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5 janvier 2012
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DANSE
Stéphane Bullion, danseur étoile, interprète des plus
hypnotiques
Le danseur Stéphane Bullion dans " Cendrillon ", à l'Opéra Garnier.
LAURENT PHILIPPE/FEDEPHOTO
A l'affiche d'" Orphée et Eurydice " à l'Opéra Garnier en février, il évoque son parcours
A main droite, un canapé bleu défoncé ; à la gauche, une méridienne en velours rouge. Stéphane Bullion
choisit le premier. Assis tantôt sur le bout des fesses, tantôt bien calé au fond, le danseur étoile de
l'Opéra de Paris, le plus récemment nommé - il a été couronné en 2010 à l'âge de 30 ans - est le seul de
son statut à partager une loge avec un collègue. Il s'en moque. Se sent bien avec son " coloc'", aime
discuter le coup. " Et lorsque l'un des deux fait la sieste avant une représentation, on fait très attention à
respecter son sommeil ", glisse-t-il en faisant semblant de marcher sur la pointe des pieds. Vu l'étroitesse
du lieu, la chose prend l'allure d'un mini-exploit.
Sur les murs, des photos en noir et blanc d'animaux sauvages racontent une autre passion de Stéphane
Bullion. La nature et la photographie qu'il combine lors d'expéditions, en compagnie de sa fiancée la
danseuse Pauline Verdusen, dans la vallée de Chevreuse (au plus près), la savane du Botswana (au plus
loin) ou dans les Alpes (entre les deux). Avec toujours la passion de la contemplation, de l'embuscade
aussi, avant de shooter au bon moment. " J'ai passé mon enfance à la campagne, près de Lyon, dit-il. La
nature nous remet à notre place et j'aime ça. Il faut beaucoup de patience pour saisir les bouquetins, les
chevreuils. Je ne suis pas très patient avec moi-même. J'aime toujours aller plus rapidement, capter plus
vite. Mais il faut que je fasse avec mes limites. "
Faire avec. Ses pieds, ses jambes, ses mains... A l'écouter, parler des autres et de leurs qualités par
exemple, on dirait que Stéphane Bullion manque de tout alors même qu'il est l'un des jeunes interprètes
les plus hypnotiques, les plus palpitants de l'Opéra. Il vient d'être choisi pour danser Orphée dans la
version de Pina Bausch. " C'est très déstabilisant, confie-t-il. Je me suis toujours demandé depuis mes
premiers pas à l'école de danse - j'avais 14 ans - si j'avais la capacité de devenir danseur. Je travaillais
sans envisager d'en faire mon métier. J'avais envie de danser, c'est tout. C'est peu à peu que j'ai
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commencé à avoir des débuts de réponses à cette question intime. "
De temps en temps, Stéphane Bullion fait doucement craquer ses doigts. Aucune pose chez lui, aucun
artifice. Il se raconte sans timidité mais beaucoup de pudeur. Son enfance près de Givors - dans la
banlieue de Lyon - , son père marbrier, sa mère psychologue, ses deux frères. Sa beauté physique est à
l'image de son naturel direct. " C'est un jeune homme discret, mais qui entre toujours par la bonne porte
dans la vie comme sur scène, précise le chorégraphe Pierre Lacotte. C'est bien simple, j'attends chacune
de ses prestations pour voir ce qu'il va proposer. "
En 2004, sa prise de rôle dans Ivan le terrible, ballet furieux chorégraphié en 1975 par le Russe Youri
Grigorovitch, le fait grimper en haut de l'affiche. Le trouble d'Ivan, despote tourmenté, cruel et
terriblement amoureux de son Anastasia morte empoisonnée, n'est pas une mince affaire à interpréter.
Bullion, danseur héroïque, fonce. " C'est un personnage énorme, excessif, qui porte tout le ballet sur ses
épaules, commente-t-il. C'est grâce à Ivan que j'ai commencé à avoir un début de réponse quant à ma
capacité de danseur. Jamais je n'avais vécu de tels états de violence, de colère. Ça a été une révélation.
J'aime bien ne pas me reconnaître. "
Il sera le seul à danser ce ballet à Saint-Pétersbourg (Russie) à la demande de Grigorovitch. Un coup
d'éclat lorsqu'on sait combien le répertoire russe reste chasse gardée. " Cette pièce représente un moment
très particulier dans ma vie. " Il confie qu'au moment où il allait danser Ivan à Paris, il apprit qu'il avait
un cancer. " J'aurais dû me faire opérer dans la semaine et annuler la première, glisse-t-il très vite. J'ai
décidé de danser et de voir ensuite. "
Avant d'être nommé étoile - plus tardivement que certains de ses collègues -, Bullion avait déjà
additionné les prouesses. Il cite La Maison de Bernarda du Suédois Mats Ek, l'un de ses chorégraphes
favoris " pour sa poésie du quotidien qui lui fait utiliser la jupe d'une femme comme une serpillière et
c'est poignant ". Mais encore, Le Jeune Homme et la mort, de Roland Petit qu'il est impatient de
reprendre. Enfin, La Dame aux camélias, de John Neumeier. C'était en 2008. En trois jours, il endosse ce
rôle complexe, ultra-technique. Une prise de risque vécue comme " une évidence " grâce à sa partenaire,
la danseuse étoile Agnès Letestu.
Par goût de l'expérience, Bullion a accepté de danser pour la photographe et cinéaste Anne Deniau dans
24 Hours in a Man's Life, un projet mixte combinant un livre et un film. Une plage, la pleine lune, les
marées, un homme, seul, vingt-quatre heures de présence non-stop. C'est la douzième qu'il préfère. " Je
commençais à avoir peur de ne plus avoir d'idées de danse, se souvient-il. Il faisait nuit, j'avais les yeux
fermés, c'était très doux. " La douzième heure est baptisée Abandon.
Rosita Boisseau
Orphée et Eurydice, chorégraphie de Pina Bausch.
Palais Garnier, Paris 9e. Mo Opéra. Du 4 février au 16 février.
De 10 ¤ à 180 ¤. Operadeparis.fr
24 Hours in a Man's Life, une exposition photo d'Anne Deniau.
Palais du Tau, Reims. Du 7 février au 31 mai.
De 4,50 ¤ à 7 ¤.
© Le Monde
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