L`épidémie d`obésité Le point sur le risque

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L`épidémie d`obésité Le point sur le risque
A teaching hospital affiliated with the University of Toronto
Terrence Donnelly Heart Centre
Cardiologie
UNIVERSITY
OF TORONTO
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ST. MICHAEL’S HOSPITAL
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Leading with Innovation
Serving with Compassion
U N E P U B L I C AT I O N É D U C AT I V E F O N D É E S U R L A D I V I S I O N D E C A R D I O L O G I E
S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O
Actualités scientifiques
MC
L’épidémie d’obésité
Le point sur le risque cardiométabolique global
Présenté initialement par : Robert H. Eckel, M.D.; Linda Van Horn, M.D.; Linda Peterson, M.D.; Stephen Daniels, M.D.
et Jean-Pierre Despres, M.D.
Revue d’une présentation aux réunions scientifiques de l’American Heart Association
12 au 15 novembre 2006
Par GORDON W. MOE, M.D.
L’obésité a atteint des proportions épidémiques à
l’échelle mondiale. Le syndrome métabolique est la culmination des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (MCV) athéroscléreuses et de diabète de type 2 liés
à l’obésité. Les définitions du syndrome métabolique
peuvent varier mais en général, elles utilisent des critères
semblables pour identifier les sujets. La relation entre le
syndrome métabolique et les MCV athéroscléreuses et le
diabète varie également, avec un risque relatif d’environ
1,5-3,0 et 3,0-5,0, respectivement. L’insulinorésistance est
dans une grande mesure responsable de la pathophysiologie du syndrome métabolique. Le tissu adipeux est la
réserve d’énergie la plus importante de l’organisme qui
joue un rôle important dans l’homéostase énergétique
totale. Dans ce numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques, nous examinons les mécanismes des composants
du syndrome métabolique qui prédisposent au diabète et
aux MCV athéroscléreuses, ainsi que les stratégies pour
mieux quantifier le risque de diabète et de MCV.
L’obésité et le cœur : fonction et métabolisme
L’ obésité, l’insulinorésistance et leurs complications
fréquentes dans le diabète de type 2 sont des facteurs de
risque de dysfonction diastolique ventriculaire gauche, de
dysfonction systolique et d’insuffisance cardiaque clinique1.
Bien que l’obésité, l’insulinorésistance et le diabète soient
Division de cardiologie
Thomas Parker, M.D. (chef)
Gordon W. Moe, M.D. (rédacteur)
David H. Fitchett, M.D. (rédacteur adjoint)
Juan C. Monge, M.D. (rédacteur adjoint)
Beth L. Abramson, M.D.
Abdul Al-Hesayen, M.D.
Luigi Casella, M.D.
Asim Cheema, M.D.
Robert J. Chisholm, M.D.
Chi-Ming Chow, M.D.
Paul Dorian, M.D.
Michael R. Freeman, M.D.
Chicago, Illinois
des facteurs de risque de coronaropathie et par conséquent, d’insuffisance cardiaque liée à la cardiomyopathie
ischémique, il existe de plus en plus de données indiquant
que ces facteurs de risque sont également responsables
du développement d’une dysfonction cardiaque qui n’est
pas liée à une maladie coronarienne épicardique1. Il existe
plusieurs mécanismes par lesquels cette triade peut causer
une dysfonction cardiaque, incluant la modification des
mécanismes hémodynamiques et neurohormonaux, et du
métabolisme myocardique, qui peuvent être initialement
adaptatifs, mais évoluer avec le temps en réponses
inappropriées2,3.
La modification du métabolisme myocardique peut
être un mécanisme particulièrement important à l’origine
de l’altération de la performance cardiaque chez les sujets
obèses, en particulier chez les femmes obèses. Pour vérifier
l’hypothèse que le métabolisme et l’efficacité des acides
gras myocardiques sont altérés chez les femmes obèses, 31
jeunes femmes ayant un indice de masse corporelle (IMC)
de 19 à 52 kg/m2 ont été étudiées2. La consommation
myocardique d’oxygène (MVO2) et la capture des acides
gras myocardiques (CapAGM), l’utilisation des acides
gras myocardiques (UAGM) et l’oxydation des acides gras
myocardiques (OAGM) ont été quantifiées par tomographie
par émission de positrons (TEP). Comme le montre la
figure 1, l’IMC chez ces sujets était corrélé à la MVO2, à
la CapAGM et à l’efficacité des AGM. L’ insulinorésistance
quantifiée par la surface sous la courbe (SSC) du glucose au
Shaun Goodman, M.D.
