative de la CIA, a été à l'origine d'un nombre de morts incalculables. On dénombre, au Brésil, un grand nombre de groupes armés révolutionnaires qui, dès 1964, ont organisés la résistance contre le pouvoir militaire. La plupart d'entre eux ont pris forme dans les milieux étudiants. Parmi eux on peut citer le MR-8, plutôt basé sur Rio de Janeiro, ou l'ALN (Action de libération nationale), basé sur Sao Paulo. La dictature n'a pris fin qu'en 1984. Evolution du budget Près de 20 ans après la fin de la dictature militaire, les militaires brésiliens ont continuellement perdu du terrain dans les arènes du pouvoir. Le budget militaire sont passé de 20% du budget fédéral en 1970 à 1.3% en 1993, ce qui se traduit par une chute de 1,5% du PIB à 0,3%5. Néanmoins ces chiffres sont à prendre avec précaution dans la mesure où des fonds complémentaires provenant d’autres sources sont alloués à certains projets particuliers. De même les forts taux inflationnistes et l’instabilité économique qui ont secoué à plusieurs reprises le pays compliquent les comparatifs. Cette faiblesse budgétaire est à replacer dans son contexte géopolitique. En effet, la taille et le poids économique du Brésil en font en 1993, le 19ème pays sur 166 en terme de dépense militaire et représente $9.2 Mds en 2004 soit plus que l’ensemble des pays d’Amérique Latine6. De même la stabilisation des pays voisins et surtout plusieurs de ses partenariats avec l’Argentine ont pour l’instant éloigné les menaces physiques pesant sur le Brésil. Enfin, avec l’embellie des résultats économiques et la stabilisation de l’inflation, le budget retrouve une marge de manœuvre sur le plan international. 5 6 http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/budget.htm (Janvier 2007) http://www.armscontrolcenter.org/archives/001221.php (Février 2005) 6 Page |7 Programmes militaires majeurs Chaque corps d’arme maintient un programme de recherche majeur permettant de justifier les budgets militaires auprès des instances gouvernementales. Pour l’armée de Terre, c’est le projet Calha Norte qui depuis 1985 déploie des troupes sur la gigantesque frontière amazonienne. Ceci afin de limiter les trafics (en particulier de drogue), développer économiquement ces régions grâce à des infrastructures sociales et économiques et à protéger les ressources naturelles tout en affirmant la délimitation du pays. L’armée de l’Air poursuit un programme de développement de chasseur subsonique AMX. Il s’agit d’un partenariat entre les italiens Aermacchi et Alenia et le brésilien Embraer. Une première version de ces avions de défense aérienne est déjà en service. Enfin la Marine soutient son programme de développement d’un sous-marin à propulsion nucléaire. Ce programme s’insère dans un projet plus vaste de maîtrise de production d’énergie nucléaire poursuivi depuis plus de 50 ans7 par le Brésil qui dispose par ailleurs de vastes ressources en uranium. Partenariat industriel L’industrie militaire brésilienne a connu un très net ralentissement dès 1999 après une grande période d’exportation et ce n’est qu’avec la récente amélioration économique que les exportations reprennent. La baisse conjointe de l’exportation et des commandes nationales a amené ces entreprises à se restructurer en profondeur, à augmenter leur taille et leur activité civile. Aujourd’hui 4 entreprises majeures8 portent le secteur. Avibras et Embraer dans le domaine aérien, Engesa pour l’infanterie mobile et Imbel pour le matériel militaire. Grâce à des accords de transfert technologique (avec des Italiens, Français, Allemand et Américain), le Brésil a réussi à acheter et maîtriser dans certains domaines les technologies de génération précédente. Le Brésil montre clairement par le choix de ses partenaires une émancipation des Etats-Unis qui ne sont pas pour autant exclus. Le Brésil confirme ainsi son choix de multiplier ses sources, réduisant par la même sa dépendance. Néanmoins l’armée pèche par son manque de moyens l’empêchant de maintenir ses équipements en ordre de marche et leur disponibilité en est de fait fortement affectée. Cette étude montre que l’armée brésilienne semble sortir de sa traversée du désert grâce à l’embellie économique. Certains coups d’éclat comme le commandement de soldats onusiens à Haïti9 ou encore l’achat du porte-avion français Foch10 maintiennent l’aura de la plus grande armée sud-américaine mais ils ne doivent pas masquer de nombreuses séquelles qui pourraient fragiliser un déploiement effectif sur la scène internationale11. 7 http://www.globalsecurity.org/wmd/world/brazil/nuke.htm (Janvier 2007) http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/industry.htm (Janvier 2007) 9 http://www.iht.com/articles/ap/2007/01/12/news/CB-GEN-Haiti-UN-Commander.php (Janvier 2007) 10 http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/sao-paulo.htm (Janvier 2007) 11 Catherine Prost, Organisation et rôle géopolitique de l'armée au Brésil, Université Paris VIII 8 7 Page |8 INFLUENCE DIPLOMATIQUE DU BRESIL Le poids de la construction communautaire Pour comprendre la politique actuelle du Brésil, revenons sur celui qui en est à sa tête. Sous ce surnom hypocoristique, Luiz Ignacio « Lula » da Silva est parti du plus bas de l’échelle sociale pour devenir président de son pays. Issu d’une famille pauvre de l’état du Pernambouc, dès l’âge de 12 ans, il quitte l’école pour aider sa mère qui se retrouve seule pour élever 8 enfants en faisant des petits boulots. S’ensuivent une succession d’emplois comme ouvrier où il réussit à obtenir une équivalence du baccalauréat. C’est en tant qu’ouvrier métallurgiste qu’il voit les évolutions de son pays et adhère à des mouvements syndicaux. Ses talents naturels de tribun et de négociateur l’amène à monter rapidement en responsabilité. C’est dans ces circonstances qu’il est amené à voyager aux Etats-Unis dans le cadre de mouvement anti-communiste financés par les unions syndicales américaines. Dans les années 80, il se lance dans la politique en créant le Parti des Travailleurs. Enfin en 2002, il accède à la présidence