Chapitre 11 Les Modèles de Ménage

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Chapitre 11 Les Modèles de Ménage
Chapitre 11
Les Modèles de Ménage
11.1
Introduction
Les modèles de ménage trouvent leur origine dans un célèbre papier
d’Amartya Sen 1966 qui était pourtant centré sur une question beaucoup
plus “macro”, à savoir le débat sur le chômage déguisé en agriculture.1 La
question principale posée dans cette littérature, qui correspondait également
à l’une des définition du chômage déguisé, était de savoir ce qui se passerait
avec la production agricole si une partie importante de la main-d’oeuvre était
subitement éliminée. En supposant un producteur représentatif autarcique,
Sen montre que l’on peut aboutir à une situation où la productivité marginale de la main-d’oeuvre est strictement positive (ce qui correspondrait à un
rejet de la définition “naïve” du surplus de main-d’oeuvre en agriculture :
productivité marginale du travail nulle), mais où une partie de la dotation
en main-d’oeuvre peut être transférée hors du secteur agricole sans que la
production agricole ne baisse.
11.1.1
Le débat sur le chômage déguisé et les modèles
de ménage. Sen (1966)
Plus formellement, considérons un ménage agricole dont la fonction d’utilité s’écrit U (c, l), où c est la consommation moyenne et l le loisir, et supposons que la technologie de production agricole s’écrit F (X, T ) où X est
l’intrant en main-d’oeuvre et T la surface de l’exploitation. Supposons que le
ménage est doté de n membres (pour simplifier, supposons qu’ils sont tous actifs). La consommation par membre est donc donnée par c = F (X, K, T )/n.
1
Voir Lewis, 1953, 1954, pour le côté dualiste traditionnel, et Schultz, 1964, pour la
réponse de Chicago ; Rosenzweig, 1988, donne un excellent résumé de Sen.
413
414
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
L’intrant travail est donné par X = nL, où L représente l’offre de travail
moyen de chaque membre du ménage. Le programme d’optimisation du ménage est donc donné par :
maxU(F (nL, T )/n, Ω − L)
{L}
où Ω représente la dotation moyenne en temps de chaque membre de la famille. La condition de premier ordre qui caractérise implicitement l’optimum
est alors donnée par :
Uc (F (nL∗ , T )/n, Ω − L∗ )FX (nL∗ , T ) − Ul (F (nL∗ , T )/n, Ω − L∗ ) = 0.
Notons qu’il est clair que la productivité marginale du travail est strictement
positive, car la condition précédente peut se réécrire :
FX (nL∗ , T ) =
Ul (F (nL∗ , T )/n, Ω − L∗ )
> 0.
Uc (F (nL∗ , T )/n, Ω − L∗ )
Considérons un changement dans le nombre de membres actifs. Par différenciation implicite (Recette 7), la statique comparée de l’offre de travail est
donnée par :
∗
L FX (.)
F (.)
(Ucc (.)FX (.) − Ull (.))
− n2 + Uc (.)L∗ FXX (.)
n
dL∗
=−
.
dn
CSO < 0
Rien dans cette expression ne nous force à avoir dL∗ /dn > 0, et tout dépend
du comportement du numérateur. Notons également que
d
dL∗
nL∗ = L∗ + n
.
dn
dn
Il suit que, si, par exemple, dL∗ /dn = −L∗ /n, une réduction dans le nombre
de personnes actives dans le ménage n’aura aucun impact sur l’offre totale
de main-d’oeuvre, la réduction dans le nombre de membres étant parfaitement compensée par une augmentation dans l’offre de travail des membres
restants. Nous serions alors, selon la terminologie de Sen, dans une situation
de “chômage déguisé”. Évidemment, l’hypothèse complètement ad hoc de
l’absence totale de marché pour la main-d’oeuvre est irréaliste dans beaucoup de pays en développement, mais le résultat montrait déjà, en 1966, que
la productivité des ménages paysans était intimement lié à la structure de
marché sous-jacente.
11.1. INTRODUCTION
11.1.2
415
La relation inverse taille-productivité
Une deuxième préoccupation traditionnelle en micro-économie du développement qui a énormément contribué à la formulation des modèles de ménage à trait à la relation entre la taille de la ferme et la productivité agricole,
qui trouve son traitement empirique le plus connu dans le célèbre volume
Agrarian Structure and Productivity in Developing Countries de Berry et
Cline 1979.2 Feder 1985, un an avant la parution du premier ouvrage traitant explicitement des modèles de ménage (Singh, Squire, et Strauss 1986),
propose ce qui est en fait un modèle de ménage afin de justifier théoriquement
les observations d’une relation inverse (mais pas toujours) entre la taille des
exploitations et leur productivité. La célèbre relation inverse implique qu’à
l’optimum :
∗
FX (X ∗ , T ) dX
+ FT (X ∗ , T ) T − F (X ∗ , T )
dT
=
< 0,
T2
(11.1)
ce qui se traduit par une productivité plus grande par hectare sur les petites exploitations. Une explication technologique de ce phénomène, basée
sur les rendements d’échelle décroissants, est possible. Dans un modèle de
maximisation des profits
d
dt
F (X ∗ , T )
T
maxF (X, T ) − wX,
{X}
l’intrant optimal en main-d’oeuvre est évidemment caractérisé par la condition de premier ordre habituelle , d’où l’on obtient, par différenciation implicite :
dX ∗
FXT (X ∗ , T )
=−
.
dT
FXX (X ∗ , T )
Si nous supposons que la fonction de production est homogène de degré kX
en X et de degré kT en T , il suit que (Recette 5) :
T FT (X ∗ , T ) = kT F (X ∗ , T ),
X ∗ FX (X ∗ , T ) = kX F (X ∗ , T ),
X ∗ FXX (X ∗ , T ) = (kX − 1)FX (X ∗ , T ),
T FXT (X ∗ , T ) = kT FX (X ∗ , T )
2
Pour des références plus récentes, voir Carter 1984, Benjamin 1994 et Barrett (1996).
416
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
En substituant dans l’équation (11.1), on obtient :
FXT (X ∗ ,T )
FX
∗
k
F
(X
,
T
)
T
X
F (X ∗ , T )
kX F (X ∗ , T ) −
2 d
T
T
=
T
(kX − 1)FX (X ∗ , T )
dt
T
X∗
∗
X
(X ∗ ,T )
FXX (X ∗ ,T )
∗
+kT F (X ∗ , T ) − F (X , T ),
FT (X ∗ ,T )T
ce qui se simplifie en
d F (X ∗ , T )
1 − kT − kX
−2
=T
F (X ∗ , T ).
dt
T
kX − 1
Un fait stylisé important qui repose sur de nombreuses estimations économétriques de fonctions de production ou de fonctions de coûts agricoles est que
la technologie dans le secteur agricole est homogène de degré 1. Ceci implique
que 1 − kT − kX = 0 (rendements d’échelle constants) et il suit que
d F (X ∗ , T )
= 0,
dt
T
dans ce cas. Pour obtenir la relation inverse, il faudrait donc que les rendements d’échelle soient décroissants car, dans ce cas,
1 − kT − kX
< 0.
kX − 1
De même, pour les cas où la relation inverse va dans l’autre sens, il faudrait
des rendement d’échelle croissants, ce qui poserait un problème du point
de vue de la structure concurrentielle du marché. Feder 1985 construit un
modèle avec une technologie homogène de degré 1 où une contrainte de crédit
saturée et une technologie de supervision coûteuse associée à la main-d’oeuvre
embauchée lui permettent d’obtenir une relation significative entre la taille
de l’exploitation et l’output par hectare. Dans ce qui suit, nous verrons que
les contraintes de crédit et le différentiel de productivité entre main-d’oeuvre
familiale et main-d’oeuvre embauchée constituent deux points charnières des
modèles de ménages ainsi que des modèles de structure de classe.3
3
Sur d’autres explications pour la relation inverse entre la taille et la productivite, voir
Barrett (1996), Carter (1984) et Benjamin .
11.2. LE MODÈLE UNITAIRE ET LA SÉPARABILITÉ
11.2
Le modèle unitaire et la séparabilité
11.2.1
La fonction objectif du ménage
417
Le modèle unitaire de base suppose qu’il existe une fonction objectif qui
représente les préférences du ménage. Or, cette hypothèse, nous le savons,
est très forte. L’agrégation des préférences dans le modèle unitaire peut être
opéré de plusieurs façons. Premièrement, on peut supposer que le ménage est
dirigé par un dictateur qui impose ses préférences individuelles à l’ensemble
du ménage. Le problème de la manière dont les préférences hétérogènes des
membres du ménage sont agrégées afin d’en arriver à une fonction objectif
commune est alors évacué d’emblée.4
Deuxièmement, on peut supposer que le ménage maximise une fonction
croissante et concave des préférences individuelles (une somme pondérée des
préférences de chaque membre, par exemple). Les modèles de ménage basés
sur l’agrégation, par consensus, des préférences de chaque membre est parfois
appelle “modèle consensuel”, selon la terminologie d’un célèbre article de
Samuelson (1956). La fonction objectif du ménage est alors donnée par :5
U=
i=K
i=1
αi U i (ci , li ).
Le résultat le plus important de cette hypothèse est que l’allocation intraménage sera un optimum de Pareto. La raison est simple : si le ménage
maximise une fonction des préférences individuelles, et si cette fonction est
croissante et concave dans les utilités individuelles, nous savons par le Corollaire au Premier Théorème Fondamental du Bien Etre (Chapitre 5) que
l’allocation qui en résulte est un optimum de Pareto. Cette hypothèse d’optimalité au sens de Pareto de l’allocation intra-ménage est aujourd’hui mise
en doute par certains travaux empiriques (voir ci-dessous). Toutefois, nous
commencerons ce chapitre par le modèle de ménage unitaire, car il représente
la composante la mieux développée et la plus utilisée de la littérature. De
surcroît, de nombreux auteurs (tels que Rosenzweig) continuent d’adhérer au
modèle unitaire, et ne trouvent pas les résultats empiriques qui le mette en
doute convaincants.6
4
Une autre approche permet également l’agrégation des préférence : suivant les résultats de Gorman 1953 et Nataf 1953, un ménage composé de membres ayant des préférences
homothétiques permet d’agrégé leurs fonctions d’utilité en une fonction de bien-être comune. Une discussion technique de ces questions, avec plusieurs exemples tres simples est
donnee par Shafer et Sonnenschein 1982, p. 674-679.
5
Voir Browning et Chiappori (1994), Browning, Bourguignon, Chiappori et Lechene
(1994), Chiappori (1988, 1992).
6
Une troisième manière de fonder le modèle unitaire, et une alternative au modèle
418
11.2.2
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Le modèle unitaire et le résultat de séparabilité
de base
Nous supposerons que les préférences du ménage peuvent être représentées
par une fonction d’utilité dénotée par
U(c, l),
où c est la consommation et l est le loisir. Cette fonction d’utilité respecte
les hypothèses habituelles
Uc > 0, Ul > 0, Ucc < 0, Ull < 0.
La technologie de production est donnée par
F (X, K, T ),
où X représente l’intrant total de travail sur l’exploitation, K des facteurs
de production intermédiaires (variables), et T un facteur supposé ici fixe (la
terre). Une hypothèse clef d’un bon nombre de modèles de ménages est qu’il
existe une substituabilité parfaite entre main-d’oeuvre embauchée et maind’oeuvre familiale. Cette hypothèse s’exprime algébriquement en posant
X =L+H
(11.2)
où L est la main-d’oeuvre familiale utilisée sur l’exploitation et H est la maind’oeuvre embauchée. L’alternative est de spécifier une technologie de production où le degré de substituabilité entre les deux types de main-d’oeuvre n’est
pas parfaite, soit à travers une fonction d’agrégation (de la forme CES, par
exemple), soit en introduisant les deux types de main-d’oeuvre séparément
dans la fonction de production. Nous développerons les conséquences de cette
spécification moins restrictive plus loin dans le chapitre. Le problème d’optimisation du ménage est donc donné par :
maxU (c, l)
{c,l}

c≤Π+y



X =L+H
s.c.
l = Ω−L−E



Π = F (X, K, T ) − wH + wE − rK
consensuel de Samuelson, est l’approche de Becker (1981), basée sur la présence d’un "parent" altruiste et d’un nombre d’enfants "pourris". Nous allons considérer cette approche,
et ses variantes, lorsque nous aborderons les modèles d’allocation intra-ménage.
11.2. LE MODÈLE UNITAIRE ET LA SÉPARABILITÉ
419
Ce problème contraint peut être aisément transformé dans un problème noncontraint en substituant pour la contrainte budgétaire qui peut être supposée
saturée de par la non-satiété des préférences du ménage (utilité marginale de
la consommation strictement positive) :
max U (F (X, K, T ) − w(X − L) + wE − rK + y, Ω − L − E).
{X,K,E,L}
À cause de l’hypothèse de substituabilité parfaite entre main-d’oeuvre embauchée et familiale, deux cas se présenterons : H > 0, E = 0 ou bien
H = 0, E > 0. Nous pouvons alors éliminer la notation en E, et poser le
problème plus simplement comme suit
max U(F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L).
{X,L,K}
Nous saurons que nous avons à faire à une ménage qui “exporte” de la maind’oeuvre lorsque X ∗ − L∗ = H ∗ < 0. Le ménage embauchera de la maind’oeuvre lorsque X ∗ − L∗ = H ∗ > 0.
Les CPOs qui caractérisent l’optimum sont alors données par :
Uc (.) [FX (.) − w] = 0;
Uc (.) [FK (.) − r] = 0;
wUc (.) − Ul (.) = 0.
(11.3)
Il est essentiel de noter que nous pouvons trouver la solution des deux premières CPOs qui nous fournissent les valeurs optimales de X et K comme
solutions à un problème de maximisation des profits. Remarquons, lorsque
l’utilité marginale de la consommation est strictement positive (encore une
fois, la condition de non-satiété), que ces CPOs peuvent se réécrire (en divisant des deux côtés par Uc (.)) :
FX (.) − w = 0;
FK (.) − r = 0;
(11.4)
ce qui correspond tout simplement à la caractérisation de l’optimum pour le
problème d’optimisation suivant :
max F (X, K, T ) − wX − rK = max Π.
{X,K}
{X,K}
Le choix des intrants de production est donc déterminé comme solution à
un problème de maximisation des profits. Nous pouvons alors introduire la
valeur des profits, évalués à l’optimum (Π∗ = pF (X ∗ , K ∗ , T ) − wX ∗ − rK ∗ ),
dans le problème d’offre de travail, qui devient :
maxU (Π∗ + wL + y, Ω − L).
{L}
420
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
La caractérisation du choix optimal de L est alors tout simplement donnée
par la troisième CPO du problème original.
La séparabilité dans un modèle de ménage revient donc à une caractérisation de l’optimum du côté producteur qui reste indépendante du côté
consommateur. Formellement, ceci veut dire que les préférences du ménage
n’interviennent pas dans les choix de production. Par contre, il est évident,
dans le modèle élémentaire que nous venons de voir, que l’allocation de la
main-d’oeuvre entre celle embauchée et celle familiale, découle nécessairement des préférences du ménage, car elle est déterminée par la décision d’offre
de travail de ce dernier.