Anthony F. Graham, M.D.
Robert J. Howard, M.D.
Stuart Hutchison, M.D.
Victoria Korley, M.D.
Michael Kutryk, M.D.
Anatoly Langer, M.D.
Howard Leong-Poi, M.D.
Iqwal Mangat, M.D.
Arnold Pinter, MD
Trevor I. Robinson, M.D.
Duncan J. Stewart, M.D.
Andrew Yan, M.D.
St. Michael’s Hospital, 30 Bond St., Suite 7049, Queen Wing, Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5941
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pas nécessairement celles de la Division de Cardiologie,
St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, du
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de l’éditeur, mais sont celles de l’auteur, qui se fonde sur
la documentation scientifique existante. On a demandé
à l’auteur de révéler tout conflit d’intérêt potentiel
concernant le contenu de cette publication. La publication
de Cardiologie, Actualités scientifiques est rendue possible
grâce à une subvention à l’éducation sans restrictions.
Figure 1 : Relation entre A) la MVO2 et l’IMC et
B) l’efficacité cardiaque et l’IMC chez des jeunes
femmes autrement en bonne santé2
5
4,5
4
3,5
3
2,5
2
1,5
1
0,5
0
r=.58
p=.0006
B
35
r=.40
p<.05
30
Efficacité (%)
MVO2 (J/g/min)
A
25
20
15
10
5
0
0
20
40
IMC (kg/m2)
60
0
20
40
60
IMC (kg/m2)
MVO2 = consumption myocardique d’oxygène;
IMC = indice de masse corporelle
Adapté avec autorisation
cours d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie
orale était corrélée à la CapAGM, à l’UAGM et à l’OAGM.
Une analyse multivariée de régression par degrés a révélé
que l’IMC était le seul prédicteur indépendant de la MVO2
et de l’efficacité des AGM. La SSC du glucose était le seul
prédicteur indépendant de la CapAGM, de l’UAGM et de
l’OAGM. Par conséquent, chez les jeunes femmes, l’obésité
est un prédicteur important d’une MVO2 accrue et d’une
efficacité réduite des AGM, et l’insulinorésistance est un
prédicteur robuste de la CapAGM, de l’UAGM et de
l’OAGM. Cette augmentation du métabolisme des acides
gras et la diminution de leur efficacité pourraient jouer un
rôle dans la pathogenèse de la baisse de la performance
cardiaque chez les femmes obèses. D’autres progrès dans
la compréhension de ces mécanismes pourraient aider à
l’élaboration de nouvelles thérapies, incluant les manipulations métaboliques qui pourraient prévenir et traiter la
dysfonction cardiaque chez les patients atteints d’obésité,
d’insulinorésistance et de diabète.
L’obésité est une affection hétérogène et les patients
obèses ne présentent pas tous un risque accru de MCV4.
Il est maintenant bien établi que la distribution régionale de
la graisse corporelle est corrélée de façon importante aux
complications métaboliques de l’obésité. Des études qui ont
évalué la distribution du tissu adipeux par des techniques
d’imagerie (p. ex. la tomodensitométrie) ont démontré
l’importance du dépôt de graisse abdominale (viscérale)
comme marqueur d’un groupe d’anomalies métaboliques,
incluant l’intolérance au glucose, l’insulinorésistance,
l’hyperinsulinémie, l’hypertriglycéridémie, une élévation des
lipoprotéines contenant de l’apo B ainsi que l’hypoalphalipoprotéinémie. Bien que l’association entre l’obésité viscérale
et les complications métaboliques soit bien établie, on a
suggéré qu’elle peut ne pas représenter nécessairement une
relation causale.