après plusieurs échecs aux précédentes élections. La manifestation d’un président d’origine ouvrière, qui a su transmettre au monde sa sensibilité sociale, avec des formules chocs, un franc parler simple, a permis de hisser le Brésil dans le débat mondialisé. L’empathie suscitée par Lula l’a conduit au rang des personnalités marquantes de l’actualité mondiale et ne saurait être remplacée facilement. Lula entend changer la géopolitique du Brésil. Cela commence assez fort, avec Cancùn en 2003, et sa présentation à l’OMC de l’association du G20. Lula a effectivement contribué à établir son nouveau rapport de force entre les pays du Nord et ceux du Sud. Mais peut-on parler de victoire ? Victoire politique peut-être... Mais où sont les bénéfices pour le commerce brésilien ? Selon Bruno Ayllon12 « Le fait de prendre la tête, avec une posture assez rigide, d'une coalition hétérogène comme le G20 a peut-être été bon pour le prestige politique du Brésil à court terme chez les pays émergents et pauvres, mais elle n'a probablement pas été positive pour les intérêts du pays à long terme ». Issue d’une gauche très « antigringos », Lula ne veut pas pour autant faire d’idéologie avec les relations politiques et commerciales du Brésil. Au contraire de son homologue vénézuélien Chàvez. Malgré le soutient à l’élection du 18 septembre 2005, du leader syndicaliste bolivien Evo Morales à la présidence, ce dernier va basculer vers Chàvez. Le Venezuela annonce peu de temps après la nationalisation de son secteur du gaz naturel et Morales en rajoute en augmentant le prix de vente de son gaz. Ce qui a pour cause d’entraîner un affaiblissement du secteur gazier brésilien, particulièrement pour Petrobras. Dans cette affaire, Lula n’a pas joué un rôle précis ; la participation américaine à hauteur de 49% dans le capital de Petrobras, pourrait être une des raisons de cette inaction. Le frein argentin et l’ambiguïté du MERCOSUR Dans le cadre du Mercosur, pilier de la politique régionale de Lula, le Brésil signe avec l’Argentine le 1er février 2006 un accord pour protéger ses secteurs de production qui pourraient être trop durement affectés par la compétition du pays voisin, l’objectif étant de renforcer les barrières à l’entrée : il s’agit du Mécanisme d’Adaptation Compétitive (MAC). Le MAC permet de protéger les secteurs de production menacés en fixant des droits de douane sur le produit « trop compétitif » du 12 Bruno Ayllón, docteur en relations internationales à l'université Complutense de Madrid 8 Page |9 pays voisin pour trois ans, renouvelable une fois. La Déclaration de Cuzco13 prévoit son intégration progressive dans la Communauté sud-américaine des nations (CSAN). La constitution du Mercosur a entraîné un développement des échanges entre les différents Etats membres mais plus particulièrement entre les deux poids lourds que sont le Brésil et l’Argentine. Répondant au nouveau contexte international de régionalisation et de globalisation cette construction réunificatrice dans le processus d’intégration latino – américain se traduit par un régionalisme ouvert, soit une libéralisation commerciale et une réinsertion compétitive dans le marché mondial. Il subsiste cependant encore des entraves au commerce intra – zone avec un degré de protectionnisme interne très significatif tant en ce qui concerne les Etats membres que les pays tiers. La dette et le leadership régional sont les deux questions centrales dans les courts – circuits entre le Brésil et l’Argentine. Si l’union douanière du Mercosur a eu un impact important sur l’évolution du volume des échanges intra – Mercosur, ses effets se sont aussi exercés sur la structure de ses échanges, notamment en ce qui concerne le Brésil dans le cadre de ses relations avec l’Argentine. En son sein, la position du Brésil est confortée par la forte dépendance économique des autres Etats membres, ce qui accroît son poids dans la prise de décision régionale. Mais le Mercosur reste de nature à engendrer des effets statiques, à priori importants, en raison de l’histoire très imprégnée de protectionnisme des pays en cause. Les intérêts gravitant autour de la stabilité financière du Brésil présentent des aspects stratégiques, tant du point de vue extérieur qu’intérieur. Ainsi, d’après les informations délivrées et ce que nous observons, d’éventuelles turbulences sur sa dette détruiraient le leadership sud-américain naissant du Brésil, ce qui dessinerait pour la région entière un horizon d’incertitude et d’incapacité chronique de gouverner. Diplomatie régionale : le paradoxe brésilien L’action diplomatique du Brésil se concrétise par plusieurs volontés. Tout d’abord celle de renforcer le Mercosur : "La priorité de la politique extérieure brésilienne sera l'Amérique du Sud... J'ai proposé aux présidents de la région d'établir un parlement du Mercosur qui sera élu directement par les électeurs de nos pays"14 . Le pays compte en effet rebondir sur l’intégration régionale pour se projeter à l’échelle internationale et défendre les intérêts brésiliens face aux Etats-Unis et à l’Union Européenne. Les ambitions brésiliennes sont fermes dans la mesure où le pays a pour projet d’être le moteur de l’intégration et le leader de l’Amérique du Sud. Le gouvernement est convaincu que pour rivaliser avec les capitales occidentales, et prétendre à un siège permanent au Conseil de sécurité, il doit devenir le porte-parole de l'Amérique du Sud. Lula, dont le discours est explicitement expansionniste, affirme régulièrement que le Brésil ne peut plus continuer à dépendre de quelques pays, expliquant qu’ « il y a d'autres espaces vierges que nous avons besoin de conquérir, en Amérique du Sud, au Mexique, en Inde, en Chine, en Afrique ». Cette politique paye : depuis le début de l'année 2006, les exportations du Brésil ont atteint 135 Mds $, avec un excédent commercial de 46 Mds. La volonté du Brésil de s’imposer au sein du continent est cependant paradoxale. Le pays recherche une reconnaissance internationale et une acceptation par ses pairs régionaux. Cette volonté s’est 13 Le 