Contrat de concession de travaux

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Contrat de concession de travaux
Contrat de concession de travaux
Concession autoroutière ‐ Avenant à la concession ‐ Tarif de péage ‐ Durée de la concession  Section des travaux publics ‐ Avis n° 385.183 ‐ 21 juin 2011 Le Conseil d’État (section des travaux publics), saisi par la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement des questions suivantes : 1° Est‐il possible, compte tenu des caractéristiques techniques et économiques du projet de liaison entre l’autoroute A 40, concédée à la société Autoroutes et Tunnel du Mont‐Blanc (ATMB), et le Carrefour des Chasseurs ou Machilly dans le Chablais, de confier à la société ATMB la réalisation et l’exploitation de cette infrastructure, par voie d’avenant à la concession autoroutière qui lie cette société à l’État ? Dans quelle mesure le statut des sections de cette infrastructure routière est‐il compatible avec l’opération envisagée ? 2° Est‐il possible, compte tenu des caractéristiques techniques et économiques du projet de raccordement entre les autoroutes A 57 et A 50, concédées à la société Estérel Côte d’Azur (ESCOTA), cette liaison traversant la ville de Toulon et devant comprendre le creusement d’un tunnel et un élargissement d’une section existante à deux fois trois voies, de confier à la société ESCOTA la réalisation et l’exploitation de cette infrastructure, par voie d’avenant à la concession autoroutière qui lie cette société à l’État ? 3° De telles opérations relèvent‐elles du régime de la loi du 29 janvier 1993 ou des dispositions ayant transposé la directive du 31 mars 2004 ? 4° En cas de réponse positive aux deux premières questions, le financement des raccordements en cause peut‐il être assuré par un allongement de la durée de la concession sans augmentation des tarifs des péages existants ou par une hausse des tarifs à la charge des usagers du réseau initial, ce financement pouvant être complété, dans le cas de la liaison entre l’autoroute A 40 et Machilly, par la mise à péage d’une partie de l’itinéraire ? Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés de travaux, de fournitures et de services ; Vu le code de la voirie routière ; Vu la loi n° 93‐122 du 29 janvier 1993 modifiée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ; Vu l’ordonnance n° 2005‐649 du 6 juin 2005 modifiée relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ; Vu l’ordonnance n° 2009‐864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics ; Vu le décret n° 2010‐406 du 26 avril 2010 relatif aux contrats de concession de travaux publics et portant diverses dispositions en matière de commande publique ; Vu le décret n° 95‐81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers ; Vu l’avis du Conseil d’État n° 362908 du 16 septembre 1999 ; Vu l’avis du Conseil d’État n° 371234 du 19 avril 2005 ; Vu l’avis du Conseil d’État n° 373918 du 23 janvier 2007 ; Vu l’avis du Conseil d’État n° 383668 du 16 mars 2010 ; Est d’avis de répondre aux questions posées dans le sens des observations ci‐après, sous réserve de l’appréciation des juridictions compétentes : Sur la réglementation applicable A) Les règles de passation d’un avenant En premier lieu, le régime de passation des contrats de concession dépend de la qualification qui leur est donnée en fonction de leur objet. Aux termes de l’article 3 de l’ordonnance susvisée du 15 juillet 2009 et de l’article 3 du décret susvisé du 26 avril 2010, pris pour la transposition de la directive 2004/18/CE susvisée : « Lorsqu’un contrat de concession porte à la fois sur des services et des travaux, il est soumis au présent titre si son objet principal est de réaliser des travaux ». Il résulte de ces dispositions que lorsqu’un contrat de concession autoroutière, qui porte à la fois sur la construction des ouvrages autoroutiers et sur l’exécution de la mission de service public de la circulation sur ces ouvrages, a pour objet principal la réalisation des travaux, il doit être qualifié de concession de travaux publics pour la détermination de son régime de passation. Ainsi, pour la passation de contrats de concessions autoroutières présentant le caractère de concessions de travaux publics de l’État, les règles applicables sont désormais celles définies au titre Ier du décret du 26 avril 2010, sans qu’il y ait lieu, dans un tel cas, de faire application des articles 38 et 40 de la loi susvisée n° 93‐122 du 29 janvier 1993 qui concernent les délégations de service public. L’article 5 du décret du 26 avril 2010 prescrit : « En vue d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics, les contrats de concession de travaux publics mentionnés au chapitre 1er respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ». A cet effet, l’État est tenu, en vertu de l’article 10 du même décret, de procéder, préalablement à la passation des concessions de travaux publics dont le montant est égal ou supérieur à un seuil qu’il détermine, à la publication d’un avis d’appel à la concurrence conforme à la réglementation de l’Union européenne. Toutefois l’article 13 du même décret, qui