11.3
Causes de la non-séparabilité
Reprenons le problème précèdent et introduisons une contrainte supplémentaire au programme d’optimisation du ménage. Nous allons considérer une forme générale qui montre comment une contrainte supplémentaire
peut entraîner la non-séparabilité. Nous verrons ensuite pourquoi la nonséparabilité est importante du point de vue de l’allocation des intrants. Nous
développerons ensuite quatre exemples spécifiques de sources possibles de
non-séparabilité.
11.3.1
Une contrainte de forme générale
Considérons d’abord une contrainte sur le comportement du ménage qui
prend une forme générale, sans en spécifier l’origine précise. Le problème
d’optimisation du ménage est alors donné par :
max U (F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L)
{X,L,K}
s.c. g(X, K, L, T, w, r, Ω, y) ≤ 0.
Le Lagrangien associé au problème est donné par
Λ = U (F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L)
+λg(X, K, L, T, w, r, Ω, y).
Les CPOs qui définissent l’optimum s’écrivent :
Uc (.) [FX (.) − w] + λgX (.) = 0;
Uc (.) [FK (.) − r] + λgK (.) = 0;
wUc (.) − Ul (.) = 0.
(11.5)
On voit alors clairement, lorsque la contrainte est saturée (λ > 0) que la
productivité marginale de la main-d’oeuvre et du capital ne sont plus égales
à leurs coûts d’opportunité respectifs. La séparabilité ne tient donc plus.
11.3. CAUSES DE LA NON-SÉPARABILITÉ
11.3.2
421
Importance de la non-séparabilité
La non-séparabilité, indépendamment de sa cause, n’est pas seulement un
curiosum théorique. Ses conséquences sont importantes au niveau de l’efficacité de l’allocation inter-ménage. Rappelons que la séparabilité implique, par
exemple, que la productivité marginale de la main-d’oeuvre sera la même sur
toutes les exploitations. Quel est le coût d’une déviation par rapport à cette
situation optimale ? Prenons l’exemple d’une quantité fixe de main-d’oeuvre
qui doit être allouée entre deux exploitations. Soit FL1 (L1 ) la productivité
marginale de la main-d’oeuvre sur l’exploitation 1 et soit FL2 (L2 ) la productivité marginale de la main-d’oeuvre sur l’exploitation 2. Soit L̄ la quantité
totale de main-d’oeuvre à disposition, avec L̄ = L1 +L2 . Alors l’output agrégé
produit avec cette quantité totale de main-d’oeuvre est donné par :
Q=
0
L1
FL1 (L)dL
+
L2
FL2 (L)dL
0
=
L1
FL1 (L)dL
0
+
L̄−L1
0
FL2 (L)dL.
La CPO qui défini l’allocation optimale de main-d’oeuvre est donc donnée
(appliquez la règle de Leibnitz, Recette 11) par :
FL1 (L1∗ ) = FL2 (L̄ − L1∗ )
ce qui correspond bien à l’égalité des productivités marginales de la maind’oeuvre sur les deux exploitations. Supposons maintenant, de par la nonséparabilité, que ces productivités marginales ne soient plus égales. Plus
formellement, supposons que L1 = L̄1 (avec L̄1 fixe), et que FL1 (L̄1 ) <
FL2 (L̄ − L̄1 ). La perte d’output total engendré par la non-séparabilité sera
alors donnée par
∆Q =
L1∗
L̄1
FL2 (L)dL
−
L̄1
L1∗
FL1 (L)dL.
Nous illustrons cette discussion dans la Figure 11.1.
422
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
FL1 (.)
FL2 (.)
∆Q
L1∗
L1
L1
L2
L
F. 11.1 — Le coût de la non-séparabilité
La productivité marginale de la main-d’oeuvre est représentée par les deux
courbes. Pour l’exploitation 1, on mesure l’utilisation de la main-d’oeuvre
de gauche à droite, pour l’exploitation 2, de droite à gauche. La largeur
totale entre les deux axes verticaux donne la quantité totale de main-d’oeuvre
disponible (L̄). L’intersection des deux courbes nous donne l’allocation qui
maximise l’output productible avec un total de L̄ travailleurs. La production
totale est alors donnée par la surface sous les courbes (c’est ce qui correspond
graphiquement aux intégrales ci-dessus). Lorsque les productivités marginales
ne sont pas égales, et on se trouve au point L̄1 (on voit clairement sur le
Graphique 11.1 que la productivité marginale est nettement supérieure sur
l’exploitation 2 que sur l’exploitation 1), la perte de production engendrée
par cette allocation inefficace est représentée par le triangle dans lequel se
trouve inscrit ∆Q.
Le fait que les productivités marginales de la main-d’oeuvre ne soient pas
égales implique donc que l’on aurait pu produire plus avec la même quantité
d’intrants. La non-séparabilité entraîne donc une inefficacité qui se traduit
par la perte d’une partie de la production potentielle.
La non-séparabilité a des implications très importantes par rapport à
l’effet de programmes gouvernementaux qui affectent la consommation. En
cas de séparabilité, une politique qui affecte à la marge le prix d’un bien
de consommation qui n’est pas produit par le ménage, une subvention par
exemple, n’a aucun impact sur les décisions de production et n’affecte que
les décisions de consommation. Au contraire, en présence de non-séparabilité,
une politique qui change le prix relatif d’un bien de consommation, même
si celui-ci n’est pas produit par le ménage, peut affecter ses décisions de
11.3. CAUSES DE LA NON-SÉPARABILITÉ
423
production. Nous verrons un exemple précis de ce type de phénomène à la
section 11.3.5.
11.3.3
Contrainte de crédit
Une contrainte de crédit représente la manière la plus commune d’introduire la non-séparabilité dans un modèle de ménage. Une particularité de
la production agricole est que les intrants doivent être achetés en début de
saison alors que la réalisation de l’output n’a lieu qu’en fin de saison. Il est
alors évident que, pour produire, le ménage aura besoin de crédit à court
terme qui lui permettra d’obtenir ses intrants en début de saison. Le coût
des intrants dans ce modèle très simple est évidemment donné par
w(X − L) + rK
où il est clair que hypothèse de paiement pour les intrants en début de saison
implique qu’un ménage exportateur de main-d’oeuvre obtiendra une somme
positive de ces activités en début de saison. Soit B la disponibilité de crédit
du ménage. Alors la contrainte de crédit s’écrit :
w(X − L) + rK ≤ B.
Le problème d’optimisation du ménage est donc donné par :
max U (F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L)
{X,L,K}
s.c. w(X − L) + rK − B ≤ 0.
Le Lagrangien associé au problème est alors donné par :
Λ = U (F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L)
+λ [w(X − L) + rK − B] .
Les CPOs qui définissent l’optimum s’écrivent :
Uc (.) [FX (.) − w] + λw = 0;
Uc (.) [FK (.) − r] + λw = 0;
wUc (.) − Ul (.) − λw = 0.
(11.6)
Lorsque la contrainte est saturée, il est clair qu’il existera une déviation de la
productivité marginale des intrants par rapport à leur coût d’opportunité sur
le marché. On voit également que le multiplicateur de Lagrange représente la
valeur ombre d’un relâchement de la contrainte de crédit car, par le Théorème
de l’Enveloppe (Recette 8), la dérivée de la fonction objectif du ménage,
évaluée à l’optimum, par rapport à B est égale à λ. Une contrainte saturée
implique que le bien-être du ménage pourrait être augmenté, à l’optimum,
en augmentant la disponibilité de crédit.
424
11.3.4
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Contrainte sur le marché du travail
Considérons maintenant le modèle de base pour le cas d’un ménage qui,
en l’absence d’autres contraintes, voudrait “exporter” de la main-d’oeuvre
(L − X = E > 0). Supposons aussi qu’il existe une contrainte sur le marché
du travail local (du chômage involontaire) qui fait que le ménage ne peut pas
trouver d’emplois pour plus de Ē de ses membres. Le problème du ménage
s’écrit alors :
max U (F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L)
{X,L,K}
s.c. L − X ≤ Ē
Le Lagrangien associé à ce problème est évidemment donné par
Λ = U (F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L) + λ L − X − Ē ,
et il suit que la caractérisation de l’optimum est donnée par :
Uc (.) [FX (.) − w] − λ = 0;
Uc (.) [FK (.) − r] − λ = 0;
wUc (.) − Ul (.) + λ = 0.
(11.7)
Lorsque la contrainte est saturée et λ > 0 on voit clairement que la séparabilité ne tient plus. Considérons ce cas. En substituant L = Ē + X dans le
problème du ménage, nous obtenons le problème non-contraint suivant :
max U(F (X, K, T ) + w Ē − rK + y, Ω − Ē − X),
{X,K}
et l’optimum est donc caractérisé par les conditions
Uc (.)FX (.) − Ul (.) = 0;
Uc (.) [FK (.) − r] = 0.
La propriété de séparabilité a donc disparu parce que les choix de production
dépendent de la fonction d’utilité du ménage.
11.3.5
Contrainte sur le marché de l’output
Supposons qu’il existe deux biens de consommation, c1 et c2 . Le bien 1
est celui produit par le ménage agricole, tandis que le bien 2 est un bien que
nous pourrions appeler “urbain”. Nous écrirons alors la fonction d’utilité du
ménage comme
U (c1 , c2 , l),
11.3. CAUSES DE LA NON-SÉPARABILITÉ
425
tandis que la contrainte budgétaire devient
c1 + pc2 = F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y,
où p est le prix relatif du bien 2 (rappelons que le bien 1 reste le numéraire).
Le problème d’optimisation du ménage sous forme non-contrainte devient
alors :
max U(F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y − pc2 , c2 , Ω − L).
{X,L,K,c2 }
c1
On voit aisément, en l’absence de contraintes supplémentaires, que cette généralisation du modèle maintient le résultat de séparabilité de base car, en
termes des deux intrants physiques dans la fonction de production, nous aurons toujours les deux CPOs :
Uc1 (.) [FX (.) − w] = 0;
Uc1 (.) [FK (.) − r] = 0.
(11.8)
Supposez maintenant que le paysan éprouve des difficultés à écouler sa
production (constituée par le bien 1) sur le marché (des infrastructures insuffisantes en milieu agricole pourraient en être la cause). En particulier,
supposons que le paysan soit incapable de vendre plus qu’une quantité Q̄
de son output. Pour ce qui est de l’autoconsommation du bien 1, rien n’est
changé dans la mesure où le producteur n’a pas besoin de passer par le marché afin d’obtenir sa consommation du bien 1. Pour le bien 2, par contre, une
contrainte saturée sur le marché du bien 1 peut affecter son choix optimal de
consommation. Pour être plus précis, notons que la quantité du bien 1 que le
ménage désire vendre sur le marché est donnée par F (X, K, T ) − c1 , et que ce
que nous pourrions appeler la contrainte de commercialisation s’écrit donc :
F (X, K, T ) − c1 ≤ Q̄.
Le problème d’optimisation du ménage est alors donné par :
max U(c1 , c2 , Ω − L)
c1 + pc2 ≤ F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y
s.c.
F (X, K, T ) − c1 − Q̄ ≤ 0
{X,L,K,c2 ,c2 }
Remarquons qu’en substituant la première contrainte (la contrainte budgétaire qui sera supposée toujours saturée) dans la deuxième, celle-ci peut
s’écrire :
w(X − L) + rK − y + pc2 − Q̄ ≤ 0.
426
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Nous poserons donc le Lagrangien suivant pour le problème :
Λ = U (F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y − pc2 , c2 , Ω
− L)
+λ w(X − L) + rK − y + pc2 − Q̄ .
On voit alors que les conditions de premier ordre qui caractérisent l’optimum
de ce problème sont données par :
Uc1 (.) [FX (.) − w] + λw = 0;
Uc1 (.) [FK (.) − r] + λr = 0;
−pUc1 (.) + Uc2 (.) + λp = 0;
wUc1 (.) − Ul (.) − λw = 0.
(11.9)
Lorsque la contrainte sur le marché de l’output n’est pas saturée et λ = 0,
les deux premières conditions reviennent évidemment à celles données par
les équations (11.8). Par contre, lorsque la contrainte est saturée et λ est
strictement positif, il est clair que les décisions de production dépendrons de
l’utilité marginale de la consommation.
Supposons que les deux contraintes soient saturées. Alors elles peuvent
s’écrire :
c1 = F (X,
K, T ) − Q̄;
c2 = p−1 Q̄ − w(X − L) − rK + y .
Le problème d’optimisation devient alors :
max U(F (X, K, T ) − Q̄, p−1 Q̄ − w(X − L) − rK + y , Ω − L).
{X,L,K}
Les CPOs qui définissent implicitement l’optimum sont donc données par :
Uc1 (.)FX (.) − p−1 wUc2 (.) = 0;
Uc1 (.)FK (.) − p−1 rUc2 (.) = 0;
p−1 wUc2 (.) − Ul (.) = 0.
Considérons maintenant un changement dans le prix du bien de consommation “urbain” dans le contexte d’un exemple paramétrique très simple.
Supposons que les préférences du ménage sont décrites par une fonction d’utilité Cobb-Douglas additive séparable dans la consommation et dans le loisir
(cα1 c1−α
+ ωl), et que la main-d’oeuvre est le seul facteur de production va2
riable (F (.) = X δ T 1−δ ). Le problème d’optimisation du ménage est donné
par :
α −1 1−α
max X δ T 1−δ − Q̄
p
Q̄ − w(X − L)
+ ω(Ω − L).
{X,L}
11.3. CAUSES DE LA NON-SÉPARABILITÉ
427
Vous pourrez facilement vérifier, après manipulation des conditions de premier ordre, que
1−α
1 w α(1−δ)
1−α
−1 1−δ
∗
X = α (1 − α) α δω α
.
p
Supposons que le prix du bien 2 est subventionné par les autorités, et qu’un
programme d’ajustement implique qu’il augmentera. Alors l’expression précédente pour la quantité optimale de main-d’oeuvre implique que dX ∗ /dp < 0.
Il suit qu’une augmentation dans le prix du bien “urbain” entraînera non
seulement une diminution dans sa consommation (calculez c∗2 afin de vérifier cette déclaration), mais également une réduction dans la production du
bien agricole. Ce deuxième effet serait absent si nous étions dans le cas séparable, où la contrainte de commercialisation ne serait pas saturée. Une autre
manière de comprendre ce résultat est comme suit : dans le cas séparable,
la fonction d’offre du producteur n’est fonction que du prix des intrants et
du prix du bien agricole. Lorsque la séparabilité ne tient plus, la fonction
d’offre agricole n’est pas uniquement donnée par la courbe de coût marginal
du producteur, mais prend nécessairement en compte d’autre facteurs reliés au côté consommation du ménage. Estimer une fonction d’offre classique
pour des ménages agricoles qui ne sont pas en état de séparabilité représente
une erreur de spécification économétrique importante, et peut conduire à des
prescriptions politiques erronées.
11.3.6
Contrainte sur le marché d’assurance
Supposons maintenant que la production est stochastique. Formellement,
posons
Q = θF (X, K, T ),
où θ est une variable aléatoire distribuée selon la densité g(θ) sur [0, θ̄]. En
reprenant le modèle de base, le problème d’optimisation du ménage peut
s’écrire :
max E[U (.)]
