Brésil de Lula - de la contestation à l`action

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Brésil de Lula - de la contestation à l`action
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Le Brésil de Lula : de la contestation à l’action
Sous la direction de M. Christian HARBULOT
Simon Ducasse
Anne Le Garrec
JBO
Alexandre Verno
César Volaire
30.01.07 / Promo X
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1808
15 fois la France, 8,5 millions de Km², 188 millions
d’habitants, 31 millions de jeunes (15-30 ans), une économie
parmi les dix plus puissantes mondiales. Oui mais encore ? Pays
présenté comme acteur incontournable il semble avoir les atouts
pour accéder au rang de puissance. Mais qu’attend-t-il pour
s’affirmer ? Quelles marges de manœuvre possibles à sa montée
en puissance ?
L’histoire du Brésil s’inscrit depuis le début de sa découverte en
1500 par le navigateur portugais Pedro Alvares Cabral, dans un
environnement effervescent. En 1807, Jean VI, alors Roi du
Portugal, et la famille royale s'embarquent pour le Brésil et
s'installent dans la capitale de la vice-royauté, Rio de Janeiro, qui
devient la capitale de l' empire colonial portugais. Ils fuient le
Portugal, à la suite de l’invasion des troupes napoléoniennes.
L’arrivée de l’aristocratie portugaise animera le développement
du Brésil, tant dans ses velléités de construction sociétale que de
conquêtes territoriales. C’est Pierre Ier, resté au Brésil comme
régent, qui proclame l’indépendance du pays le 7 Septembre 1822
à São Paulo ; la monarchie devient constitutionnelle en 1824. En
échange d’une protection, le Brésil entame son premier accord de
« libre-échange » avec l’Angleterre : il entre alors dans le jeu des
relations internationales.
Le drapeau du Brésil a été institué le 19 novembre 1889. Les
principales couleurs y symbolisent les richesses du Brésil : le vert
pour la forêt équatoriale et le jaune (or) pour les ressources du
sous-sol. Le globe central représente le ciel, avec au centre la
Croix du Sud, symbole chrétien et symbole austral. Sur le bandeau
central, est écrit « ORDEM e PROGRESSO » (Ordre et progrès),
une devise de politique pragmatique, tirée du positivisme fondé
par le philosophe français Auguste Comte.
Oui, le Brésil possède de nombreux atouts et outils, mais le mode
d’emploi n’est pas encore tout à fait au point. Ce dernier n’a
jamais réussi au cours de son histoire à imposer son poids sur
l’échiquier mondial.
Aujourd’hui, la croissance économique (+3,1% en 20061) ajoutée
au poids de sa politique étrangère sont des illustrations du désir et
de l’affirmation du Brésil sur la scène internationale.
La naissance de cette puissance se concrétise par l’arrivée au
pouvoir en 2002 de l’emblématique Luiz Inácio Lula da Silva, dit
Lula. Sa réélection, mise en doute par certains observateurs, en
2006 permet aux dirigeants brésiliens de poursuivre les politiques
engagées lors de son premier mandat. La pérennisation de son
potentiel économique, mise à rude épreuve par les différents jeux
d’influence régionaux, ou encore la mainmise américaine,
marquent le contexte dans lequel le Brésil évolue. D’un rapport
du faible au fort, le Brésil veut s’imposer aujourd’hui sur la scène
internationale comme un fort parmi les forts.
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La monarchie portugaise
s’installe au Brésil. Le
Brésil peut commercer
avec tous les pays
7 septembre 1822
Indépendance
Fin de l’autorité
portugaise
1889
Création de la république
brésilienne, basée sur le
modèle américain
1917
Le Brésil s’engage du coté
des alliés et représentera
l’Amérique du sud à
Versailles en 1919
1930
Développement économique,
populisme et montée des
classes moyennes
1964
Instauration de la
dictature militaire
l’appuyée par la CIA
1985
Fin de la dictature militaire
Instauration de la nouvelle
république
26 mars 1991
Création du Mercosur
lancement de la
construction continentale
27 octobre 2002
Arrivée au pouvoir de
Lula
2010
Fin du second mandat de
Lula
source OCDE
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SOCLE DE LA PUISSANCE BRÉSILIENNE
L
’émergence du Brésil au cours des dernières
années tient en premier lieu à un certains
nombre de facteurs. Avant de parler de
contexte politique ou international, il faut tout d’abord se
pencher sur la puissance géographique, démographique et
économique du Brésil.
Le Brésil est avant tout une puissance géographique. C’est le
cinquième pays au rang mondial, tant par sa superficie (plus
de 8,5 millions de km²) que par sa démographie (188
millions d’habitants). Cette situation rend le Brésil
incontournable dès que l’on parle de l’Amérique latine. Ce
pays représente la moitié du continent en termes de
superficie et de population, et possède des frontières avec
tous les pays du continent, exception faite du Chili et de
l’Equateur.
Ressources territoriales
Hydrocarbures
Sa situation géographique lui permet de profiter de nombreuses ressources en matières
premières, et en particulier en ce qui concerne les ressources énergétiques, véritable enjeu de
puissance au niveau international. Le 21 avril 2006, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva
annonce l’autosuffisance du Brésil en pétrole : cette déclaration est intervenue dans le cadre de la mise
en opération de la plateforme pétrolière « offshore » P50, au large de l’Etat de Rio de Janeiro. Le
Brésil extrait plus de 15 Gtep / an, ses réserves se situent à plus de 11,2 Mds de Barils. Par ailleurs,
76% des réserves pétrolières nationales sont en « offshore profond ». La demande quotidienne
nationale s’élève à 1,8 millions de Barils.
L’autosuffisance, atteinte avec une production égale ou supérieure à cette demande, permet de mettre
le pays à l’abri de trop fortes volatilités internationales des prix du pétrole. Elle le protège de plus
contre une baisse d’approvisionnement d’un produit aussi stratégique que le pétrole. Selon Petrobras,
l’autosuffisance du pays en pétrole est assurée pour les 10 prochaines années, grâce aux ressources
naturelles. D’un point de vue international, le gouvernement brésilien est par ailleurs conscient que la
stabilité énergétique améliore l’image du Brésil.
Il y a 30 ans, le pays devait importer la totalité du pétrole nécessaire à sa consommation. Aujourd’hui,
il dégage un excédent d’au moins 3 Mds $ par an grâce aux exportations d’hydrocarbures. Petrobras
prévoit une production de 2,3 millions de barils/jour en 20102. Dorénavant le Brésil peut concurrencer
d’autres états pétroliers latino-américains qui ont une production excédentaire, tels que le Venezuela
ou le Mexique.
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http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/budget.htm (Janvier 2007)
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Nucléaire
L’autosuffisance énergétique passe aussi par la maîtrise de l’énergie nucléaire. Le Brésil
possède une centrale nucléaire avec deux réacteurs (Angra I et Angra II) et des pourparlers sont en
cours pour la construction d’un troisième. Cette énergie ne représente qu’une faible part (4,3%).
Néanmoins le Brésil met l’accent sur ce domaine technologique en développant une technique
originale d’enrichissement de l’uranium, qu’elle a tenue à garder secrète lors du passage des
inspecteurs de l’AIEA (Agence Internationale pour l’Energie Atomique). Le Brésil entre ainsi dans le
petit club des pays dominant cette technologie : les Etats-Unis, la France, la Russie, le Royaume Uni,
le Japon et la Hollande. L’atout du nucléaire est doublement important pour le Brésil puisqu’il est le
6ème exportateur d’uranium mondial alors que seulement 1/3 de son territoire a été sondé. En
enrichissant son uranium en yellow cake, le Brésil peut vendre directement au consommateur tel que
la Chine, le Japon, ou l’Inde.
