Cass. Soc. 26 mai 2010, n° 08

Transcription

Cass. Soc. 26 mai 2010, n° 08
Jurisprudence
Cour de cassation
Chambre sociale
26 mai 2010
n° 08-43.372
Sommaire
:
Texte
intégral
:
Cour de cassation Chambre sociale Cassation 26 mai 2010 N° 08-43.372
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA
COUR
DE
CASSATION,
CHAMBRE
SOCIALE,
a
rendu
l'arrêt
suivant
:
Attendu que Mme X... a été engagée par la société CGST Save aux droits de laquelle vient la société
Savelys le 5 avril 1983 en qualité de technicienne informatique ; que travaillant à Bagnolet au siège de
la société, il lui a été demandé de venir travailler à Paris 8e au nouveau siège social à compter du 10
juin 2003 ; qu'ayant signé un avenant à son contrat de travail en ce sens, puis ayant été arrêtée pour
maladie à plusieurs reprises, elle a fait usage le 8 juin 2004 du droit de rétractation autorisé par la
société pendant le délai d'un an après le déménagement ; qu'ayant été licenciée le 8 juillet 2004, elle a
saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse et sollicité l'indemnisation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle
estimait
avoir
été
victime
;
Sur
Vu
le
l'article
premier
1134
du
moyen
code
:
civil
;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée de dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il résulte des faits de la cause que si la société, en sa qualité
d'employeur, pouvait par le transfert du siège social de la société dans un même secteur géographique
légitimement décider d'un changement des conditions de travail de ses salariés et en particulier de
Mme X..., la liberté de choix qu'il leur a laissée ne pouvait, en cas d'exercice, se traduire par une
sanction disciplinaire telle que le licenciement ; que compte tenu des circonstances particulières,
l'employeur ne pouvait tirant les conséquences du refus de la salariée de suivre la société vers son
nouveau siège social, que constater la rupture amiable du contrat de travail, sans paiement
d'indemnité pour la salariée qui a pris ses responsabilités en exerçant librement son choix ; qu'il
convient en conséquence de requalifier le licenciement en rupture amiable des relations de travail
entre
la
société
et
la
salariée
;
Qu'en statuant ainsi alors d'une part, que la rupture, qualifiée par les parties de licenciement, était
intervenue à la suite d'un litige entre la salariée et l'employeur et, d'autre part, qu'il résulte de ses
constatations que l'employeur a reconnu lors de la réunion du comité d'entreprise du 19 février 2002
que le changement de siège social emportait modification du contrat de travail des salariés, laquelle
avait donné lieu à la signature d'avenants à leurs contrats de travail, la cour d'appel, a violé le texte
susvisé
;
Et
Vu
sur
les
articles
le
L.
1152-1
second
et
L.
moyen
1154-1
du
code
:
du
travail
;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée de dommages et intérêts au titre du harcèlement
moral, l'arrêt retient que la salariée soutient avoir subi une modification substantielle du contenu de
son emploi, qui s'est considérablement réduit, qu'elle a subi des pressions pour signer une transaction
puis pour quitter l'entreprise après vingt et un ans d'exercice de ses fonctions ; que cette situation
qu'elle qualifie d'humiliante et de dégradante l'a fortement perturbée au point de la rendre malade
comme en attestent les certificats médicaux produits ; que, cependant, si le constat des dégradations
de l'état de santé de la salariée et de sa détresse apparaissent provenir d'un constat direct et
personnel des témoins ayant établi des attestations, il n'en est pas de même s'agissant des autres faits
relatés ; que les courriers de la salariée à son employeur relatifs à la modification du contenu de son
travail font l'objet de démentis circonstanciés de l'employeur ; qu'enfin les faits reprochés par la
salariée qu'établit le médecin dans ses certificats médicaux, sur les dires de la salariée, ne permettent
pas de présumer un lien entre les faits et l'état de santé de la salariée ; qu'il s'ensuit qu'aucun des
éléments versés aux débats ne laisse supposer le harcèlement moral invoqué ;
Attendu, cependant, qu'il appartient au juge de décider si les faits matériellement établis par le salarié,
pris
dans
leur
ensemble,
laissent
supposer
l'existence
d'un
harcèlement
moral
;
Qu'en
statuant
comme
PAR
elle
a
fait,
la
cour
d'appel,
CES
a
violé
les
textes
susvisés
MOTIFS
;
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2008, entre les parties, par la
cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement
composée
;
Condamne
la
société
Savelys
aux
dépens
;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros
et
rejette
sa
demande
;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera
transmis
pour
être
transcrit
en
marge
ou
à
la
suite
de
l'arrêt
cassé
;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son
audience publique du vingt-six mai deux mille dix. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de Mme X..., épouse Y...