L’obésité et le risque cardiométabolique global
La présence du syndrome métabolique est associée à
un risque accru de développement du diabète de type 2 et
de MCV5-8. Bien que l’on se pose actuellement la question
de savoir si le syndrome métabolique est un concept
scientifique distinct9, la plupart des autorités reconnaissent
que le syndrome métabolique est un facteur de risque clé
de MCV10,11. Les 5 variables proposées pour dépister le
syndrome métabolique incluent le tour de taille, le taux
circulant de triacylglycérols et le cholestérol des lipoprotéines de haute densité (HDL), la glycémie à jeun et la
tension artérielle10. L’existence du syndrome métabolique
reflète un changement conceptuel, c’est-à-dire que l’on est
passé d’un concept pathophysiologique fondé sur des
anomalies métaboliques dues à un état insulinorésistant à
un concept épidémiologique fondé sur l’obésité abdominale
et sur des corrélats assez bruts des caractéristiques de
l’insulinorésistance. La recommandation du National
Cholesterol Education Program – Adult Treatment Panel III
(NCEP-ATP III) de mesurer le tour de taille plutôt que l’IMC
indique que l’on reconnaît l’importance de l’obésité abdominale dans le syndrome métabolique12.
Comme nous l’avons mentionné antérieurement, bien
que l’obésité soit un facteur de risque de développement
d’une insulinorésistance et du diabète et un facteur de risque
important de MCV, tous les patients obèses ne sont pas
nécessairement insulinorésistants ou à haut risque de diabète
et de MCV4. Cela explique pourquoi l’obésité a été un
facteur de risque de MCV mal défini et modifiable
comparativement à d’autres facteurs de risque, tels que
l’hypertension, le tabagisme et le cholestérol (taux élevé de
lipoprotéines de faible densité [LDL] et faible taux de HDL).
Cependant, pour une quantité donnée de graisse corporelle
totale, dans le sous-groupe de personnes ayant un excès
sélectif de tissu adipeux intra-abdominal ou viscéral, le
risque de présenter une insulinorésistance et des caractéristiques du syndrome métabolique peut être plus élevé13.
La physiopathologie de l’obésité viscérale
Comme nous l’avons mentionné antérieurement, une
question importante se pose de savoir si l’obésité viscérale
est un facteur causal ou simplement un marqueur d’un
profil dysmétabolique. Une altération du métabolisme des
acides gras libres non estérifiés (AGLNE) pourrait constituer
un mécanisme important à l’origine de l’insulinorésistance
chez les sujets atteints d’obésité abdominale12. Les adipocytes intra-abdominaux hypertrophiés sont caractérisés par
un état hyperlipolytique qui entraîne une résistance à l’effet
antilipolytique de l’insuline. Par exemple, le tissu adipeux
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épiploïque canin représente un dépôt hautement insulinorésistant qui se draine directement dans la veine portale.
Une augmentation du flux d’AGL vers le foie peut être
responsable de l’insulinorésistance hépatique dans l’état
d’obésité modérée14. Le flux d’ACLNE vers le foie en
résultant peut entraver le métabolisme hépatique, entraînant
la production accrue de glucose hépatique. L’insulinorésistance hépatique est associée à une réduction de la
dégradation de l’apolipoprotéine B et à la production accrue
de lipoprotéines riches en triacylglycérols. Il existe des
données indiquant que chez les êtres humains, le tissu
adipeux n’est pas seulement spécialisé dans le stockage et la
mobilisation des lipides, mais qu’il est également un organe
endocrinien qui libère des cytokines, incluant les molécules
pro-inflammatoires l’interleukine (IL)-6 et le facteur de
nécrose tumorale-alpha (TNF-α). Dans l’obésité, on a
observé l’infiltration de macrophages dans le tissu adipeux15
qui pourrait donc contribuer au développement du profil
inflammatoire rapporté chez les patients atteints d’obésité
abdominale16. Le taux plasmatique de protéine C réactive
(PCR) est également connu pour être accru chez les patients
atteints d’obésité viscérale17.
La protéine adiponectine circule dans le sang et provient
spécifiquement du tissu adipeux18. Contrairement aux
adipokines pro-inflammatoires, le taux d’adiponectine est
réduit chez les sujets obèses, en particulier chez les patients
présentant une adiposité viscérale excessive19. L’ adiponectine a de nombreux effets in vitro qui sont compatibles
avec une meilleure signalisation de l’insuline et une
protection potentielle contre l’athérosclérose20. Le taux
réduit d’adiponectine observé chez les patients atteints
d’obésité abdominale pourrait être l’un des facteurs
responsables de leur profil de facteurs de risque métabolique
athérogène et diabétogène. De fait, les patients atteints
d’obésité abdominale ayant un excès de tissu adipeux
viscéral ont un taux plasmatique élevé de PCR ainsi que
des taux élevés d’IL-6 et de TNF-α et un taux réduit
d’adiponectine19. Cependant, bien qu’un faible taux
d’adiponectine soit associé à une obésité viscérale, la
question de savoir si cette adipokine joue réellement un rôle
important dans l’altération du profil de risque métabolique
des patients atteints d’obésité viscérale n’a pas été élucidée.
