La réglementation des subventions à l`OMC favorise-t-elle

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La réglementation des subventions à l`OMC favorise-t-elle
La réglementation des subventions à l’OMC favorise-t-elle une concurrence
loyale à l’exportation ?
Serge Pannatier
Dr en droit, avocat
Baker & McKenzie, Genève
Accord sur les subventions et les mesures compensatoires
Double fonction :
soumet le recours à des subventions à des disciplines
Réglemente les mesures que les pays affectés peuvent prendre
pour compenser les effets de subventions.
Champ d’application : produits agricoles et industriels sauf dans les cas où la
subvention est conforme à l’Accord sur l’Agriculture
ne s’applique qu’aux subventions dites « spécifiques » c’est-àdire réservées à une entreprise, à une branche de production, à
un groupe d’entreprises, ou à un groupe de branches de
production dans le pays qui accorde la subvention.
Catégories :
Subventions prohibées
Subventions pouvant donner lieu à une action
Subventions ne donnant pas lieu à une action
Subventions prohibées : contributions assorties de l’obligation pour les bénéficiaires
d’atteindre certains objectifs en matière d’exportation ou
d’utiliser des produits nationaux à la place de produits
importés. Elles sont interdites car leur objet-même consiste
à fausser le commerce international.
Subventions pouvant faire l’objet d’une action : subvention dont il a été démontré
qu’elle exerce un effet défavorable sur les intérêts du
plaignant.
Enquête :
Un droit compensateur ne pourra être imposé qu’une fois
que le pays importateur a effectué une enquête détaillée
dont l’objet est triple :
Déterminer l’existence de la subvention (contribution
financière octroyée par des pouvoirs publics ou un
organisme public du ressort territorial d’un Membre qui
confère un avantage à son bénéficiaire).
Déterminer l’existence d’un dommage
Etablir un lien de causalité entre la subvention et le
dommage
Procédure lourde soumise à des règles détaillées.
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Accord sur l’Agriculture
Objectif :
réduire le soutien interne et l’assujettir à des disciplines précises.
Faute de quoi, dans la course aux subventions, les pays en
développement ne pourraient pas suivre le rythme et verraient leur
propre production menacée par des importations maintenues à des prix
artificiellement bas.
Types de soutien :
mesures dont les effets de distorsion sur les échanges sont nuls
ou minimes (mesures appartenant à la boîte verte)
Conditions : programmes de services publics
Mesures non liées à la production
Pas d’engagement de réduction. Mesures peuvent dont être
maintenues.
Mesures de soutien qui exercent des effets sur les échanges
(achats de produits à un prix garanti)
Conditions : toutes les mesures qui n’entrent pas dans la boîte
verte
Exemptions : mesures entrant dans la boîte bleue
Mesures de soutien interne si la valeur globale du
soutien par produit n’excède pas 5% (10% pour les PED) de la
valeur totale de la production du produit agricole concerné
(clause de minimis)
Mesures devant faire l’objet d’engagement de réduction.
Engagement de réduction : exprimé au moyen de la « Mesure globale de soutien
(MGS)
Subventions à l’exportation : Subventions subordonnées aux résultats à l’exportation,
y compris les subventions à l’exportation énumérées à
l’article 9 al. 1 de l’Accord.
Subventions directes à l’exportation subordonnées aux
résultats d’exportation
Ventes de stocks de produits agricoles constitués à des
fins non commerciales à un prix inférieur au prix de ces
produits sur le marché intérieur
Subventions versées aux producteurs en vertu de
programmes publics nécessitant l’imposition d’un
prélèvement sur toute la production qui sert ensuite à
subventionner l’exportation d’une certaine partie de
cette production
Mesures de réduction des coûts des opérations de
commercialisation des exportations
Subventions au transport intérieur qui ne s’appliquent
qu’aux exportations
Ces formes de subvention sont sujettes à réduction.
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Subventions à l’exportation autorisées :
a) Subventions à l’exportation faisant l’objet
d’engagements de réduction par produit dans les limites
spécifiées dans la liste du membre concerné
b)Partie des dépenses budgétaires au titre des
subventions à l’exportation ou du volume des
exportations subventionnées excédant les limites
spécifiées dans la liste qui est visée par la disposition
concernant la flexibilité en aval de l’article 9 al. 2 de
l’Accord sur l’Agriculture
c) Subventions à l’exportation compatibles avec la
clause du traitement spécial et différencié pour les pays
en développement (art. 9 al. 4 de l’Accord)
d) Subventions à l’exportation autres que celles qui font
l’objet d’engagements de réduction, à conditions
qu’elles soient conformes aux disciplines anticontournement énoncées à l’art. 10 de l’Accord sur
l’Agriculture.