PREMIER
MOYEN
DE
CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Y... tendant à obtenir le
paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... expose avoir tout d'abord exercé son emploi au sein de la direction
régionale « est », à Nancy, depuis son embauche, en 1983 jusqu'au 30 août 1999, date à laquelle elle
a été promue et mutée au siège social à Bagnolet, devenant technicienne informatique principale,
niveau IV, échelon 2, coefficient 270 sous la responsabilité directe du responsable du département
informatique ; elle précise qu'il lui était alors indiqué, par courrier du 28 septembre 1999, qu'elle avait
l'obligation d'avoir sa résidence principale basée à proximité, de sorte qu'elle s'est installée à LivryGargan ; expliquant qu'au début de l'année 2003, la société SGST Save a procédé à la fusionabsorption de la société Domoservices, Mme X... indique que le siège social de son employeur a été
transféré dans le 8ème arrondissement de Paris ; considérant qu'elle subissait une rétrogradation, elle
a refusé de signer l'avenant au contrat de travail du 4 mars 2004, la nommant, avec effet au 1er
janvier 2004, au poste de « support utilisateur siège », en qualité de cadre position 13, coefficient 80,
sans changement de rémunération ; convoquée à un entretien préalable à son licenciement, elle
précise avoir été licenciée par lettre du 8 juillet 2004 et a cessé de faire partie des effectifs de la
société le 8 novembre 2004 ; soutenant que son licenciement est consécutif à une modification de son
contrat de travail que lui a imposée son employeur, elle estime ce licenciement dépourvu de cause
réelle et sérieuse ; elle qualifie de substantielle la modification de son contrat de travail consistant en
un changement de son lieu de travail, de sorte que ce changement de secteur géographique
comportant pour elle des délais de transport excessifs, ne pouvait intervenir sans son consentement ;
contestant la modification substantielle alléguée ainsi que le caractère contractuel du lieu de travail de
Mme X..., l'intimée conclut à son débouté ; elle estime que le changement de lieu de travail, au sein du
même secteur géographique constitue un changement des conditions du travail de Mme X... et non
une modification de son contrat de travail ; elle ajoute que le refus de Mme X... de venir rejoindre le
nouveau siège social de la société a constitué une faute justifiant son licenciement ; elle précise que
d'autres salariés opposant le même refus ont fait l'objet de la même mesure de licenciement ;
Et AUX MOTIFS QU'en l'absence de clause de mobilité insérée dans le contrat de travail, comme c'est
le cas en l'espèce, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à
moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail
exclusivement dans ce lieu ; en l'espèce, en l'absence d'une clause précise et claire stipulant que son
lieu de travail est exclusivement Bagnolet, l'indication portée dans l'avenant du 21 mai 1999, de ce
que le lieu de travail de Mme X... est Bagnolet, ne constitue donc qu'une simple information ; il s'en
déduit que Mme X... ne peut se prévaloir, pour démontrer le caractère contractuel de son lieu de
travail, d'une attestation de son employeur, établie en 1999 suite à sa mutation pour Bagnolet, qui
certifie que la salariée avait l'obligation d'avoir sa résidence principale basée à proximité de son lieu de
travail ; ainsi qu'il résulte de la lecture de ce document, celui-ci a été établi « pour servir et valoir ce
que de droit » et non pour lui conférer une valeur contractuelle, dont par nature, étant unilatéral, il est
dépourvu ; c'est donc à tort que Mme X... attribue à ce document une portée contractuelle qu'il n'a pas
; en application de l'article L121-1 du code du travail, l'employeur ne peut pas imposer à un salarié,
sans son accord, la modification de son contrat de travail mais peut, dans l'exercice de son pouvoir de
direction, décider d'un changement de ses conditions de travail ; constitue une modification du contrat
de travail, le changement du lieu de travail situé dans un secteur géographique différent de celui où il
travaillait précédemment ; le changement du lieu de travail s'apprécie de manière objective, de la
même manière pour tous les salariés concernés par le transfert des locaux de l'entreprise et non par
rapport à la situation de chaque salarié pris individuellement ; en l'espèce, sans qu'il y ait lieu de
prendre en compte d'autres considérations géographiques, notamment afférentes au domicile de la
salariée, le siège social de la société a été transféré de Bagnolet à Paris 8eme. Mme X... qui ne
démontre pas en quoi, le nouveau lieu de travail est situé dans un secteur géographique différent du
précédent alors notamment qu'il y a transfert des portes de Paris à Paris Centre, ces deux lieux
parfaitement desservis par des moyens de transport en commun les rendant proches l'un de l'autre ; il
s'ensuit que le siège social de la société SAVELYS n'a pas été transféré dans un secteur géographique
différent du précédent siège social ; en conséquence, le transfert ainsi décidé par l'employeur n'a pas
entraîné pour Mme X... une modification de son contrat de travail mais une simple modification de ses
conditions de travail que son employeur était en droit de lui imposer ; pour autant, en attribuant une
connotation contractuelle à ce transfert qui en est dénué, le comportement de l'employeur n'a pas été
sans ambiguïté et a pu, à ce titre influer, sur le comportement de Mme X... face à la situation ; ainsi, il
ressort d'un procèsverbal du Comité d'entreprise réuni le 19 février 2002 que l'employeur a déclaré
que « le lieu de travail est expressément stipulé dans les contrats de travail des personnels du siège :
il est donc contractualisé et toute modification s'analyse comme une modification du contrat de travail
» ; un autre document intitulé « transaction », établi le 10 juin 2003, dans le cadre du transfert du
siège social, « afin de tenir compte du préjudice subi, directement lié à ce changement de lieu de
travail, CGST-Save a mis en place des mesures d'accompagnement... » ; enfin, le document non daté
intitulé « Annexe : Mesures d'accompagnement social », il est prévu, au bénéfice du salarié, une
clause de rétractation aux termes de laquelle « les personnes qui ne trouveraient pas satisfaction du
fait du déménagement de leur lieu de travail pourront demander que leur situation personnelle soit
étudiée rapidement en vue de dégager une solution adaptée avec une priorité absolue vers un
reclassement interne au sein du groupe.. ». ; par courrier du juin 2004, Mme X... a fait connaître à son
employeur son souhait de bénéficier dudit délai de rétractation, ce qui l'a menée directement à son
licenciement, le 8 juillet 2004 ; nonobstant le fait qu'elle ait signé un avenant à son contrat de travail
stipulant le transfert de siège social, le 7 mai 2003, il résulte de l'analyse juridique erronée réalisée par
l'employeur que Mme X..., a pu penser user légitimement du droit de rétractation qui lui était offert ;
certes, dans un courrier du 23 juin 2004, adressé à Mme X..., l'employeur n'a pas manqué de
souligner les conséquences importantes qu'auraient sur le contrat de travail liant les parties l'exercice
par Mme X... de son droit de rétractation ; cependant, l'exercice par la salariée de la liberté de choix
qui lui était offerte ne pouvait conduire l'employeur à prononcer à son encontre la mesure disciplinaire
que constitue le licenciement ; il résulte de l'ensemble des faits de la cause que si la société SAVELYS,
en sa qualité d'employeur pouvait, par le transfert du siège social de la société, dans un même secteur
géographique, légitimement décider d'un changement des conditions de travail de ses salariés et en
particulier de Mme X..., la liberté de choix qu'il leur a laissé ne pouvait, en cas d'exercice, se traduire
par une sanction disciplinaire telle que le licenciement ; compte tenu de ces circonstances particulières,
l'employeur ne pouvait, tirant les conséquences du refus de Mme X... de suivre sa société vers son
nouveau siège social, que constater la rupture amiable du contrat de travail, sans paiement
d'indemnité pour Mme X... qui a pris ses responsabilités en exerçant librement son choix ; il convient,
en conséquence, de requalifier le licenciement en rupture amiable des relations de travail entre la
société
SAVELYS
et
Mme
X...