Ethanol
Par ailleurs le Brésil est aussi le premier producteur mondial d’éthanol (154 millions
d'hectolitres par an) à destination des filières de biocarburant. Cette culture démarre suite aux chocs
pétroliers puis est mise en veille, car peu rentable, avec la baisse des cours du pétrole. Mais avec
l’envolée récente du prix du baril, les biocarburants sont à nouveau rentables pour le consommateur
brésilien.
Ces biocarburants sont d’autant plus appréciés que les constructeurs automobiles proposent désormais
des moteurs dits « flex fuel » qui utilisent indifféremment le diesel ou l’éthanol. Le consommateur
s’adapte donc au marché et n’a plus à choisir l’une ou l’autre des solutions.
Le Brésil a encore une énorme capacité d’augmentation de production de canne à sucre. A la fois
technologiquement en pointe et force de production, le Brésil se positionne, aujourd’hui, comme un
acteur majeur sur ce segment. D’autant qu’en Europe la canne à sucre ne pousse pas alors que la
commission fixe à la part des biocarburants à 5,75% à l’horizon 20103. Le gouvernement inscrit le flex
fuel dans une politique de développement durable. Mais il est à mettre en regard avec les cultures
intensives dopées par les engrais et les pesticides face aux problèmes pollution des sols et de
déforestation qui gangrènent le pays à long terme.
Agriculture
Sa superficie et sa localisation géographique font de l’agriculture brésilienne l’une des plus
puissantes au monde : premier producteur mondiale de sucre de canne, café, fruits tropicaux, premier
cheptel bovin au monde avec 170 millions de têtes, second producteur mondial de soja. La balance
commerciale des exportations agricoles vers les Etats-Unis est de 38 Mds $ en 2005, en comparaison,
la balance commerciale totale du Brésil est de 44 Mds $ sur la même période (US State department
issues background note on Brazil – 01/11/06).
L’agrobusiness du pays est redoutable à l’exportation. L’Union Européenne et les Etats-Unis,
conscients de la puissance de feu par les prix de l’agriculture brésilienne, tentent de limiter son impact
en protégeant leurs marchés et leurs agricultures internes par des droits de douanes élevés. Par
exemple un taux de douanes de 177% pour le bœuf brésilien à l’entrée sur le marché européen. Afin de
conforter son poids sur la scène internationale, le Brésil s’appuie sur les organisations commerciales
internationales pour une plus grande libéralisation des marchés. Au travers du G20, le Brésil lutte pour
l’aboutissement des négociations sur le cycle de Doha. Ces négociations sont le théâtre d’une
confrontation entre les puissances économiques « traditionnelles » (UE, Etats-Unis) et les puissances
émergeantes, Brésil en tête.
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http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/l21061.htm
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Toutefois, d’autres pays émergeants comme la Chine et l’Inde possèdent de réelles perspectives de
croissance. Même si les capacités de production du Brésil sont déjà élevées, ces dernières peuvent
fortement augmenter pour répondre à une demande bien supérieure. Ce développement implique un
recul de la forêt amazonienne et des recours à de nouvelles technologies comme les OGM. Les EtatsUnis et l’Union Européenne tentent de limiter ce développement en influençant la société civile, au
travers d’ONG, comme l’illustre le moratoire récent sur de nouvelles parcelles de soja4. Avec les
alliances stratégiques et économiques qu’il a réussi à tisser au sein du G20, le Brésil peut se prévaloir
de devenir un acteur incontournable de l’échiquier géopolitique dès que les problématiques liées à
l’agriculture seront maîtrisées.
Eau
En plus du pétrole, sa géographie a permis au Brésil de bénéficier de fortes ressources en eau.
Ceci lui a permis de se doter du plus grand parc hydroélectrique mondial qui fournit plus de 80% de
ses besoins en électricité. De plus, le Brésil est aussi le pays le plus riche en eau douce en Amérique
du sud. Dans la région, on observe une forte implantation d’entreprises privées, cherchant à prendre en
charge la gestion, le traitement et la fourniture de l’eau dans un contexte de crise de l’eau douce en
Amérique du sud. On observe une croissance de 116% des concessions d’exploitation de sources
d’eau minérale et au cours de l’été de 2003.
Des partenaires internationaux
Au regard de l’importance de ces ressources au
niveau international, les autres puissances mondiales
s’intéressent également à ce pays. En 2003, un rapport
de la prestigieuse banque d’investissement Goldman
Sachs inclus le Brésil dans les 4 puissances économiques
émergentes qui vont dépasser les puissances établies.
Brésil, Russie, Chine et Inde aspirent toujours plus de
capitaux étrangers pour financer leur développement, de
10 Mds $ en 1996, jusqu’à 18 Mds en 2004.
Les synergies entre ces quatre pays sont fortes. Le Brésil
et la Russie sont riches en matières premières alors que
l’Inde et la Chine sont très demandeuse. La Chine a d’ailleurs signé en 2004 plusieurs contrats
d’investissement avec le Brésil, entre autres dans l’extraction de fer, et a entreprit une coopération
dans le secteur spatial.
Par ailleurs l’Union Européenne voit dans l’Amérique latine un partenaire de choix et organise dès
1999 un sommet UE – Amérique Latine. Suivi par 3 autres sommets en 2002, 2004 et 2006
respectivement à Madrid, Guadalajara et Vienne. Ces sommets visent à établir un dialogue et à
engager une coopération économique et culturelle forte. La proximité du modèle politique du
Mercosur avec l’UE est un point important, mais la domination Brésilienne et Argentine dans cette
entité ne motive pas les autres pays à la rejoindre. Le Brésil voit en l’Europe un formidable marché
pour son énorme production agricole, mais les subventions européennes ainsi que les droits de
douanes empêchent sa compétitivité de s’exprimer pleinement. Indépendamment des réussites
politiques, les grands groupes européens n’ont pas attendu pour partir à l’assaut de ce continent.
L’Europe est déjà le premier investisseur étranger au Brésil avec près de 50% en 2000.
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www.greenpeace.org/belgium/fr/press/releases/greenpeace-salue-le-moratoire
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Enfin la récente flambée des prix des matières premières permet au Brésil de réaliser un important
excédent commercial. Il a doublé son exportation entre 1999 et 2004 tandis que l’importation
n’augmentait que de 20%. Cette manne financière permet au Brésil de rembourser ses nombreuses
dettes. En décembre 2005, c’est le FMI qui récupère ses fonds (15 Mds $) et le Président Lula annonce
pour janvier 2006 le remboursement du club de Paris ainsi que des Nations Unies. Ainsi libéré de la
pression de ses créanciers, le Brésil économise près de 100 millions de $, lui permettant de financer
ces prétentions de développement de sa défense nationale.
La force militaire brésilienne
La dictature militaire
À partir de 1964, le pays a connu une violente dictature militaire, comme les autres pays
d'Amérique latine aux alentours des années 1960, 1970. Ce régime autoritaire a été mis en place,
directement ou indirectement, par les États-Unis, par le biais des agissements de la CIA, afin
d'empêcher la diffusion d'idées communistes en Amérique latine, perspective qui effrayait le bloc
occidental depuis la révolution cubaine et la prise de pouvoir de Fidel Castro. Ainsi, dès les années
1970, le gouvernement brésilien a participé à l'opération Condor, vaste plan de coordination entre les
dictatures militaires latino-américaines afin de lutter contre les opposants aux régimes, dans tout le
continent. Cette opération, en partie à l'initiative de la CIA, a été à l'origine d'un nombre de morts
incalculables. On dénombre, au Brésil, un grand nombre de groupes armés révolutionnaires qui, dès
1964, ont organisés la résistance contre le pouvoir militaire. La plupart d'entre eux ont pris forme dans
les milieux étudiants. Parmi eux on peut citer le MR-8, plutôt basé sur Rio de Janeiro, ou l'ALN
(Action de libération nationale), basé sur Sao Paulo. La dictature n'a pris fin qu'en 1984.