8 décembre 2004 : l'ensemble des 12 pays d'Amérique du Sud signent cette déclaration visant à créer la Communauté sud-américaine de nations (CSAN ou CSN) 9 Bruno Ayllón, docteur en relations internationales à l'université Complutense de Madrid 14 Déclaration de Luiz Inacio Lula da Silva, dans un numéro de la revue "Foreign Affairs en español", 2003 9 P a g e | 10 illustrée par exemple dans son intervention pour régler des crises régionales, en Colombie, au Venezuela, en Bolivie et à Haïti. Depuis Juin 2004, le commandement de la Mission des NationsUnies pour la stabilisation en Haïti est assuré par le Brésil, mandaté par le Conseil de Sécurité. Le contingent brésilien local est formé de 1200 hommes. Itamaraty, le ministère des Affaires étrangères, participe aussi à l’élaboration de cette politique étrangère depuis longtemps pour affirmer le Brésil comme un grand pays sur l'échiquier international. Lula a rapidement su utiliser son charisme et son image d'homme d'Etat pour donner une impulsion à cette politique. Le chef de la diplomatie brésilienne, Celso Amorim, joue également un rôle majeur dans l'élaboration de cette stratégie. Le président brésilien Lula s’est dit convaincu, à de multiples reprises, que le Mercosur allait signer un accord commercial avec l’Union Européenne. Il souligne par ailleurs que son pays en aurait besoin autant que l’UE. Cette déclaration laisse présager la stratégie de puissance du Brésil pour les années à venir : faire du Brésil, leader des pays en développement, un partenaire commercial des pays développés, servant de ce fait d’exemple à ses voisins régionaux. Mise en scène du désir de réunification L’intégration latino-américaine a toutefois été la priorité du mandat, avec la réaffirmation de l’axe Brésil-Argentine, le pays le plus visité par Lula, ou tourné autrement, celui dans lequel on l’a le plus vu… Elu membre temporaire du Conseil de Sécurité de l'ONU il y a deux ans, Brasilia a invité un fonctionnaire argentin à faire partie de son équipe à New York. On voit enfin émerger une conception sud-américaine de la défense. Depuis plusieurs années, le Brésil exprime clairement sa volonté de voir émerger, sous son impulsion, une Amérique du Sud stable et constituant un contrepoids aux Etats-Unis. Parallèlement, le pays veut s’affirmer comme une grande puissance émergente, capable de peser dans les affaires du monde. C’est ainsi que le Président Lula a placé la politique étrangère au cœur de son projet : le Brésil doit être une « nation mieux respectée, capable de défendre ses intérêts internationalement ». Lula cherche aujourd’hui clairement à accroitre l’influence de son pays dans le concert universel des nations. Les enjeux de l’ONU et les implications en termes de développement et d’actions diplomatiques Une grande partie de l’activité diplomatique brésilienne et des voyages présidentiels à l’étranger est consacrée à gagner des soutiens dans sa candidature à un siège au conseil de sécurité de l’ONU. Résultat pour le moment stérile, sachant que cette campagne de propagande indispose d’autres grands pays comme l’Argentine et le Mexique, peu disposés à voir le Brésil les représenter. M. Amorim, ministre brésilien des Affaires Etrangères, dénonce la composition de l’ONU, pratiquement inchangée depuis sa création en 1945, et qui, selon lui, est dépassée dans le monde actuel. D’où la réplique sud américaine avec le projet du G4, qui vise à faire passer le Conseil de sécurité de 15 à 25 membres, avec six nouveaux sièges permanents et quatre non permanents. L'élargissement du Conseil de sécurité est souhaité par de nombreux pays et par l’ancien secrétaire général, Kofi Annan, pour lui permettre de mieux refléter les réalités du monde d'aujourd'hui et donner une présence accrue au Tiers-monde. De nombreux problèmes subsistent au sein de l’entente du G4, venant en particulier de certains pays africains (Afrique du Sud, Nigéria et Egypte). Mais même s'il "y a de la résistance" face à cette réforme, le ministre Amorim s'est montré confiant sur sa possible approbation, car "nous n'avons 10 P a g e | 11 jamais eu une conjonction de facteurs si bons". Comme pour le soutenir dans sa démarche optimiste, le Premier ministre britannique Tony Blair a exprimé récemment son "fort soutien" à ce que le Brésil obtienne un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l'Onu. Afin de renforcer cette « bonne conjoncture », le Brésil a annoncé son soutien mutuel avec l’Allemagne pour obtenir le statut de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies. Alliance qui comme on s’en doute, est plus que tactique. L’émergence d’une nouvelle conception des relations internationales, ou la schizophrénie politique du Brésil Le Brésil devient de plus en plus actif dans les affaires du monde, et a la volonté de les orienter selon ses valeurs et ses intérêts. Sa position naît principalement de l’insatisfaction à l’égard du modèle international actuel. La création d’un bloc de pression pour l’obtention de siège au Conseil de Sécurité de l’ONU, le G4, la CSAN… autant d’instruments de politique internationale que Lula souhaite influencer, orienter, le tout dans un souci de mise en scène bien étudié. Il réagit sur deux niveaux : • la réforme du système capable de lui fournit les nouveaux instruments d’action et d’influence, • des opérations à l’intérieur du système en exploitant les occasions qui se présentent. Il s’agit donc de jouer sur plusieurs plans : une meilleure utilisation des mécanismes de défense commerciale15, et une offensive à conquérir les nouveaux marchés. Lula milite pour le changement sur les questions proprement politiques, et en même temps adopte une attitude classique, non-contestataire, sur les relations économiques internationales. Cette « stratégie commerciale », qui s’efforce de dessiner une autre carte du monde, s’appuie sur la création d’un front commun des pays émergeants face aux propositions des Etats-Unis et de l’UE. Les exportations brésiliennes vers les pays émergeants ont considérablement augmenté, laissant de côté leurs