;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE Mme Y... engagée, le 5 avril 1983, par la société CGST
SAVE a été mutée à compter du 1er septembre 1999 à Bagnolet au service informatique du siège
social 78 avenue Galliéni, cette mutation s'accompagnant d'une promotion, Mme Y... devenant
technicienne informatique principale sous la responsabilité directe de M. Z..., responsable du
Département informatique ; ensuite du déménagement du siège social dans le cadre du
rapprochement avec la société Domoservices, Mme Y... a accepté l'avenant du 7 mai 2003 à son
contrat de travail, constatant son transfert du siège social CGST-SAVE situé 78 avenue du Général de
Gaulle Tour Galliéni 1 à Bagnolet aux nouveaux bureaux du siège social CGST-SAVE / DOMOSERVICES
5 rue François 1er à Paris 75008 à compter du 10 juin 2003. précision étant donnée que la salariée
bénéficiait de l'article 2 de l'annexe 1 " Amélioration de l'accès aux transports en commun par prise en
charge d'un parking proche des transports en commun pour un montant maximum de 50 € par mois
selon un versement trimestriel sur note de frais justifiés à condition d'être à plus de 15 minutes à pied
de la gare la plus proche et / ou contraint de prendre la voiture pour déposer les enfants à l'école, en
garderie, en nourrice " ; était prévu à cette annexe un délai de rétractation d'une durée d'un an dont
les modalités sont les suivantes : « le délai débute le jour du déménagement physique des salariés,
durant ce délai, les personnes qui ne trouveraient pas satisfaction du fait du déménagement de leur
lieu de travail pourront demander que leur situation personnelle soit étudiée rapidement en vue de
dégager une solution adaptée avec une priorité absolue vers un reclassement interne au sein du
groupe CGST-SAVE / DOMOSERVICES ; par avenant en date du 4 mars 2004, la société CGST SAVE
confirmait à Mme Y... sa nomination au poste de Support Utilisateur Siège, cadre position 13
coefficient 80, la durée du travail étant décomptée en jours et le nombre de jours effectivement
travaillés ne devant être supérieur à 209 par an quel que soit le nombre d'heures dans le respect des
règles législatives et réglementaires en vigueur et sa rémunération annuelle forfaitaire brute portée à
36. 240 € à effet rétroactif au 1er janvier 2004, étant observé que Mme Y... n'a pas signé cet avenant
; par lettre datée du 8 juin 2004, Mme Y... confirmait au directeur des ressources humaines que pour
motif personnel, elle voulait bénéficier du délai de rétractation suite aux mesures d'accompagnement
liées au déménagement du Siège social, qu'elle souhaiterait bénéficier de ses heures de recherches
d'emploi et qu'aucun poste en DR ne l'intéressait ; par courrier recommandé avec accusé de réception
en date du 25 juin 2004, l'employeur constatant que la salariée avait décidé de bénéficier de ce délai
de rétractation et qu'elle avait fait savoir qu'aucun poste ne pouvait l'intéresser, l'a convoquée à un
entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 5 juillet 2004 ; par lettre
recommandée avec accusé de réception en date du 8 juillet 2004, l'employeur notifiait à la salariée son
licenciement en ces termes : «... A l'occasion de cet entretien préalable... en présence de Mme.. C...,
Déléguée du personnel, vous m'avez confirmé que votre décision était définitivement prise et était
l'aboutissement d'une démarche que vous aviez engagée depuis plusieurs mois auprès de vos
responsables. Considérant par ailleurs, que vous vous êtes déclarée non intéressée par un poste en
direction régionale et qu'aucun poste en rapport avec votre expertise n'a pu être trouvé à proximité de
votre ancien lieu de travail situé à Bagnolet, je suis contraint de prononcer votre licenciement sur la
base des dispositions collectives adoptées lors du déménagement du siège social... » ; Mme Y...
soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son motif réside
dans « l'impossibilité » pour elle « de se voir imposer un nouveau lieu de travail suite au
déménagement du siège social de Bagnolet à Paris 8eme », l'employeur ayant ainsi voulu lui imposer,
sans son accord, une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail par le biais du
changement de son lieu de travail et qu'une telle modification ne pouvant intervenir sans son accord,
son licenciement s'en trouve de fait sans cause réelle et sérieuse ; elle développe, d'une part, que la
société CGST SAVE a fait de la proximité domicile-lieu de travail une condition essentielle des rapports
contractuels des parties se surajoutant à la notion de changement de secteur géographique, d'autre
part, qu'en déménageant le siège social de la société dans l'ouest parisien, l'employeur a modifié le
contrat de travail, « le critère de proximité domicile-lieu de travail » ayant disparu, son temps de trajet
ayant plus que doublé et, enfin, que la nécessité d'entrer dans Paris et de se rendre dans l'ouest
parisien en venant de l'est de la région parisienne constitue un changement de secteur géographique ;
l'employeur réplique que le licenciement de la salariée qui trouve son fondement dans le refus par
cette dernière du changement de son lieu de travail consécutif au déménagement du siège social,
repose sur une cause réelle et sérieuse dès lors que ce transfert du siège social de Bagnolet à Paris
s'effectuant dans un même secteur géographique affecte seulement les conditions de travail et ne
constitue pas une modification du contrat de travail ; le conseil constate que les parties s'accordent
pour considérer que le motif du licenciement énoncé dans la lettre de rupture est le refus par la
salariée du changement de son lieu de travail ; si Mme Y... a été engagée par la société CGST SAVE le
5 avril 1983, seul est produit aux débats l'avenant du 21 mai 1999 qui ne faisant que mentionner que
son nouveau lieu de travail est situé au Service informatique du Siège social basé 78 Avenue Gallieni à
Bagnolet, sans autre indication, ne comporte pas de clause selon laquelle la salariée exécutera son
travail exclusivement au siège social à Bagnolet, et peu important, dans ces conditions, le document
soumis pour information et consultation du comité d'entreprise du 19 février 2002, dans lequel il est
indiqué que le lieu de travail est expressément stipulé dans les contrats de travail des personnels du
siège, qu'il est donc contractualisé et que toute modification s'analyse comme une modification du
contrat de travail ; lorsque le lieu de travail n'est pas un élément du contrat de travail comme c'est le
cas, en l'espèce, le transfert du lieu de travail dans le même secteur géographique que l'ancien ne
constitue pas une modification du contrat de travail ; en l'espèce, le transfert du siège social de la
société CGST SAVE de Bagnolet à Paris 8ème ne constitue pas une modification du contrat de travail
mais seulement un changement des conditions de travail, Paris 8ème et Bagnolet dès lors que celle-ci
est une commune limitrophe de Paris et desservie par le métro, sont situées dans un même secteur
géographique, et peu important, d'abord, le lieu d'habitation de la salariée, seuls devant être pris en
compte des éléments objectifs et, d'autre part, l'attestation rédigée le 28 septembre 1999 par
l'employeur dans laquelle il indique que Mme Y... est mutée à Bagnolet à compter du 1er octobre 1999
« avec obligation d'avoir sa résidence principale basée à proximité » ce qui est, de surcroît, le cas en
l'espèce ; en conséquence, nonobstant, eu égard au moyen retenu par les parties, tous autres
éléments et pièces relatives aux licenciements d'autres salariés de l'entreprise consécutivement au
changement de lieu du siège social de la société dont aucune conséquence juridique n'est tirée, le
licenciement de Mme Y... fondé sur son refus d'une modification de ses conditions de travail qui
pouvaient intervenir sans son accord, repose sur une cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE le litige portait sur le point de savoir si le licenciement de Madame Y... était ou non fondé
sur une cause réelle et sérieuse ; qu'il n'était pas contesté que la rupture était intervenue par
licenciement
;
que la Cour d'appel a requalifié d'office le licenciement en rupture amiable ; qu'en statuant comme elle
l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de Procédure
Civile
;
ALORS subsidiairement QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même
le principe du contradictoire ; il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans
avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en requalifiant d'office le
licenciement en rupture amiable sans même inviter au préalable les parties à présenter leurs
observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile et 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
ALORS encore plus subsidiairement QUE la rupture du contrat de travail, intervenue alors qu'un
différend opposait les parties, ne peut être qualifiée de rupture amiable ; qu'il résulte des constatations
de l'arrêt qu'un différend opposait les parties à la date de la rupture ; qu'en considérant néanmoins
que le licenciement devait être requalifié en rupture amiable, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du
Code Civil ALORS en toute hypothèse QUE la Cour d'appel a relevé que l'exercice par la salariée de la
liberté de choix qui lui était offerte pour refuser la modification de son lieu de travail ne pouvait
compte tenu des engagements de l'employeur, être considérée comme fautive et justifier la rupture
disciplinaire ; qu'en qualifiant de rupture amiable privative de toute indemnité la rupture intervenue à
la suite de l'usage légitime de son droit de rétractation par la salariée, induit pas l'attitude de
l'employeur, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au
regard de l'article L 1235-1 (anciennement L 122-14-4) du Code du Travail ;
ALORS enfin QUE lorsque l'employeur reconnaît qu'une mesure constitue une modification du contrat
de travail, les juges ne peuvent dénier l'existence de cette modification ; que le refus par le salarié
d'une modification de son contrat de travail qu'il résulte des constatations de la Cour d'appel que
l'employeur avait reconnu que la modification du lieu de travail constituait une modification du contrat
de travail ; qu'en déniant néanmoins l'existence d'une modification du contrat de travail, la Cour
d'appel
a
violé
l'article
1134
du
Code
Civil
;
Et ALORS enfin QUE la salariée soutenait que la rupture était consécutive au harcèlement dont elle
avait été l'objet ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la rupture du contrat de
travail emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté ses demandes
tendant au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et ce, en application de l'article
624
du
Code
de
Procédure
Civile.