Evolution du budget
Près de 20 ans après la fin de la dictature militaire, les militaires brésiliens ont continuellement
perdu du terrain dans les arènes du pouvoir. Le budget militaire sont passé de 20% du budget fédéral
en 1970 à 1.3% en 1993, ce qui se traduit par une chute de 1,5% du PIB à 0,3%5. Néanmoins ces
chiffres sont à prendre avec précaution dans la mesure où des fonds complémentaires provenant
d’autres sources sont alloués à certains projets particuliers. De même les forts taux inflationnistes et
l’instabilité économique qui ont secoué à plusieurs reprises le pays compliquent les comparatifs.
Cette faiblesse budgétaire est à replacer dans son contexte géopolitique. En effet, la taille et le poids
économique du Brésil en font en 1993, le 19ème pays sur 166 en terme de dépense militaire et
représente $9.2 Mds en 2004 soit plus que l’ensemble des pays d’Amérique Latine6. De même la
stabilisation des pays voisins et surtout plusieurs de ses partenariats avec l’Argentine ont pour l’instant
éloigné les menaces physiques pesant sur le Brésil. Enfin, avec l’embellie des résultats économiques et
la stabilisation de l’inflation, le budget retrouve une marge de manœuvre sur le plan international.
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6
http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/budget.htm (Janvier 2007)
http://www.armscontrolcenter.org/archives/001221.php (Février 2005)
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Programmes militaires majeurs
Chaque corps d’arme maintient un programme de recherche majeur permettant de justifier les
budgets militaires auprès des instances gouvernementales. Pour l’armée de Terre, c’est le projet Calha
Norte qui depuis 1985 déploie des troupes sur la gigantesque frontière amazonienne. Ceci afin de
limiter les trafics (en particulier de drogue), développer économiquement ces régions grâce à des
infrastructures sociales et économiques et à protéger les ressources naturelles tout en affirmant la
délimitation du pays. L’armée de l’Air poursuit un programme de développement de chasseur
subsonique AMX. Il s’agit d’un partenariat entre les italiens Aermacchi et Alenia et le brésilien
Embraer. Une première version de ces avions de défense aérienne est déjà en service. Enfin la Marine
soutient son programme de développement d’un sous-marin à propulsion nucléaire. Ce programme
s’insère dans un projet plus vaste de maîtrise de production d’énergie nucléaire poursuivi depuis plus
de 50 ans7 par le Brésil qui dispose par ailleurs de vastes ressources en uranium.
Partenariat industriel
L’industrie militaire brésilienne a connu un très net ralentissement dès 1999 après une grande
période d’exportation et ce n’est qu’avec la récente amélioration économique que les exportations
reprennent. La baisse conjointe de l’exportation et des commandes nationales a amené ces entreprises
à se restructurer en profondeur, à augmenter leur taille et leur activité civile. Aujourd’hui 4 entreprises
majeures8 portent le secteur. Avibras et Embraer dans le domaine aérien, Engesa pour l’infanterie
mobile et Imbel pour le matériel militaire. Grâce à des accords de transfert technologique (avec des
Italiens, Français, Allemand et Américain), le Brésil a réussi à acheter et maîtriser dans certains
domaines les technologies de génération précédente. Le Brésil montre clairement par le choix de ses
partenaires une émancipation des Etats-Unis qui ne sont pas pour autant exclus. Le Brésil confirme
ainsi son choix de multiplier ses sources, réduisant par la même sa dépendance. Néanmoins l’armée
pèche par son manque de moyens l’empêchant de maintenir ses équipements en ordre de marche et
leur disponibilité en est de fait fortement affectée.
Cette étude montre que l’armée brésilienne semble sortir de sa traversée du désert grâce à l’embellie
économique. Certains coups d’éclat comme le commandement de soldats onusiens à Haïti9 ou encore
l’achat du porte-avion français Foch10 maintiennent l’aura de la plus grande armée sud-américaine
mais ils ne doivent pas masquer de nombreuses séquelles qui pourraient fragiliser un déploiement
effectif sur la scène internationale11.
7
http://www.globalsecurity.org/wmd/world/brazil/nuke.htm (Janvier 2007)
http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/industry.htm (Janvier 2007)
9
http://www.iht.com/articles/ap/2007/01/12/news/CB-GEN-Haiti-UN-Commander.php (Janvier 2007)
10
http://www.globalsecurity.org/military/world/brazil/sao-paulo.htm (Janvier 2007)
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Catherine Prost, Organisation et rôle géopolitique de l'armée au Brésil, Université Paris VIII
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INFLUENCE DIPLOMATIQUE DU BRESIL
Le poids de la construction communautaire
Pour comprendre la politique actuelle du Brésil, revenons sur celui qui en est à sa tête. Sous ce
surnom hypocoristique, Luiz Ignacio « Lula » da Silva est parti du plus bas de l’échelle sociale pour
devenir président de son pays. Issu d’une famille pauvre de l’état du Pernambouc, dès l’âge de 12 ans,
il quitte l’école pour aider sa mère qui se retrouve seule pour élever 8 enfants en faisant des petits
boulots. S’ensuivent une succession d’emplois comme ouvrier où il réussit à obtenir une équivalence
du baccalauréat. C’est en tant qu’ouvrier métallurgiste qu’il voit les évolutions de son pays et adhère à
des mouvements syndicaux. Ses talents naturels de tribun et de négociateur l’amène à monter
rapidement en responsabilité. C’est dans ces circonstances qu’il est amené à voyager aux Etats-Unis
dans le cadre de mouvement anti-communiste financés par les unions syndicales américaines. Dans les
années 80, il se lance dans la politique en créant le Parti des Travailleurs. Enfin en 2002, il accède à la
présidence après plusieurs échecs aux précédentes élections.
La manifestation d’un président d’origine ouvrière, qui a su transmettre au monde sa sensibilité
sociale, avec des formules chocs, un franc parler simple, a permis de hisser le Brésil dans le débat
mondialisé. L’empathie suscitée par Lula l’a conduit au rang des personnalités marquantes de
l’actualité mondiale et ne saurait être remplacée facilement.
Lula entend changer la géopolitique du Brésil. Cela commence assez fort, avec Cancùn en 2003, et sa
présentation à l’OMC de l’association du G20. Lula a effectivement contribué à établir son nouveau
rapport de force entre les pays du Nord et ceux du Sud. Mais peut-on parler de victoire ? Victoire
politique peut-être... Mais où sont les bénéfices pour le commerce brésilien ? Selon Bruno Ayllon12
« Le fait de prendre la tête, avec une posture assez rigide, d'une coalition hétérogène comme le G20 a
peut-être été bon pour le prestige politique du Brésil à court terme chez les pays émergents et pauvres,
mais elle n'a probablement pas été positive pour les intérêts du pays à long terme ».
Issue d’une gauche très « antigringos », Lula ne veut pas pour autant faire d’idéologie avec les
relations politiques et commerciales du Brésil. Au contraire de son homologue vénézuélien Chàvez.
Malgré le soutient à l’élection du 18 septembre 2005, du leader syndicaliste bolivien Evo Morales à la
présidence, ce dernier va basculer vers Chàvez. Le Venezuela annonce peu de temps après la
nationalisation de son secteur du gaz naturel et Morales en rajoute en augmentant le prix de vente de
son gaz. Ce qui a pour cause d’entraîner un affaiblissement du secteur gazier brésilien,
particulièrement pour Petrobras. Dans cette affaire, Lula n’a pas joué un rôle précis ; la participation
américaine à hauteur de 49% dans le capital de Petrobras, pourrait être une des raisons de cette
inaction.