principaux partenaires, les Etats-Unis et l’UE. L’effort soutenu dans les relations bilatérales et multilatérales à tous niveaux y est pour beaucoup. Cela découle d’une volonté politique de regarder vers le Sud, pour la première fois de son histoire. Le Brésil fait ici figure de metteur en scène. En conservant des liens étroits avec les Etats développés, il participe à l’essor des Etats du Sud, autrefois délaissés par la politique externe du Brésil. En atteste l’opération IBAS, ou encore le sommet Amérique du Sud / Pays Arabe : L’opération IBAS : Inde, Brésil, Afrique du Sud. Cet instrument de coopération Sud/Sud, créé au lendemain de l’investiture de Lula, est bienvenu d’autant que l’Inde et l’Afrique du Sud ont été négligées par le Brésil depuis plus d’un demi-siècle. Proposant un rapprochement des états semblables, sans arrières pensées, on voit là une rupture avec les soi-disant « aide au développement » défendue par les pays développés. Sommet Amérique du Sud - Pays arabes, en mai 2005. Un appel entendu puisque 34 pays y ont pris part. Ce forum a permis d’éclaircir les potentialités d’échanges et la complémentarité entre les deux régions. Le Brésil s’est d’ailleurs prononcé pour un retrait des troupes israéliennes des territoires 15 Au sein de l’OMC 11 P a g e | 12 conquis en 1967, tout en condamnant le terrorisme. Il s’engage dans la réforme des institutions internationales, notamment en Irak. L’expression « démocratie » est souvent abordée. Les Etats-Unis y sont condamnés pour leur prise de sanction à l’encontre du régime Syrien, car le communiqué prône le pluralisme et la liberté pour l’organisation sociale et politique des Etats. Une partie de la presse brésilienne s’est alors emparée du sujet et a accusé le « gouvernement Lula » de prendre une position contraire à son grand voisin du Nord dans les affaires proches-orientales. CSAN : outil d’influence ou simple volonté d’affirmation ? La Communauté Sud Américaine des Nations est le fruit de la fusion du Mercosur avec la Communauté andine (Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie) et de l'intégration du Chili, de la Guyane et du Suriname. Le 17 décembre 2004, trois nouveaux membres sont associés : l’Équateur, la Colombie et le Venezuela. La CSAN représente 360 millions de personnes sur 17 millions de km² (environ 45% du continent américain). Ce territoire est riche en pétrole, gaz, ressources minières, en eau et en forêt (8 millions de Km²). Le projet de la CSAN n’a pas que des visées commerciales : « le processus d'intégration ne doit pas se limiter à des accords commerciaux. Il doit y avoir une intégration politique et physique, avec la volonté d'entraîner une intégration macroéconomique »16. C’est l'Union européenne qui a été prise comme modèle et trois axes ont été définis pour guider la réalisation de la CSAN : - la coordination des politiques communes en matière de négociations multilatérales - l'intégration des infrastructures physiques - la convergence entre CSAN et Mercosur Ce projet de CSAN entre dans la stratégie de regroupement des pays en développement autour du leader brésilien, notamment grâce à leur proximité géographique (à l'exception de l'Équateur et du Chili). La CSAN est une tentative brésilienne très nette d'arracher la zone pacifico-caribéenne à la sphère d'influence des Etats-Unis. Dans cette dynamique, le président Lula a joué un grand rôle. Peu après son élection en 2002, il déclarait : « Un Mercosur cohérent et élargi devrait avoir une politique extérieure commune qui nous permette de mener un dialogue avec l'Union Européenne et avec les États-Unis, surtout dans le cadre du processus pour la formation de la ZLEA. » Avec cette déclaration, Lula se place en porte-parole des pays d’Amérique du Sud. L’influence américaine en perte de vitesse Cet état de fait doit aujourd’hui être nuancé. Les fortes différences économiques, culturelles, politiques et idéologiques, alliées à la conception unilatéral du gouvernement américain, donnent naissance à un antiaméricanisme fort. Les États-Unis ont enclenché le dernier avatar de leur prérogative interventionniste dans leur « arrièrecour » latino-américaine : la défense, froide et planifiée, de leur hégémonie économique. Il n’est pas surprenant de constater que c’est en Amérique latine que se développent les plus forts pôles de résistance à la mondialisation, s’appuyant sur une très virulente contestation de la ZLEA. Et l’échec est cuisant pour les Etats-Unis, qui n’arrivent pas, malgré les interventions et déplacements de Bush, à faire avancer le débat sur la ZLEA. Les USA ne semblent pas vouloir laisser de côté leur approche hégémonique de la situation. Il semble que pour une fois, les stratégies d’influence et de manipulation des USA soient bloquées par un refus quasi-unanime de leur projet. En faisant l’autopsie de cet échec, on réalise qu’il ne s’agit que du début d’une longue série. Brésil et Etats-Unis se sont entendus sur une formule allégée de la ZLEA, en permettant aux Américains de signer des accords bilatéraux de libre-échange avec des pays de la région. Cependant, selon l’ancien président brésilien Fernando Henrique Cardoso, cette alternative a isolé le Brésil. Une 16 Déclaration de Ricardo Lagos, chef d'État chilien 12 P a g e | 13 sourde rivalité règne entre Etats-Unis et Brésil. Sur la question des matières premières par exemple, la position de l’administration de G. Bush est claire, et s’affirme dans sa domination unilatérale. En Equateur, on assiste à un bras de fer entre les intérêts de Washington et ceux du Brésil qui, en quelque sorte, résume le jeu d’échecs politique pour l’hégémonie régionale. S’y affrontaient en 2005 les intérêts d’une part de la compagnie pétrolière américaine Occidental Oil and Gas Corporation (OXY), et de Petrobras d’autre part. Depuis, Le candidat de gauche, ami de Hugo Chavez et anti-américain, Rafael Correa a été élu Président de l’Equateur, le 27 novembre 2006. Le Brésil va consolider son rôle régional et réduire son interaction avec les Etats-Unis. A la différence de son homologue