SECOND
MOYEN
DE
CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Y... tendant à obtenir le
paiement
de
dommages
et
intérêts
en
indemnisation
du
harcèlement
subi
;
AUX MOTIFS QUE l'article L122-49 du code du travail prévoit qu'« aucun salarié ne doit subir les
agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des
conditions de travail susceptible déporter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé
physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; Mme X... expose avoir subi une
modification substantielle du contenu de son emploi, qui s'est considérablement réduit, un
intermédiaire étant désormais placé entre son supérieur hiérarchique et elle-même ; elle précise avoir
confié sa déception à son employeur quant à son nouveau positionnement dans l'entreprise, avoir subi
des pressions pour signer la transaction précitée, puis pour quitter l'entreprise, après vingt et un an
d'exercice actif et fructueux de ses fonctions ; cette situation qu'elle qualifie d'humiliante et de
dégradante, l'a fortement perturbée au point de la rendre malade ; la société SAVELYS conteste le
harcèlement allégué ; elle explique que suite à l'opération de fusion-absorption et le transfert du siège
social, le contenu du poste de Mme X... n'a pas été dévalué mais au contraire élargi puisque, outre ses
fonctions antérieures, elle avait en charge la formation de certains personnels dans le domaine qui est
le sien ; elle reconnaît qu'un intermédiaire s'est intercalé entre son ancien chef direct et Mme X... qui
ne revêt pas le caractère d'un harcèlement mais une simple modification des conditions de travail ; elle
conteste également les pressions qui lui sont reprochées, affirme avoir tout tenté pour conserver cette
salariée utile à l'entreprise et conclut que Mme X... a seule décidé de quitter la société SAVELYS pour
des raisons qui lui sont personnelles ; au soutien de ses affirmations Mme X... produit des attestations
et l'ensemble des courriers échangés avec son employeur entre le 15 juin 2003 et le 24 juin 2004 ; les
faits relatés dans ces documents s'inscrivent dans le cadre du transfert du siège social de l'entreprise
et plus globalement dans le cadre de l'opération de fusion absorption qui vient d'être réalisée ; les trois
attestations produites, provenant d'autres salariées ou anciennes salariées de l'entreprise, présentent
les caractéristiques qui suivent :- les trois témoins constatent la dégradation progressive de l'état de
santé de Mme X...- les trois se réfèrent à la détresse de Mme X..., à des discriminations, à des
pressions ou à des faits de harcèlement dont elle serait l'objet ; les dégradations de l'état de santé et
la détresse de Mme X... apparaissent provenir d'un constat direct et personnel de la part de ces
témoins ; les autres faits relatés dans des termes presque similaires par les trois témoins, ne
paraissent pas provenir d'un constat direct et personnel de leur part mais semblent rapportés de
manière indirecte ; il en est ainsi du « refus catégorique de lui accorder les mêmes droits et privilèges
qu'à l'ensemble du personnel » ; du « refus également de lui octroyer ses congés payés » ; «... suite à
ces faits Mme Y... est allée demander des explications à son responsable qui a persisté dans son
attitude (négations, agressions verbales, injustice) » ; « M. A... qui n'a fait qu'accentuer les pressions
relevant du harcèlement moral.. », ce, alors que manifestement le témoin n'est pas présent à
l'entretien ; en conséquence, ces attestations qui manifestement ne rapportent pas des faits de
pression, de harcèlement, de discrimination directement constatés ne sont pas déterminantes ; en
outre, ces attestations contredisent les faits tels qu'ils résultent des courriers échangés entre les
parties entre le 13 juin 2003 et le 24 juin 2004, dans un contexte de réorganisation et de transfert du
siège social consécutif à l'opération de fusion-absorption ; il ressort de ces courriers la profonde
déception de Mme X... insatisfaite de la nouvelle organisation qui place un intermédiaire entre ellemême et son supérieur hiérarchique qui n'existait pas dans la précédente organisation, ainsi que son
désagrément résultant de l'allongement du temps de transport entre son domicile et le nouveau lieu de
travail ; en réponse, l'entreprise rappelle, dans de nombreux courriers, à Mme X... son importance et
le caractère pérenne de son poste dans la nouvelle organisation, les mesures d'accompagnement
destinées à faciliter l'adaptation du personnel à ses nouvelles conditions de travail ; ces courriers
témoignent de l'insistance de Mme X... à l'égard de son employeur à lui affirmer la dépréciation de son
poste et les inconvénients liés à son exercice ; les reproches adressés à son employeur qui font
référence à des pressions qu'elle subirait de sa part, font l'objet de démentis circonstanciés, de la part
de celui-ci qui lui rappelle son utilité dans l'entreprise mais également son libre arbitre en ce qui
concerne son avenir professionnel, au sein ou hors de la société ; les certificats médicaux sont le
constat des effets psychologiques et moraux produits par cet état de fait, le médecin étant à même de
constater personnellement l'affection dont souffre sa patiente ; en revanche, les faits reprochés
qu'établit ce médecin, sur les dires de Mme X..., sans en avoir été le témoin direct ne permettent pas
de présumer un lien entre les faits et l'état de santé de l'intéressée ; il s'ensuit qu'aucun des éléments
versés aux débats ne laisse supposer le harcèlement moral reproché ; il en ressort, en revanche, que
la réorganisation de l'entreprise, consécutive à l'opération de fusion-absorption, a été vécue par Mme
X... comme un événement insurmontable, au point qu'elle l'a conduite à renoncer à suivre son
employeur
à
Paris
et,
à
l'extrême
à
perdre
son
emploi
;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés des premiers juges QUE Mme Y... soutient qu'elle a fait l'objet
d'un harcèlement de sa hiérarchie en indiquant qu'à compter du déménagement, elle a vu le contenu
de son poste et les responsabilités qu'elle assumait considérablement réduites, un intermédiaire ayant