Le frein argentin et l’ambiguïté du MERCOSUR
Dans le cadre du Mercosur, pilier de la politique régionale de Lula, le Brésil signe avec
l’Argentine le 1er février 2006 un accord pour protéger ses secteurs de production qui pourraient être
trop durement affectés par la compétition du pays voisin, l’objectif étant de renforcer les barrières à
l’entrée : il s’agit du Mécanisme d’Adaptation Compétitive (MAC). Le MAC permet de protéger les
secteurs de production menacés en fixant des droits de douane sur le produit « trop compétitif » du
12
Bruno Ayllón, docteur en relations internationales à l'université Complutense de Madrid
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pays voisin pour trois ans, renouvelable une fois. La Déclaration de Cuzco13 prévoit son intégration
progressive dans la Communauté sud-américaine des nations (CSAN).
La constitution du Mercosur a entraîné un développement des échanges entre les différents Etats
membres mais plus particulièrement entre les deux poids lourds que sont le Brésil et l’Argentine.
Répondant au nouveau contexte international de régionalisation et de globalisation cette construction
réunificatrice dans le processus d’intégration latino – américain se traduit par un régionalisme ouvert,
soit une libéralisation commerciale et une réinsertion compétitive dans le marché mondial. Il subsiste
cependant encore des entraves au commerce intra – zone avec un degré de protectionnisme interne très
significatif tant en ce qui concerne les Etats membres que les pays tiers.
La dette et le leadership régional sont les deux questions centrales dans les courts – circuits entre le
Brésil et l’Argentine.
Si l’union douanière du Mercosur a eu un impact important sur l’évolution du volume des échanges
intra – Mercosur, ses effets se sont aussi exercés sur la structure de ses échanges, notamment en ce qui
concerne le Brésil dans le cadre de ses relations avec l’Argentine. En son sein, la position du Brésil est
confortée par la forte dépendance économique des autres Etats membres, ce qui accroît son poids dans
la prise de décision régionale.
Mais le Mercosur reste de nature à engendrer des effets statiques, à priori importants, en raison de
l’histoire très imprégnée de protectionnisme des pays en cause. Les intérêts gravitant autour de la
stabilité financière du Brésil présentent des aspects stratégiques, tant du point de vue extérieur
qu’intérieur. Ainsi, d’après les informations délivrées et ce que nous observons, d’éventuelles
turbulences sur sa dette détruiraient le leadership sud-américain naissant du Brésil, ce qui dessinerait
pour la région entière un horizon d’incertitude et d’incapacité chronique de gouverner.
Diplomatie régionale : le paradoxe brésilien
L’action diplomatique du Brésil se concrétise par plusieurs volontés. Tout d’abord celle de
renforcer le Mercosur : "La priorité de la politique extérieure brésilienne sera l'Amérique du Sud... J'ai
proposé aux présidents de la région d'établir un parlement du Mercosur qui sera élu directement par les
électeurs de nos pays"14 . Le pays compte en effet rebondir sur l’intégration régionale pour se projeter
à l’échelle internationale et défendre les intérêts brésiliens face aux Etats-Unis et à l’Union
Européenne. Les ambitions brésiliennes sont fermes dans la mesure où le pays a pour projet d’être le
moteur de l’intégration et le leader de l’Amérique du Sud. Le gouvernement est convaincu que pour
rivaliser avec les capitales occidentales, et prétendre à un siège permanent au Conseil de sécurité, il
doit devenir le porte-parole de l'Amérique du Sud. Lula, dont le discours est explicitement
expansionniste, affirme régulièrement que le Brésil ne peut plus continuer à dépendre de quelques
pays, expliquant qu’ « il y a d'autres espaces vierges que nous avons besoin de conquérir, en
Amérique du Sud, au Mexique, en Inde, en Chine, en Afrique ». Cette politique paye : depuis le début
de l'année 2006, les exportations du Brésil ont atteint 135 Mds $, avec un excédent commercial de
46 Mds.
La volonté du Brésil de s’imposer au sein du continent est cependant paradoxale. Le pays recherche
une reconnaissance internationale et une acceptation par ses pairs régionaux. Cette volonté s’est
13
Le 8 décembre 2004 : l'ensemble des 12 pays d'Amérique du Sud signent cette déclaration visant à créer la
Communauté sud-américaine de nations (CSAN ou CSN)
9 Bruno Ayllón, docteur en relations internationales à l'université Complutense de Madrid
14
Déclaration de Luiz Inacio Lula da Silva, dans un numéro de la revue "Foreign Affairs en español", 2003
9
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illustrée par exemple dans son intervention pour régler des crises régionales, en Colombie, au
Venezuela, en Bolivie et à Haïti. Depuis Juin 2004, le commandement de la Mission des NationsUnies pour la stabilisation en Haïti est assuré par le Brésil, mandaté par le Conseil de Sécurité. Le
contingent brésilien local est formé de 1200 hommes. Itamaraty, le ministère des Affaires étrangères,
participe aussi à l’élaboration de cette politique étrangère depuis longtemps pour affirmer le Brésil
comme un grand pays sur l'échiquier international. Lula a rapidement su utiliser son charisme et son
image d'homme d'Etat pour donner une impulsion à cette politique. Le chef de la diplomatie
brésilienne, Celso Amorim, joue également un rôle majeur dans l'élaboration de cette stratégie.
Le président brésilien Lula s’est dit convaincu, à de multiples reprises, que le Mercosur allait signer un
accord commercial avec l’Union Européenne. Il souligne par ailleurs que son pays en aurait besoin
autant que l’UE. Cette déclaration laisse présager la stratégie de puissance du Brésil pour les années à
venir : faire du Brésil, leader des pays en développement, un partenaire commercial des pays
développés, servant de ce fait d’exemple à ses voisins régionaux.
Mise en scène du désir de réunification
L’intégration latino-américaine a toutefois été la priorité du mandat, avec la réaffirmation de
l’axe Brésil-Argentine, le pays le plus visité par Lula, ou tourné autrement, celui dans lequel on l’a le
plus vu… Elu membre temporaire du Conseil de Sécurité de l'ONU il y a deux ans, Brasilia a invité un
fonctionnaire argentin à faire partie de son équipe à New York. On voit enfin émerger une conception
sud-américaine de la défense.
Depuis plusieurs années, le Brésil exprime clairement sa volonté de voir émerger, sous son impulsion,
une Amérique du Sud stable et constituant un contrepoids aux Etats-Unis. Parallèlement, le pays veut
s’affirmer comme une grande puissance émergente, capable de peser dans les affaires du monde. C’est
ainsi que le Président Lula a placé la politique étrangère au cœur de son projet : le Brésil doit être une
« nation mieux respectée, capable de défendre ses intérêts internationalement ». Lula cherche
aujourd’hui clairement à accroitre l’influence de son pays dans le concert universel des nations.
Les enjeux de l’ONU et les implications en termes de développement et d’actions diplomatiques
Une grande partie de l’activité diplomatique brésilienne et des voyages présidentiels à
l’étranger est consacrée à gagner des soutiens dans sa candidature à un siège au conseil de sécurité de
l’ONU. Résultat pour le moment stérile, sachant que cette campagne de propagande indispose d’autres
grands pays comme l’Argentine et le Mexique, peu disposés à voir le Brésil les représenter.
M. Amorim, ministre brésilien des Affaires Etrangères, dénonce la composition de l’ONU,
pratiquement inchangée depuis sa création en 1945, et qui, selon lui, est dépassée dans le monde
actuel.
D’où la réplique sud américaine avec le projet du G4, qui vise à faire passer le Conseil de sécurité de
15 à 25 membres, avec six nouveaux sièges permanents et quatre non permanents. L'élargissement du
Conseil de sécurité est souhaité par de nombreux pays et par l’ancien secrétaire général, Kofi Annan,
pour lui permettre de mieux refléter les réalités du monde d'aujourd'hui et donner une présence accrue
au Tiers-monde.