Vénézuélien Hugo Chavez, Lula ne s’oppose pas à la mise en place de la ZLEA, mais craint "la disparité entre l'économie des Etats-Unis et celles du reste de l'hémisphère". Les interactions du Brésil avec les Etats-Unis dépendent de conditions internes et du niveau d'implication que les Etats-Unis décideront d'avoir dans la région. En effet, l'option éventuelle de Washington sera d'approfondir ses liens avec le Mexique et l'Amérique Centrale et d'admettre le rôle croissant dans l'hémisphère Sud du Brésil et/ou du Mercosur. Les Etats-Unis développeront alors une politique de "selected partners" avec les autres Etats, comme par exemple avec le Chili17. Dans la guerre économique que se livre les Etats-Unis avec le reste du monde, on notera la prise de participation dans l’entreprise brésilienne Petrobras. Jusqu’à l’annonce de Lula, la compagnie nationale Petrobras était la seule engagée dans la prospection pétrolière dans le pays. Ses découvertes ont attiré les groupes étrangers, tels que Shell, Repsol, ainsi que les américains Chevron, Devon et El Paso. Cette présence étrangère s’impose aussi par l’importance des investissements. Véritable outils de la stratégie de puissance brésilienne, la compagnie Petrobras a misé sur l’exploitation du pétrole en eaux profondes. Selon JP Morgan, elle est une des entreprises les plus rentable du monde et la troisième plus grande entreprise industrielle d’Amérique Latine. Ses investissements en Amérique du Sud sont impressionnants : l’entreprise investit en Bolivie (exploitation de Gaz), en Argentine (rachat de Perez Companc pour 1,27 milliards de dollars en 2002 et activités de prospection), en Uruguay (acquisitions de stations services, projets d’infrastructures). Même si Petrobras est présentée comme le fer de lance de l’industrie énergétique brésilienne, cette entreprise n’est plus une entreprise brésilienne. Ou plutôt, elle a cessé de l’être dans les années 90 sous le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. L’actionnariat de Petrobras se compose à 37% de l’Etat Brésilien, alors que 49% sont entre les mains des Etats-Unis. On peut y voir la marque de la présence discrète mais efficace des US dans les intérêts brésiliens. Petrobras permet aux US de diversifier et développer leur approvisionnement en hydrocarbures. Mais le Brésil conserve de forts intérêts dans cette entreprise phare qui pourrait suivre l’exemple vénézuélien de nationalisation si les US se montraient trop intrusifs. Sur la même logique de stratégie de conquête, les Etats-Unis convoitent les richesses en eau et se positionnent comme acteur incontournable de la région de la « triple frontière ». Les Nord-Américains sont intéressés par le Système aquifère guarani (SAG) : 1 195 700 Km² à 70% sur le territoire brésilien. Le SAG peut alimenter 360 millions de personnes. Selon l’ONU, il pourrait satisfaire 21% de la demande de l’industrie dans ces quatre pays en 2025 (Uruguay, Brésil, Paraguay, Argentine). Dans cette zone évoluent déjà des agents américains, qui coïncident avec une avant-garde technique de l’Organisation des Etats Américains et de la Banque mondiale. Les 28,66 millions de dollars affectés à l’étude minutieuse du SAG confirment l’intérêt économique direct des Etats-Unis et leur objectif de contrôler les ressources hydriques en Amérique du Sud. Les Etats-Unis avaient par ailleurs avancé que les actes terroristes des derniers temps, restés sans explication et sans auteurs directs, ont été préparés dans la région de la Triple Frontière. Le Paraguay a d’ores et déjà accepté l’installation des marines américains. Pendant dix-huit mois ils « surveilleront et 17 http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/LEMOINE/12488 13 P a g e | 14 œuvreront au progrès du pays ». Le gouvernement de Kirchner est en alerte : il y a déjà eu plusieurs tentatives de manœuvres conjointes de défense avec des troupes nord-américaines qui réclamaient l’impunité pour leurs soldats. Le contrôle de l’eau au niveau de la triple frontière est une très bonne illustration des problématiques auxquelles le Brésil doit faire face : volonté d’ingérence américaine, jeu d’influence entre pays d’Amérique du sud et enjeux économiques mondialisés. RAPPORTS DE FORCE ET DIVISION INTERNE ENTRE ETATS-UNIS ET AMÉRIQUE LATINE Les Amériques se divisent de plus en plus clairement. Le 20 avril 2005, le chef d’Etat équatorien, M. Lucio Gutiérrez, s’est enfui du siège de la présidence, grâce à son bureau avec « accès direct à l’hélicoptère ». En cause, une attitude qui ne convient pas à la population nationale et régionale : cet ancien colonel, trahissant tout son monde, à commencer par les ministres issus du mouvement Pachakutik, se rallia aux thèses du Fonds monétaire international (FMI) et se définissait lui-même comme « le meilleur allié de Bush » dans la région. Washington, bien qu’ayant jusqu’à l’ultime instant manifesté un fort soutien à son allié, se résigne à « faire sauter le fusible ». Par la suite sera élu le 26 novembre 2006 Rafael Correa, économiste de gauche et « ami » d’Hugo Chavez, avec 59% des voix au deuxième tour, contre Alvaro Noboa, milliardaire de droite. Certains analystes l’assimilent au courant latino-américain de la gauche nationaliste et populiste personnifiée par le Vénézuélien Hugo Chavez et le Bolivien Evo Morales. Cette identification est mise en avant par certains autres candidats des partis traditionnels dans le but d’inquiéter une partie de l’électorat. Les rapprochements entre Correa et Chavez ne sont évidents ni au niveau de la personnalité, ni au niveau des déclarations. Néanmoins, sa victoire confirme le poids grandissant des partis de gauche en Amérique du Sud. On voit bien là que l’Amérique Latine (225 millions de pauvres - 43,9 % de la population), qui a longtemps été soumise au fondamentalisme libéral, fait comprendre aux gouvernements qu’ils sont assis sur une poudrière. Finit le temps du statu quo « Accepte ta situation. Même en période de crise économique, l’argent ne fait pas le bonheur18», le temps de la résignation semble révolu. Ainsi, pour