{X,L,K}
=
max
{X,L,K}
θ̄
U (θF (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L)g(θ)dθ.
0
L’optimum sera alors caractérisé par les CPOs suivantes :
θ̄
U (.) [θFX (.) − w] g(θ)dθ = 0;
0θ̄ c
Uc (.) [θFK (.) − r] g(θ)dθ = 0;
0θ̄
[wUc (.) − Ul (.)] g(θ)dθ = 0.
0
(11.10)
428
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Comme Uc (.) est une fonction décroissante de θ, l’hypothèse d’aversion pour
le risque implique que les décisions de production optimales dépendent de
l’utilité marginale de la consommation. Notons en passant que si le ménage
était neutre envers le risque, alors nous aurions Uc (.) égale à une constante,
et la CPO par rapport à l’intrant main-d’oeuvre serait alors donnée par :
θ̄
FX (.)
[θg(θ)dθ] − w Uc = [FX (.)E[θ] − w] Uc = 0.
0
Dans ce cas particulier nous aurions donc la séparabilité.
Quel est le marché manquant qui induit la non-séparabilité lorsque les
ménages sont riscophobes ? Des deux premières CPOs, il devrait être évident
que c’est la variation de l’utilité marginale de la consommation à travers
les différents états de la nature qui génère la non-séparabilité. Or, le but
du marché de l’assurance est d’égaler l’utilité marginale de la consommation
à travers tous les états de la nature (au moins dans le cas d’une assurance
complète). Supposons donc maintenant qu’il existe un marché de l’assurance.
La prime d’assurance équitable du point de vue actuariel, dénotée ici par δ,
sera implicitement définie par (voir le chapitre 5 pour la définition implicite
de la prime d’assurance) :
max
θ̄
{X,L,K} 0
U (θF (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y, Ω − L)g(θ)dθ
= max U(E[θ]F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + y − δ, Ω − L).
{X,L,K}
Dans ce cas, la caractérisation des choix de production optimaux est donnée
par :
E[θ]FX (.) − w = 0;
E[θ]FK (.) − r = 0;
ce qui correspond à la solution à un problème de maximisation de l’espérance
des profits. Rajouter un marché d’assurance permet donc de retrouver le
résultat de séparabilité de base.
11.3.7
Tests empiriques de la séparabilité
Il est clair théoriquement que la séparabilité implique que le problème
de maximisation de l’utilité d’un ménage peut être divisé en deux parties.
Le ménage met d’abord son “chapeau” producteur et maximise ses profits.
Ensuite, le ménage intègre ses profits maximisés à sa contrainte budgétaire,
met son “chapeau” consommateur, et maximise son utilité en choisissant son
offre de travail ainsi que sa consommation. La question intéressante du point
11.3. CAUSES DE LA NON-SÉPARABILITÉ
429
de vue empirique est de savoir quelles sont les implications économétriques
de cette importante restriction sur le comportement du ménage.
Considérons les CPOs de l’exemple général de non-séparabilité données
par les équations (11.5) :
Uc (.) [FX (.) − w] + λgX (.) = 0;
Uc (.) [FK (.) − r] + λgK (.) = 0;
wUc (.) − Ul (.) = 0.
Il est clair, lorsque λ∗ > 0, que ces trois conditions définissent le niveau optimal de main-d’oeuvre totale utilisée sur l’exploitation familiale commeX ∗NS =
X ∗NS (T, w, r, Ω, y), où l’indice NS dénote le fait que nous sommes dans le cas
non-séparable. Il en est de même pour K ∗ et l∗ . Lorsque la contrainte n’est pas
saturée, par contre, λ∗ = 0, nous avons la séparabilité, et X ∗S = X ∗S (T, w, r).
La différence entre le cas séparable et le cas non-séparable est alors clair.
Lorsque nous avons la séparabilité, la quantité optimale de main-d’oeuvre
utilisée sur l’exploitation familiale est indépendante de Ω et y, tandis que la
non-séparabilité implique que l’utilisation totale de main-d’oeuvre dépend de
Ω et de y. La séparabilité implique donc une restriction d’exclusion dans un
modèle économétrique très simple.
Soit Zi le vecteur (T, w, r) qui est donc constitué par des éléments qui
sont indépendants des caractéristiques du ménage. L’indice des ménages sera
représenté par i. Considérons la régression suivante :
Xi = Zi β + Ωi γ + yi α + εi .
(11.11)
La séparabilité est alors donnée par l’hypothèse nulle H0 : γ̂ = 0, α̂ = 0.
Cette méthodologie a été implémentée pour la première fois sur des données micro-économiques par Benjamin 1992, qui ne peut pas rejeter, sur un
important échantillon de paysans indonésiens, l’hypothèse nulle de séparabilité. Udry 1996a en donne une explication magistrale que vous pourrez
consulter avec profit.7 À titre d’illustration, considérez les résultats empiriques suivants issus de l’estimation d’une régression semblable à celle donnée
dans (11.11) sur les données du village tunisien de El Oulja (voir Arcand et
D’Hombres 2002 pour de plus amples détails). Les résultats sont présentés
au Tableau ci-dessous.
Une méthode alternative à celle basée sur la restriction d’exclusion est
proposée par Jacoby 1993. Considérons à nouveau les CPOs qui définissent
7
Voir également Kevane (1994), Barrett (1996), Collier (1983), Carter (1984), Bardhan
(1973) qui trouvent des résultats empiriquent en faveur de la non-séparabilité. Seuls Pitt et
Rosenzweig (1986) trouvent, comme Benjamin (1992), des résultats empiriques conforment
avec l’hypothèse nulle de la séparbilité.
430
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Mean of dep. var. = 3.825
Pooling
(1)
Fixed
effects
λh
(2)
Plot characteristics (X1iht )
Soil type 1 (clay)
−0.012
0.189
0.045
0.164
Soil type 2 (red)
−0.467
−0.310
−0.456
−0.425
Soil type 3 (sandy)
−0.170
−0.031
−0.149
0.120
Soil type 4 (barren)
0.305
0.377
0.130
0.387
Irrigated plot
0.576
0.371
0.563
1.209
Joint signif. of plot chars. χ25 [p-value]
15.361
7.031
99.632
22.917
Manure
0.974
4.175
1.496
2.622
Chemical fertilizer
1.069
−0.429
0.973
−0.391
Irrigation
−0.128
1.891
0.333
1.443
Plowing
−0.080
−1.415
−0.428
−0.914
Family labor
0.775
−0.230
0.544
0.056
Hired labor
−0.619
−0.407
−0.673
−0.612
Seeds
−0.674
−2.750
−0.815
0.900
Transportation
−1.073
−1.037
−1.304
−1.006
−1.008
−0.4561
−0.7416
−0.4789
Joint signif. of cost shares χ28 [p-value]
11.569
32.640
15.476
17.527
Log household size (Z2ht )
0.571
1.055
0.408
0.309
R2
σ
Test of overid. restrictions [d.f., p-value]
0.6934
1.4263
n.a.
0.8816
1.0824
n.a.
0.6805
1.4680
n.a.
0.6334
1.5657
12.347
(−0.046)
(−1.708)
(−0.674)
(0.819)
(2.322)
[0.008]
(0.512)
(−0.920)
(−0.096)
(0.886)
(1.461)
[0.218]
Random
HT
effects (consistent)
λht
λht
(3)
(4)
(0.153)
(−1.618)
(−0.557)
(0.344)
(2.669)
[0.000]
(0.506)
(−1.001)
(0.370)
(0.998)
(3.845)
[0.000]
Contractual terms (X2iht )
% of costs paid by the cultivator
% of output accruing to the cultivator
for :
Log surface of plot in hectares
(0.998)
(1.239)
(−0.191)
(−0.212)
(1.703)
(−1.246)
(−0.705)
(−1.837)
(−15.275)
[0.171]
(4.741)
(4.217)
(−0.472)
(2.658)
(−2.931)
(−0.378)
(−0.718)
(−2.465)
(−1.732)
(−4.945)
[0.000]
(2.406)
(1.657)
(1.168)
(0.525)
(−1.146)
(1.219)
(−1.442)
(−0.891)
(−2.475)
(−11.024)
[0.050]
(2.554)
T. 11.1 — La separabilite dans le village de El Oulja (Tunisie)
(1.303)
(−0.242)
(1.472)
(−1.413)
(0.108)
(−1.252)
(0.496)
(−1.508)
(−3.689)
[0.025]
(0.513)
[12,0.418]
11.4. MODÈLES DE STRUCTURE DE CLASSE
431
l’optimum dans le problème de base avec la contrainte générale (équations
(10.2)). Si nous prenons la CPO par rapport à l’utilisation totale de maind’oeuvre, nous voyons aisément qu’elle peut se réécrire
FX (.) = −λ
gX (.)
+ w.
Uc (.)
Supposons que nous pouvions construire empiriquement une mesure de la
productivité marginale de la main-d’oeuvre sur l’exploitation i, que nous
dénoterons par FX (.)i . Supposons également que nous disposions du salaire
payé par chaque ménage pour embaucher de la main-d’oeuvre, ou reçu par
le ménage lorsque celui-ci est un exportateur de main-d’oeuvre. Supposons
également qu’il existe une variation relativement importante dans ces salaires
entre différents ménages (causée par une dispersion géographique importante
dans l’échantillon). Considérons alors la régression suivante :
FX (.)i = α + wi β + εi .
(11.12)
Lorsque nous avons la séparabilité, nous savons que λ∗ = 0 et que FX (.) = w.
L’hypothèse nulle de séparabilité dans la régression (11.12) est donc donnée
par le test conjoint H0 : α̂ = 0, β̂ = 1. Jacoby 1993 construit une mesure de
la productivité marginale de la main-d’oeuvre sur un échantillon de ménages
agricoles péruviens en estimant, par la méthode des variables instrumentales,
une fonction de production. Il estime ensuite l’équation (11.12) et montre
que l’hypothèse nulle H0 : α̂ = 0, β̂ = 1 est fortement rejetée pour son
échantillon.
11.4
Modèles de structure de classe
Les modèles de structure de classe représentent une tentative de dériver,
à partir d’un modèle d’optimisation, la taxonomie de paysans relevée, dès le
début du siècle, par Chayanov et subséquemment développée par les économistes Marxistes. En tant que telle, la première contribution intéressante sur
le sujet est celle de Roemer 1982 qui, dans son livre A General Theory of
Exploitation and Class, développe les microfondations économiques de l’approche marxiste. Le modèle d’Eswaran et Kotwal (Eswaran et Kotwal 1986)
cristallise cette approche, la sort de son contexte purement marxiste, et pose
le problème explicitement dans le contexte du modèle de ménage unitaire.
Leur modèle canonique intègre (i) une contrainte de crédit, ainsi (ii) qu’une
technologie de supervision de la main-d’oeuvre embauchée.
432
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Typologie
Eswaran
-Kotwal modifiée
Autarcie
Travailleurcultivateur
du 1er type
Travailleurcultivateur
du 2ème type
Petit
capitaliste
Définition
X − L = 0,
L > 0,
H=0
L − X > 0,
L > 0,
H>0
L − X > 0,
L > 0,
H=0
L − X = 0,
L > 0,
H>0
Nombre
de
ménages
%
des
ménages
Nombre
de
parcelles
%
des
parcelles
26
8,7
56
7,0
150
50,5
405
50,9
38
12,8
80
10,1
83
28,0
254
31,9
T. 11.2 — Structure de classe d’El Oulja en 1993
À titre d’exemple, considérons la typologie des classes de paysans du
village tunisien d’El Oulja, en nous basant sur leur comportement vis-à-vis
du marché du travail.8
Ces 4 classes définies selon le degré de participation au marché du travail
(exportation ou importation de main-d’oeuvre, versus état d’autarcie), correspondent à des classes de paysans dont les caractéristiques semblent être
bien distinctes, en termes de leurs dotations en main-d’oeuvre, ainsi qu’en
propriété foncière. Pour les 4 classes définies ci-dessus, le Tableau suivant
fournit quelques indications des différences entre classes.
11.4.1
Un modèle illustratif très simple
Considérez le modèle de ménage suivant :
max U (F (X) − w(X − L) − S(H), Ω − L)
w(X − L) + S(H) ≤ B (λ)
s.c.
L ≥ 0 (µ)
{X,L}
8
Remarquez que les travailleurs-cultivateurs du premier type ne peuvent pas apparaître dans le modèle unitaire de base avec substituabilité parfaite entre la main-d’oeuvre
embauchée et la main-d’oeuvre familiale, car ces paysans sont à la fois exportateurs et
importateurs de main-d’oeuvre (voir la discussion de la section 10.2).
11.4. MODÈLES DE STRUCTURE DE CLASSE
Caractéristiques
Définition
Taille
du ménage
Mâles
adultes (%)
Âge
du chef
Scolarité
du chef
Propriété foncière
(hectares)
Richesse
(dinars tunisiens)
433
Autarcie
Travailleur- TravailleurPetit
cultivateur cultivateur capitaliste
type 1
type 2
L − X = 0, L − X > 0, L − X > 0, L − X = 0,
L > 0,
L > 0,
L > 0,
L > 0,
H=0
H>0
H=0
H >0
6,52
9,00
6,78
6,70
0,30
0,35
0,36
0,31
0,55
0,48
0,54
0,49
1,96
3,51
1,90
4,78
0,43
9,17
1,90
7,15
5751
29875
4233
29907
T. 11.3 — Caracteristiques des menages, par classe
où λ et µ représentent les multiplicateurs de Lagrange associés aux deux
contraintes. Par rapport au modèles précédents, l’unique innovation consiste
en l’introduction de coûts associés à l’embauche de la main-d’oeuvre (S(H)),
qui sont supposés être strictement positifs lorsque le ménage embauche (la
supervision de cette main-d’oeuvre entraîne des coûts), alors que ces coûts
sont manifestement nuls si le ménage est en autarcie ou est exportateur de
main-d’oeuvre.
Nous choisissons les formes paramétriques suivantes à titre d’illustration :
U (c, l) = c + ln l,
et
S(H) =
F (X) = ln(1 + X),
φ pour H > 0
0 autrement.
Le Lagrangien associé est donc donné par
Λ = ln(1 + X) − w(X − L) − S(H) + ln(Ω − L)
−λ [w(X − L) + S(H) − B] + µL.
Quatre cas de figure se présentent, dépendant des valeurs prises par les multiplicateurs de Lagrange.
434
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Considérons d’abords les cas correspondant aux paysans non-contraints
par le crédit.
Premier cas : λ = 0, µ = 0. Dans ce cas X ∗ = w −1 −1, H ∗ = X ∗ − L∗ =
−1
2w − 1 − Ω L∗ = Ω − w −1 . L’embauche est strictement positive lorsque
2w −1 − 1 > Ω. La contrainte de crédit est non-saturée (λ = 0) lorsque
2 − w − wΩ + φ < B. L’utilité indirecte du ménage est alors donnée par
U 1 = −2 ln w − 2 + w + wΩ − φ.