De nombreux problèmes subsistent au sein de l’entente du G4, venant en particulier de certains pays
africains (Afrique du Sud, Nigéria et Egypte). Mais même s'il "y a de la résistance" face à cette
réforme, le ministre Amorim s'est montré confiant sur sa possible approbation, car "nous n'avons
10
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jamais eu une conjonction de facteurs si bons". Comme pour le soutenir dans sa démarche optimiste, le
Premier ministre britannique Tony Blair a exprimé récemment son "fort soutien" à ce que le Brésil
obtienne un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l'Onu.
Afin de renforcer cette « bonne conjoncture », le Brésil a annoncé son soutien mutuel avec
l’Allemagne pour obtenir le statut de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Alliance qui comme on s’en doute, est plus que tactique.
L’émergence d’une nouvelle conception des relations internationales, ou la schizophrénie politique
du Brésil
Le Brésil devient de plus en plus actif dans les affaires du monde, et a la volonté de les
orienter selon ses valeurs et ses intérêts. Sa position naît principalement de l’insatisfaction à l’égard du
modèle international actuel. La création d’un bloc de pression pour l’obtention de siège au Conseil de
Sécurité de l’ONU, le G4, la CSAN… autant d’instruments de politique internationale que Lula
souhaite influencer, orienter, le tout dans un souci de mise en scène bien étudié.
Il réagit sur deux niveaux :
• la réforme du système capable de lui fournit les nouveaux instruments d’action et d’influence,
• des opérations à l’intérieur du système en exploitant les occasions qui se présentent.
Il s’agit donc de jouer sur plusieurs plans : une meilleure utilisation des mécanismes de défense
commerciale15, et une offensive à conquérir les nouveaux marchés.
Lula milite pour le changement sur les questions proprement politiques, et
en même temps adopte une attitude classique, non-contestataire, sur les
relations économiques internationales. Cette « stratégie commerciale »,
qui s’efforce de dessiner une autre carte du monde, s’appuie sur la
création d’un front commun des pays émergeants face aux propositions
des Etats-Unis et de l’UE. Les exportations brésiliennes vers les pays émergeants ont
considérablement augmenté, laissant de côté leurs principaux partenaires, les Etats-Unis et l’UE.
L’effort soutenu dans les relations bilatérales et multilatérales à tous niveaux y est pour beaucoup.
Cela découle d’une volonté politique de regarder vers le Sud, pour la première fois de son histoire. Le
Brésil fait ici figure de metteur en scène.
En conservant des liens étroits avec les Etats développés, il participe à l’essor des Etats du Sud,
autrefois délaissés par la politique externe du Brésil. En atteste l’opération IBAS, ou encore le sommet
Amérique du Sud / Pays Arabe :
L’opération IBAS : Inde, Brésil, Afrique du Sud. Cet instrument de coopération Sud/Sud, créé au
lendemain de l’investiture de Lula, est bienvenu d’autant que l’Inde et l’Afrique du Sud ont été
négligées par le Brésil depuis plus d’un demi-siècle. Proposant un rapprochement des états
semblables, sans arrières pensées, on voit là une rupture avec les soi-disant « aide au développement »
défendue par les pays développés.
Sommet Amérique du Sud - Pays arabes, en mai 2005. Un appel entendu puisque 34 pays y ont pris
part. Ce forum a permis d’éclaircir les potentialités d’échanges et la complémentarité entre les deux
régions. Le Brésil s’est d’ailleurs prononcé pour un retrait des troupes israéliennes des territoires
15
Au sein de l’OMC
11
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conquis en 1967, tout en condamnant le terrorisme. Il s’engage dans la réforme des institutions
internationales, notamment en Irak. L’expression « démocratie » est souvent abordée. Les Etats-Unis y
sont condamnés pour leur prise de sanction à l’encontre du régime Syrien, car le communiqué prône le
pluralisme et la liberté pour l’organisation sociale et politique des Etats. Une partie de la presse
brésilienne s’est alors emparée du sujet et a accusé le « gouvernement Lula » de prendre une position
contraire à son grand voisin du Nord dans les affaires proches-orientales.
CSAN : outil d’influence ou simple volonté d’affirmation ?
La Communauté Sud Américaine des Nations est le fruit de la fusion du Mercosur avec la
Communauté andine (Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie) et de l'intégration du Chili, de
la Guyane et du Suriname. Le 17 décembre 2004, trois nouveaux membres sont associés : l’Équateur,
la Colombie et le Venezuela. La CSAN représente 360 millions de personnes sur 17 millions de km²
(environ 45% du continent américain). Ce territoire est riche en pétrole, gaz, ressources minières, en
eau et en forêt (8 millions de Km²). Le projet de la CSAN n’a pas que des visées commerciales : « le
processus d'intégration ne doit pas se limiter à des accords commerciaux. Il doit y avoir une
intégration politique et physique, avec la volonté d'entraîner une intégration macroéconomique »16.
C’est l'Union européenne qui a été prise comme modèle et trois axes ont été définis pour guider la
réalisation de la CSAN :
- la coordination des politiques communes en matière de négociations multilatérales
- l'intégration des infrastructures physiques
- la convergence entre CSAN et Mercosur
Ce projet de CSAN entre dans la stratégie de regroupement des pays en développement autour du
leader brésilien, notamment grâce à leur proximité géographique (à l'exception de l'Équateur et du
Chili). La CSAN est une tentative brésilienne très nette d'arracher la zone pacifico-caribéenne à la
sphère d'influence des Etats-Unis. Dans cette dynamique, le président Lula a joué un grand rôle. Peu
après son élection en 2002, il déclarait : « Un Mercosur cohérent et élargi devrait avoir une politique
extérieure commune qui nous permette de mener un dialogue avec l'Union Européenne et avec les
États-Unis, surtout dans le cadre du processus pour la formation de la ZLEA. » Avec cette déclaration,
Lula se place en porte-parole des pays d’Amérique du Sud.
L’influence américaine en perte de vitesse
Cet état de fait doit aujourd’hui être nuancé. Les fortes différences économiques, culturelles,
politiques et idéologiques, alliées à la conception unilatéral du gouvernement américain, donnent
naissance à un antiaméricanisme fort.
Les États-Unis ont enclenché le dernier avatar de leur prérogative interventionniste dans leur « arrièrecour » latino-américaine : la défense, froide et planifiée, de leur hégémonie économique. Il n’est pas
surprenant de constater que c’est en Amérique latine que se développent les plus forts pôles de
résistance à la mondialisation, s’appuyant sur une très virulente contestation de la ZLEA. Et l’échec
est cuisant pour les Etats-Unis, qui n’arrivent pas, malgré les interventions et déplacements de Bush, à
faire avancer le débat sur la ZLEA. Les USA ne semblent pas vouloir laisser de côté leur approche
hégémonique de la situation. Il semble que pour une fois, les stratégies d’influence et de manipulation
des USA soient bloquées par un refus quasi-unanime de leur projet. En faisant l’autopsie de cet échec,
on réalise qu’il ne s’agit que du début d’une longue série.
Brésil et Etats-Unis se sont entendus sur une formule allégée de la ZLEA, en permettant aux
Américains de signer des accords bilatéraux de libre-échange avec des pays de la région. Cependant,
selon l’ancien président brésilien Fernando Henrique Cardoso, cette alternative a isolé le Brésil. Une
16
Déclaration de Ricardo Lagos, chef d'État chilien
12
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sourde rivalité règne entre Etats-Unis et Brésil. Sur la question des matières premières par exemple, la
position de l’administration de G. Bush est claire, et s’affirme dans sa domination unilatérale. En
Equateur, on assiste à un bras de fer entre les intérêts de Washington et ceux du Brésil qui, en quelque
sorte, résume le jeu d’échecs politique pour l’hégémonie régionale. S’y affrontaient en 2005 les
intérêts d’une part de la compagnie pétrolière américaine Occidental Oil and Gas Corporation (OXY),
et de Petrobras d’autre part. Depuis, Le candidat de gauche, ami de Hugo Chavez et anti-américain,
Rafael Correa a été élu Président de l’Equateur, le 27 novembre 2006.
