Les quatre soeurs épouses du Chef

Transcription

Les quatre soeurs épouses du Chef
Les quatre soeurs épouses du Chef
Il y avait une femme qui n’avait pas eu d’enfant. Elle est allée voir un
devin. Celui-ci lui dit :
- Je vais t’aider (1) afin que tu puisse avoir des enfants.
Elle répondit :
- Je suis d’accord et j’accepte tout ce que tu me diras.
- Tu vas chercher de l’huile de karité (2), ensuite du beurre de vache
(naanum), l’huile rouge (nisam) et l’huile de la noix de palme (kpekpeninga),
donc quatre choses. Tu vas me les amener et je vais les préparer pour toi. A partir
de cette préparation tu mettras au monde des enfants. Quand tu auras ces enfants,
fais bien attention qu’ils ne sortent pas au soleil, qu’ils ne restent pas à côté du
feu.
- C’est comme ça ?
- Oui, voilà les conditions
- C’est bien répond elle.
Elle va donc chercher les quatre produits demandés. Une fois trouvés elle
les ramène au devin. Elle lui dit :
- Voilà ce que tu m’as demandé.
Le devin a donc préparé ce qu’il fallait et il lui a remis le remède. Elle est
donc partie et elle était là avec son mari. Quelque temps après elle a mis au monde
des enfants, quatre enfants.
Elle dit :
- Mes enfants ont un secret, ils ne se lavent pas à l’eau chaude, ils ne
restent pas à côté du feu, ni au soleil. Pour aller aux champs il faut qu’ils aillent
très tôt le matin et revenir aussi très tôt (3). Si le soleil monte, ils ne pourront plus
aller aux champs. Elle dit donc :
- J’ai bien compris tout cela. Puisque vous m’avez aidée pour avoir ces
enfants, je prendrai les précautions.
La femme surveillait donc attentivement ses enfants.
Les quatre enfants étaient des filles. Elles ont grandi. Un jour, le Chef
découvre les quatre filles. Le Chef dit à leur mère qu’il aime les filles. La mère
répondit :
- Personne n’épousera mes filles.
- Tu as mis au monde les filles et tu dis que personne n’ira jamais les
épouser ?
On a attrapé la femme, on l’a convoquée chez le Chef et celui-ci a ordonné
de la ligoter.
Une fois ligotée, la femme s’est mise à chanter. Ecoutez bien le chant eh !
Nisan yoo
naghere man
On veut me tuer chez le Chef
naghere man
kpekpeninga yoo
naghere man
Naa num yoo
1
) Le conteur dit: “je vais te montrer
) Il s’agit de nighiré. Il est commercialisé sous forme de plaquette par les Peuls. On met la plaquette au
feu, elle devient liquide pour être ainsi utilisé.
3
) Elle veut dire : avant le lever du soleil.
2
naghere man
nighiré yoo
naghere man
On veut me tuer chez le Chef
A ce chant toutes les filles se sont retrouvées à côté de leur maman. Une
fois réunies, le Chef dit qu’il veut les épouser toutes les quatre. La mère dit alors :
- Epousez deux filles et laissez les deux autres.
Le Chef répondit :
- Non, c’est les quatre filles que je veux épouser.
La femme fut obligée d’accepter la demande du Chef. Et le Chef épousa
les quatre filles. La mère révéla au Chef les conditions liées à la naissance de ses
filles. Voici ces conditions :
- Elles ne doivent pas se laver à l’eau chaude, ni rester à côté du feu, ni
demeurer au soleil. Elles doivent éviter tout cela.
Le Chef dit :
- J’ai d’autres femmes dans la maison, regarde, elles peuvent tout faire à
leur place.
La mère répondit :
- S’il en est ainsi, c’est bien.
Le Chef a appelé ses femmes et leur a dit :
- Ces quatre femmes que je viens d’épouser, s’il y a un travail aux champs
elles doivent partir très tôt et revenir à la maison très tôt. Si le soleil est déjà levé
elles ne doivent pas aller aux champs. Elles doivent faire les travaux uniquement à
l’ombre. Elles ne doivent pas non plus faire un travail à côté du feu, ni
s’approcher du feu.
Elles vivaient toutes ensemble dans la maison, et les autres femmes
respectaient les consignes que le mari avait données.
Un jour, le Chef a demandé de l’aide pour son champ. Ce jour là, le Chef
dit à ses femmes :
- J’ai un travail à faire aux champs, j’ai invité la population pour faire ce
travail.
Le Chef avait donc accompagné les gens aux champs. C’est ainsi que les
femmes du Chef ont demandé à l’une des quatre nouvelles épouses de préparer la
sauce au soleil, à une autre de préparer la pâte sur le feu, à la troisième d’amener
la nourriture aux champs. La femme est partie et elle est restée sur le chemin.
Les deux qui préparaient la sauce au soleil se sont mises à fondre. Celle
qui préparait la pâte sur le feu, sous l’effet du feu s’est mise à fondre.
Celles qui préparaient la nourriture et celle qui amenait la nourriture aux
champs, elles ont toutes fondu. C’est ainsi qu’on a choisi d’autres femmes pour
amener la nourriture aux champs. Une arrive aux champs, mais elle ne dit rien au
Chef.
Au retour des champs, le Chef demande où sont ses nouvelles femmes. Les
autres demandent :
- Quelles sont ces femmes dont tu parles ?
- Les femmes que je viens d’épouser, répondit le Chef.
Les femmes disent :
- Te rappelles-tu ce que tu as mangé, cette nourriture qui était très bonne,
la sauce qu’on t’a préparée? Eh bien c’étaient tes femmes !
Le Chef s’écria :
- Oh ! Comment vais-je faire ?
Il est là, tout consterné. Il s’est mis à pleurer. Il se demandait ce qu’il allait
dire à sa belle-mère. Il est parti et il a raconté à sa belle-mère ce qui est arrivé à
ses filles.
Elle répondit :
- Je t’avais averti, je t’avais dit que tu ne pourrais pas veiller sur elles
comme il fallait. Je t’avais mis en garde en te donnant les conditions et tu as
accepté. Est-ce que tu as pu les observer ?
Quand tu veux faire quelque chose, s’il y a beaucoup de conditions, il ne
faut pas accepter.
Voici la fin de mon conte.