Une société suisse lance ses propres pièces d`or - E
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Une société suisse lance ses propres pièces d`or - E
23 MARS 2014 MULTIMÉDIA FRANÇOIS THIÉBAUD DÉCRYPTAGE «Tissot et Swatch Marché du gaz préparent des montres Les Etats-Unis pourraient devenir les connectées» PAGE 31 nouveaux fournisseurs de l’UE PAGE 37 Johann Sauty Télévision sur YouTube La vidéo à la demande force Canal+ à se tourner vers le Net PAGE 38 29 « Ce sera une marée citoyenne qui va remplir de dignité la capitale» DIEGO CAÑAMERO Porte-parole du Syndicat andalou des travailleurs, l’une des 300 organisations devant participer à une manifestation monstre hier à Madrid Grande première: le Vreneli a trouvé son successeur Une société suisse lance ses propres pièces d’or MONNAIE Elles sont bien plus grosses que nos vieux Vreneli. Et sont produites par Swiss Bullion Corp., sise à Zoug et à Genève, au nez et à la barbe de la BNS et de Swissmint, qui frappe la monnaie helvétique. Légal? Eh oui! Elisabeth Eckert [email protected] Elle est là, sous nos yeux, imposante, raffinée et lourde de 31,10 grammes, le poids d’une once d’or. Dessinée par le graphiste genevois Roger Pfund, qui avait conçu les anciens billets de la Banque de France, elle vaut, au cours actuel, quelque 1300 francs; affiche fièrement une croix suisse en son centre et «Confédération suisse» dans son pourtour, gravé dans les quatre langues nationales, ainsi qu’en anglais. Cette nouvelle pièce d’or, totalement made in Switzerland, n’a pas vraiment de nom, contrairement à son ancêtre, le fameux Vreneli, émis, lui, à l’époque par la Banque nationale suisse. Giancarlo Camerana (à g.) et Paul Noel se sont lancés, il y a trois ans, dans cette aventure inouïe. d’or depuis 1949, et surtout pas des pièces 24 carats, aujourd’hui les plus prisées du Moyen à l’ExtrêmeOrient… «C’est ainsi que nous est venue l’idée d’émettre une pièce, entièrement produite en Suisse», raconte Paul Noel. Et c’est là que le parcours du combattant a commencé… Si la Banque nationale suisse émet les billets de banque, Swissmint (un office dépendant du Département fédéral des finances) est le seul habilité à battre monnaie, nos pièces de monnaie de 5 centimes à 5 francs, et, en sus, quatre pièces commémoratives par année. Il y a trois ans, le Parlement lui a interdit de produire toute autre pièce, contrairement à son homologue autrichien, Austrian Mint, qui, rien qu’en vendant des pièces d’or, a, l’an dernier, réalisé 80 millions d’euros de bénéfice. La toute nouvelle société sise à Zoug et à Genève, Swiss Bullion Corporation, a donc approché l’Administration fédérale des contributions (AFC), pour savoir si elle pouvait produire une pièce d’or «privée», qui ne serait pas considérée comme une médaille (taxée à 8% par la TVA), mais qui ne serait, bien sûr, pas une monnaie d’échange. Photos Yvain Genevay Le Vreneli est mort en 1949 Mais cette pièce d’or de 24 carats (soit 99,99% d’or pur), commercialisée depuis novembre dernier, est bel et bien le successeur du Vreneli d’antan, dont le dernier exemplaire est sorti de nos fonderies en… 1949. Sans publicité aucune, les deux créateurs de cette nouvelle pièce d’or, Giancarlo Camerana (gérant de fonds alternatifs) et Paul Noel (banque privée) envisageaient, au départ, une production de 400 pièces par semaine. «Nous en sommes déjà à 1000!» vendues, pour l’heure, de bouche à oreille au prix de l’once d’or, plus une prime de 5 à 7%, pour couvrir les coûts de production et de développement. L’histoire est incroyable! Car, en l’occurrence, cette pièce de monnaie n’est certes pas un moyen de paiement agréé par la Confédération (comme ne l’est plus, d’ailleurs, le Vreneli), mais elle circule déjà et en toute légalité, entre privés et investisseurs, avides, après la crise financière de 2008, de posséder, physiContrôle qualité Haute technologie jurassienne « Les gens veulent de nouveau posséder de l’or physique, et non plus du papier» GIANCARLO CAMERANA Cofondateur de Swiss Bullion Corp. quement, du métal jaune. Et pour cause. «Il s’avère que la totalité de l’or stocké dans le monde – sous forme de lingots, de pièces d’or ou de bijoux – ne correspond en réalité qu’à quelques pour-cent de tout l’or-«papier» émis sous forme de fonds de placements (ETFs, options ou futures) et dont la contrepartie n’est pas nécessairement garantie par l’émetteur», explique Paul Noel. En clair, si demain tous les détenteurs de ces papiers-valeurs voulaient transformer leurs papiers en or, le marché mondial du métal jaune s’effondrerait immédiatement. En 2008, ainsi et juste après le krach des subprimes, un trader de Goldman Sachs a révélé que «seuls 10% de l’or vendu sur les marchés financiers existaient réellement»… Stupéfaction générale. Selon Giancarlo Camerana, «en 2010-2011, le volume monétaire des transactions journalières d’or-papier était 100 fois plus important que celui des transactions d’or physique». Au- jourd’hui, cette proportion est retombée à… 20 fois plus. Sur le London Bullion Market, il se traite environ 20 millions d’onces par mois, ce qui équivaut à quelque 25 milliards de dollars. «Cette situation est quelque peu affolante, affirme encore le manager de fonds alternatifs. Le jour où les investisseurs exigeront livraison de leur or, le cours de l’or s’emballera à nouveau et cela fera mal. Grand nombre de ces papiers et certificats virtuels ne vaudront plus rien, car ils n’ont presque aucune couverture or. D’où le regain d’intérêts des Banques centrales ou de personnes privées pour détenir des vraies pièces d’or.» L’actualité lui donne raison: suite à la seule crise de Crimée, le lingot a brusquement rebondi de 34 500 à 38 500 francs… Une Golden Valley sans pièces! Or, si la Suisse est la plus importante Golden Valley du monde (sur six des plus grosses fonderies du monde, quatre sont implantées dans l’arc jurassien et au Tessin, et produisent à elles seules 70% de l’or bancaire neuf), elle ne frappe plus de pièces Après moult négociations, le Département fédéral des finances a donné son accord et octroyé à cette nouvelle pièce le statut «d’or bancaire», à l’instar des lingotins que l’on peut acheter chez UBS ou Credit Suisse. Depuis novembre dernier, le descendant du Vreneli a donc vu le jour: la pièce est produite par la fonderie Cendres et Métaux à Bienne (BE) et est frappée, au micron près, par l’entreprise Huguenin au Locle (NE). Dès cet été, tout un chacun pourra se la procurer sur Internet ou dans les grandes banques suisses. Mieux: pour lutter contre la contrefaçon maffieuse qui ravage le marché de l’or via le tungstène (1000 fois moins cher que l’or, dont la production est contrôlée par la Chine), le «Vreneli» suisse du XXIe siècle sera doté d’un code numéroté, issu de la nanotechnologie, qui certifiera chacune des pièces. L’an dernier, les principaux acquéreurs d’or physique ont été les Banques centrales, qui ont acheté 140% de métal jaune de plus qu’en 2012. Même elles veulent de nouveau palper du vrai. x