transpose l’article 61 de la directive 2004/18/CE, dispense des formalités d’appel à la concurrence « la passation d’un contrat portant sur des travaux complémentaires devenus, en raison d'une circonstance imprévue, nécessaires à la réalisation de l'opération décrite dans le contrat initial, à la condition que l'attribution soit faite à l'opérateur économique qui a réalisé cette opération et que : 1° Soit ces travaux complémentaires ne puissent, sans inconvénient majeur pour le pouvoir adjudicateur, être techniquement ou économiquement séparés du contrat principal ; 2° Soit ces travaux, bien que séparables de l'exécution du contrat initial, soient strictement nécessaires à son parfait achèvement. Le montant cumulé de ces contrats complémentaires ne doit pas dépasser 50 % de la part du contrat principal portant sur des travaux. » En second lieu, dans le cas particulier de concessions d’autoroutes à péage, l’article L. 122‐4 du code de la voirie routière qui prévoit que « Des ouvrages ou des aménagements non prévus au cahier des charges de la délégation peuvent être intégrés à l'assiette de celle‐ci, sous condition stricte de leur nécessité ou de leur utilité, ainsi que de leur caractère accessoire par rapport à l'ouvrage principal. » doit également recevoir application. B) Les modalités de financement Le même article L. 122‐4 du code de la voirie routière prévoit en cas d’intégration de nouveaux ouvrages dans la concession qu’il n’est procédé à un allongement de la durée de la concession que lorsque leur financement ne peut être couvert par l’augmentation raisonnable des tarifs de péage. Il précise que l’allongement de cette durée ainsi que l’augmentation des tarifs doivent être strictement limités à ce qui est nécessaire. Les péages demandés aux usagers sont perçus en vue de couvrir les charges du service qui leur est rendu. Toutefois, lorsqu’une concession comprend plusieurs sections autoroutières ou développe son infrastructure, il peut être institué des péages qui ne sont pas exactement proportionnels aux coûts de construction et d’exploitation des ouvrages correspondant au trajet effectué par chaque usager mais qui contribuent aussi, pour une part, à l’équilibre de l’exploitation des sections ou extensions constituant un même itinéraire. En revanche, le principe de proportionnalité de la redevance au service rendu ne permet pas de percevoir un péage aux seules fins de financer la construction et l’exploitation d’un tronçon autoroutier distinct de l’itinéraire emprunté par l’usager. Sur la liaison entre l’autoroute A 40 et le Carrefour des Chasseurs près d’Annemasse A) Après l’abandon du projet de construction d’une autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon‐les‐Bains dans le département de la Haute‐Savoie, un décret du 17 juillet 2006 a déclaré d’utilité publique les travaux d’une voie classée route expresse entre le Carrefour des Chasseurs à proximité d’Annemasse et le contournement de Thonon‐les‐Bains, destinée à assurer le désenclavement du Chablais. Pour réaliser le raccordement de cette voie à l’autoroute A 40, le Gouvernement envisage de créer une liaison autoroutière sur 8 km entre l’A 40 et le Carrefour des Chasseurs et d’en confier la construction et l’exploitation à la société Autoroutes et Tunnel du Mont‐Blanc (ATMB), par avenant au contrat de concession dont elle est titulaire. Si la croissance économique et démographique du Chablais conduit à une augmentation des trafics routiers dans cette région excédant très sensiblement les prévisions retenues en 1995 lors du projet de l’A 400 et rend d’autant plus nécessaire l’achèvement du désenclavement du Chablais, ces circonstances ne sont pas de nature par elles‐mêmes à justifier le rattachement à la concession existante de l’A 40 (Mâcon – Saint‐Gervais) des travaux de construction de la section autoroutière envisagée dans le prolongement de la route expresse à deux fois deux voies prévue entre Annemasse et le contournement de Thonon‐les‐Bains, en l’absence de démonstration de l’indivisibilité technique et économique entre ce nouvel ouvrage et l’A 40 faisant l’objet du contrat initial de concession ou de la contribution de cet ouvrage au parfait achèvement de l’A 40. En revanche, la nécessité de ces travaux pour le bénéfice de l’A 40 peut être admise si et dans la mesure où, comme le soutient l’administration, l’A 40 assure également la fonction d’une autoroute périurbaine pour l’agglomération formée par les villes de Genève et d’Annemasse et que la réalisation de la liaison en cause constituera l’achèvement du contournement de cette agglomération, contribuant à améliorer sur l’A 40 la circulation quotidienne des travailleurs transfrontaliers de l’agglomération et à remédier aux phénomènes de saturation que connaît cette autoroute dans ce secteur. B) Le dossier mentionne un coût de 80 M € pour la construction de la nouvelle liaison autoroutière mais ne fournit aucune indication ni sur le montant du contrat initial ni sur le montant des six avenants intervenus depuis lors. En l’état, la section n’est pas en mesure de vérifier le respect de la condition financière