Deuxième cas : λ = 0, µ > 0. Comme l’offre de travail du ménage est nul,
la fonction objectif du ménage est donnée par ln(1 + X) − wX − φ + ln(Ω). La
quantité totale de main-d’oeuvre, qui est égale à la main-d’oeuvre embauchée,
est donnée par X ∗ = H ∗ = w−1 − 1. La contrainte de crédit reste nonsaturée lorsque 1 − w + φ < B. L’utilité indirecte du ménage est égale à
U 2 = − ln w − 1 + w − φ + ln(Ω). Est-il possible pour un ménage noncontraint sur le marché du crédit d’avoir une offre de travail nulle ? Pour
que ce soit le cas, il faudrait que U 2 = − ln w − 1 + w − φ + ln(Ω)
>
−2 ln w−2+w+wΩ−φ = U 1 , ce qui se simplifie en 1+ln w > wΩ−ln(Ω). Or
cette inégalité ne pourra jamais se manifester car minwΩ − ln(Ω) = 1 + ln w.
{Ω}
Il suit qu’un ménage non-contraint sur le marché du crédit choisira toujours
une offre de travail strictement positive.
Troisième cas : autarcie. L’autarcie correspond à la situation X = L. En
substituant dans la fonction objectif, on obtient U = ln(1 + L) + ln(Ω − L),
ce qui implique que L∗ = (Ω − 1)/2. À l’optimum, la fonction objectif du
ménage s’écrit donc U A = 2 (ln(1 + Ω) − ln 2).
Est-il possible pour un ménage non-contraint de choisir l’autarcie comme
solution optimale à son problème ? Nous savons déjà qu’un ménage noncontraint choisira toujours une offre de travail strictement positive. Nous
allons donc comparer l’utilité indirecte du ménage sous situation d’autarcie
avec son utilité indirecte lorsqu’il participe au marché du travail. Nous obtenons l’inégalité suivante : U A = 2 (ln(1 + Ω) − ln 2) > −2 ln w −2+w +wΩ−
φ = U 1 , ce qui se simplifie en 2 − 2 ln 2 + 2 ln w − w + φ > wΩ − 2 ln(1 + Ω).
La fonction wΩ − 2 ln(1 + Ω) atteint son minimum à Ω = 2w −1 − 1 et
pour cette valeur de Ω, wΩ − 2 ln(1 + Ω) = 2 − w − 2 (ln 2 − ln w). Or,
évaluée à cette valeur de Ω, l’utilité indirecte du ménage sous autarcie est
toujours supérieure à son utilité indirecte lorsqu’il participe au marché du
travail (en tant qu’importateur de main-d’oeuvre (φ > 0)). Comme la fonction wΩ − 2 ln(1 + Ω) prend la forme d’un U , il est évident que l’équation
2−2 ln 2+2 ln w −w +φ = wΩ−2 ln(1+Ω) admet deux solutions en Ω (notons, lorsque le ménage est exportateur net de main-d’oeuvre, que l’inégalité
s’avère impossible à satisfaire).
Dénotons ces deux solutions par Ω1 et Ω2 . Alors la discussion précédente
11.4. MODÈLES DE STRUCTURE DE CLASSE
435
implique que, pour Ω ∈ [Ω1 , Ω2 ], le ménage préférera l’autarcie à la participation au marché du travail. Notons également que 2w −1 − 1 ∈ [Ω1 , Ω2 ],
et qu’un ménage importateur de main-d’oeuvre est un ménage pour lequel
2w−1 − 1 > Ω. En résumé, pour Ω ∈ [0, Ω1 ], le ménage est un importateur
de main-d’oeuvre, pour Ω ∈ [Ω1 , 2w−1 − 1] le ménage choisira être en autarcie, alors que pour Ω ∈ [2w −1 − 1, Ω2 ], le ménage sera un exportateur de
main-d’oeuvre. Finalement, un ménage importateur de main-d’oeuvre sera
non-contraint par le crédit lorsque 2 − w − wΩ + φ < B. Nous pouvons ainsi
conclure avec les cas correspondant aux ménages non-contraints par le crédit.
Pour les ménages contraints par le crédit, il est évident que ce sont des
ménages importateurs de main-d’oeuvre (il ne peuvent manifestement ni être
en autarcie, ni être exportateurs de main-d’oeuvre), et que l’utilisation totale
de celle-ci est donnée par la contrainte de crédit supposée saturée : w(X −
L) + φ = B, ce qui implique que l’utilisation totale de la main-d’oeuvre
s’écrit :
B−φ
X∗ = L +
.
w
En substituant dans le problème d’optimisation du ménage, on voit alors que
celui-ci peut s’écrire :
B−φ
max ln 1 +
+ L − B + ln(Ω − L),
{L}
w
où l’on rappelle que S(H) est nul lorsque le ménage est en autarcie ou exporte
de la main-d’oeuvre, tandis que S(H) = φ lorsque le ménage embauche des
salariés. La valeur optimale de l’offre du travail est alors donnée par :
L∗ =
wΩ − w − B + φ
,
2w
ce qui implique que
.
La seule question à laquelle nous devons encore répondre est de savoir s’il
est dans l’intérêt de ces ménages contraints et importateurs de main-d’oeuvre
de fournir une offre de travail strictement positive (λ > 0, µ = 0). Lorsque
L > 0, l’utilité indirecte du ménage est donnée par :
wΩ + w + B − φ
3
U = 2 ln
− B,
2w
tandis que l’utilité indirecte d’un ménage contraint par le crédit dont l’offre
de travail est nulle est donnée par :
B−φ
ln 1 +
− B + ln(Ω) = U 4 .
w
436
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Les ménages en question choisirons une offre de travail nulle lorsque :
B−φ
4
U = ln 1 +
− B + ln(Ω)
w
wΩ + w + B − φ
> 2 ln
− B = U 3,
2w
ce qui se simplifie en 2 ln 2+ln w > 2 ln (w + B − φ + wΩ)−ln (w + B − φ)−
ln Ω. Appliquons la fonction exponentielle des deux côtés. Après quelques
manipulations, nous obtenons alors l’expression quadratique
w2 Ω2 − 2w (w + B − φ) Ω + (w + B − φ)2 < 0.
Il est alors évident que cette expression se factorise en
[wΩ − (w + B − φ)]2 < 0,
ce qui est foncièrement impossible. Il s’avère que les ménages importateurs
de main-d’oeuvre et contraint par le crédit choisirons toujours une offre de
travail strictement positive. Le modèle de structure de classe que nous avons
ainsi élaboré est illustré à la Figure 11.2.
B
H >0
Ω=Ω
importateur1
de main-d'oeuvre
non -contraint
X ∗ = w−1 − 1
H =0
X ∗ = L∗
Ω −1
=
2
paysan autarcique
H<0
exportateur de main-d'oeuvre
non-contraint
importateur
de main-d'oeuvre
H > 0, contrainte crédit saturée
Ω −1 B −φ
X∗ =
+
2
2w
Ω = 2 w−1 − 1
Ω
Ω = 2 w −1 − 1 + φ w −1
F. 11.2 — Illustration graphique d’un modèle de structure de classe simplifié
11.4. MODÈLES DE STRUCTURE DE CLASSE
437
On voit clairement dans la Figure 11.2 que deux classes sont responsables
pour la non-séparabilité : (i) les paysans dont la contrainte de crédit est saturée, qui sont forcément des importateurs de main-d’oeuvre, et (ii) les paysans
qui choisissent de rester en autarcie, qui ne sont donc pas contraints par le
crédit mais qui ont une dotation en main-d’oeuvre de taille “intermédiaire”
et une dotation en crédit suffisamment importante pour ne pas subir cette
contrainte.
11.4.2
L’Hypothèse de substituabilité parfaite
Une conséquence directe dans le modèle de structure de classe simplifié
ainsi que dans le modèle d’Eswaran et Kotwal de l’hypothèse de substituabilité parfaite entre les deux types de main-d’oeuvre est qu’une classe où les
ménages sont à la fois des exportateurs et des importateurs de main-d’oeuvre
ne peut exister. Or, pour ne citer que l’exemple du village tunisien de El
Oulja, de tels ménages représentent plus de 50% de la population du village
(voir le Tableau 10.2). Une modification de cette hypothèse simplificatrice
est alors nécessaire.
Considérez le modèle de ménage paramétrique suivant, où nous évacuerons le problème d’offre de travail en supposant que le ménage dispose d’une
dotation de travail fixe, dénotée par Le (voir Arcand, Conning, et Ethier 1999
pour de plus amples détails). On supposera également qu’il existe un marché
de location pour la terre, dont le prix de location par hectare sera dénoté par
r.9 Le problème d’optimisation est posé comme suit :
max Lα (1 + H)β T δ + w (Le − L) + r (T e − T ) − wH − F
{L,H,T }
s.c. w (Le − L) + r (T e − T ) − wH − F ≥ 0 (λ)
Le − L ≥ 0 (µ)
H ≥ 0 (η),
où λ, µ et η sont les trois multiplicateurs de Lagrange associés avec les
contraintes. Afin de pouvoir obtenir des solutions explicites, nous supposerons
que la fonction de production admet des rendements d’échelle décroissants
(α + β + δ < 1), plutôt que les coûts de supervision associés avec la maind’oeuvre embauchée utilisés par Eswaran et Kotwal 1986. Afin d’éviter la
division des exploitations en parcelles infiniment petites, nous supposerons
qu’il y a des coûts fixes, représentés par F , associés avec l’exploitation de
chaque parcelle. Après avoir écrit le Lagrangien, les conditions de Kuhn9
Notez que, dans les modèles traités jusqu’ici, nous avions supposé qu’il n’y avait pas
de marché pour la terre.
438
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Tucker qui caractérisent l’optimum sont données par :
αLα−1 (1 + H)β T δ − w (1 + λ) − µ = 0;
βLα (1 + H)β−1 T δ − w (1 + λ) + η = 0;
δLα (1 + H)β T δ−1 − r (1 + λ) = 0;
(w (Le − L) + r (T e − T ) − wH − F ) λ = 0;
(Le − L) µ = 0;
Hη = 0.
Comme il y a trois multiplicateurs de Lagrange, nous avons 23 = 8 classes
possibles. Elles sont définies comme suit, où nous allons nous concentrer sur
la partition de l’espace des dotations en terre et en main-d’oeuvre (Le , T e ).
Quatre cas avec contrainte de crédit saturée.
Cas 1 : autarcie. Pour
F
F w r −1 e w r −1 F
e
e
T > ; T > +
L;
+ > Te ,
r
r
α
δ
β
δ
r
nous avons T = T e − Fr , L = Le , H = 0.
Cas 2 : petit capitaliste. Aucune “exportation” de main-d’oeuvre familiale, embauche de main-d’oeuvre salariée, pour
F −w e
β + δ w r −1 e F − w e
w
r −1 F
e
L+
+
T >
,T >
,T >
,
r
δ
α
δ
r
β
δ
r
nous avons
e
−1
r −1 rT e − F + w rT − F + w
w
e
, L=L , H=
T =
− 1.
δ
β+δ
β+δ
β
Cas 3 : travailleur-cultivateur du second type. Exportation de main-d’oeuvre
familiale, aucune embauche de salariés. Pour
r −1 w α + δ r −1 w
w
w e F
F
F
e
T >− L + ,
− Le + > T e , T e <
Le +
r
r
δ
δ
β
r
r
δ
α
r
nous avons
r −1 wLe + rT e − F w −1 wLe + rT e − F T =
, L=
, H=0
δ
α+δ
α
α+δ
Cas 4 : travailleur-cultivateur du premier type. Exportation de main-d’oeuvre
familiale, embauche de salariés. Pour
w e F
w
β + δ r −1 w e F
w
e
e
For T > − L + − , T <
L + − ,
r
r
r
δ
δ
α
r
r
11.4. MODÈLES DE STRUCTURE DE CLASSE
w
T > − Le +
r
e
α+δ
δ
439
r −1 w
F
+ ,
δ
β
r
nous avons
w −1 wLe + rT e + w − F r −1 wLe + rT e + w − F T =
, L=
,
δ
α+β+δ
α
α+β+δ
−1 e
w
wL + rT e + w − F
H=
− 1.
β
α+β+δ
Quatre cas avec contrainte de crédit non-saturée.
Cas 5 : autarcie. Pour
1
1
α+δ−1
1−δ δ α
1
r − 1−δ
α
w
w 1−δ r δ
F
r
e
e
e 1−δ
>L >
, T −(L )
− >0 ,
β
δ
α
δ
δ
r
nous avons
α
T = (Le ) 1−δ
Cas 6 : petit capitaliste. Pour
e
L >
e
α
e
nous avons
T = (L )
δ
, L = Le , H = 0.
1
w 1−β−δ w β r δ α+β+δ−1
T > (L )
e
1
r − 1−δ
α
1−β−δ
β
α
1−β−δ
δ
e
, L >
−β
β−1
β+δ w 1−β−δ
r 1−β−δ
δ
β
δ
+
1
1−δ δ α
w
r
F
r
β
−
δ
,
w
r
−β
δ−1
1−β−δ
1−β−δ
β−1
−δ
r 1−β−δ
r 1−β−δ
α
w
w
e
e 1−β−δ
, L = L , H = (L )
−1
β
δ
β
δ
Cas 7 : cultivateur-travailleur du second type. Pour
1
α+δ−1
α
δ
r α+δ−1
w w α+δ−1
w e
α+δ
w α r 1−α
F
e
>
, T >− L +
+
β
α
δ
r
δ
α
δ
r
nous avons
T =
α
1−α
1−δ
δ
w α+δ−1
r α+δ−1
w α+δ−1
r α+δ−1
, L=
, H = 0.
α
δ
α
δ
Cas 8 : cultivateur-travailleur du premier type. Pour
1
w α w 1−α−δ r δ α+β+δ−1
α
β
δ
> 1,
1
w 1−β−δ w β r δ α+β+δ−1
α
β
δ
< Le ,
440
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
1
α+β+δ−1
β α
1−α−β
w
w
r
w
α
+
β
+
δ
w
F
T e > − Le +
+ − ,
r
δ
α
β
δ
r
r
nous avons
1
1
w α w β r 1−α−β α+β+δ−1
w 1−β−δ w β r δ α+β+δ−1
T =
, L=
,
α
β
δ
α
β
δ
H=
1
w α w 1−α−δ r δ α+β+δ−1
α
β
δ
− 1.
Ces résultats sont résumés à la Figure 11.3.
Dotation en
terre
F −w
cas 6
r
1
 w α  w  β  r 1− α− β  α + β + δ −1

+   

 α   β   δ 

cas 2
cas 5
cas 8
−1
F  w   r 
+
r  β  δ 
cas 1
F
r
cas 4
pente = −w / r
cas 7
cas 3
F−w
r
1
  w 1 −δ  r  δ  α +δ −1


 α   δ  
α
β
Dotation en
main-d'oeuvre
1
  w 1 − β − δ  w  β  r δ  α + β + δ −1
 
 
  
 β  δ 
 α
F. 11.3 — Partition de l’espace (Le , T e ), selon la classe
11.4.3
Structure de classe et séparabilité sélective. Les
test empiriques
Les tests empiriques présentés à la section représentent ce que l’on pourrait appeler des test de séparabilité “tout ou rien”. Les modèles de structure
de classe suggèrent, quant à eux, une stratégie économétrique plus sophistiquée, visant à diviser les ménages selon leur appartenance de classe. Cette
approche émane de la constatation, évidente dans les deux modèles de structure de classe que nous venons de présenter, que la non-séparabilité provient
11.4. MODÈLES DE STRUCTURE DE CLASSE
441
d’un certain nombre de classes bien précises, tandis que d’autres classes correspondent à des situations où la séparabilité tient.
