Pourquoi les IVG augmentent chez les ados

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Pourquoi les IVG augmentent chez les ados
SEXUALITÉ
Pourquoi les IVG augmentent chez les ados
Alors que le nombre total d'IVG reste stable, celui des mineures ne cesse de progresser.
Des spécialistes, réunis en colloque aujourd'hui, s'inquiètent
HÉLÈNE BRY | 07.03.2011, 07h00
C’est un chiffre qui fait mal. Aujourd’hui, en France, 13500 jeunes filles de moins de 18 ans
ont recours chaque année à l’IVG. Et le nombre continue d’augmenter. Alors que se tient
aujourd’hui à Paris un forum sur « Comment protéger le droit à l’avortement en 2011? »,
comment se fait-il que nos adolescentes se retrouvent avec autant de grossesses non désirées ?
On les croit surinformées mais elles connaissent très mal leur corps. On les voit passer
avec leurs jeans taille basse, le string apparent, chattant sur Facebook avec leur portable… On
les imagine surinformées, délurées, pas tombées de la dernière pluie, les jeunes filles en fleur
de 2011.
Et pourtant ! En écoutant les spécialistes, on les découvre infiniment plus naïves. « Beaucoup
d’entre elles connaissent très mal leur corps », expliquent en chœur Brigitte Letombe,
présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, et Frédérique
Teurnier, présidente du Collège national des sages-femmes. « Beaucoup croient par exemple
que la grossesse, ça ne peut pas venir la première fois. » Or malheureusement, à un âge où la
fécondité est très forte, elles tombent souvent enceintes après « un demi-rapport avec le petit
copain », selon l’expression du professeur Israël Nisand, chef de service gynécologie
obstétrique à Strasbourg.
La loi prévoyant de parler de sexe en milieu scolaire n’est pas appliquée. Difficile, voire
impossible, de parler de sexe avec les parents… Alors il y a l’école, où, depuis 2003, les
élèves doivent recevoir « trois séances annuelles » obligatoires d’éducation sexuelle dans
toutes les classes, de la maternelle à la terminale. Le texte, ambitieux, n’est presque jamais
appliqué. Les académies peinent déjà à faire appliquer la circulaire précédente — de 1998 —
qui prévoyait deux heures d’éducation sexuelle en 4e et 3e!
Pourtant, « ils ont tous vu un porno à 11 ans »… Il y a un vieux réflexe, bien ancré, qui
consiste à ne pas trop oser parler de sexe aux ados, par peur de les inciter à la débauche.
« Mais il faut arrêter avec ça : ils ont tous vu un porno à 11 ans! » lance Brigitte Letombe.
Drôle de génération dont l’éducation sexuelle se limite souvent à des images crues, violentes.
« C’est d’autant plus crucial qu’à un moment donné un adulte prenne la peine de leur parler
du sexe qui est avant tout tendresse, séduction, flirt, complicité, amour », ajoute le professeur
Nisand.
Pas toujours évident de se procurer la pilule. De nombreux spécialistes réclament la pilule
contraceptive anonyme et gratuite pour les mineures partout en France, à l’image de ce qui se
fait en Alsace. Mais la tentative, par exemple, de Ségolène Royal en Poitou-Charentes avec le
« passe contraception » a été désavouée par le ministre de l’Education nationale UMP, Luc
Chatel. « Aucun politique n’a envie de risquer de choquer ses électeurs pour des gamines qui
baisent (sic) », conclut le professeur Nisand avec son franc-parler habituel. Pour l’autre pilule,
celle du lendemain, ce n’est pas simple non plus. « Les pharmaciens ont énormément de mal à
la donner aux mineures, alors que c’est la loi », s’exaspère la sage-femme Florence
Francillon, vice-présidente de Gynécologie sans frontières (GSF).
Une prise de risque. Le fait qu’une gamine de 16 ans tombe enceinte est loin d’être
seulement un problème de prévention insuffisante ou de mauvais accès à la contraception. « Il
y a une forme de bravade adolescente, poursuit la sage-femme. Et puis il y a ce désir
inconscient de se rassurer, de se dire qu’elles sont fertiles. »