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Journée d'études des jeunes chercheurs d'ELH-PLH 20 avril 2017 Appel à communication "LA NUIT, ENTRE CHAOS ET COSMOS" Qu'elle soit noire ou blanche, étoilée ou sans lune, la nuit constitue le motif privilégié d'un grand nombre de scènes littéraires, au point qu'on puisse la considérer comme un véritable topos. Phénomène astronomique lié à la rotation de la Terre, temps de la journée durant lequel l'homme ne peut se repérer sans l'aide d'artefacts, la nuit est d'abord une circonstance de l'existence humaine ; elle est cependant aussitôt devenue un événement majeur. Associée au Chaos originel dans différentes mythologies, parée des valeurs les plus sombres (« destruction, malheur et mort », selon son étymologie indo-européenne), elle est aussi le temps du recueillement, de l'arrêt des activités quotidiennes et de l'observation céleste. Entre déchaînement des pulsions et recentrement sur soi, entre chaos et cosmos, le questionnement autour de la représentation de la nuit littéraire revient à explorer une tension fondatrice de l'expérience humaine et de son rapport aux rythmes universels qui la conditionnent. Thème présent au fil des siècles autant dans les arts que la littérature, la nuit énigmatique et singulière a inspiré par sa vénusté les poètes (les Nuits de Musset, Les heures de la nuit de Nerval), interrogé la perception de romanciers (Voyage au bout de la nuit de Céline, La Nuit de Elie Wiesel), envoûté les actes de la scène (Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare). Écrire la nuit, appelle le sujet au recueillement dans une suite de pensées au risque de passer Du côté de l’ombre (Jean Sullivan). La nuit noire est à la fois silence et trouble, absence de lumière et présence d’ombres pourtant imperceptibles sans un soupçon de lueur. Sa dualité entre ordre et désordre associe à l’onirisme une étrange atmosphère qui semble atemporelle et favorise un instant de flânerie intime dans le cosmos. Comme le souligne la symbolique attachée à la lune, à laquelle les croyances populaires prêtent une influence sur l'identité, la nuit questionne les contours de la personnalité. Temps de la métamorphose dans les contes et légendes ou au contraire moment privilégié de l'introspection, l'obscurité nocturne ouvre à la fois sur un possible recentrement, dont le recueillement ou la méditation ne sont qu'un aspect, et sur la menace d'une dilution de la subjectivité. Le genre de la nocturne, confidence musicale qui se développe au siècle du Moi qu'est le XIXème siècle, fait ainsi de la nuit une source d'inspiration toute personnelle à travers laquelle l'artiste accueille la force créatrice de ses états d'âme. A l'inverse, noyée dans la nuit de l'alcool, dissoute dans une sociabilité festive ou criminelle si ce n'est minée par la folie, l'identité peut faire, à contre-jour, l'expérience de l'aliénation. Puissance centrifuge et centripète, la nuit fonderait donc un rapport à l'autre et à soi dont l'écriture se révèle être l'exact miroir : contact avec l'altérité tout autant que retour sur soi, l’encre accueille comme l’obscurité les intermittences de la subjectivité. L’écriture de la nuit détermine aussi un certain rapport de l’écrivain à sa langue et à l’imaginaire qui la porte : avant même d’être un motif, avant même d’évoquer les rêves et la plongée dans le surnaturel, la nuit confronte d’abord le langage à ses insuffisances, à son opacité. Les contrastes s’affichent, les contours s’effacent : les mots semblent en dire toujours trop ou trop peu. Ainsi, comme le dit Alain Montandon, la nuit engage une profonde déstabilisation des repères visuels et perceptifs à rebours d’une rhétorique de la clarté : « car avec la nuit nous entrons dans une crise de la représentation qui est une des sources fondamentales de la modernité [...] [et] l’on assiste à un changement de paradigme qui sera particulièrement décisif avec le romantisme. » Il s’agirait alors d’interroger la possibilité d’une herméneutique qui pose l’obscurité comme préalable à l’émergence du sens, ou d’un sens porteur de renouveau. Entre fantasme et dévoilement, entre rêve et réalité, idéal et vérité, la nuit est par excellence le temps du désir. Désir de type charnel en premier lieu, il faudra évidemment nous arrêter sur le topos de la nuit d’amour et interroger ses éventuelles ambiguïtés : la nuit est-elle proclamation du triomphe d’eros ? Le fantasme n’est-il pas préférable à l’assouvissement du désir ? L’étreinte nocturne est-elle consécration ou désillusion ? De la mise à nu des corps, nous pourrons nous intéresser ainsi à la mise à nu de l’âme. En effet, la nuit peut également être envisagée d’un point de vue moral, comme espace privilégié de confession et de révélation de l’intime, moment crucial du surgissement de la Vérité. Enfin, ces diverses réflexions pourront déboucher sur une approche de type esthétique : la nuit est à la fois beauté et laideur, d’un côté elle est objet de rêverie et de poésie, moment idéal dédié à la contemplation, temps de l’épanouissement du sublime. Cependant, ce sublime est paradoxal et peut se transformer en sublime noir, la nuit devenant alors le temps du jaillissement du monstrueux, de la cruauté et de la mort. On pourra envisager, parmi d'autres, les pistes suivantes : - l'évolution et le rôle des conditions matérielles d'éclairage - la dimension symbolique ou mythologique de la nuit - les figures et personnages de la nuit - la représentation et l'expression du Moi nocturne - le désir: entre Eros et Thanatos - l'esthétique du sublime - nuit et langage : opacité, illuminations... - temporalités et spatialités nocturnes - perceptions de nuit : illusions, hallucinations, rêves... La journée d’études s’adresse aux doctorants de l’équipe ELH ainsi qu’aux étudiants du Master de lettres. Les propositions de communication, qui devront comprendre entre 200 et 300 mots, sont à envoyer à l'adresse [email protected] au plus tard le 10 mars 2017. Comité d'organisation : - Lauren Bentolila-Fanon - Charlène Huttenberger - Roselyne Kouadio - Vivien Matisson - Théo Soula Comité scientifique : - Fabienne Bercegol - Jean-Yves Laurichesse - Isabelle Serça