La méthodologie économétrique est simple, et se divise en deux étapes.
En première étape, on estime un modèle de choix discret où l’appartenance à
une classe donnée est fonction d’un certain nombre de caractéristiques exogènes des ménages. A partir de cette estimation, on obtient le ratio de Mills
correspondant à la probabilité prédite d’appartenance d’un ménage donné à
la classe à laquelle il appartient. En deuxième étape, on divise l’échantillon
total en sous-échantillons correspondants à chaque classe, et on effectue le
test de séparabilité classique sur chaque sous-échantillon séparément, en incluant comme variable explicative supplémentaire le ratio de Mills émanant
de l’estimation du modèle de choix discret de première étape. Cet ajout corrige, en effet, pour le biais de sélection qui pourrait engendrer une estimation
biaisée des paramètres dans la régression classique de deuxième étape. Le test
de séparabilité sélective se présente donc formellement comme suit. Estimer
la régression
Xi = Zi β k + Ωi γ k + yi αk + σ ki δ k + εi ,
i ∈ k,
(11.13)
où k = 1, ..., K représente une classe de ménages définis par le modèle théorique de structure de classe, et où σ ki représente le ratio de Mills correspondant à la probabilité prédite d’appartenir à la classe k.
La séparabilité sélective est alors donnée dans l’équation (11.13) par l’hypothèse nulle H0 : γ̂ k = 0, α̂k = 0. Cette méthodologie a le mérite, par rapport aux tests de séparabilité “tout ou rien”, d’imposer plus de structure sur
les données. En particulier, le modèle théorique prédira que γ̂ k = 0, α̂k = 0
pour les classes k où la séparabilité devrait tenir, tandis que nous nous attendrons à γ̂ k = 0, α̂k = 0 pour les classes qui, dans le modèle, devraient
faire preuve de non-séparabilité. En ce sens, les tests de séparabilité sélective
tentent non seulement de détecter la séparabilité, mais de tester la validité
du modèle théorique de structure de classe sous-jacent : leur puissance statistique est ainsi nettement supérieur. Un exemple de cette méthodologie est
donné par Sadoulet, deJanvry et Benjamin (1996) et Arcand, Conning, et
Ethier 1999.
442
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
11.5
Au-delà du modèle unitaire
11.5.1
Résultats empiriques concernant la validité du
modèle unitaire
De nombreux résultats empiriques récents mettent en doute les hypothèses du modèle unitaire ou du modèle optimal au sens de Pareto (voir
la section 11.2.1, ainsi que le survey par Alderman, Chiappori, Haddad,
Hoddinott, et Kanbur 1995). Dans ce qui suit, nous résumons brièvement
deux composantes importantes de cette littérature empirique. D’une part,
Udry 1996b montre que l’allocation des intrants de production au sein des
ménages ne correspond pas à une allocation optimale au sens de Pareto. Nous
considérerons ensuite des tests du modèle unitaire basés, non pas sur le côté
production, mais sur les propriétés des décisions de consommation.
Le test d’Udry (1996)
Udry 1996b propose un test particulièrement simple des hypothèses sousjacentes aux modèles de ménage unitaires. Comme nous l’avons mentionné
précédemment, la maximisation d’une fonction de bien-être représentant les
préférences du ménage nous mène à l’optimalité au sens de Pareto de l’allocation intra-ménage (c’est le corollaire au premier théorème fondamental
du bien-être en action ; voir le Chapitre 5). Toute déviation par rapport aux
conditions qui caractérisent un optimum au sens de Pareto représenteraient
ainsi une violation des hypothèses sous-jacentes au modèle unitaire.
Udry construit son test en remarquant que les ménages ruraux burkinabé
divisent leurs exploitations en parcelles “masculines” et en parcelles “féminines”. Une parcelle est dénommée “masculine” lorsque c’est un homme qui
en assure la gestion. Notons que la main-d’oeuvre masculine et la maind’oeuvre féminine sont employées sur les deux types de parcelles. Disposant
d’une description particulièrement riche du type de sol et de la topographie
de la parcelle, Udry estime l’équation de demande de facteur suivante :
Yi = Xi β + dSEXE γ + εi ,
où Xi représente un vecteur de caractéristiques de la parcelle, Yi représente
l’utilisation d’un intrant à la production, et dSEXE est une muette qui est
égale à un lorsque la parcelle est “masculine” et égale à zéro lorsqu’elle est
féminine. Le terme d’erreur comprend de nombreux effets fixes, incluant des
effets fixes spécifiques aux ménages qui corrigent pour l’hétérogénéité nonobservable au niveau des ménages (qui cultivent tous plus qu’une parcelle). Si
11.5. AU-DELÀ DU MODÈLE UNITAIRE
443
l’allocation des facteurs de production est optimale, l’utilisation d’un intrant
donné devrait être indépendante du fait que la parcelle soit masculine ou
féminine. L’hypothèse nulle qui correspond à l’optimalité au sens de Pareto
ou au modèle unitaire tout court est donc donnée par H0 : γ̂ = 0. Un coefficient γ̂ statistiquement significatif implique que la productivité marginale
de l’intrant en question n’est pas la même pour une parcelle masculine et
une parcelle féminine cultivée par le même ménage. L’analyse graphique de
la perte d’efficacité de la section 11.3.2 (voir Figure 11.1) est alors tout à fait
pertinente, même si il s’agit maintenant d’une perte d’efficacité au niveau
intra- et non inter-ménage. Les résultats empiriques de Udry portent à un
rejet de l’hypothèse nulle γ̂ = 0. L’optimalité au sens de Pareto de l’allocation
intra-ménage et donc le modèle unitaire lui-même sont donc fortement rejetés (rappelons que l’optimalité au sens de Pareto comporte des restrictions
moins fortes sur le comportement du ménage que le modèle unitaire).
Estimation de systèmes de demande
Une alternative plus compliquée au test de Udry (qui, lui, ne peut être mis
en oeuvre que pour le contexte anthropologique spécifique associé avec son
échantillon du Burkina) est basée sur l’estimation d’un système de demande
du côté consommateur (voir le chapitre 2 sur les propriétés satisfaites par les
systèmes de demande). Considérons le modèle unitaire suivant
max U (c, Ω − L)
s.c. c1 + i=N
i=2 pi ci ≤ F (X, K, T ) − w(X − L) − rK + ỹ
g(c, X, K, L, T, w, r, Ω, y) ≤ 0,
{c,X,L,K}
où
c = [c1 , ..., ci , ..., cN ]
est un vecteur de N biens de consommation,
p = [1, p2 , ..., pi , ..., pN ]
est le vecteur des prix associés (le bien 1, qui correspond à celui produit par
le ménage, restera le numéraire), et ỹ représente des revenus exogènes du
ménage (des transferts venus de l’étranger, des pensions de retraite, etc.). La
deuxième contrainte correspond à une contrainte de forme générale examinée
pour le cas d’un seul bien à la section 11.3.1.
Lorsque la deuxième contrainte est non-saturée, nous aurons le résultat
habituel de séparabilité (côté producteur), tandis que nous pourrons écrire
les fonctions de demande marshalliennes (côté consommation) comme :
c∗i = c∗i (p, w, r, Π∗ + wL∗ + y, Ω) = c∗i (p, w, r, Y, Ω), i = 1, ..., N.
444
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Lorsque la deuxième contrainte est saturée, la séparabilité ne tient plus, mais
tout ce qui change pour ce qui concerne les demandes marshalliennes est
que les profits à l’optimum du ménage sont maintenant fonction de Ω (car
X ∗ = X ∗ (w, r, T, y, Ω), et K ∗ = K ∗ (w, r, T, y, Ω)).
Supposons que le ménage est constitué de deux membres, m et f. Supposons que ces deux membres travaillent à l’extérieur de l’exploitation familiale
et que X −L = X −Lm −Lf < 0 (le ménage est donc un exportateur de maind’oeuvre). Considérons un transfert de revenu du membre m au membre f.
Formellement, nous représenterons ceci en écrivant
ỹ = (ỹ m − ∆) + (ỹ f + ∆).
Le revenu exogène total du ménage reste inchangé mais sa distribution entre
les deux membres à subi un changement.
L’exemple typique de ce type de transfert est donné par une allocation
destinée aux enfants. La littérature sur le sujet doit son origine à une expérience au Royaume Uni, où une réforme des programmes d’allocations familiales au début des années 80 impliqua un changement dans le membre du
ménage auquel était versé l’allocation destinée aux enfants : avant la réforme,
l’allocation était versée au père ; suite à la reforme, l’allocation fut versée à la
mère. La réforme impliqua donc une augmentation dans la part du revenu du
ménage allouée à la mère. L’expérience naturelle fournie par ce changement
de politique fut à l’origine d’une mise en doute de la pertinence empirique
du modèle unitaire.
Il est clair dans la spécification des demandes marshalliennes que
c∗i = c∗i (p, w, r, Π∗ + w(L∗m + L∗f ) + ỹ m + ỹ f , Ω).
On voit alors aisément que
∂c∗i
= 0,
(11.14)
∂∆
car ỹ = ỹ m + ỹ f même si la division du total entre ỹ m et ỹ f a changé.
L’équation (11.14) constitue la base de nombreux tests empiriques du
modèle unitaire car il nous dit que la consommation par le ménage du bien i,
dans le contexte du modèle unitaire, doit être indépendante de la part du revenu familial apportée par un membre donné. Lorsque la consommation d’un
bien donné est une fonction statistiquement significative de la part du revenu
apporté au ménage, par exemple, par les femmes, nous sommes manifestement entrain d’assister à une violation d’une ou de plusieurs des hypothèses
sous-jacentes au modèle unitaire. L’équation (11.14) nous dit, dans un modèle unitaire, que le revenu est fongible dans le sens où sa provenance n’a
aucun impact sur le comportement du ménage.
11.5. AU-DELÀ DU MODÈLE UNITAIRE
445
Hoddinott et Haddad 1995 testent l’équation (11.14) dans le contexte de
la Côte d’Ivoire et trouve que la consommation de biens “adultes masculins”
(comme l’alcool ou le tabac) est une fonction décroissante de la part du
revenu du ménage fourni par les femmes. Lachaud 1998 obtient le même
résultat avec des données burkinabés.
Ce résultat concernant la non-fongibilité des ressources au sein des ménages est très important par rapport aux politiques économiques : si la
consommation d’un bien donné est indépendante de la provenance du revenu, alors une politique de subvention ciblée qui vise à affecter certaines
décisions du ménage en allouant un montant d’argent à un membre particulier du ménage est vouée à l’échec, car les membres reversent tout leur revenu,
pour ainsi dire, dans un pot commun. Par contre, lorsque la consommation
d’un bien i est fonction de la provenance du revenu, des politiques ciblées sur
certains membres du ménage peuvent avoir des effets réels importants. Un
exemple particulièrement pertinent est constitué par les subventions données
explicitement aux femmes, et dont le but est d’améliorer la santé des enfants.
L’impact significatif de la part du revenu du ménage allouée aux femmes sur
les résultats anthropométriques des enfants confirme le rejet du modèle unitaire, pour des décisions économiques dont les conséquences se manifestent à
long terme.
Behrman 1988, Behrman et Deolalikar 1993, Behrman et Deolalikar 1990,
Folbre 1984, Haddad et Kanbur 1992, Haddad et Hoddinott 1994, Hoddinott
et Haddad 1995, Jones 1986, Pitt, Rosenzweig, et Hassan 1990, Pitt 1997, Pitt
et Rosenzweig 1990, Rosenzweig et Schultz 1982, Rosenzweig 1986, Schultz
1990, Strauss et Beegle 1996, Thomas 1997, Thomas 1990, Thomas 1994
11.5.2
Modèles d’allocation intra-ménage. Alternatives
au modèle unitaire
Du moment où l’hypothèse d’un ménage unitaire (ou efficace au sens de
Pareto) est abandonnée, c’est une véritable boite de Pandore qui s’ouvre en
termes de la spécification précise que peut prendre un modèle de ménage.
Dans ce qui suit, nous distinguerons trois approches alternatives au modèle
unitaire. Aucune des trois ne s’est encore imposée comme étant l’alternative
la plus convaincante au modèle unitaire. De nombreux travaux empiriques
récents sont entrain de pousser nos connaissances sur les processus d’allocation intra-ménage encore plus loin en testant explicitement ces trois types
de modèles. Les modèles qui suivent diffèrent du modèle unitaire selon un
446
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
nombre de critères. Nous pouvons en distinguer au moins deux types : les
modèles de négociation et les modèles à “sphères séparées”.
Négociation coopérative
Une alternative évidente au modèle unitaire comporte l’application de la
théorie du marchandage à l’allocation intra-ménage. L’approche axiomatique
à la négociation suggérée en 1950 par Nash implique la maximisation d’une
fonction objectif du ménage donnée par le “produit de Nash”. Celui-ci est
donné par le produit des déviations par rapport à leur utilité de réserve des
deux agents engagés dans la négociation. Les utilités de réserve des deux
membres de la famille prennent collectivement le nom de “point de rupture” du ménage. La version la plus connue du modèle est celui proposé par
McElroy et Horney 1981.10
Point de rupture exogène Dans le cas d’un ménage composé de deux
individus i et j, la spécification la plus simple d’un modèle de négociation
coopérative donne le problème de maximisation suivant :
i i i
j j j
i
j
max
U
(c
,
l
)
−
Ū
U
(c
,
l
)
−
Ū
i j i j
{c ,c ,l ,l }
i
s.c. p (c + cj ) ≤ y i + y j
y i = w(Ωi − li ) + ỹ i ,
(11.15)
où Ū i représente l’utilité de réserve du membre i, ci le vecteur de consommation du membre i, li son loisir, Ωi sa dotation en temps, et ỹ i son revenu
exogène. Remarquons que le revenu au sein du ménage reste fongible car
nous sommes en présence d’une contrainte budgétaire commune aux deux
membres.
Comme le montrent McElroy et Horney 1981, la solution à ce problème
d’optimisation sera fonction de
(p, w, Ωi + Ωj , ỹ i + ỹ j , Ū i , Ū j )
Par exemple, le vecteur optimal de consommation du membre i sera donné
par
ci = ci (p, w, Ωi + Ωj , ỹ i + ỹ j , Ū i , Ū j ).
La dépendance de ci sur le point de rupture implique que des corrélations
telles que celles trouvées par Hoddinott et Haddad 1995 ne sont plus incompatible avec un ménage rationnel et optimisant. En effet, le point de rupture
10
Voir aussi Manser et Brown 1980.
11.5. AU-DELÀ DU MODÈLE UNITAIRE
447
peut être fonction des opportunité hors ménage des membres en cas de divorce. Si la part du revenu présent fourni par un membre du ménage est
indicatif de ses possibilités hors mariage, alors le modèle naïf de négociation
coopérative peut constituer une explication potentielle de rejets de l’hypothèse nulle donnée par l’équation (11.14) (en termes algébriques, on suppose
Ū i = Ū i (y i )).