été mis entre elle et son supérieur hiérarchique ce dont il résultait qu'elle n'avait plus alors que la prise
de téléphone comme tâche, que la direction a mis deux mois et demi pour répondre à son courrier de
contestation du 5 août 2003 et la recevoir, que s'en est suivi un échange de correspondance faisant
ressortir la décision de l'employeur de se séparer d'elle et de la licencier pour faute grave ou pour
abandon de poste ; elle précise que ce comportement a déclenché une dépression nerveuse
médicalement constatée et qu'elle a été en arrêt maladie du 31 janvier 2004 jusqu'au 31 mai 2004
puis du 16 août 2004 au 10 octobre 2004 ; l'employeur réplique que le contenu du poste de la salariée
n'a pas subi de modifications substantielles, lesquelles ne sauraient résulter de l'interposition d'un
intermédiaire entre la salariée et son supérieur hiérarchique et que Mme Y... ne justifie pas des
pressions qu'elle allègue ; selon les dispositions de l'article L. 122-49 du Code du travail, aucun salarié
ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; il résulte des
dispositions de l'article L. 122-52 du même code qu'en cas de litige relatif à l'application notamment de
l'article L. 122-49 dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer
l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver
que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par
des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; Mme Y... a accepté le changement de lieu de
travail en signant l'avenant du 7 mai 2003 et a été licenciée le 8 juillet 2004 après l'exercice par elle
de son droit de rétractation au courant du mois de juin 2004, étant observé que le déménagement a
eu effectivement lieu au mois de juin 2003 ; pour étayer son allégation selon laquelle depuis le
déménagement du siège social de l'entreprise, le contenu de son poste s'est trouvé substantiellement
modifiée, Mme Y... invoque la mise en place d'un intermédiaire entre elle et son supérieur hiérarchique
et produit une lettre du 5 août 2003 adressée en recommandé avec accusé de réception au président
du directoire ; dans ce courrier, elle indique qu'elle entend informer son destinataire des raisons qui
l'ont poussée à refuser de signer la transaction proposée lesquelles consistent dans son « inquiétude
concernant le déménagement » et les « difficultés de transport » exprimées lors des entretiens de
consultation avec M. A..., qu'elle a précisé à ce dernier sa déception quant à son positionnement dans
le nouvel organigramme et qu'elle a informé M. Z... de son désaccord lié à ce positionnement ; elle y
fait encore état de ce que son contrat de travail a fait l'objet de modifications substantielles non
mentionnées dans l'avenant qu'elle n'accepte pas et de ce qu'elle a subi des pressions afin de signer la
transaction elle conclut en demandant que « cela prenne fin » ; par courrier du 15 octobre 2003, M.
A... a répondu à Mme Y... en indiquant que, s'agissant de la signature sous la contrainte de l'avenant à
son contrat de travail, celui-ci a été signé après des entretiens personnels avec la salariée, que son
contrat de travail n'avait pas été modifié, seule l'organisation du service l'ayant été en raison du
rapprochement des deux sociétés, que la salariée était libre de ne pas signer le document appelé
transaction qui lui permettait de toucher des indemnités consécutives à l'allongement du temps de
trajet et en lui proposant de la rencontrer afin d'étudier sa situation ; Mme Y... verse aux débats les
attestations de Mme B... en date du 26 janvier 2006, de Mme C... en date du 13 janvier 2006, et de
Melle D... en date du 17 janvier 2006 ; Mme B... déclare qu'elle a constaté, au cours de l'année 2004,
une nette dégradation de l'état physique de Mme Y..., que s'étant rapprochée d'elle, elle a pu constater
« les discriminations dont elle faisait preuve par son supérieur hiérarchique (refus de prise de congés,
refus d'obtention des mêmes droits lors du déménagement du siège social et refus d'accorder le droit à
rétractation) » et qu'il a « fallu l'intervention de Mme C... auprès du directeur des ressources humaines
pour que cesse le harcèlement dont elle faisait l'objet » ; Mme D... déclare qu'après approbation de la
direction générale de la réorganisation du service et du futur déménagement « M Z... responsable du
service informatique a convoqué chaque employé afin de leur notifier leur nouvelle affectation dans
l'organigramme et les éventuels changements qui s'en suivraient », que « fin 2002, lors du passage de
Mme Y... » elle a « pu constater qu'elle avait subi des pressions puisqu'elle a quitté le bureau de notre
responsable en pleurs », qu'elle a « fortement trouvé injustifié le comportement de M. Z... à son égard
notamment dans sa « destination » à lui refuser pendant de longs mois l'obtention des droits accordés
à l'ensemble du personnel pour le déménagement du siège social », qu'il a de plus « été soutenu en ce
sens par le DRH, M. Marc A... qui n'a fait qu'accentuer les pressions relevant du harcèlement moral ce
qui s'est trouvé avéré par la dépression que Mme Y... a faite », que ce comportement a perduré
pendant de longs mois et bien après le déménagement dans les nouveaux locaux » ; Mme C...,
déléguée du personnel, déclare que « fin 2003, début 2004 » elle a « constaté que l'état de santé de
Mme Y... s'était fortement dégradé », qu'à « sa reprise du travail », elle « a remarqué qu'elle subissait
des pressions de la direction depuis plusieurs mois : refus catégorique de lui accorder les mêmes droits
et privilèges qu'à l'ensemble du personnel à savoir les dispositions collectives accordées lors du
déménagement du siège, refus également de lui octroyer ses congés payés compte tenu de ses arrêts
maladie... que suite à ces faits, Mme Y... est allée demander des explications à son responsable qui a
persisté dans son attitude (négations, agressions verbales, injustice) », que Mme Y... « a quitté le
bureau déstabilisée et sous le coup d'une crise de spasmophilie et tétanie », que « sa collègue a jugé
nécessaire de me faire appeler de toute urgence », qu'à « mon arrivée, j'ai tout de suite vu que son
état nécessitait de sortir de ce contexte », qu'elle « l'a accompagnée dehors », qu'à « notre retour M.