la première fois depuis les années 60, plusieurs gouvernements de gauche (Argentine, Uruguay, Venezuela, Brésil) entendent infléchir le cours libéral, qui représente pour eux le mépris social, et l’exclusion. Notons toutefois qu’avec Fidel Castro, seul le président vénézuélien Hugo Chavez prône un modèle de développement s’écartant de manière significative du consensus de Washington. La contre offensive américaine Depuis les années 90, Washington tente de parer cette tendance par la formulation d’accords de libre-échange, comme par exemple l’ALENA, ou la bien connue ZLEA. Elles étaient sensées répandre le « virus » de l’ultralibéralisme sur tout le continent. Mais les fortes résistances des mouvements sociaux d’Amérique Latine ont enlisé ce projet, notamment en raison de la résistance du Venezuela. Ils tenteront alors de contourner la difficulté en proposant de signer à la hâte des accords s’adressant à l’Amérique Centrale et la République Dominicaine (Central American Free Trade Agreement – Cafta), l’Equateur, la Colombie, et le Pérou. Comme la ZLEA, ces traités de libre commerce (TLC) concernant tant les aspects strictement économiques que la gestion étatique, la 18 Cromos, Bogotá, 20 décembre 1999 14 P a g e | 15 législation du travail, la propriété intellectuelle, l’environnement, les ressources naturelles et énergétiques, la santé et l’éducation. Quelques négociations auront lieu, mais il n’y a pas pour les « latinos » de véritables amendements. Manque de concession de Washington sur l’essentiel, au bénéfice premier de ses intérêts. On voit ici clairement l’opposition entre l’unilatéralisme conquérant des Etats-Unis, et la réponse actuelle d’ouverture, de multilatéralisme proposée par le Brésil de Lula. Réactions : les Etats-Unis tombent dans le cercle vicieux andin Les populations grondent. En Equateur, Rafael Correa prend les rênes d’un pays fragilisé, et, sous la pression populaire, estime que « les accords commerciaux doivent être respectés, mais les pays ne doivent pas négocier en condition d’esclavage19». Toutes les négociations sur le TLC sont interrompues et les contrats miniers et pétroliers sont réexaminés. De même, en Bolivie, une première « guerre de l’eau » menée contre l’effet des privatisations, puis une « guerre du gaz », explosant pour les mêmes raisons (80 morts, 500 blessés) ont fait fuir l’ultralibéral Sanchez de Lozada20. S’en suit l’arrivée de Carlos Mesa, appuyée par le Mouvement vers le socialisme (M.A.S) de Evo Morales, premier parti d’opposition avec 4 proposition majeures: « referendum du gaz » ; rejet de la ZLEA ; expulsion de la transnationale Aguas de Illimani (Suez-Lyonnaise des eaux) ; vote d’une loi sur les hydrocarbures établissant, entre autres mesures, un impôt de 50% sur leur exploitation par les consortiums transnationaux. Du point de vue du général Bantz Craddock, commandant en chef du Southern Command (commandement sud de l’armée des Etats-Unis, avec pour cible les guérillas colombiennes), « en Bolivie, en Equateur, et au Pérou, la méfiance et le manque de foi dans les institutions stimulent l’émergence de démagogues antiaméricains, antiglobalisation et anti-libre marché21». Il ajoute que l’axe Brésil-Argentine-Uruguay-Venezuela fait capoter toutes les initiatives du département d’Etat pour reprendre la main. Lors de la réunion des ministres de la défense (du 16 au 18 novembre 2004, à Quito), le Venezuela, le Brésil et la Bolivie rejettent, sur le thème de la non-ingérence, la prétention du secrétaire d’Etat à la défense américain Donald Rumsfeld, appuyé par les dirigeants colombien et centraméricains, de mettre en œuvre une nouvelle conception de la « sécurité préventive » et de constituer une force multinationale latino-américaine, sous commandement du Pentagone… Quand la secrétaire d’Etat américaine, Mme Rice, entame, le 26 avril 2005, une tournée dans quatre pays du continent (Chili, Brésil, Colombie, Salvador), elle ne parvient pas, à Brasilia, à obtenir la moindre déclaration critique à l’égard de la révolution bolivarienne et se fait de la même manière poliment éconduire à Santiago. Depuis octobre 2004, l’Organisation des Etats américains (OEA) se trouvait acéphale du fait de la démission de son éphémère secrétaire général (dix-sept jours !), M. Miguel Angel Rodríguez. Exprésident du Costa Rica, celui-ci a été rattrapé par une affaire de corruption et est jugé dans son pays, accusé d’avoir reçu des pots-de-vin (2,4 millions de dollars) de l’entreprise française Alcatel. Trois candidats aspirent alors à le remplacer, dont le candidat de la Maison Blanche, l’ex-président salvadorien Francisco Flores. Lorsqu’il était au pouvoir, ce dernier a envoyé un contingent militaire symbolique en Irak (il y est toujours). En soixante ans d’histoire de l’OEA, jamais un candidat non appuyé par la Maison Blanche n’a gagné. Avant même le premier tour de scrutin du 11 avril, et malgré d’énormes pressions, M. Flores paraît tellement isolé que, pour éviter une humiliation, Washington lui demande de se retirer. 19 Sally Burch, « Ecuador, cambio de rumbo ? », Alai, Quito, 22 avril 2005 “Bolivie”, Le Monde diplomatique, novembre 2003 21 Déclaration devant le congrès des Etats-Unis, le 9 mars 2005 20 15 P a g e | 16 Régimes Politiques en Amérique du Sud Cuba Mexique Guatemala Hondur Salvador as Nicaragua Cost Panama a Rica Venezuela Colombie Equateur Tendance Gauche Tendance Droite Brésil Pérou Bolivie Paraguay Chili Uruguay Argentine A la question « L’Amérique du Sud a-t-elle basculé à gauche ? », Alain Lipietz, Président du Parlement européen pour la Communauté Andine, tente d’apporter des éléments de réponses. Il constate que tous sont, malgré tout, sur une même ligne, que l’on peut qualifier de nationaliste, avec une même préoccupation, la récupération de la maîtrise du sous-sol. Mais il ajoute à cela une distinction entre deux courants. Les pays de la zone andine (en particulier la Bolivie et l’Equateur), où le nationalisme s’inscrit dans un mouvement indigéniste très fort, avec une forte composante écologique liée à la culture indigène et leur rapport avec la nature. Et les autres pays sud-américains, y compris le Venezuela, qui jouent eux, la carte du nationalisme exportateur : on vend du pétrole, du cuivre, du maïs transgénique, etc. On négocie, on joue le rapport de force, notamment dans les grandes enceintes comme l’Organisation mondiale du commerce. La meilleure illustration en est le Brésil de Lula. Les politiques s’inspirent d’un modèle de types années 50, fondées sur les nationalisations et l’industrialisation. Alain Lipietz recommande également de ne pas sous-estimer la popularité de Hugo Chavez, notamment car il gagne toujours les élections, sans fraudes : il n’en a pas besoin. Mais lui comme les autres du même clan souffrent du manque de vision à long terme de leur politique2223. 