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Culture Danse “La IX Symphonie” de Maurice Béjart transcende le temps e En 1964, Maurice Béjart crée “La IXe Symphonie” au Cirque royal. ● Cinquante ans plus tard, Gil Roman, directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne (BBL), a remonté “La IXe”. ● Un spectacle grandiose qui réunit le BBL et le Tokyo Ballet. A voir du 6 au 8 janvier à Forest National. FRANCETTE LEVIEUX NBS-KIYONORI HASEGAWA ● Reportage Stéphanie Bocart Envoyée spéciale à Lausanne D ans le grand studio de danse du Béjart Ballet Lausanne (BBL), perché sur les hauteurs de la ville suisse, quelques notes de musique d’une grande douceur emplissent par petites vagues la salle. Seul résonne le souffle haletant de la dizaine de danseurs qui viennent de sortir de répétition et se sont glissés sur les côtés de la salle, le long des barres de danse. Pieds nus, le danseur Julien Favreau avance, seul, vers le centre du studio puis étire ses bras le long de son corps vers le haut avant de plonger, tête baissée. Il est rejoint par Elisabet Ros, silhouette légère et gracile également nupieds. Développés, arabesques, petits sauts de chat, flex et pointés… ils se cherchent, se frôlent, se touchent, s’enlacent. La musique les porte et les transporte dans une infinie tendresse. “Tenez le mouvement, lance Gil Roman, chorégraphe et directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne. Suspendez le mouvement”. Et, par là-même, le temps, pour ne laisser parler que les émotions, celles qui façonnent chacun de nous mais qui, quelle que soit notre couleur de peau, notre religion, notre sexe, nous unissent aussi (l’amour, la joie, la liberté…). Voilà le cœur de “La IXe Symphonie”, ce spectacle grandiose imaginé en 1964 par le danseur et chorégraphe Maurice Béjart sur la musique de Ludwig Van 44 Beethoven et remonté 50 ans plus tard, en 2014, par son successeur à la tête du Béjart Ballet Lausanne, Gil Roman. Un concert dansé Le Tokyo Ballet danse le premier mouvement, qui illustre le combat, la lutte vers un idéal, la joie de l’action. Comment Gil Roman a-t-il revisité une chorégraphie dont il n’existe quasi aucune trace ? Le chorégraphe a bien retrouvé quelques vidéos prises à l’époque ci et là, mais elles ne sont pas “assez fiables”. “Cela faisait longtemps que je réfléchissais à l’idée de remonter “La IXe Symphonie”, confie Gil Roman, mais il fallait Des vidéos d’archives trouver l’occasion”. Et cette “occasion”, Pour relever son défi, il a donc pu le directeur artistique l’a saisie pour compter sur l’aide précieuse de Piotr marquer, en 2014, le 50e Nardelli, ancien danseur anniversaire du Tokyo du Ballet du XXe siècle Ballet, une compagnie (NdlR : la compagnie de avec laquelle Maurice danse créée par Béjart à Béjart avait déjà créé de Bruxelles en 1960), qui forts liens d’amitié. s’était déjà prêté à l’exere “J’avais confiance en cette cice. En 1996, 18 ans compagnie, dans le travail après la dernière repréqu’elle fait et la manière sentation de “La IXe dont elle le fait, pourSymphonie” –c’était en suit-il, car il faut avoir 1978 – Piotr Nardelli confiance pour monter un avait, en effet, assisté Béballet comme ça”. jart pour mettre en scène De fait, insiste-t-il, “La “La IXe” dansée par e GIL ROMAN IX Symphonie”, “ce n’est l’Opéra de Paris. Directeur artistique du BBL. pas un ballet normal. C’est Au-delà de ce minuune cérémonie ! (NdlR : tieux travail, “je me suis Béjart lui-même décrivait sa création rendu compte en confrontant les différencomme un “concert dansé”). Vous assis- tes versions de “La IXe” qu’il y a des choses tez à quelque chose d’unique, avec 80 mu- qui changent très légèrement, ajoute Gil siciens, 80 danseurs, le chœur. Il y a une Roman. Et là-dedans, j’ai choisi ce qui me vibration très particulière et, évidem- semblait le