En cours de rédaction et incomplet à partir de ce point ci
Pour rendre la discussion précédente plus concrète, considérons un exemple
très simple où les fonctions d’utilités des deux membres prennent la forme paramétrique Stone-Geary et où le prix du bien de consommation est normalisé
à1:
U i (ci , li ) = αi ln(ci − c̄i ) + (1 − αi ) ln(li − ¯li ).
Le programme d’optimisation s’écrit donc :
max αi ln(ci − c̄i ) + (1 − αi ) ln(li − ¯li ) − Ū i
{ci ,cj ,li ,lj }
× αj ln(cj − c̄j ) + (1 − αj ) ln(lj − ¯lj ) − Ū j
s.c. p(ci + cj ) ≤ y i + y j
y i = w(Ωi − li ) + ỹ i .
On transforme ensuite aisément ce problème contraint en un problème noncontraint en supposant la saturation des contraintes budgétaires. En combinant les deux contraintes, on obtient
cj = w(Ωi + Ωj − li − lj ) + (ỹ i + ỹ j ) − ci .
Le problème non-contraint est donc donné par :
i
max
α ln(ci − c̄i ) + (1 − αi ) ln(li − ¯li ) − Ū i
i
i
j
{c ,l
,l }j
α ln(w(Ωi + Ωj − li − lj ) + (ỹ i + ỹ j ) − ci − c̄j )
×
.
+(1 − αj ) ln(lj − ¯lj ) − Ū j
Les CPOs correspondantes sont alors données par :
i
j
i
i
α
U
(.)
−
Ū
α
ci : i
U j (.) − Ū j =
;
c − c̄i
w(Ωi + Ωj − li − lj ) + (ỹ i + ỹ j ) − ci − c̄j
i
j
i
i α
w
U
(.)
−
Ū
1
−
α
li : i ¯i U j (.) − Ū j =
;
w(Ωi + Ωj − li − lj ) + (ỹ i + ỹ j ) − ci − c̄j
l −l
lj :
αj w
1 − αj
=
.
w(Ωi + Ωj − li − lj ) + (ỹ i + ỹ j ) − ci − c̄j
lj − ¯lj
448
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Point de rupture endogène Lundberg et Pollak 1993 introduisent la
production conjointe, par les membres du ménage, de biens publics (garde des
enfants, préparation des repas, entretien de l’habitation). Ainsi, le problème
d’optimisation du ménage devient :
i i
i
i
max
(c
,
z
U
1 , z2 , l ) − Ū
{ci ,cj ,li ,lj ,Li1z ,Li2z ,Lj1z ,Lj2z }
× U j (cj , z1 , z2 , lj ) − Ū j
(11.16)
s.c. p (ci + cj ) ≤ y i + y j ,
i
i
i
i1z
i2z
i
y = w(Ω − l − L − L ) + ỹ ,
zk = φk (Likz , Ljkz ), k = 1, 2,
où zk (k = 1, 2) représentent deux biens publics produits conjointement par
les deux membres du ménage, φk représente la technologie de production qui
combine le temps des deux membres du ménage pour donner le bien public
k, et Likz représente l’offre de travail du membre i allouée à la production
du bien public k. La différence fondamentale entre le modèle de Lundberg
et Pollak et le modèle élémentaire qui précède a trait à l’endogénéisation du
point de rupture. En effet, Lundberg et Pollak supposent que le point de rupture est donné par l’équilibre de Nash du jeux non-coopératif correspondant
au problème (11.15).
Plus explicitement, le problème non-coopératif posé au membre i du ménage se présente comme suit, où le membre i suppose comme étant donnée
l’offre de travail dédiée au bien public par le membre j :
max
U i (ci , z1 , z2 , li )
{ci ,li ,Li1z ,Li2z }
s.c. p ci ≤ y i ,
y i = w(Ωi − li − Li1z − Li2z ) + ỹ i ,
zk = φk (Likz , Ljkz ), k = 1, 2.
Il en est de même pour le membre j. L’équilibre de Nash de ce jeux noncoopératif définira des valeurs d’équilibre de ci , li , Li1z , Li2z , cj , lj , Lj1z , et
Lj2z .
Deux cas de figure se présentent alors. Premièrement, il se peut que Li1z et
Lj2z soient tous deux strictement positifs pour les deux membres du ménage
(c.-à-d., les deux membres du ménages fourniraient les deux biens publics).
On voit alors qu’une augmentation dans le revenu de l’un des membres du
ménage au détriment de l’autre ne changera rien aux choix de consommation.
Deuxièmement, il se peut que la solution au jeux non-coopératif donne lieux
à des solution de coins, dans le sens où l’un des membres du ménage ne
fournit aucune offre de travail destinée à la production du bien public.
11.5. AU-DELÀ DU MODÈLE UNITAIRE
449
Sphères séparées selon Carter et Katz
Carter et Katz 1997 proposent un modèle de ménage non-unitaire à
“sphères séparées”.11 Considérons un ménage compose de deux membres indexés par i = m, f . Le problème d’optimisation du membre i du ménage est
donné par
max U i (ci , z)
{ci ,liw ,liz }
i i
s.c. p c ≤ wi liw ± Θ,
z = φ(liz , ljz ),
liw + liz ≤ Li ,
(11.17)
où ci représente la consommation “privée” du membre i, z représente un “bien
public” produit conjointement par les membres du ménage, et L représente la
dotation en temps du membre i. Substituant les contraintes dans la fonction
objectif, nous obtenons le problème non-contraint suivant :
wi (Li − liz ) ± Θ
x
z z
maxUi
, φ(li , lj ) .
pi
{lzi }
En supposant une structure de jeux où les deux membres choisissent simultanément leur offre de travail allouée à la production du bien public, les
condition du premier ordre qui caractérisent l’équilibre de Nash de ce jeux
sont données par :
z z
∂Ui (.) ∂φ(li ,lj )
= 0;
∂z
∂liz
z z
wj ∂Uj (.)
∂Uj (.) ∂φ(li ,lj )
− pj ∂cj + ∂z
= 0.
∂ljz
− wpii ∂U∂ci (.)
+
i
Il suit que liz ∗ = liz ∗ (wm , wf , pm , pf , Lm , Lf , Θ) = liz ∗ (., Θ), et que le bien-être
du membre m, évalué à l’optimum, est donné par
x
z
z z
max
Um
((wm (Lm − lm
) − Θ)/pm ) + Um
(lm + lfz )
z
{lm }
x
z ∗
= Um
((wm (Lm − lm
(., Θ)) − Θ)/pm )
z z ∗
z∗
+Um (lm (., Θ) + lf (., Θ)) = Vm (., Θ)
tandis que, pour le membre f , nous avons :
z
maxUfx ((wf (Lf − lfz ) + Θ)/pf ) + Ufz (lm
+ lfz )
{lfz }
= Ufx ((wf (Lf − lfz ∗ (., Θ)) + Θ)/pf )
z ∗
+Ufz (lm
(., Θ) + lfz ∗ (., Θ)) = Vf (., Θ)
11
Voir aussi Quisumbing 1994, Alderman et al. 1995.
450
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
V̄f
V̄m
N = (Vm (., Θ) − V̄m )(Vf (., Θ) − V̄f ).
x
Uf ((wf (Lf − lfz ∗ (., Θ)) + Θ)/pf )
max
z z ∗
z∗
{Θ}
+Uxf (lm (., Θ) + lzf ∗ (., Θ)) − V̄f
Um ((wm (Lm − lm (., Θ)) − Θ)/pm )
×
z z ∗
+Um
(lm (., Θ) + lfz ∗ (., Θ)) − V̄m
 ∂U z (lz ∗ (.,Θ)+lz ∗ (.,Θ)) z ∗

dlfz ∗ (.,Θ)
dlm (.,Θ)
f m
f
+
∂z
dΘ
dlz ∗dΘ
 Vm (., Θ) − V̄m
0=
∂Ufx ((wf (Lf −lfz ∗ (.,Θ))+Θ)/pf ) wf
(.,Θ)
f
−
−1
xf
pf
dΘ
z∗

 ∂U z (lz ∗ (.,Θ)+lz ∗ (.,Θ))
z ∗ (.,Θ) dl
dlm (.,Θ)
m m
f
f
+
∂z
dΘ
zdΘ
 Vf (., Θ) − V̄f
+
x ((w (L −lz ∗ (.,Θ))−Θ)/p )
∂Um
f
f
f wm
dlm ∗ (.,Θ)
f
−
+1
xm
pm
dΘ
z∗ ∗
∂U z (lz ∗ (.,Θ∗ )+lz ∗ (.,Θ∗ )) dlm
(.,Θ )
+
1
Vm (., Θ∗ ) − V̄m
0 = f m ∂z f
dΘ
z (lz ∗ (.,Θ∗ )+lz ∗ (.,Θ∗ )) dlz ∗ (.,Θ∗ )
∂Um
m
f
f
∗
+
−
1
V
(.,
Θ
)
−
V̄
f
f
∂z
dΘ
11.6
Lectures suggérées
Pour le modèle unitaire standard, la collection d’articles dans Singh,
Squire, et Strauss 1986 est toujours une référence de base. Le premier papier
à avoir testé la séparabilité sur donnée d’un PED est Benjamin 1992 dont la
lecture est très facile. La version alternative du test de séparabilité qui utilise
une mesure empirique de la productivité marginale de la main-d’oeuvre est
Jacoby 1993. Finalement, un modèle de ménage nettement plus complexe est
détaillé dans Fafchamps 1993. Je me suis également penché sur la séparabilité
dans mes propres travaux. En particulier, dans Arcand et D’Hombres 2002,
nous montrons que tous les tests de séparabilité sont potentiellement biaisés
vers le rejet de l’hypothèse nulle de séparabilité. Les tests classiques sont
résumés de façon tout à fait magistrale dans Udry 1996a.
Structure de classe et séparabilité sélective
Eswaran et Kotwal 1986, DeJanvry et Sadoulet 1996
Allocations intra-ménage
Carter et Katz 1997, Hoddinott et Haddad 1995
Marché du marriage
Rao 1993, Bergstrom 1995, Jacoby 1995
11.7. EXERCICES
11.7
451
Exercices
Exercice 10.1
Considérant des arguments de salaire d’efficience, est-il rationnel pour une
famille pauvre de concentrer la consommation sur les membres qui gagnent
un salaire. Une conséquence ultérieure ne serait-elle pas que les familles particulièrement pauvres ne devraient pas avoir d’enfants ? Si votre réponse à
cette dernière question est “non”, expliquez pourquoi dans le contexte d’un
modèle précis.
Exercice 10.2
On remarque souvent que les agents économiques dans les PED choisissent de ne pas participer à certains marchés. Ce problème vous demande
de construire un modèle où un tel comportement est compatible avec la maximisation de l’utilité.
Avec les hypothèses du modèle unitaire simple présenté dans le chapitre, plus une forme séparable-additive de la fonction objective du ménage
(U = c + v(l)), construisez un modèle de ménage agricole où vous introduirez
une imperfection telle que les membres du ménages choisiront rationnellement
(sous des conditions que vous déterminerez) de ne pas participer au marché
du travail (aucune embauche de main-d’oeuvre salariée (H), aucune “exportation” de main-d’oeuvre salariale (E)). L’imperfection que vous utiliserez
correspondra à une différence entre le prix de la main-d’oeuvre embauchée
(w̄) et celui de la main-d’oeuvre familiale exportée (w), avec w̄ > w.
Exercice 10.3
Considérez un ménage agricole dont la fonction d’utilité est donnée par
la forme suivante
θ
U(Y, e) = Y − (e)2 ,
2
où Y est son revenu, e est son offre de travail, et θ est un paramètre qui
représente les caractéristiques du ménage. La fonction de production agricole
est donnée par
F (L, X) = ALα X β , α + β < 1,
où A est un scalaire qui représente la productivité globale des facteurs, L est
la main-d’oeuvre totale utilisée par le ménage dans la production agricole, et
X représente un agrégat d’autres facteurs de production. La main-d’oeuvre
familiale utilisée sur la parcelle exploitée par le ménage, l, ainsi que la maind’oeuvre embauchée, H, sont supposées être des substituts parfaits, c’est à
dire L = l + H. Le revenu du ménage est donc donné par la forme suivante
Y = F (L, X) − wL − rX + we,
452
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
où w est le salaire et r est le prix des autres facteurs de production. Le prix
de l’output est normalisé à un.
(i) Trouvez la solution au problème d’optimisation du ménage. Vous dénoterez cette solution par le triplet (L∗ , X ∗ , e∗ ).
(ii) Montrez que le ménage “exportera” de la main-d’oeuvre lorsque la
condition suivante est satisfaite :
w>θ
α+β−1
α+2(β−1)
αβ−1
A
1
β α+2(β−1)
r
.
β
(iii) Est-ce que le modèle précédent est séparable ? Pourquoi ? Soyez très
concis, en écrivant une dérivée partielle par exemple....
Supposez maintenant que la condition que vous avez vérifiée en (ii) est
satisfaite. Supposez aussi que le marché du travail dans le village où opère
le ménage n’est pas très actif et que les “exportations” de main-d’oeuvre
effectuées par le ménage ne peuvent pas dépasser Z, où
1
w 1−β r β α+β−1
w
Z < − A−1
.
θ
α
β
(iv) Caractérisez le choix optimal de L dans ce cas. Vous dénoterez ce choix
optimal par L∗∗ .
(v) Montrez (par différenciation implicite) que
1−β
− (1 − β) θ −β L + Z
dL∗∗
< 0.
=
β
dθ
(1 − α − β) α1−β A βr Lα+β−2
−β
+ (1 − β) θ1−β L + Z
(vi) Qu’en est-il de la séparabilité dans ce modèle ? Pourquoi ?
Exercice 10.4
Considérez un ménage agricole dont la fonction d’utilité est donnée par
"
e2
,
U(Y, e; γ) = − exp −Y + γ
2
où Y est le revenu du ménage, e est son offre de main-d’oeuvre, et γ est
un paramètre qui représente les caractéristiques du ménage. Le revenu du
ménage est donné par
Y = θAL − wH + w(e − l)
11.7. EXERCICES
453
où AL est la fonction de production (A est un paramètre technologique),
θ est une variable aléatoire (représentant les chocs à la production) qui est
distribuée N(1, σ 2θ ) (i.e., sa distribution suit la loi normale avec une moyenne
de 1 et une variance égale à σ 2θ ), L est la quantité totale de main-d’oeuvre
utilisée sur la parcelle de terre cultivée par le ménage, w est le salaire (avec
w < A, ceci est une condition purement technique), H est la quantité de
main-d’oeuvre embauchée utilisée par le ménage, et l est la quantité de maind’oeuvre familiale utilisée par le ménage sur son exploitation. Nous supposerons que la main-d’oeuvre embauchée et la main-d’oeuvre familiale sont des
substituts parfaits ; ainsi, L = H + l.
Le ménage maximise l’espérance de son utilité en choisissant L et e. Deux
résultats élémentaires de la statistique mathématique (voir Recette 13) sont
essentiels à la résolution de ce problème :
(a) Pour une variable aléatoire x distribuée N (µx , σ 2x ), nous pouvons écrire
"
var [x]
E [− exp {−x}] = − exp −E [x] +
2
"
2
σ
= − exp −µx + x ;
2
(b)
var [ax] = a2 var [x] = a2 σ 2x .