22 23 Ligne de fracture en Amérique Latine, Le Monde diplomatique, juin 2005 L’Amérique du Sud a-t-elle basculé à gauche ?, La Croix, 21 janvier 2007 16 P a g e | 17 PERSPECTIVES La longue liste des actions entreprises par le gouvernement de Lula sur les 4 dernières années ont pour objectif d’affirmer la présence du Brésil dans le jeu des puissances mondiales. Ces actions convergent toutes vers un message clair : « Le Brésil a les moyens et l’ambition d’être un fort parmi les forts ». Cette affirmation coïncide avec l’arrivée au pouvoir du charismatique président Lula. Partagée par des millions de familles brésiliennes qui ont émigrées vers São Paulo, le poumon industriel et financier du pays, l’origine populaire de « Lula » s’est révélée être une précieuse ressource politique. En effet, le Brésil est une société très inégalitaire où le vote est obligatoire et où les couches à faible revenu représentent l’immense majorité de l’électorat . De ce fait, l’évidente identification individuelle qui en découle explique le fort capital de confiance dont a bénéficié le président brésilien depuis son élection. Il existe une politique duale au sein du Brésil, qui renforce les contradictions internes du pays. Par exemple, la politique sociale de Lula, présentée dès son élection en octobre 2002 sur le thème du « pacte social », semblait annoncer d’importants changements concernant tout autant les bases électorales, que les orientations et les méthodes du gouvernement. Lula promit par exemple de s’attaquer au problème de la sécurité alimentaire avec la mise en place du programme « Faim Zéro »24 (Fome Zero), véritable porte drapeau à destination des médias du projet dit de « révolution sociale ». Il forma un gouvernement d’Union nationale et créa, sur le modèle français, un « Conseil de Développement Economique et Social 25». Par ailleurs, la société civile réfléchit également à un moyen de participer au développement durable du Brésil. Cela se traduit en particulier par le projet BECE (Bourse brésilienne de Commodities Environnementales). Ce projet, sous la direction du professeur d'économie Amyra El Khalili, vise à intégrer dans les échanges de marchandises produites sur des critères de justice sociale et de responsabilité environnementale une taxation. Ces recettes étant ensuite redistribuées aux territoires producteurs pour améliorer leur conditions de vie grâce, entre autres, à des infrastructures sociales26. Toutefois, la politique macro-économique va dans le sens contraire : beaucoup plus conservatrice. Les leaders du PT ont ainsi délaissé, au nom de la « responsabilité fiscale » et du « pragmatisme politique », le référentiel travailliste du parti (notamment une idéologie de refus de l’orientation néolibérale des réformes). En d’autres termes, on aurait d’un côté le désir de changement, et de l’autre un gel voulu de la situation. Seule « innovation économique » marquante, le « boom » de l’économie solidaire27. Elle ne résulte pas d’un projet syndical, politique ou universitaire : il s’agit d’abord d’initiatives dictées par l’urgence de la survie. Mais, à la différence d’autres pays du Sud qui observent également cette tendance, ces initiatives ont trouvé des relais dans la société civile et un écho national, grâce à la capacité d’innovation des mouvements sociaux et culturels brésiliens. En 2006, Lula est réélu pour quatre ans. Après notre étude sur les forces que le Brésil met en avant sur la scène internationale, on peut s’interroger sur un plan macroscopique. Nous avançons ici la thèse d’un Brésil puissant par la maîtrise de son image. Un savant château de cartes qui s’échafaude patiemment au travers d’effets d’annonces diplomatiques, militaires et économiques. Lula, grand communicant a conquis son pays par ses idées et son discours, il veut en faire de même avec le monde. 24 Les détails du programme pilote furent rendus publics le 30 janvier 2003. Le Conseil de Sécurité National de l’Alimentation (CONSEA) en coordonne l’action. 25 Conseil Economique et Social : organe consultatif formé en majorité de représentants de la société civile chargés d’examiner les grands projets de réforme d’un gouvernement. 26 http://www.jornaldomeioambiente.com.br/JMA-BolsaComercio.asp 27 L’économie solidaire s’est d’abord traduite par l’apparition et la multiplication de coopératives, le microcrédit et la microfinance, l’Investissement socialement responsable… 17 P a g e | 18 Se montrer fort pour rassembler autour de lui le plus de pays et être alors une véritable force sur la scène internationale. Pour cela, le Brésil à une idéologie qui vise à séduire les puissances montantes ; une idéologie centrée autour du multilatéralisme. Pourtant un certain nombre de failles dans ce projet sont autant de bombes à retardement que Lula devra gérer pour conduire sa stratégie au succès. Un discours Economique et social contradictoire La contradiction naît entre un discours économique libéral et une politique sociale progressiste : Lula prévoit de poursuivre la politique économique mise en pratique par son prédécesseur28. Cependant, cette politique réduit considérablement les sources de revenus publics pour réaliser la partie sociale du programme, qui prévoyait l’augmentation significative des revenus les plus bas, l’éradication