Z... est de nouveau venu solliciter un entretien avec Mme Y... », que devant son « refus, il a décidé de
faire sortir du bureau toutes personnes en présence », que le « ton est monté », qu'elle a « donc tenté
une intervention qu'il m'a refusée », qu'au bout d'un moment, elle a « forcé la porte lui signifiant de
cesser immédiatement son harcèlement ce qu'il n'a pas jugé bon de faire sur le champ », qu'elle a pris
« la décision de sortir Mme Y... du bureau et de la raccompagner chez elle, son état étant devenu
critique au point de ne pouvoir conduire », que le lendemain, elle a « personnellement sollicité un
entretien avec le DRH pour comprendre pourquoi depuis des mois, on s'acharnait sur Mme Y... », que
le DRH lui a répondu « que Mme Y... devait lui remettre un courrier demandant à bénéficier des
dispositions collectives », que « Mme Y... a donc de nouveau rédigé un courrier » qu'elle « a remis
entre les mains du DRH » et qu'à « partir de ce moment » et suite à son intervention « la situation
s'est enfin débloquée pour Mme Y... qui malgré son état est restée en poste jusqu'à son départ en
congé » et que « malgré sa période de vacances, le médecin a refusé toute reprise de travail son état
étant préoccupant. » ; Mme Y... verse aux débats un courrier recommandé avec accusé de réception
en date du 11 janvier 2004 dans lequel « elle déplore les méthodes employées par la société pour «
me pousser vers la sortie » et ce après 21 ans de bons et loyaux services » après avoir rappelé les
différents entretiens qui ont eu lieu :- le 7 / 11 / 2003 lors duquel il lui a été indiqué en réponse à sa
contestation sur la nouvelle organisation suite à la fusion des deux sociétés, son positionnement au
sein de celle-ci et sur les temps de trajet multipliés par deux, qu'elle pouvait quitter l'entreprise pour
faute grave ou abandon de poste, le 29 / 12 / 2003 : « proposition verbale à laquelle je devais
réfléchir concernant l'acceptation d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse... » le 6 / 01 / 2004 :
entretien qui « s'est déroulé dans des conditions inacceptables », « comportement agressif et
inacceptable à mon égard », « menaces de laisser « pourrir » l'affaire en cas de refus de ma part, le
ton menaçant que vous avez utilisé pour me persuader que j'étais en tort dans cette situation.. » ; par
courrier du 28 janvier 2004, l'employeur répondait à la salariée que son poste de travail n'avait pas
changé de façon significative en 2003 du fait du rapprochement physique des deux sièges si « ce n'est
que vous avez un homologue à plein temps au siège ce qui devrait vous permettre maintenant de
prendre plus facilement en charge des dossiers, voire des projets et d'assurer certaines formations.
Qu'au lieu d'être sous l'autorité de PH E..., responsable des systèmes, vous êtes depuis juin 2003 sous
celle de M, F... responsable du service utilisateur », l'employeur rappelant qu'il avait été proposé à
Mme Y... comme elle le souhaitait d'être interlocutrice technique privilégiée entre les Etudes, les
Systèmes et les Régions., » ; l'employeur y indique encore que la salariée n'avait pas à ce jour
souhaité bénéficier de l'ensemble des mesures d'accompagnement validées pour le déménagement et
que le droit de rétractation a pour but de faciliter la résolution en interne des problèmes posés par
l'allongement des temps de trajet en ajoutant que la salariée semble vouloir « privilégier l'hypothèse
d'un licenciement dont l'entreprise ne souhaite pas prendre l'initiative. En effet vous occupez un poste
de travail nécessaire au bon fonctionnement du service utilisateurs correspondant parfaitement à vos
connaissances techniques et à votre niveau de qualification. » ; par lettre du 7 juin 2004, Mme Y...
indiquant réitérer sa demande d'entretien et dans une lettre du 11 juin 2004, elle évoque le fait que le
directeur des ressources humaines lui a indiqué qu'elle ne pouvait prétendre au délai de rétractation
prévu dans le cadre des mesures d'accompagnements des salariés en raison du déménagement du fait
de son refus du 10 juin 2003 de signer la « transaction » et de la prescription du délai de rétractation
alors qu'elle lui avait remis un courrier en main propre le 8 juin 2004 avant l'expiration du délai ; par
courrier du 23 juin 2004, l'employeur, en réponse à ce courrier du 11 juin 2004, exprime son
incompréhension, aucun élément ne permettant de constater une quelconque contrainte exercée sur la
salariée, la transaction proposée constituant un avantage financier, le poste de travail de Mme Y...