Cependant, dans l’ensemble, ces résultats concordent avec
le fait que le dépôt adipeux viscéral accru a une fonction
endocrine importante, entraînant non seulement la modification du métabolisme des AGLNE, mais également un
profil pro-inflammatoire pouvant contribuer à une insulinorésistance et à une altération de l’homéostase glucosique.
Les deux hypothèses de la modification du métabolisme
des AGLNE et de la fonction endocrine du tissu adipeux
Figure 2 : Le modèle de flux lipidique excessif-graisse
ectopique dans l’obésité abdominale12
Obésité sous-cutanée
Tissu adipeux sain
Obésité viscérale
Tissu adipeux dysfonctionnel
• Altération du
métabolisme
des AGL
ABSENCE DE GRAISSE
ECTOPIQUE
Faible taux
de graisse
musculaire
• Altération de
la libération
des adipokines
FLUX LIPIDIQUE EXCESSIFGRAISSE ECTOPIQUE
(↑ Graisse musculaire
(↑ Lipide intracellulaire)
Faible taux
de graisse
épicardique
(↑ Graisse épicardique
Faible taux de
graisse hépatique et fonction normale
(↑ Graisse hépatique
et fonction altérée
Profil métabolique normal
Absence de critères
cliniques du syndrome
métabolique
AGL = acides gras libres
Altération du profil métabolique
Présence de critères cliniques du
syndrome métabolique (incluant le
tour de taille hypertriglycéridémique)
Adapté avec autorisation
examinées ci-dessus impliquent que le tissu adipeux viscéral
intervient de façon causale dans la pathophysiologie du
syndrome métabolique12. Le modèle de flux lipidique
excessif-graisse ectopique offre un mécanisme pathophysiologique additionnel à la base de l’obésité abdominale
(figure 2)12. Selon ce modèle, l’accumulation excessive de
graisse viscérale est liée de façon causale aux caractéristiques
de l’insulinorésistance, mais elle peut indiquer également
que le tissu adipeux est dysfonctionnel et incapable de
stocker correctement l’excès d’énergie. Ainsi, la capacité de
l’organisme à faire face au surplus de calories – résultant
d’une consommation calorique excessive et /ou de l’inactivité
physique – peut déterminer ultérieurement la vulnérabilité
d’une personne au syndrome métabolique. Il est intéressant
de noter qu’il existe des données indiquant que si l’énergie
supplémentaire est canalisée dans le tissu adipeux souscutané sensible à l’insuline, le sujet sera protégé contre le
syndrome métabolique, malgré un équilibre énergétique
positif. Cependant, en cas d’absence, de déficience ou
d’insulinorésistance du tissu adipeux, et par conséquent,
de capacité limitée à stocker l’excès d’énergie, le surplus de
triacylglycérol sera déposé dans des sites indésirables tels
Cardiologie
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que le foie, le cœur, les muscles squelettiques et le tissu
adipeux viscéral. Ce phénomène est décrit comme étant
le dépôt de graisse ectopique.
Les facteurs associés à une accumulation préférentielle de graisse viscérale et aux caractéristiques de
l’insulinorésistance incluent notamment le tabagisme,
la sensibilité génétique bien documentée à l’obésité
viscérale21, et un profil neurohormonal caractéristique
d’une réponse non adaptée au stress22. Les conséquences
métaboliques de cette anomalie de la répartition
énergétique incluent l’obésité viscérale, l’insulinorésistance, la dyslipidémie athérogène et un profil
inflammatoire prothrombotique, qui sont des caractéristiques du syndrome métabolique. Cette constellation
d’anomalies peut être détectée grâce aux critères
cliniques du syndrome métabolique, les deux plus
simples étant la présence concomitante d’un fort tour
de taille et d’un taux accru de triacylglycérols à jeun,
une affection que l’on a décrit comme le tour de « taille
hypertriglycéridémique »12,23.