de la faim, la réforme agraire, l’augmentation de la population couverte par la sécurité sociale, et la réforme progressiste de l’impôt. Insécurité Intérieure Lula est à la tête d’un pays où l’insécurité intérieure est grandissante. En effet, le pays est connu pour ses taux de criminalité records : avec plus de 50 000 homicides en moyenne29, dont 36 000 par arme à feu commis chaque année le Brésil se place au troisième rang mondial derrière la Colombie et la Russie. De nombreuses attaques à mains armées, dans la mesure où l’on estime à plus de 17 millions le nombre d'armes à feu circulant dans le pays aujourd’hui. On observe aussi un important trafic de drogue ainsi que des kidnappings fréquents. Une pauvreté croissante, génératrice d’inégalités Le taux de pauvreté, de 37% selon un calcul fondé sur un panier de consommation, est supérieur à celui du Chili (20%) et de l’Argentine (30%, avant la crise de 2002). Environ 15% des Brésiliens vivent dans des conditions d’indigence. L’importance de la population recensée comme pauvre est le reflet d'un problème distributif. « Le Brésil n’est pas un pays sous-développé, c’est une société injuste » disait l’ex-président Cardoso. Différents indicateurs d'inégalité convergent30, depuis des décennies, faisant du Brésil le pays le plus inégalitaire du monde avec l’Afrique du Sud. Il existe trois grandes inégalités au Brésil. Une mauvaise répartition des revenus entre personne, entre régions mais aussi entre générations. La migration des campagnes vers les villes qui a entraîné une hausse du chômage. Enfin, la difficulté d’insertion professionnelle des diplômés. Le Brésil affiche un des taux d’inégalités économiques les plus élevés au monde : les 10 % de Brésiliens les plus riches détiennent quatre fois et demie plus de richesses que les 40 % les plus pauvres. Avec plus de 21 millions d'hectares dédiées au soja et plus de 160 millions de têtes de bétail, l'agriculture et l'élevage brésilien font peser une forte pression sur l'Amazonie. Cette forêt grande de 4,2 millions de km² à déjà perdu près de 20 % de sa surface suite à la déforestation31. Outre la biodiversité unique que représente cette région, elle est aussi considéré comme le poumon de la 28 Politique du gouvernement Fernando Henrique Cardoso, focalisée sur le remboursement de la dette extérieure et l’approfondissement de l’ajustement structurel 29 Selon le journal Le Monde du 22 février 2005 30 La Lettre du CEPII (Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales), « Pauvreté, Inégalités et Politiques Sociales au Brésil » 31 http://www.autresbresils.net/article.php3?id_article=181 18 P a g e | 19 planète et elle joue une action régulatrice importante dans notre climat. Si le Brésil ne mène pas une politique environnementale plus stricte, il risque d'être soumis à la pression internationale et de subir les effet du dérèglement climatique qui lui a déjà amené son premier ouragan en 200432! Par ailleurs, les pesticides fortement employés dans les monocultures empoisonnent les sols et créent des maladies auprès des travailleurs peu protégés33. Pour pérenniser son développement le Brésil devra exploiter avec attention et intelligence les immenses ressources qui lui ont été alloués. Ainsi le Brésil a construit une belle façade montrant son efficacité industrielle, ses vastes réserves agricoles, ses projets technologiques et ses ressources naturelles enfouies sous l’immensité verte de l’Amazonie. Lula réussira la construction de la puissance brésilienne quand il réussira à construire et consolider l’intérieur du pays, grâce aux partenariats et compromis qu’il aura su attirer. Mais le temps est compté : le président Brésilien ne peut pas se représenter à moins de changer la constitution. Alors le Brésil doit se préparer à survivre sans Lula. 32 33 http://www.prevention2000.org/cat_nat/faits_ch/data04.htm http://www.autresbresils.net/article.php3?id_article=326 19 P a g e | 20 Bibliographie Livres – Rapports • “Pour comprendre le Brésil de Lula”(Denis Rolland et Joëlle Chassin) • Ricardo Seintenfus, « Le Sud devient le Nord : fondements stratégiques de l’actuelle diplomatie brésilienne », 2006. • « La fin du statu qui : les nouvelles réalités de l’investissement à l’étranger », Services économiques d’EDC, automne 2006. • RISAL ; « Le Brésil et le difficile chemin vers le multilatéralisme » • Rapport AN n° 3080 par M. JACQUES REMILLER • Catherine Prost, Organisation et rôle géopolitique de l'armée au Brésil, Université Paris VIII Presse • Belfast Telegraph du 26 juillet 2006 “Moratorium on new soya crops offers reprieve for rainforest” • http://www.rfi.fr/actufr/articles/073/article_408 27.asp • http://www.unctad.org/Templates/webflyer.asp? docid=6338&intItemID=3369&lang=1 • http://www.senat.fr/bulletin/20060605/etr.h tml • http://www.latinreporters.com/amlatpol220 92004.html • http://www.enerzine.com/2/756+Le-Bresilva- tripler-sa-production-d-uranium+.html • http://www.infoguerre.com/article.php?sid =933 • http://www.ratical.org/coglobalize/ MBonFTAA.html • « L’hégémonie et le sale jeu de Petrobrás en Amérique latine », • http://www.autresbresils.net/; • « La mauvaise répartition de l’eau au Brésil », http://www.autresbresils.net/; • « Amérique latine 2020: scénarios d'évolution ou d'involution à long terme », http://www.latinreporters.com; • Le Figaro, « En Amérique latine, Chavez fait du bruit mais c'est Lula qui commande » http://www.lefigaro.fr • « Réserves d’eau : les USA cherchent à contrôler la Triple Frontière » http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2750 Institutions • http://www.mercosur.int/msweb/ • Ambassade du Brésil en France, http://www.bresil.org/index.php Dossiers • Us-State department issue on Brazil 2004 et 2005 • ABINAM – Association Brésilienne de l’Industrie de l’Eau Minérale. www.abinam.com.br • PETROBRAS http://www2.petrobras.com.br/ingles/index.asp • http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1456 • http://www.alternativeseconomiques.fr/site/228_004.html • AFDG ; « Naissance d'une Communauté sud-américaine ? » 20