énoncée au dernier alinéa de l’article 13 du décret du 26 avril 2010. C) Le financement de la construction et de l’exploitation de la liaison autoroutière entre l’A 40 et le Carrefour des Chasseurs, si son rattachement à la concession de l’A 40 pouvait être réalisé par voie d’avenant, devrait être assuré, à titre prioritaire, par l’institution d’un péage sur cette nouvelle section, comme l’envisage le Gouvernement, qui serait complétée par une augmentation raisonnable des péages sur l’autoroute A 40 concédée à la société ATMB, à l’exclusion des autres autoroutes concédées et de la partie du tunnel du Mont‐Blanc qui constituent des tronçons distincts. Si le montant de ces recettes tarifaires était insuffisant pour couvrir les coûts de l’extension d’infrastructure, il pourrait être recouru à un allongement de la durée de la concession. Cet allongement de la durée du contrat et de la durée correspondante de perception des péages devrait être calculé pour couvrir ces coûts dans la stricte mesure du nécessaire, sous peine de contrevenir au régime des aides d’État de l’Union européenne. Sur la liaison entre l’A 40 et Machilly Le Gouvernement envisage également d’étendre cette liaison autoroutière jusqu’à Machilly situé quinze km plus au Nord du Carrefour des Chasseurs tout en l’intégrant dans l’assiette de la concession de l’A 40. Le dossier en l’état ne comporte pas d’éléments en rapport avec les besoins de l’exploitation de l’A 40 de nature à justifier le rattachement de cette extension à la concession de l’A 40. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu pour le Conseil d’État de se prononcer sur la question seconde relative à la compatibilité entre cette opération et le statut actuel de la voie. Sur la liaison entre les autoroutes A 50 et A 57 dans la ville de Toulon A) L’autoroute A 50 entre Marseille et Toulon et l’autoroute A 57 entre Toulon (La Farlède) et Le Luc, qui font partie respectivement depuis 1973 et 1989 de la concession attribuée à la société ESCOTA, pénètrent chacune dans le centre de la ville de Toulon. Toutefois leurs sections urbaines sur des longueurs respectives de 1, 5 km et de 7, 3 km sont hors du périmètre de la concession. L’État a décidé en 1987 d’améliorer la traversée du centre‐ville de Toulon en construisant un tunnel composé de deux tubes reliés aux deux sections urbaines non concédées. Le tube Nord ouvert à la circulation d’Est en Ouest est déjà en service. Le tube Sud destiné à la circulation d’Ouest en Est est en cours de construction. Pour des motifs de sécurité et d’écoulement du trafic, une partie de la section urbaine de l’A 57 doit encore faire l’objet de travaux d’élargissement pour la porter à deux fois trois voies. Les aléas techniques survenus au cours du chantier du tube Sud ont provoqué des surcoûts importants représentant 67 % du coût initialement prévu. Cela conduit l’État à remettre en cause la répartition historique entre les ouvrages hors concession et les sections concédées. Bien que les sections urbaines de l’A 50 et de l’A 57 et le tube Nord du tunnel soient déjà mis en exploitation par les services de l’État, ces ouvrages ne présentent pas d’autonomie fonctionnelle par rapport aux autoroutes dont ils sont le prolongement. Après l’achèvement du tube Sud et l’élargissement de la section urbaine de l’A 57, tous ces ouvrages assureront pour la traversée de la ville de Toulon une continuité du trafic autoroutier dans les deux sens de circulation. Ils présentent ainsi un caractère inséparable techniquement et économiquement des ouvrages concédés. Le transfert par voie d’avenant à la concession détenue par la société ESCOTA de l’exploitation des ouvrages existants et des travaux de construction restant à réaliser paraît donc en l’état du dossier ne pas contrevenir aux dispositions applicables, sous réserve que la condition financière énoncée au dernier alinéa de l’article 13 du décret du 26 avril 2010 soit respectée, ce que la section n’est pas non plus en mesure de vérifier en l’état du dossier. B) Le financement des coûts de construction et d’exploitation des ouvrages restant à réaliser et de l’exploitation des ouvrages qui seraient transférés par voie d’avenant à la concession détenue par la société ESCOTA, devrait être assuré, à titre prioritaire, par une augmentation raisonnable des péages perçus sur les autoroutes A 50 et A 57, à l’exclusion des autres autoroutes concédées à la société ESCOTA qui ne constituent pas le même itinéraire. L’établissement d’une traversée continue de l’agglomération de Toulon constituant un changement dans les conditions d’exploitation, il y aurait lieu de réexaminer la question de maintenir libres de tout péage les ouvrages de jonction établis dans la ville de Toulon. Comme il a été dit précédemment, ce n’est que si le montant de ces recettes tarifaires était insuffisant pour couvrir les coûts de l’extension d’infrastructure, qu’il pourrait être recouru à un allongement de la durée de la concession, qui devrait être calculé pour couvrir ces coûts dans la stricte mesure du nécessaire, sous peine de contrevenir au régime des aides d’État de l’Union européenne.