Critères cliniques du syndrome métabolique
Les 5 critères et valeurs limites proposés par le
groupe d’experts du NCEP-ATP III10,11 et appuyés par
la Fédération internationale du diabète (FID) pour
diagnostiquer la présence probable du syndrome
métabolique ont été déterminés principalement par un
consensus d’experts et sur la base de l’interprétation de
la littérature, mais n’ont pas été validés quant à leur
capacité à identifier de façon optimale les sujets atteints
du syndrome métabolique et présentant un risque accru
associé de MCV. Cela est particulièrement important
pour l’évaluation du risque de MCV associé à une
adiposité viscérale excessive dans les populations non
caucasiennes. Malgré cette lacune, des études observationnelles prospectives ont généralement montré que
les sujets qui répondent aux critères cliniques du
syndrome métabolique présentent un risque accru
d’événement CV et de diabète comparativement aux
L’utilisation de
sujets n’en étant pas atteints25.
différentes valeurs limites ou de marqueurs du
syndrome métabolique pour établir différents
pronostics pourrait permettre de mieux identifier
les patients présentant un risque accru. Depuis la
publication du consensus, la définition conceptuelle du
syndrome métabolique a souvent été confondue avec
les 5 critères cliniques proposés. Ces critères devraient
être considérés comme des variables de substitution
aidant à identifier un sous-groupe de sujets à haut
risque susceptibles de présenter des caractéristiques
clés du syndrome métabolique : obésité abdominale,
insulinorésistance, taux élevé de triacylglycérolsapolipoprotéine B, faible taux de cholestérol HDL,
dyslipidémie avec particules de LDL petites et denses,
état pro-thrombotique et profil inflammatoire. Ce
groupe de caractéristiques est la forme la plus fréquente
du syndrome métabolique, tel que défini par le NCEPATP
III5.
Cette constellation d’anomalies peut être accompagnée
d’hypertension et/ou de diabète, selon la sensibilité
génétique du sujet. Cependant, on n’a pas déterminé
avec certitude si toutes les combinaisons possibles de
3 des 5 critères établis par le NCEP-ATP III augmentent
le risque de MCV de façon semblable.
Bien que la présence du syndrome métabolique
puisse entraîner un risque relatif de MCV environ deux
fois plus élevé25, lorsque l’on évalue un patient, il est
nécessaire d’évaluer également le risque cardiovasculaire
global présenté par celui-ci, en tenant compte des
facteurs de risque conventionnels de MCV, tels que
l’âge, le sexe, le statut tabagique, la tension artérielle,
le cholestérol et le diabète. Le modèle de calcul de la
Framingham Heart Study, par exemple, prend en considération certains éléments du syndrome métabolique,
tels que la tension artérielle et le taux de cholestérol
HDL. Bien que la présence de critères cliniques du
syndrome métabolique permette de prédire un risque
relatif accru de MCV, ce dernier est principalement
déterminé par la présence ou l’absence des facteurs de
risque traditionnels. Par conséquent, le fait de répondre
aux critères cliniques du syndrome métabolique
n’équivaut pas nécessairement à un risque absolu très
élevé de MCV12. Lorsque l’on évalue le risque absolu de
MCV chez les patients qui répondent aux critères
cliniques du syndrome métabolique, il est nécessaire
tout d’abord de tenir compte des facteurs de risque
conventionnels. Le débat continue quant à la question
de savoir si la présence du syndrome métabolique
permet de mieux comprendre le risque global de
coronaropathie évalué sur la base des algorithmes
existants, tels que le modèle de calcul du risque de
Framingham26.
Jusqu’à présent, des résultats conflictuels et principalement neutres ont été rapportés27,28. Cependant,
il existe des données préliminaires indiquant que
lorsqu’on mesure des marqueurs sophistiqués du
syndrome métabolique, tels que le taux d’insuline et
d’apolipoprotéine B à jeun et la taille des particules LDL,
leur présence augmente le risque de MCV au-delà de
celui qui serait calculé en utilisant les algorithmes
Cardiologie
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traditionnels du risque de MCV29. Par conséquent, un
diagnostic de syndrome métabolique permet d’identifier
un sujet ayant un métabolisme dysfonctionnel qui doit
modifier son mode de vie et perdre du poids en
particulier de la graisse abdominale. Ainsi, le diagnostic
de syndrome métabolique ne permet pas d’identifier
automatiquement un candidat à la pharmacothérapie,
mais il ne devrait pas non plus faire oublier l’importance
de la prise en charge pharmacologique des facteurs de
risque traditionnels conformément aux lignes directrices
actuelles.