plus se rapprocher de ce que ment, c’est très compliqué à organiser”. Maurice –comme on appelle Béjart ici, Il faudra en effet aux deux compa- au BBL– a voulu exprimer au départ”. gnies trois ans de travail et de recher“Nous avons travaillé avec des vidéos ches artistiques et financières avant de d’archives, confirme le danseur Julien présenter “La IXe Symphonie” le 8 no- Favreau, qui a bien connu “Maurice”, vembre 2014 sur la scène du théâtre car Gil tenait à retrouver le langage que NHK à Tokyo devant 4 000 spectateurs. Maurice avait voulu insuffler à la créa- “On ne peut se poser la question de remonter ou pas “La IX ”. En ce moment, ce message de fraternité est une évidence.” tion de “La IXe”. Il enchaîne : quand Maurice créait, il s’inspirait beaucoup de l’interprète. Donc, si nous respectons la chorégraphie d’origine, nous y apportons aussi notre touche personnelle car, dans “La IXe”, le couple qu’Elisabet et moi formons est différent de celui avec lequel a travaillé Maurice en ‘64 : nous avons notre physique, notre personnalité, notre propre histoire ensemble –ce n’est pas la première fois que nous dansons ensemble– nous avons aussi un vécu et un passé commun au sein du BBL (NdlR : tous deux dansent au BBL depuis plus de 20 ans)”. Elisabet Ros complète : “Un même pas créé par Maurice peut changer énormément selon la façon dont on le fait, l’intention que l’on y met. Parfois, ce sont de petits détails qui font toute la différence”. fraternité : “Millions d’êtres, soyez tous embrassés d’une commune étreinte !” Un message “vibrant d’actualité”, commente Gil Roman. “On ne peut se poser la question de remonter ou pas “La IXe”. En ce moment, ce message de fraternité est une évidence. Quand on voit des danseurs de races différentes se tenir la main et danser ensemble, c’est une expérience. “La IXe” a toujours tout son sens.” Après Tokyo, Shanghaï, Lausanne et Monaco, “La IXe” sera présentée à Bruxelles du 6 au 8 janvier 2017 à Forest National –salle qui fut inaugurée en 1970 par… “La IXe Symphonie” de Maurice Béjart. “Bruxelles est une étape incontournable, confie Julien Favreau. Un lien particulier unissait Bruxelles et Maurice. Cela nous donne une pression supplémentaire pour être au top”. Un message “vibrant d’actualité” Face à l’œuvre monumentale de Beethoven, qui se divise en quatre mouvements, Maurice Béjart avait thématisé chacun d’eux. Le premier –aujourd’hui interprété par le Tokyo Ballet– symbolise la terre, le combat vers un idéal. Les deuxième et troisième mouvements –dansés par le Béjart Ballet Lausanne– sont respectivement dédiés au feu, à la joie, et à l’eau, l’amour. Enfin, le dernier mouvement, qui rassemble les deux compagnies sur scène ainsi que des danseurs africains, emmenés par le chœur, représente l’air, la liberté; c’est l’“Ode à la joie”, l’hymne officiel de l’Union européenne. Un final qui célèbre sur des vers du poète Schiller l’idéal de l’unité et de la La Libre Belgique - mercredi 23 novembre 2016 © S.A. IPM 2016. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. U “La IXe Symphonie” par le Béjart Ballet Lausanne et le Tokyo Ballet, les 6, 7 et 8/1 à Forest National. Infos et rés. au 0900.69.900. ou sur www.sherpa.be En chiffres “La IXe Symphonie”, c’est : Julien Favreau et Elisabet Ros découvrent la tendresse, l’amour dans le troisième mouvement. NBS-KIYONORI HASEGAWA Le quatrième mouvement de “La IXe Symphonie” rassemble les 80 danseurs du Béjart Ballet Lausanne et du Tokyo Ballet pour une grande ode à la joie. ‣ 3 années de préparation artistique, technique et logistique; ‣ 15 semaines de répétitions sur deux continents; ‣ 80 danseurs (Béjart Ballet Lausanne et Tokyo Ballet); ‣ 200 artistes en tout sur scène. mercredi 23 novembre 2016 - La Libre Belgique 45 © S.A. IPM 2016. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.