Le Brésil va consolider son rôle régional et réduire son interaction avec les Etats-Unis. A la différence
de son homologue Vénézuélien Hugo Chavez, Lula ne s’oppose pas à la mise en place de la ZLEA,
mais craint "la disparité entre l'économie des Etats-Unis et celles du reste de l'hémisphère". Les
interactions du Brésil avec les Etats-Unis dépendent de conditions internes et du niveau d'implication
que les Etats-Unis décideront d'avoir dans la région. En effet, l'option éventuelle de Washington sera
d'approfondir ses liens avec le Mexique et l'Amérique Centrale et d'admettre le rôle croissant dans
l'hémisphère Sud du Brésil et/ou du Mercosur. Les Etats-Unis développeront alors une politique de
"selected partners" avec les autres Etats, comme par exemple avec le Chili17.
Dans la guerre économique que se livre les Etats-Unis avec le reste du monde, on notera la prise de
participation dans l’entreprise brésilienne Petrobras. Jusqu’à l’annonce de Lula, la compagnie
nationale Petrobras était la seule engagée dans la prospection pétrolière dans le pays. Ses découvertes
ont attiré les groupes étrangers, tels que Shell, Repsol, ainsi que les américains Chevron, Devon et El
Paso. Cette présence étrangère s’impose aussi par l’importance des investissements.
Véritable outils de la stratégie de puissance brésilienne, la compagnie Petrobras a misé sur
l’exploitation du pétrole en eaux profondes. Selon JP Morgan, elle est une des entreprises les plus
rentable du monde et la troisième plus grande entreprise industrielle d’Amérique Latine. Ses
investissements en Amérique du Sud sont impressionnants : l’entreprise investit en Bolivie
(exploitation de Gaz), en Argentine (rachat de Perez Companc pour 1,27 milliards de dollars en 2002
et activités de prospection), en Uruguay (acquisitions de stations services, projets d’infrastructures).
Même si Petrobras est présentée comme le fer de lance de l’industrie énergétique brésilienne, cette
entreprise n’est plus une entreprise brésilienne. Ou plutôt, elle a cessé de l’être dans les années 90 sous
le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. L’actionnariat de Petrobras se compose à 37% de
l’Etat Brésilien, alors que 49% sont entre les mains des Etats-Unis. On peut y voir la marque de la
présence discrète mais efficace des US dans les intérêts brésiliens. Petrobras permet aux US de
diversifier et développer leur approvisionnement en hydrocarbures. Mais le Brésil conserve de forts
intérêts dans cette entreprise phare qui pourrait suivre l’exemple vénézuélien de nationalisation si les
US se montraient trop intrusifs.
Sur la même logique de stratégie de conquête, les Etats-Unis convoitent les richesses en eau et se
positionnent comme acteur incontournable de la région de la « triple frontière ». Les Nord-Américains
sont intéressés par le Système aquifère guarani (SAG) : 1 195 700 Km² à 70% sur le territoire
brésilien. Le SAG peut alimenter 360 millions de personnes. Selon l’ONU, il pourrait satisfaire 21%
de la demande de l’industrie dans ces quatre pays en 2025 (Uruguay, Brésil, Paraguay, Argentine).
Dans cette zone évoluent déjà des agents américains, qui coïncident avec une avant-garde technique de
l’Organisation des Etats Américains et de la Banque mondiale. Les 28,66 millions de dollars affectés à
l’étude minutieuse du SAG confirment l’intérêt économique direct des Etats-Unis et leur objectif de
contrôler les ressources hydriques en Amérique du Sud.
Les Etats-Unis avaient par ailleurs avancé que les actes terroristes des derniers temps, restés sans
explication et sans auteurs directs, ont été préparés dans la région de la Triple Frontière. Le Paraguay a
d’ores et déjà accepté l’installation des marines américains. Pendant dix-huit mois ils « surveilleront et
17
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/LEMOINE/12488
13
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œuvreront au progrès du pays ». Le gouvernement de Kirchner est en alerte : il y a déjà eu plusieurs
tentatives de manœuvres conjointes de défense avec des troupes nord-américaines qui réclamaient
l’impunité pour leurs soldats. Le contrôle de l’eau au niveau de la triple frontière est une très bonne
illustration des problématiques auxquelles le Brésil doit faire face : volonté d’ingérence américaine,
jeu d’influence entre pays d’Amérique du sud et enjeux économiques mondialisés.
RAPPORTS DE FORCE ET DIVISION INTERNE ENTRE
ETATS-UNIS ET AMÉRIQUE LATINE
Les Amériques se divisent de plus en plus clairement. Le 20 avril 2005, le chef d’Etat
équatorien, M. Lucio Gutiérrez, s’est enfui du siège de la présidence, grâce à son bureau avec « accès
direct à l’hélicoptère ». En cause, une attitude qui ne convient pas à la population nationale et
régionale : cet ancien colonel, trahissant tout son monde, à commencer par les ministres issus du
mouvement Pachakutik, se rallia aux thèses du Fonds monétaire international (FMI) et se définissait
lui-même comme « le meilleur allié de Bush » dans la région. Washington, bien qu’ayant jusqu’à
l’ultime instant manifesté un fort soutien à son allié, se résigne à « faire sauter le fusible ». Par la suite
sera élu le 26 novembre 2006 Rafael Correa, économiste de gauche et « ami » d’Hugo Chavez, avec
59% des voix au deuxième tour, contre Alvaro Noboa, milliardaire de droite. Certains analystes
l’assimilent au courant latino-américain de la gauche nationaliste et populiste personnifiée par le
Vénézuélien Hugo Chavez et le Bolivien Evo Morales. Cette identification est mise en avant par
certains autres candidats des partis traditionnels dans le but d’inquiéter une partie de l’électorat. Les
rapprochements entre Correa et Chavez ne sont évidents ni au niveau de la personnalité, ni au niveau
des déclarations. Néanmoins, sa victoire confirme le poids grandissant des partis de gauche en
Amérique du Sud.
On voit bien là que l’Amérique Latine (225 millions de pauvres - 43,9 % de la population), qui a
longtemps été soumise au fondamentalisme libéral, fait comprendre aux gouvernements qu’ils sont
assis sur une poudrière. Finit le temps du statu quo « Accepte ta situation. Même en période de crise
économique, l’argent ne fait pas le bonheur18», le temps de la résignation semble révolu.
Ainsi, pour la première fois depuis les années 60, plusieurs gouvernements de gauche (Argentine,
Uruguay, Venezuela, Brésil) entendent infléchir le cours libéral, qui représente pour eux le mépris
social, et l’exclusion. Notons toutefois qu’avec Fidel Castro, seul le président vénézuélien Hugo
Chavez prône un modèle de développement s’écartant de manière significative du consensus de
Washington.
La contre offensive américaine
Depuis les années 90, Washington tente de parer cette tendance par la formulation d’accords
de libre-échange, comme par exemple l’ALENA, ou la bien connue ZLEA. Elles étaient sensées
répandre le « virus » de l’ultralibéralisme sur tout le continent. Mais les fortes résistances des
mouvements sociaux d’Amérique Latine ont enlisé ce projet, notamment en raison de la résistance du
Venezuela. Ils tenteront alors de contourner la difficulté en proposant de signer à la hâte des accords
s’adressant à l’Amérique Centrale et la République Dominicaine (Central American Free Trade
Agreement – Cafta), l’Equateur, la Colombie, et le Pérou. Comme la ZLEA, ces traités de libre
commerce (TLC) concernant tant les aspects strictement économiques que la gestion étatique, la
18
Cromos, Bogotá, 20 décembre 1999
14
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législation du travail, la propriété intellectuelle, l’environnement, les ressources naturelles et
énergétiques, la santé et l’éducation. Quelques négociations auront lieu, mais il n’y a pas pour les
« latinos » de véritables amendements. Manque de concession de Washington sur l’essentiel, au
bénéfice premier de ses intérêts. On voit ici clairement l’opposition entre l’unilatéralisme conquérant
des Etats-Unis, et la réponse actuelle d’ouverture, de multilatéralisme proposée par le Brésil de Lula.