Clause de paix :
Régit l’application des autres accords de l’OMC aux
subventions relatives aux produits agricoles. Aux
termes de l’article 13 de l’Accord sur l’Agriculture les
mesures de soutien interne tombant dans la boîte verte
ne peuvent faire l’objet de droits compensateurs ou
d’autres actions visant les subventions au titre de
l’Accord SCM ni être l’objet des actions fondées sur
l’annulation ou la réduction, en situation de nonviolation, des concessions tarifaires prises au titre du
GATT de 1994. Les autres mesures de soutien interne
conformes à l’Accord sur l’Agriculture sont passibles
de droits compensateurs, mais les membres de
l’institution doivent faire preuve de modération
lorsqu’ils envisagent d’ouvrir des enquêtes à leur sujet.
En outre, ces mesures sont exemptées de toute action si
le soutien accordé à un produit particulier n’excède pas
celui qui a été octroyé pendant la période de
commercialisation 1992.
Que peut faire un Etat pour dénoncer des mesures de soutien interne non
conformes aux exigences de l’OMC en matière de subvention ?
Pour les produits industriels, la réponse est relativement simple puisque les
subventions accordées dans ce secteur ne sont soumises qu’aux règles spécifiques de
l’Accord SCM. Dans ce cas, l’Etat plaignant devra ouvrir une enquête destinée à
déterminer l’existence d’une subvention, le dommage qui en résulte pour ses intérêts
et le lien de causalité entre l’existence de la subvention et le dommage. Il pourra alors
imposer un droit compensateur destiné à éliminer l’avantage qui résulte de l’octroi de
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la subvention. La procédure est relativement longue car soumise à ces règles précises
détaillées dans l’Accord SCM.
La situation est beaucoup plus complexe en ce qui concerne les mesures de soutien
accordées pour des produits agricoles. L’Etat qui entend se plaindre d’une telle
mesure devra se lancer dans une course d’obstacles destinée à démontrer que la
mesure en question ne peut être justifiée ni au titre de l’accord sur l’Agriculture
(subvention à l’exportation ne faisant l’objet d’aucun engagement de réduction par
produit dans les limites spécifiées dans la liste du membre concerné, mesure de
soutien ne tombant pas dans la boîte verte, subvention ne tombant pas sous le coup de
la clause de paix, subvention à l’exportation ou pouvant faire l’objet d’une action).
Cette course d’obstacles nécessite l’engagement de moyens importants et le recours à
des experts de ces questions.
Or, si certains pays en développement bien intégrés dans le commerce mondial et
exportateurs de produits agricoles ont les moyens d’entreprendre ces procédures (voir,
à titre d’exemple, le cas du Brésil qui a demandé l’ouverture de consultations dans le
cadre du coton et du sucre), de nombreux pays en développement, dont les pays
africains, n’ont ni les moyens financiers, ni l’expertise nécessaire pour entamer de
telles procédures. Par conséquent, la réglementation complexe mise en place par
l’OMC pour assurer un commerce plus concurrentiel des produits agricoles ne leur est
pas d’un grand secours.
Quand bien même un pays en développement serait à même de surmonter ces
obstacles et de mener à terme une procédure de règlement des différends qui
conclurait à la non-conformité d’une mesure de soutien accordé par un Etat
exportateur, encore faudra-t-il veiller à ce que les recommandations de l’ORD soient
mises en œuvre. L’expérience a démontré que, dans des secteurs sensibles, cet
exercice pouvait s’avérer problématique. Or, l’agriculture reste un secteur
économique extrêmement sensible comme le démontre la récente décision américaine
d’amender la loi sur l’agriculture et d’augmenter le soutien accordé aux paysans
américains.
Conclusion
La « ré-intégration » des produits agricoles dans la réglementation du commerce
mondial adoptée au terme du Cycle d’Uruguay a certainement constitué un pas en
avant important dans la libéralisation progressive du commerce de ces produits. Cette
réglementation est particulièrement complexe en raison des nombreux intérêts
divergents qu’il a fallu intégrer. Le commerce des produits agricoles reste encore
entravé de nombreuses restrictions qui reflètent la difficulté de soumettre ce secteur
de l’économie aux lois du marché.
Actuellement, les pays qui en ont les moyens, essentiellement les pays industrialisés,
disposent encore de nombreuses possibilités de soutenir leur agriculture dans les
limites fixées par l’accord. En outre, il se révèle souvent difficile de vérifier si les
engagements pris en matière de réduction ont été scrupuleusement respectés.
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Le seul moyen pour contester efficacement une mesure de soutien interne ou une
subvention à l’exportation consiste à saisir le mécanisme de règlement des différends.
Cette voie s’avère toutefois extrêmement lourde et ne peut donner des résultats qu’au
terme d’une procédure relativement longue. En outre, la préparation d’une telle
procédure s’avère relativement coûteuse tant financièrement qu’en terme de
personnel. Par conséquent, les Etats en développement ne s’y engageront que s’ils ont
la quasi-certitude de gagner. La mise en œuvre des recommandations de l’ORD
pourra en outre s’avérer problématique si les modifications à apporter par le pays qui
a octroyé la subvention se heurtent à la résistance du lobby paysan.
Importance de continuer les négociations en cours. Buts fixés :
Réduction en vue d’éliminer progressivement toutes les formes de subventions à
l’exportation
Substantielles réductions dans les mesures de soutien interne qui provoquent des
distorsions sur le commerce.