(i) Posez soigneusement le problème d’optimisation du ménage (en utilisant les résultats (a) et (b)) et solutionnez pour les valeurs optimales de L
et e que vous dénoterez par L∗ et e∗ .
(ii) Le problème est-il séparable ? Expliquez (une ligne d’algèbre suffira)
pourquoi.
Supposez maintenant que θ est une constante (i.e., θ n’est plus aléatoire).
Nous allons par contre remplacer w par une variable aléatoire w̃ distribuée
N (w, σ 2w ) (i.e., sa distribution suit la loi normale avec une moyenne de w et
une variance égale à σ 2w ). Nous pouvons donc réécrire le revenu du ménage
comme suit : Y = AL− w̃H + w̃(e−l) (où nous avons imposé la normalisation
θ = 1).
(iii) Posez soigneusement le problème d’optimisation du ménage (en utilisant les résultats (a) et (b)) et solutionnez pour les valeurs optimales de L
et e que vous dénoterez par L∗∗ et e∗∗ .
(iv) Le problème est-il séparable ? Expliquez (une ligne d’algèbre suffira)
pourquoi.
(v) Maintenant, mettez de côté les mathématiques et expliquez ce qu’il
faudrait ajouter au modèle dans (iii) et (iv) pour obtenir la séparabilité
(suggestion : il s’agit d’un marché bien particulier).
454
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
(vi) Formalisez votre réponse à la question (v) mathématiquement en
remplaçant L∗∗ et e∗∗ dans la fonction objective du ménage. Étant donné la
relation qui existe entre l’espérance de l’utilité du ménage à l’optimum et σ 2w ,
pensez-vous qu’un tel marché (celui qui rend le modèle séparable) pourrait
être introduit ? Pourquoi ?
Exercice 10.5
Considérez le ménage paysan suivant dont la fonction d’utilité est donnée
par :
U (c, e) = α ln c + (1 − α) ln(Ω − e),
où c est sa consommation, α est un paramètre, e est son offre totale de
travail, et Ω est sa dotation totale en temps ; Ω − e représente donc le loisir
du ménage. La contrainte budgétaire du ménage est donnée par :
c = F (X) − wH + w(e − L),
où F (.) est la fonction de production agricole du ménage, w est le coût d’opportunité de la main-d’oeuvre, H est la main-d’oeuvre embauchée, L est la
main-d’oeuvre familiale utilisée par le ménage sur sa propre exploitation, et
X est la quantité totale de main-d’oeuvre utilisée par le ménage sur son exploitation. La fonction de production prend la forme paramétrique suivante :
F (X) = ln X.
(i) Posez le problème d’optimisation du ménage et solutionnez pour les
valeurs optimales de X, e et H. Vous montrerez que le ménage choisira
“d’importer” de la main-d’oeuvre (H > 0) lorsque l’inégalité suivante est
satisfaite :
Condition A : Ω < α−1 w −1 (1 − (1 − α) (1 + ln w)) .
Supposez que la condition A est satisfaite. Supposez également que le
ménage se trouve maintenant confronté à une contrainte de crédit de la forme
suivante : wH ≤ B. C’est-à-dire, le coût de la main-d’oeuvre embauchée par
le ménage doit être inférieur ou égal au crédit de court terme, B, dont dispose
le ménage.
(ii) Solutionnez maintenant pour X, e (et H) en supposant que la contrainte
de crédit est saturée (c.-à-d., tient avec égalité).
(iii) Montrez que le modèle que vous venez de solutionner dans (ii) n’est
pas séparable. Une dérivée partielle suffira.
(iv) Représentez graphiquement, en l’espace (Ω, B), le modèle de “structure de classe” que vous venez de développer (NB : vous aurez 4 classes).
Exercice 10.6
11.7. EXERCICES
455
Considérez une économie rurale peuplée de ménages paysans dont les préférences sont représentées par la fonction d’utilité U = U(c). La technologie
de production de ces paysans est données par
y = F (X, T ) = X α T 1−α , α ∈ (0, 1)
où X est la main-d’oeuvre totale utilisée sur l’exploitation et T est la taille
de leur exploitation. Il existe un marche actif pour la main-d’oeuvre et la
main-d’oeuvre embauchée et celle familiale sont des substituts parfaits, ce
qui s’écrit X = L + H, où L est la main-d’oeuvre familiale et H est la maind’oeuvre embauchée. Soit Ω la dotation en main-d’oeuvre familiale de chaque
ménage.
Les ménages sont de taille identique (c.-à-d. tous les ménages ont Ω
membres) mais il existe deux catégories de ménages en termes de la taille
de leur exploitation : N ménages disposent d’une exploitation de taille T ,
tandis que M ménages disposent d’une exploitation de taille T̄ . Vous supposerez que la condition suivante tient :
1
w 1−α
< T̄ .
T <Ω
α
Calculez la production agricole agrégée de cette économie, que vous dénoterez par Q.
Supposez maintenant que les ménages font face à une contrainte de liquidité, qui fait que leur programme d’optimisation est assujetti à la contrainte
supplémentaire wH ≤ B, où B représente la liquidité à leur disposition
(identique pour tous les ménages). Vous supposerez que :
−1
α
T̄ > α 1−α w 1−α (B + wΩ) .
Calculez la perte d’output agricole entraînée par cette contrainte de liquidité.
Calculez le coût total des subventions qui devraient être versées aux ménages contraints afin d’éliminer la contrainte de liquidité à laquelle ils font
face. Interprétez votre résultat en termes de politiques agricoles concrètes.
Exercice 10.7
Considérez un modèle de ménage unitaire composé de N membres (i =
1, ..., N ) dont les préférences peuvent être représentées par la fonction d’utilité
i=N
U = U(
ci ), U > 0, U < 0.
i=1
La fonction de production du ménage est donnée par
F (L̃ + H; T ),
456
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
où H représente la main-d’oeuvre embauchée, T un facteur fixe (la terre),
et L̃ un agrégat de main-d’oeuvre familiale effective. Plus précisément, la
productivité de chaque membre du ménage sur l’exploitation dépend de sa
consommation :
i=N
L̃ =
Li ei (ci ),
i=1
où nous posons
ei = ei (ci ), ei > 0, ei < 0,
et où Li représente le temps passé par le membre i sur l’exploitation familiale.
L’offre de travail de chaque membre du ménage est parfaitement inélastique,
et égale à L̄i ; le salaire sur le marché du travail est égal à w.
Sommes-nous en présence d’un modèle séparable ou pas ? Pourquoi ?
Exercice 10.8
Considérez un ménage paysan dont la durée de vie est de deux périodes,
et dont la fonction d’utilité est donnée par
U = ln B + δ ln (y + v(Ω − l)) ,
où B est son emprunt en première période, δ est son taux de préférence
intertemporelle, y est son revenu en deuxième période, v est une fonction
croissante et concave qui représente l’utilité du loisir, Ω est la dotation en
temps du ménage, et l est son offre totale de travail. Comme vous l’aurez
compris, le ménage n’a pas de revenu en première période, et doit donc emprunter un montant B qui finance entièrement sa consommation en première
période.
Le ménage ne possède pas de terre et doit donc s’engager dans un contrat
de location, paramétrisé par le loyer payé par le ménage au propriétaire
foncier, β, afin d’avoir accès à un lopin de terre que nous supposerons de
taille unitaire et fixe. Le revenu du ménage en deuxième période est donc
donné par :
y = f (L + h) − β − wh + w(l − L) − (1 + i)B
où f (.) est la fonction de production, L est l’intrant en main-d’oeuvre familiale utilisé par le ménage sur le lopin de terre, h est la main-d’oeuvre
embauchée, w est le taux salarial, et i est le taux d’intérêt sur l’emprunt.
Nous posons x = L + h, ainsi que les formes fonctionnelles suivantes :
f (x) = xγ , 0 < γ < 1, v(Ω − l) = (Ω − l)θ , 0 < θ < 1.
Par souci de clarté dans la notation, nous dénoterons par i le taux d’intérêt
payé par le ménage lorsqu’il accepte le contrat alors que nous dénoterons
11.7. EXERCICES
457
par r le taux d’intérêt qu’il paiera s’il refuse le contrat. Nous pouvons alors
réécrire la fonction objective du ménage tenancier comme suit :
U = ln B + δ ln xγ − β − wx + wl − (1 + i)B + (Ω − l)θ .
(i) Solutionnez pour le choix optimal de B, x et l. Vous dénoterez ces choix
par B ∗ , x∗ et l∗ .
(ii) Montrez que la séparabilité tient dans ce modèle (une dérivée partielle
extrêmement rapide suffira).
Mettez-vous maintenant du côté du propriétaire foncier qui doit déterminer le contrat de location optimal. Un côté de la contrainte de rationalité
individuelle du ménage est donnée par l’utilité de réserve que le ménage obtiendrait en louant toute sa main-d’oeuvre sur le marché du travail au taux
salarial w, et en empruntant au taux du marché, r. Remarquons, en l’absence d’un contrat interlié, que le taux d’intérêt auquel le paysan a accès est
identique et égal à r (c.-à-d., i = r) qu’il accepte ou non le contrat.
(iii) Calculez l’utilité de réserve Ū du ménage tenancier.
(iv) Posez le problème d’optimisation du propriétaire foncier.
(v) Solutionnez pour le loyer optimal β ∗ en égalisant l’utilité du ménage
à l’optimum avec son utilité de réserve.
Supposez maintenant que le propriétaire foncier offre au ménage tenancier
un contrat interlié location-crédit qui comporte un taux de location et un
taux d’intérêt sur le prêt. Alors qu’il fournit le crédit au ménage au taux i,
le propriétaire foncier a accès au crédit à un taux r. Remarquez également
que le ménage, s’il refuse le contrat, pourra aller chercher son crédit au taux
r (ceci est important pour la contrainte de rationalité individuelle dans ce
qui suit).
(vi) Posez le problème d’optimisation du propriétaire foncier lorsque celuici fourni simultanément la terre et le crédit au ménage.
(vii) Solutionnez pour le taux de location optimal dans ce cas, ainsi que
pour le taux d’intérêt optimal. Vous dénoterez vos solutions à cette question
par β ∗∗ et i∗∗ (vous obtiendrez quelque chose de particulièrement simple pour
i∗∗ , tandis que votre expression pour β ∗∗ ressemblera à celui pour β ∗ , plus un
terme supplémentaire).
(viii) Comparez votre résultat, du point de vue du bien-être du propriétaire foncier, en (v) et en (vii). Donnez l’intuition du résultat que vous obtenez.
Exercice 10.9
Considérez un ménage agricole dont la fonction d’utilité est donnée par
U (c1 , c2 ) = (c1 )α (c2 )1−α ,
0 < α < 1.
458
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Le bien 1 est un bien agricole, produit par le ménage. Le bien 2 est un bien
non-agricole que le ménage ne produit pas. Le prix du bien agricole est égal
à p. Le prix du bien 2 sera normalisé à un. La fonction de production pour
le bien agricole (le bien 1) est donné par la forme fonctionnelle :
Q = F (X, T ) = X γ T, 0 < γ < 1,
où X est l’intrant en main-d’oeuvre et T est l’intrant en terre (supposé fixe).
La dotation en main d’oeuvre du ménage est donnée par L̄, et le coût d’opportunité du loisir sera dénoté par w. Afin de simplifier le problème, nous
exprimerons l’utilité du loisir en termes monétaires. La contrainte budgétaire
du ménage pourra donc s’écrire :
C = pc1 + c2 ≤ pX γ T + w(L̄ − L) = Y,
où C représente la valeur monétaire de la consommation et Y est le “revenu”
du ménage. Il n’y a pas de marché du travail dans le village en question.
Encore une précision au sujet de la technologie de production dans cette
zone agricole... on supposera qu’il y a des effets de salaire d’efficience et que
nous pouvons donc écrire l’intrant en main-d’oeuvre de la façon suivante :
X = (c1 )θ L, 0 < θ < 1,
ce qui correspond au modèle dit “nutritionnel” de salaire d’efficience (Leibenstein, 1959). Vous supposerez dans ce qui suit que la contrainte budgétaire
du ménage est saturée (c.-à-d., qu’elle tient avec égalité).
(i) Solutionnez la contrainte budgétaire du ménage pour c2 , substituez
dans la fonction d’utilité du ménage (obtenant ainsi un problème non-contraint),
optimisez par rapport à c1 et à L, et caractérisez le choix optimal de L, que
vous dénoterez par L∗ .
(ii) Étudiez la séparabilité de ce modèle en considérant l’effet d’un changement dans L̄ sur L∗ (une différenciation implicite suffira).
(iii) Qu’arrive-t-il lorsque θ = 0 ?
(iv) Donnez l’intuition économique pour vos résultats de (ii) et (iii).
Exercice 10.10
Considérez un ménage agricole composé de deux membres. Sa fonction
objectif est donnée par le produit de Nash
W = U1 (c1 , l1 ) − U 1 U2 (c2 , l2 ) − U 2 ,
où Ui (ci , li ) , i = 1, 2 est l’utilité du membre i, ci est sa consommation, li
son loisir, et U i son utilité de réserve. La contrainte budgétaire commune du
ménage est donnée par
c1 + c2 F (X) − w (X − L1 − L2 ) ,
11.8. ESQUISSES DE SOLUTIONS AUX EXERCICES
459
où X est l’intrant total de main-d’oeuvre (familiale L1 + L2 et embauchée
H), avec X = L1 + L2 + H et Ωi = Li + li , w est le coût d’opportunité
de la main-d’oeuvre, F (.) est la technologie de production (on supposera
F (.) > 0, F (.) < 0), et Ωi est la dotation en main-d’oeuvre du membre i.
Ce modèle est-il séparable ?
11.8
Esquisses de solutions aux exercices
Exercice 10.1.
Exercice 10.2. le troisième exercice que vous avez est une pure question
de cours. Utilisez directement Eswaran et Kotwal (1986) pour en arriver à un
modèle non séparable sur la base d’une contrainte de crédit ; tandis que vous
appliquez directement le papier de deJanvry, Fafchamps et Sadoulet sur les
bandes de prix (si vous n’avez pas vu ce papier cette année avec eux, laissez
tomber cette partie et révisez bien Eswaran et Kotwal).
Exercice 10.3. (i) La solution au problème d’optimisation
θ
max U = ALα X β − wL − rX + we − e2
{L,X,e}
2
est donnée par le triplet :
L∗ =
X∗ =
e∗ =
w
θ
A−1
A−1
w 1−β r β
α
β
1
α+β−1
w α r 1−α
α
β
1
α+β−1
.
Remarquez que nous aurons deux solutions possibles de par la substituabilité
parfaite entre la main d’oeuvre embauchée et la main d’oeuvre familiale, à
savoir :
L∗ > e∗ ⇒ H ∗ = L∗ − e∗ > 0
e∗ > L∗ ⇒ H ∗ = 0
(ii) La remarque précédente mène immédiatement à l’inégalité désirée : écrivez tout simplement e∗ > L∗ et substituez à partir de la réponse à (i).
(iii) Le seul paramètre découlant des préférences des consommateurs dans
ce modèle est donné par θ. Remarquez tout simplement que ∂L∗ /∂θ =
∂X ∗ /∂θ = 0. Donc, le choix des intrants est indépendant des préférences
460
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
et tout est comme si les consommateurs maximisaient, à la première étape,
leurs profits. En d’autres termes, le problème est récursif.