Évaluation du risque cardiométabolique global
D’après les discussions précédentes, il apparaît
que des algorithmes d’évaluation du risque global plus
précis sont nécessaires pour quantifier le risque de
diabète et de MCV résultant de la présence de facteurs
de risque classiques et de la présence d’une obésité
abdominale ou de marqueurs métaboliques liés à
l’insulinorésistance. Le terme de « risque cardiométabolique » a été créé par des organismes tels que
l’American Diabetes Association et l’American Heart
Association30 pour décrire le risque global de
développer le diabète et une MCV12 et cette idée peut
potentiellement réconcilier les protagonistes et les
antagonistes du concept de syndrome métabolique.
Comme le montre la figure 3, le risque cardiométabolique englobe le risque global de MCV et de
diabète de type 2 associé aux facteurs de risque
traditionnels, tout en tenant compte également de la
contribution additionnelle potentielle de l’obésité abdominale et/ou de l’insulinorésistance et des marqueurs
métaboliques associés du risque global de MCV.
Jusqu’à présent, il n’existe pas de données
suffisantes à l’appui d’une proposition selon laquelle la
présence de critères cliniques du syndrome métabolique
augmente le risque global de MCV. Des études
prospectives additionnelles qui tiennent compte de la
mesure de marqueurs métaboliques sophistiqués et
de l’adiposité abdominale viscérale et sous-cutanée
permettront peut-être de répondre à cette question
importante. Lorsque les résultats de ces études seront
publiés, on pourra mieux répondre aux questions clés
de savoir « ce qui constitue un phénotype d’obésité
abdominale à risque élevé parmi les diverses régions
dans le monde » et « ce que sont les principaux
déterminants du risque dans différentes populations ».
Cependant, on doit établir une nette distinction entre
le syndrome métabolique en tant que « concept » et
Figure 3 : Facteurs contribuant au risque cardiométabolique global. Le risque cardiovasculaire est le risque
global de MCV résultant de la présence du syndrome
métabolique, ainsi que des facteurs de risque traditionnels et d'autres facteurs de risque inconnus, incluant les
facteurs génétiques qui ne peuvent être évalués dans
la pratique clinique. Selon ce modèle, le diagnostic de
syndrome métabolique ne remplace pas la nécessité
d'évaluer le risque global de MCV, mais doit être considéré fiinalement dans l’évaluation globale du risque12
LDL
Syndrome
métabolique ?
HDL
Hypertension
Diabète
Hypertension
Diabète
Âge
Sexe
masculin
Âge
Sexe
masculin
Tabagisme
Autres
(facteurs
génétiques)
Tabagisme
Autres
(facteurs
génétiques)
+
Un nouveau
facteur
de risque
de MCV
Syndrome LDL
métabolique ?
HDL
=
Risque global de MCV
d’après les facteurs de
risque traditionnels
Risque
cardiométabolique
global
Adapté avec autorisation
les critères utilisés dans la pratique clinique pour
identifier les sujets ayant les caractéristiques du
syndrome métabolique.
Conclusion
Bien que l’insulinorésistance soit une composante
clé d’une constellation d’anomalies métaboliques qui
augmente le risque de diabète de type 2 et de MCV, la
forme la plus fréquente d’insulinorésistance est associée
à l’obésité abdominale et à la présence de tissu adipeux
« dysfonctionnel » ne pouvant pas gérer correctement le
surplus d’énergie31. Les indicateurs initiaux de l’obésité
abdominale à haut risque sont un fort tour de taille,
ainsi qu’une élévation du taux plasmatique de
triacylglycérols à jeun23. Afin d’évaluer correctement le
risque cardiovasculaire, les médecins doivent tout
d’abord prendre en considération les facteurs de risque
de MCV traditionnels. La question de savoir si la
présence des critères cliniques du syndrome métabolique augmente le risque de MCV au-delà des facteurs
de risque traditionnels n’a pas encore été élucidée et la
résolution de cette question est essentielle pour
permettre une évaluation optimale du risque global
de MCV
Cardiologie
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