étant pérenne et aucune demande écrite de rétractation n'ayant été faite ; il résulte de l'analyse de ces
pièces qu'aucun élément autre que les dires de Mme Y... ne permet de constater que le contenu de son
poste de travail s'est trouvé modifié substantiellement ce qui ne saurait résulter de l'existence d'un
intermédiaire entre la salariée et son supérieur hiérarchique ; les témoignages n'apportent aucun
élément de nature à établir l'existence de pressions et de discriminations ; en effet, si Mme B... fait
état de discrimination, de refus par l'employeur de prise de congés et de refus d'allocation des mêmes
droits que ceux alloués aux autres salariés dans le cadre des mesures d'accompagnement du
déménagement du siège social de la société, cependant, la signataire de l'attestation n'indique pas
comment elle a fait ces constats autrement qu'en rapportant les propos tenus par Mme Y... ; il en est
de même du témoignage de Mme D... qui ne fait que déclarer qu'elle a constaté que Mme Y... a subi
des pressions puisqu'elle a quitté le bureau de son supérieur hiérarchique en pleurs, qu'elle situe ce
fait en 2002 et que ses autres déclarations s'apparentent beaucoup plus à des appréciations
personnelles de l'auteur de l'attestation qu'à des faits objectifs qu'elle aurait personnellement
constatés ; il en est de même des déclarations faites par Mme C... relatives aux pressions qu'aurait
subies Mme Y... consistant dans le refus catégorique d'accorder à cette dernière les mêmes droits
qu'aux autres salariés et le refus de lui octroyer des congés, aucun éléments ne permettant, dans
l'attestation, de connaître comment ces constatations ont été faites ; en outre, il convient de relever
que Mme Y... ne verse aux débats aucune pièce concernant ces demandes de congés et n'évoque à
aucun moment dans ces échanges de courriers avec l'employeur de telles discriminations ; par ailleurs,
si Mme C... en tant que déléguée du personnel, relate un incident s'étant passé lors d'un entretien
entre Mme Y... et M. Z... ayant eu des conséquences sur l'état de santé de cette dernière et son
intervention pour faire cesser ce « harcèlement », cependant, elle ne situe pas ces circonstances dans
le temps et ne relate pas les propos qui lui auraient été, alors, tenus par Mme Y... ; en outre, il
convient de constater que Mme Y... n'a jamais fait référence à cet incident dans ses nombreuses
correspondances adressées à son employeur, étant observé qu'en tout cas, il ne pourrait s'agir que
d'un fait isolé dont la date de survenance n'est, de surcroît, précisée ni par l'auteur de l'attestation ni
par Mme Y... ; par ailleurs, Mme Y... a pu exercer son droit de retrait et pouvait bénéficier des
mesures d'accompagnement correspondant à sa situation puisque leur rappel figurait dans l'avenant
signé par elle le 7 mai 2003 ; dans ces conditions, les certificats médicaux produits et, notamment,
celui du Dr G... en date du 24 juin 2004 faisant état de ce que Mme Y... présente un état anxio
dépressif caractérisé consécutif à sa vie professionnelle ayant entraîné des arrêts de travail ne
suffisent pas à laisser envisager l'existence d'un harcèlement moral de l'employeur même si dans un
second certificat en date du 14 février 2006, ce médecin fait référence à des problèmes liés à des
harcèlements moraux subis par Mme Y... au sein de son travail ; en conséquence, en l'absence de faits
répétés caractéristiques de harcèlement moral, Mme Y... doit être déboutée de sa demande de
dommages
et
intérêts
de
ce
chef
;
ALORS QUE pour dire avoir été victime de harcèlement, la salariée faisait valoir qu'elle avait vu son
contrat modifié, qu'elle avait été rétrogradée, et qu'elle avait fait l'objet de pressions et d'un
traitement intolérable pour qu'elle quitte l'entreprise, son état de santé s'étant gravement dégradé en
conséquence
de
ce
traitement.
QUE, s'agissant de la dégradation de l'état de santé de la salariée consécutive aux agissements de
l'employeur, les juges ne peuvent se prononcer par des motifs hypothétiques ou dubitatifs ; que la
Cour d'appel, se prononçant sur les témoignages de Mesdames B..., D... et C..., a relevé que « les
dégradations de l'état de santé et la détresse de Mme X... apparaissent provenir d'un constat direct et
personnel de la part de ces témoins ; les autres faits relatés dans des termes presque similaires par les
trois témoins, ne paraissent pas provenir d'un constat direct et personnel de leur part mais semblent
rapportés de manière indirecte » ; qu'en se prononçant pas des motifs hypothétiques, la Cour d'appel
a
violé
l'article
455
du
Code
de
Procédure
Civile
;
ALORS QUE Madame Y... avait critiqué son positionnement dans le nouvel organigramme puisque sa
direction avait mis un intermédiaire entre elle et son supérieur hiérarchique ; que la Cour d'appel s'est
bornée à relever, par des motifs adoptés des premiers juges, que la preuve d'une modification
substantielle de ses fonctions n'était pas apportée ; qu'en ne recherchant pas si le fait de placer sans
justification un intermédiaire entre elle et son supérieur hiérarchique ne laissait pas présumer
l'existence d'un harcèlement, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au
regard des articles L 1152-1, L 1152-2 et L 1154-1 (anciennement L 122-49 et L 122-52) ;
ALORS aussi QUE le salarié doit simplement établir des faits qui permettent de faire présumer
l'existence d'un harcèlement lequel est défini comme des faits qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la Cour
d'appel a constaté que « la réorganisation de l'entreprise, consécutive à l'opération de
fusionabsorption, a été vécue par Mme X... comme un événement insurmontable au point qu'elle l'a
conduite à renoncer à suivre son employeur à Paris et, à l'extrême à perdre son emploi » ; qu'en
considérant néanmoins qu'aucun des éléments versés aux débats ne laissait supposer le harcèlement
moral reproché, la Cour d'appel, qui a exigé de la salariée qu'elle établisse l'existence d'un
harcèlement, mettant la charge de la preuve exclusivement à sa charge, a violé les articles L 1152-1, L
1152-2
et
L
1154-1
(anciennement
L
122-49
et
L
122-52)
;
Et ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la rupture du contrat de travail
emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant au
paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et ce, en application de l'article 624 du
Code de Procédure Civile.
Composition de la juridiction : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président),SCP
Gatineau
et
Fattaccini,
SCP
Masse-Dessen
et
Thouvenin
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris 2008-05-13 (Cassation)
Copyright 2015 - Dalloz - Tous droits réservés.