(iv) Le côté droit de la condition sur Z̄ est tout simplement e∗ − L∗ ,
ce qui implique que la contrainte sur les “exportations” de main d’oeuvre
sera toujours serrée. Il suit que nous pouvons écrire L∗∗ = e − Z, et que le
problème d’optimisation du ménage devient
α
θ
maxU = A e − Z X β − rX + wZ − e2
{X,e}
2
Les deux CPO et quelques manipulations élémentaires montrent que le choix
optimal de l’intrant main d’oeuvre est caractérisé par la condition suivante :
β
1−β
β
1−β
α A
L∗∗α+β−1 − θ1−β L∗∗ + Z
= 0.
r
(v) En différentiant implicitement cette condition, on obtient immédiatement
l’expression donnée dans l’énoncé.
Ce modèle n’est manifestement pas séparable, car les préférences du ménage ont un effet non-nul sur le choix optimal de l’intrant main d’oeuvre.
L’origine de la non-séparabilité dans ce cas est constitué par l’imperfection dans le marché du travail –une application directe des résultats dans
Benjamin 1992 et Udry 1996a.
Exercice 10.4. Solution suggérée(i) En utilisant les résultats (a) et (b),
il est possible de réécrire le problème d’optimisation du ménage comme suit :
maxE [U(Y, e; γ)]
{L,e}
"
−AL + 12 σ 2θ A2 L2
= max − exp
.
2
+wL − we + γ e2
{L,e}
Les deux CPO (A − w − σ 2θ A2 L = 0, w − γe = 0) nous permettent alors de
solutionner pour (L∗ , e∗ ) = ((A − w)/σ 2θ A2 , w/γ).
(ii) Le problème est séparable car le choix optimal du seul intrant (L) est
indépendant des caractéristiques du ménage (γ), i.e., ∂L∗ /∂γ = 0.
(iii) Le problème d’optimisation s’écrit comme suit, grâce aux résultats
(a) et (b) :
$
# e2
− AL − w(L − e) − γ 2
maxE [U (Y, e; γ)] = max − exp
.
2
{L,e}
{L,e}
+ σ2w (e − L)2
Les deux CPO (L : −A + w − σ 2w (e − L) = 0, e : −w + γe + σ 2w (e − L) = 0)
nous permettent alors de solutionner pour :
A (w − A) A
∗∗ ∗∗
(L , e ) =
−
,
γ
σ 2w
γ
11.8. ESQUISSES DE SOLUTIONS AUX EXERCICES
461
(iv) Le problème n’est pas séparable car le choix optimal du seul intrant
(L) est une fonction des caractéristiques du ménage (γ), i.e., ∂L∗∗ /∂γ =
−A/γ 2 = 0.
(v) Pour obtenir la séparabilité, il faudrait qu’il existe un marché d’assurance pour les salaires. En d’autres termes, les ménages paieraient une prime
à un assureur qui s’engagerait à payer un salaire égal à l’espérance du salaire
(w) quelle que soit la réalisation de l’état de la nature. Comme on pourra
voir à la question (vi), un tel marché risque de ne pas faire son apparition.
La différence entre (i)-(ii) et (iii)-(iv) provient du fait que, dans (iii)-(iv), la
nature aléatoire du salaire rend le coût relatif de la main d’oeuvre salariée et
de la main d’oeuvre familiale fonction de l’état de la nature : l’utilisation des
deux types de main-d’oeuvre est alors déterminée conjointement. Par contre,
dans (i)-(ii), c’est uniquement la productivité marginale de la main-d’oeuvre
qui est aléatoire : il n’y aucune incertitude pour ce qui a trait au coût relatif
des deux types de main-d’oeuvre.
(vi) En remplaçant les valeurs optimales dans la fonction objective, on
obtient l’expression suivante pour l’espérance de l’utilité du ménage à l’optimum :
$
#
2
2
1
A
(w
−
A)
+
.
E [U (Y ((L∗∗ , e∗∗ )), e∗∗ )] = − exp −
2 γ
σ 2w
Notons que l’espérance de l’utilité du ménage à l’optimum est une fonction décroissante du risque (σ 2w ). Il suit que le ménage voudrait se pourvoir
d’une “assurance salaire”. Cette assurance salaire pourrait prendre plusieurs
formes. Premièrement, considérons le cas d’une assurance sur la masse salariale “nette” (c.-à-d., sur w(L − e)), et calculons le montant de la prime
d’assurance. Pour le faire, nous calculons la prime P d’assurance qui nous
donne la même espérance d’utilité que dans l’équation précédente. Nous commençons par calculer les choix du paysan lorsque l’incertitude est entièrement
éliminée. Son problème d’optimisation est donné par :
"
e2
max − exp − AL − w(L − e) − P − γ
,
{L,e}
2
ce qui nous donne A − w = 0, w − γe = 0. Les rendements constants de la
fonction de production implique que le niveau de L est indéterminé. L’espérance de l’utilité du ménage à l’optimum est donnée par
"
w2
− exp − (A − w) L − P +
.
2γ
462
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
La valeur de la prime peut être calculée en solutionnant l’équation suivante
pour la valeur de P :
w2
1 A2 (w − A)2
(A − w) L − P +
=
+
,
2γ
2 γ
σ 2w
ce qui nous donne :
(A − w)
P = (A − w) L +
2
(w − A) (w + A)
−
σ 2w
γ
.
Exercice 10.5.
c = F (X) − wH + w(e − L)
q = F (X) = ln X
X =H +L
wH ≤ B
U (c, e) = α ln c + (1 − α) ln(Ω − e)
maxα ln(ln X − wH + w(e − L)) + (1 − α) ln(Ω − e)
{X,e}
e=L
maxα ln(ln X − wX + we) + (1 − α) ln(Ω − e)
{X,e}
X ∗ = w−1 , e∗ = αΩ + (1 − α)w −1 (1 + ln w)
X = H + L ⇔ w −1 = H ∗ + αΩ + (1 − α)w−1 (1 + ln w)
⇒ H ∗ = w−1 − αΩ − (1 − α)w −1 (1 + ln w)
H ∗ = w −1 (1 − (1 − α) (1 + ln w)) − αΩ
H ∗ > 0 ⇔ Ω < α−1 w−1 (1 − (1 − α) (1 + ln w))
H̄ = B/w
H ∗ = w −1 (1 − (1 − α) (1 + ln w)) − αΩ > H̄ = w−1 B
H ∗ > 0 ⇔ Ω < α−1 w −1 (1 − (1 − α) (1 + ln w))
H ∗ > H̄ ⇔ (1 − (1 − α) (1 + ln w)) − wαΩ > B
Exercice 10.6.
Exercice 10.7.
Exercice 10.8. Le problème d’optimisation du ménage est donné par :
max U(B, x, l) = max ln B+δ ln xγ − β − wx + wl − (1 + i)B + (Ω − l)θ .
{B,x,l}
{B,x,l}
Les trois CPO sont données par :
B :
x :
1
(1 + i)
= γ
;
B
x − β − wx + wl − (1 + i)B + (Ω − l)θ
γxγ−1 = w; l : w = θ(Ω − l)θ−1
11.8. ESQUISSES DE SOLUTIONS AUX EXERCICES
463
ce qui nous donne :
x
1
γ−1
w
=
,
γ
1
w θ−1
= Ω−
,
θ
γ
γ−1
θ
w
(1 − γ) γ
+ (1 − θ) wθ θ−1 − β + wΩ
=
2(1 + i)
∗
l∗
B∗
A l’optimum, l’utilité du ménage tenancier est donc donné par :
γ
γ−1
θ
w θ−1
w
+ (1 − θ)
− β + wΩ
U (B ∗ , x∗ , l∗ ; w, i) = (1 + δ) ln (1 − γ)
γ
θ
−(1 + δ) ln 2 − ln(1 + i).
Si nous considérons le cas où le ménage refuserait le contrat de location, son
problème d’optimisation serait donné par :
max ln B + δ ln wl − (1 + r)B + (Ω − l)θ
{B,l}
ce qui nous donne :
1
¯l = Ω − w θ−1 ,
θ
θ
(1 − θ) wθ θ−1 + wΩ
B̄ =
.
2(1 + r)
En remplaçant dans la fonction objective originale, on obtient :
θ
w θ−1
+ wΩ
Ū (w, r) = (1 + δ) ln (1 − θ)
θ
−(1 + δ) ln 2 − ln(1 + r).
Le problème d’optimisation du propriétaire foncier étant de maximiser la
valeur du taux de location sous la contrainte de rationalité individuelle du
ménage tenancier, on peut alors aisément solutionner pour la valeur du taux
de location optimal, en remarquant que le paysan obtient son crédit au même
taux r qu’il accepte ou non le contrat (c.-à-d. i = r) :
γ
γ−1
w
U (B , x , l ; w, i) = Ū (w, r) ⇔ β = (1 − γ)
.
γ
∗
∗
∗
∗
464
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
Lorsque le ménage tenancier obtient également son crédit du propriétaire
foncier, le problème d’optimisation de ce dernier est donné par :
max β + (i − r)B ∗ (w, i) s.c. U(B ∗ , x∗ , l∗ ; w, i) ≥ Ū(w, r),
{β,i}
où l’on remarque la présence du deuxième terme dans la fonction objective
qui provient des activités d’usurier du propriétaire foncier, et l’on remarque
aussi que la fonction objective du propriétaire est fonction du taux d’intérêt
i tandis que l’utilité de réserve du paysan est fonction du taux r. En posant
la contrainte de rationalité individuelle sous forme saturée, nous obtenons :
U (B ∗ , x∗ , l∗ ; w, i) = Ū(w, r)
γ
γ−1
w
⇔ β = (1 − γ)
γ
1 θ
w θ−1
1 + i 1+δ
(1 − θ)
+ 1−
+ wΩ .
1+r
θ
Remarquez également, en substituant l’expression pour le taux de location
dans l’expression pour l’emprunt optimal, que
γ
γ−1
θ
w
(1 − γ) γ
+ (1 − θ) wθ θ−1 − β + wΩ
B ∗ (w, i) =
2(1 + i)
1 θ
1+i 1+δ
w θ−1
(1
−
θ)
+
wΩ
1+r
θ
=
2(1 + i)
Nous pouvons alors réécrire la fonction objective, en substituant directement
la contrainte de rationalité individuelle, comme :
γ
γ−1
1 θ
w θ−1
w
1 + i 1+δ
max (1 − γ)
+ 1−
(1 − θ)
+ wΩ
{(1+i)}
γ
1+r
θ
+ ((1 + i) − (1 + r))
1
1+i 1+δ
1+r
β
(1 − θ)
θ
w θ−1
θ
2(1 + i)
B ∗ (w,i)
+ wΩ
ce qui se simplifie en
γ
γ−1
1 θ
w θ−1
w
(1 + i) + (1 + r)
1 + i 1+δ
max (1 − γ)
+ (1 − θ)
+ wΩ 1 −
.
{(1+i)}
γ
θ
2(1 + i)
1+r
11.8. ESQUISSES DE SOLUTIONS AUX EXERCICES
465
Après avoir calculé la CPO, nous obtenons
1 + i∗∗ = δ(1 + r).
En remplaçant dans l’expression pour le taux de location optimal, on obtient :
β
∗∗
γ
γ−1
w
= (1 − γ)
γ
θ
w θ−1
1
1+δ
+ 1−δ
(1 − θ)
+ wΩ .
θ
Comme vous aurez remarqué, dans le cas du contrat interlié le propriétaire
subventionne le paysan sur le marché du crédit en lui offrant un taux d’intérêt
inférieur à celui du marché, tandis qu’il augmente le taux de location (vous
aurez sans doute remarqué que β ∗∗ > β ∗ ).
Lorsqu’il offre le contrat interlié, le profit du propriétaire à l’optimum est
donné par :
Π
∗∗
γ
γ−1
w
= (1 − γ)
γ
θ
w θ−1
−δ
1+δ
1+δ
+ (1 − θ)
+ wΩ 1 −
δ
.
θ
2
Lorsqu’il offre le contrat de location simple, son profit est donné par :
γ
γ−1
w
Π = (1 − γ)
.
γ
∗
Une comparaison immédiate des profits du propriétaire indique qu’il offrira
le contrat interlié lorsque la condition suivante est satisfaite :
δ
Π∗∗ > Π∗ ⇔ 1 + δ − 2δ 1+δ < 0.
Cette inégalité, comme l’indique le graphique ci-dessous, est toujours satisfaite.
466
CHAPITRE 11. LES MODÈLES DE MÉNAGE
1+δ
1+δ−2δ δ
δ
0.5
1
1.5
2
-0.1
-0.2
-0.3
-0.4
δ
F. 11.4 — Une illustration que la condition 1 + δ − 2δ 1+δ < 0 est toujours
vérifiée.
Exercice 10.9
U (c1 , c2 ) = (c1 )α (c2 )1−α , 0 < α < 1
Q = F (X, T ) = X γ T, 0 < γ < 1
Y = pX γ T + w(L̄ − L)
C = pc1 + c2 ≤ pX γ T + w(L̄ − L) = Y
X = (c1 )θ L, 0< θ < 1
γ
c2 = p (c1 )θ L T + w(L̄ − L) − pc1
γ
1−α
max (c1 )α p (c1 )θ L T + w(L̄ − L) − pc1
{c1 ,L}
1−α
α
γθ γ
max (c1 ) p (c1 ) L T + w(L̄ − L) − pc1
{c1 ,L}
1−α
c1 : 0 = α (c1 )α−1 p (c1 )γθ Lγ T + w(L̄ − L) − pc1
−α + (c1 )α (1 − α) p (c1 )γθ Lγ T + w(L̄ − L) − pc1
γθp (c1 )γθ−1 Lγ T − p
(α + (1 − α) γθ) p (c1 )γθ Lγ T + αw(L̄ − L) = pc1
L∗ : γp (c1 )γθ Lγ−1 T = w
w 1−γ −1
(c1 )γθ = γp
L T
1
w
w 1−γ −1 γθ
(α + (1 − α) γθ) γ L + αw(L̄ − L) = p γp L T
θ=0
Exercice 10.10
En substituant les contraintes, le problème d’optimisation s’écrit :
11.8. ESQUISSES DE SOLUTIONS AUX EXERCICES
max
{c1 ,L1 ,L2 X}
U1 (c1 , Ω1 − L1 ) − U 1
et la CPO par rapport à X donne
467
U2 (F (X) − w (X − L1 − L2 ) − c1 , Ω2 − L2 ) − U 2 ,
FX (X) − w = 0.
Le modèle est donc bien séparable.
Bardhan 1984b, Bardhan 1982, Carter 1984, Friswold 1994, Hoddinott
et Haddad 1995, Lachaud 1998L
, R. (1986), “Structural Models of the
Farm Household that Allow for Interdependent Utility and Profit-Maximization
Decisions,” dans S, S S.
Manser et Brown 1980, Pant 1983
P, M., R, M. (1986), “Agricultural Prices, Food Consumption and the Health and Productivity of Indonesian Farmers,” in S,
S S.
Rao et Chotigeat 1981, Rosenzweig 1980, Rosenzweig 1988, Swamy 1994
Yémanja