Réactions : les Etats-Unis tombent dans le cercle vicieux andin
Les populations grondent. En Equateur, Rafael Correa prend les rênes d’un pays fragilisé, et,
sous la pression populaire, estime que « les accords commerciaux doivent être respectés, mais les pays
ne doivent pas négocier en condition d’esclavage19». Toutes les négociations sur le TLC sont
interrompues et les contrats miniers et pétroliers sont réexaminés. De même, en Bolivie, une première
« guerre de l’eau » menée contre l’effet des privatisations, puis une « guerre du gaz », explosant pour
les mêmes raisons (80 morts, 500 blessés) ont fait fuir l’ultralibéral Sanchez de Lozada20. S’en suit
l’arrivée de Carlos Mesa, appuyée par le Mouvement vers le socialisme (M.A.S) de Evo Morales,
premier parti d’opposition avec 4 proposition majeures: « referendum du gaz » ; rejet de la ZLEA ;
expulsion de la transnationale Aguas de Illimani (Suez-Lyonnaise des eaux) ; vote d’une loi sur les
hydrocarbures établissant, entre autres mesures, un impôt de 50% sur leur exploitation par les
consortiums transnationaux.
Du point de vue du général Bantz Craddock, commandant en chef du Southern Command
(commandement sud de l’armée des Etats-Unis, avec pour cible les guérillas colombiennes), « en
Bolivie, en Equateur, et au Pérou, la méfiance et le manque de foi dans les institutions stimulent
l’émergence de démagogues antiaméricains, antiglobalisation et anti-libre marché21». Il ajoute que
l’axe Brésil-Argentine-Uruguay-Venezuela fait capoter toutes les initiatives du département d’Etat
pour reprendre la main.
Lors de la réunion des ministres de la défense (du 16 au 18 novembre 2004, à Quito), le Venezuela, le
Brésil et la Bolivie rejettent, sur le thème de la non-ingérence, la prétention du secrétaire d’Etat à la
défense américain Donald Rumsfeld, appuyé par les dirigeants colombien et centraméricains, de
mettre en œuvre une nouvelle conception de la « sécurité préventive » et de constituer une force
multinationale latino-américaine, sous commandement du Pentagone…
Quand la secrétaire d’Etat américaine, Mme Rice, entame, le 26 avril 2005, une tournée dans quatre
pays du continent (Chili, Brésil, Colombie, Salvador), elle ne parvient pas, à Brasilia, à obtenir la
moindre déclaration critique à l’égard de la révolution bolivarienne et se fait de la même manière
poliment éconduire à Santiago.
Depuis octobre 2004, l’Organisation des Etats américains (OEA) se trouvait acéphale du fait de la
démission de son éphémère secrétaire général (dix-sept jours !), M. Miguel Angel Rodríguez. Exprésident du Costa Rica, celui-ci a été rattrapé par une affaire de corruption et est jugé dans son pays,
accusé d’avoir reçu des pots-de-vin (2,4 millions de dollars) de l’entreprise française Alcatel. Trois
candidats aspirent alors à le remplacer, dont le candidat de la Maison Blanche, l’ex-président
salvadorien Francisco Flores. Lorsqu’il était au pouvoir, ce dernier a envoyé un contingent militaire
symbolique en Irak (il y est toujours).
En soixante ans d’histoire de l’OEA, jamais un candidat non appuyé par la Maison Blanche n’a gagné.
Avant même le premier tour de scrutin du 11 avril, et malgré d’énormes pressions, M. Flores paraît
tellement isolé que, pour éviter une humiliation, Washington lui demande de se retirer.
19
Sally Burch, « Ecuador, cambio de rumbo ? », Alai, Quito, 22 avril 2005
“Bolivie”, Le Monde diplomatique, novembre 2003
21
Déclaration devant le congrès des Etats-Unis, le 9 mars 2005
20
15
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Régimes Politiques
en Amérique du Sud
Cuba
Mexique
Guatemala
Hondur
Salvador as Nicaragua
Cost Panama
a
Rica
Venezuela
Colombie
Equateur
Tendance Gauche
Tendance Droite
Brésil
Pérou
Bolivie
Paraguay
Chili
Uruguay
Argentine
A la question « L’Amérique du Sud a-t-elle basculé à gauche ? », Alain Lipietz, Président du
Parlement européen pour la Communauté Andine, tente d’apporter des éléments de réponses. Il
constate que tous sont, malgré tout, sur une même ligne, que l’on peut qualifier de nationaliste, avec
une même préoccupation, la récupération de la maîtrise du sous-sol. Mais il ajoute à cela une
distinction entre deux courants.
Les pays de la zone andine (en particulier la Bolivie et l’Equateur), où le nationalisme s’inscrit dans un
mouvement indigéniste très fort, avec une forte composante écologique liée à la culture indigène et
leur rapport avec la nature.
Et les autres pays sud-américains, y compris le Venezuela, qui jouent eux, la carte du nationalisme
exportateur : on vend du pétrole, du cuivre, du maïs transgénique, etc. On négocie, on joue le rapport
de force, notamment dans les grandes enceintes comme l’Organisation mondiale du commerce. La
meilleure illustration en est le Brésil de Lula. Les politiques s’inspirent d’un modèle de types années
50, fondées sur les nationalisations et l’industrialisation. Alain Lipietz recommande également de ne
pas sous-estimer la popularité de Hugo Chavez, notamment car il gagne toujours les élections, sans
fraudes : il n’en a pas besoin.
Mais lui comme les autres du même clan souffrent du manque de vision à long terme de leur
politique2223.
22
23
Ligne de fracture en Amérique Latine, Le Monde diplomatique, juin 2005
L’Amérique du Sud a-t-elle basculé à gauche ?, La Croix, 21 janvier 2007
16
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PERSPECTIVES
La longue liste des actions entreprises par le gouvernement de Lula sur les 4 dernières années
ont pour objectif d’affirmer la présence du Brésil dans le jeu des puissances mondiales. Ces actions
convergent toutes vers un message clair : « Le Brésil a les moyens et l’ambition d’être un fort parmi
les forts ». Cette affirmation coïncide avec l’arrivée au pouvoir du charismatique président Lula.
Partagée par des millions de familles brésiliennes qui ont émigrées vers São Paulo, le poumon
industriel et financier du pays, l’origine populaire de « Lula » s’est révélée être une précieuse
ressource politique. En effet, le Brésil est une société très inégalitaire où le vote est obligatoire et où
les couches à faible revenu représentent l’immense majorité de l’électorat . De ce fait, l’évidente
identification individuelle qui en découle explique le fort capital de confiance dont a bénéficié le
président brésilien depuis son élection.
Il existe une politique duale au sein du Brésil, qui renforce les contradictions internes du pays. Par
exemple, la politique sociale de Lula, présentée dès son élection en octobre 2002 sur le thème du
« pacte social », semblait annoncer d’importants changements concernant tout autant les bases
électorales, que les orientations et les méthodes du gouvernement. Lula promit par exemple de
s’attaquer au problème de la sécurité alimentaire avec la mise en place du programme « Faim Zéro »24
(Fome Zero), véritable porte drapeau à destination des médias du projet dit de « révolution sociale ». Il
forma un gouvernement d’Union nationale et créa, sur le modèle français, un « Conseil de
Développement Economique et Social 25».
Par ailleurs, la société civile réfléchit également à un moyen de participer au développement durable
du Brésil. Cela se traduit en particulier par le projet BECE (Bourse brésilienne de Commodities
Environnementales). Ce projet, sous la direction du professeur d'économie Amyra El Khalili, vise à
intégrer dans les échanges de marchandises produites sur des critères de justice sociale et de
responsabilité environnementale une taxation. Ces recettes étant ensuite redistribuées aux territoires
producteurs pour améliorer leur conditions de vie grâce, entre autres, à des infrastructures sociales26.
Toutefois, la politique macro-économique va dans le sens contraire : beaucoup plus conservatrice. Les
leaders du PT ont ainsi délaissé, au nom de la « responsabilité fiscale » et du « pragmatisme
politique », le référentiel travailliste du parti (notamment une idéologie de refus de l’orientation
néolibérale des réformes). En d’autres termes, on aurait d’un côté le désir de changement, et de l’autre
un gel voulu de la situation. Seule « innovation économique » marquante, le « boom » de l’économie
solidaire27. Elle ne résulte pas d’un projet syndical, politique ou universitaire : il s’agit d’abord
d’initiatives dictées par l’urgence de la survie. Mais, à la différence d’autres pays du Sud qui observent
également cette tendance, ces initiatives ont trouvé des relais dans la société civile et un écho national,
grâce à la capacité d’innovation des mouvements sociaux et culturels brésiliens.
En 2006, Lula est réélu pour quatre ans. Après notre étude sur les forces que le Brésil met en avant sur
la scène internationale, on peut s’interroger sur un plan macroscopique. Nous avançons ici la thèse
d’un Brésil puissant par la maîtrise de son image. Un savant château de cartes qui s’échafaude
patiemment au travers d’effets d’annonces diplomatiques, militaires et économiques. Lula, grand
communicant a conquis son pays par ses idées et son discours, il veut en faire de même avec le monde.
24
Les détails du programme pilote furent rendus publics le 30 janvier 2003. Le Conseil de Sécurité National de
l’Alimentation (CONSEA) en coordonne l’action.
25
Conseil Economique et Social : organe consultatif formé en majorité de représentants de la société civile
chargés d’examiner les grands projets de réforme d’un gouvernement.
26
http://www.jornaldomeioambiente.com.br/JMA-BolsaComercio.asp
27
L’économie solidaire s’est d’abord traduite par l’apparition et la multiplication de coopératives, le microcrédit
et la microfinance, l’Investissement socialement responsable…
17
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Se montrer fort pour rassembler autour de lui le plus de pays et être alors une véritable force sur la
scène internationale. Pour cela, le Brésil à une idéologie qui vise à séduire les puissances montantes ;
une idéologie centrée autour du multilatéralisme. Pourtant un certain nombre de failles dans ce projet
sont autant de bombes à retardement que Lula devra gérer pour conduire sa stratégie au succès.
Un discours Economique et social contradictoire
La contradiction naît entre un discours économique libéral et une politique sociale
progressiste : Lula prévoit de poursuivre la politique économique mise en pratique par son
prédécesseur28. Cependant, cette politique réduit considérablement les sources de revenus publics pour
réaliser la partie sociale du programme, qui prévoyait l’augmentation significative des revenus les plus
bas, l’éradication de la faim, la réforme agraire, l’augmentation de la population couverte par la
sécurité sociale, et la réforme progressiste de l’impôt.
Insécurité Intérieure
Lula est à la tête d’un pays où l’insécurité intérieure est grandissante. En effet, le pays est
connu pour ses taux de criminalité records : avec plus de 50 000 homicides en moyenne29, dont 36 000
par arme à feu commis chaque année le Brésil se place au troisième rang mondial derrière la Colombie
et la Russie. De nombreuses attaques à mains armées, dans la mesure où l’on estime à plus de 17
millions le nombre d'armes à feu circulant dans le pays aujourd’hui. On observe aussi un important
trafic de drogue ainsi que des kidnappings fréquents.
Une pauvreté croissante, génératrice d’inégalités
Le taux de pauvreté, de 37% selon un calcul fondé sur un panier de consommation, est
supérieur à celui du Chili (20%) et de l’Argentine (30%, avant la crise de 2002). Environ 15% des
Brésiliens vivent dans des conditions d’indigence. L’importance de la population recensée comme
pauvre est le reflet d'un problème distributif. « Le Brésil n’est pas un pays sous-développé, c’est une
société injuste » disait l’ex-président Cardoso. Différents indicateurs d'inégalité convergent30, depuis
des décennies, faisant du Brésil le pays le plus inégalitaire du monde avec l’Afrique du Sud.
Il existe trois grandes inégalités au Brésil. Une mauvaise répartition des revenus entre personne, entre
régions mais aussi entre générations. La migration des campagnes vers les villes qui a entraîné une
hausse du chômage. Enfin, la difficulté d’insertion professionnelle des diplômés. Le Brésil affiche un
des taux d’inégalités économiques les plus élevés au monde : les 10 % de Brésiliens les plus riches
détiennent quatre fois et demie plus de richesses que les 40 % les plus pauvres.
Avec plus de 21 millions d'hectares dédiées au soja et plus de 160 millions de têtes de bétail,
l'agriculture et l'élevage brésilien font peser une forte pression sur l'Amazonie. Cette forêt grande de
4,2 millions de km² à déjà perdu près de 20 % de sa surface suite à la déforestation31. Outre la
biodiversité unique que représente cette région, elle est aussi considéré comme le poumon de la
28
Politique du gouvernement Fernando Henrique Cardoso, focalisée sur le remboursement de la dette extérieure
et l’approfondissement de l’ajustement structurel
29
Selon le journal Le Monde du 22 février 2005
30
La Lettre du CEPII (Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales), « Pauvreté, Inégalités et
Politiques Sociales au Brésil »
31
http://www.autresbresils.net/article.php3?id_article=181
18
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planète et elle joue une action régulatrice importante dans notre climat. Si le Brésil ne mène pas une
politique environnementale plus stricte, il risque d'être soumis à la pression internationale et de subir
les effet du dérèglement climatique qui lui a déjà amené son premier ouragan en 200432! Par ailleurs,
les pesticides fortement employés dans les monocultures empoisonnent les sols et créent des maladies
auprès des travailleurs peu protégés33. Pour pérenniser son développement le Brésil devra exploiter
avec attention et intelligence les immenses ressources qui lui ont été alloués.
Ainsi le Brésil a construit une belle façade montrant son efficacité industrielle, ses vastes réserves
agricoles, ses projets technologiques et ses ressources naturelles enfouies sous l’immensité verte de
l’Amazonie. Lula réussira la construction de la puissance brésilienne quand il réussira à construire et
consolider l’intérieur du pays, grâce aux partenariats et compromis qu’il aura su attirer. Mais le temps
est compté : le président Brésilien ne peut pas se représenter à moins de changer la constitution. Alors
le Brésil doit se préparer à survivre sans Lula.
32
33
http://www.prevention2000.org/cat_nat/faits_ch/data04.htm
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Bibliographie
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• RISAL ; « Le Brésil et le difficile chemin vers le multilatéralisme »
• Rapport AN n° 3080 par M. JACQUES REMILLER
• Catherine Prost, Organisation et rôle géopolitique de l'armée au Brésil, Université Paris VIII
Presse
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• http://www.unctad.org/Templates/webflyer.asp? docid=6338&intItemID=3369&lang=1
• http://www.senat.fr/bulletin/20060605/etr.h tml
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http://www.lefigaro.fr
• « Réserves d’eau : les USA cherchent à contrôler la Triple Frontière »
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Institutions
• http://www.mercosur.int/msweb/
• Ambassade du Brésil en France,
http://www.bresil.org/index.php
Dossiers
• Us-State department issue on Brazil 2004 et 2005
• ABINAM – Association Brésilienne de l’Industrie de l’Eau Minérale. www.abinam.com.br
• PETROBRAS http://www2.petrobras.com.br/ingles/index.asp
• http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1456
• http://www.alternativeseconomiques.fr/site/228_004.html
• AFDG ; « Naissance d'une Communauté sud-américaine ? »
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