diplome national du brevet

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diplome national du brevet
Examen : Bac L
Epreuve : Philosophie
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ANALYSE DU SUJET
Ce sujet sort des sentiers battus : si sa lecture ne présente aucune difficulté apparente, il est
cependant très général, et demande une solide culture philosophique, pour éviter les platitudes, et surtout
une bonne maîtrise de la méthode.
Deux remarques s’imposent dès le départ :
- Le sujet présuppose que l’homme pourrait bien être condamné à se faire des illusions sur lui-même. Il
faut se demander pourquoi, dans la mesure où cette idée n’est pas immédiatement évidente.
- Il ne renvoie pas explicitement à une partie du programme bien définie : il faut se référer à plusieurs
champs problématiques en même temps, ce qui représente une certaine difficulté. Par exemple, on devra
s’interroger sur la nature humaine et sur l’existence, d’une part, mais aussi sur la vérité et sur la
conscience. Il faut donc être particulièrement attentif à l’étape de la problématisation.
L'énoncé présuppose qu’il serait impossible pour l’homme de se faire une idée juste de lui-même,
de ce qu’il est. Mais en quel sens ? S’agit-il de l’homme individuel ou de la nature humaine en général ?
Le sujet ne le précise pas, il faut donc penser aux deux :
Si on parle de chaque homme pris individuellement, on peut alors penser que la question
renvoie au problème de la conscience : le sujet ne peut jamais se saisir tel qu’il est, objectivement ; il est
victime de ses désirs ; il confond ce qu’il est et ce qu’il imagine être. On doit se demander si ce rapport du
sujet à lui-même est inévitable.
Si on pense à l’humaine condition, alors le sujet est plus métaphysique qu’existentiel : il s’agit de
considérer que la condition humaine est trop misérable pour que l’homme puisse la supporter, et que les
hommes ne peuvent supporter de vivre qu’en masquant cette vérité à leurs propres yeux.
La première difficulté consiste à articuler ces deux questions.
« Etre condamné » : ce terme évoque d’une part la sanction judiciaire, et d’autre part l’idée de
nécessité (être condamné à quelque chose, c’est ne pas pouvoir y échapper). Il serait donc impossible
pour l’homme de ne pas se faire des illusions sur lui-même, et d’autre part cela serait une sorte de
punition. (On peut déjà se demander si se faire des illusions est vraiment un mal, ou plutôt une
consolation).
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« Se faire des illusions » : au sens commun il s’agit de s’imaginer quelque chose qui ne correspond
pas à la réalité. L’illusion doit être distinguée de l’erreur, elle répond à un désir, et résiste devant la
vérité. Par exemple, si je me trompe sur un calcul mathématique et qu’on me montre mon erreur, je peux
facilement la corriger, mais dans le cas d’une illusion d’optique, j’ai beau savoir que ce que je vois ne
correspond pas à la réalité, cette illusion persiste tout de même.
D’autre part, l’illusion est un produit de l’imagination, et vient répondre à un désir, elle peut donc
procurer une certaine satisfaction. Quelqu’un qui vit dans l’illusion peut se trouver parfaitement heureux
tant que son illusion persiste, et c’est la désillusion qui est douloureuse (on dit parfois qu’on préfère
garder ses illusions, plutôt que d’affronter la réalité).
Enfin l’erreur s’oppose à la vérité et l’illusion à la réalité. Celui qui se fait des illusions ne
perçoit pas le réel tel qu’il est mais tel qu’il voudrait qu’il soit.
« Sur lui-même » : ici l’illusion porte sur l’homme, ce qu’il est. Cette idée peut renvoyer aussi bien à
la nature humaine en général (l’essence de l’homme), qu’à sa condition (sa situation dans le monde). On
peut penser à des caractéristiques de l’homme, comme le fait qu’il est mortel, qu’il est conscient, qu’il est
un être de désir, etc. Ainsi, ce n’est pas tant sur la réalité extérieure que l’homme se ferait des illusions (il
peut connaître le monde extérieur, et le saisir tel qu’il est) mais sur sa propre réalité. Contrairement à ce
qui est extérieur à lui et qu’il peut saisir objectivement, l’homme ne peut pas se rapporter à lui-même
« objectivement ». Dans ce cas « lui-même » renvoie plus particulièrement au sujet pensant, et au
retour que la conscience permet de faire sur soi, ce qu’on appelle la réflexivité de la conscience.
LA PROBLEMATIQUE DU SUJET
Plusieurs hypothèses sont possibles :
- Parce que l’homme est un être mortel, en avoir conscience et se considérer soi-même comme tel peut
être insupportable, et priver l’existence de son sens. Pour vivre alors, il faudrait se cacher à soi-même
cette réalité. Ici l’hypothèse est que la réalité est impossible à supporter, et qu’il est donc nécessaire de
lui substituer l’illusion.
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- Parce que l’homme est un sujet, et ne peut se considérer lui-même de façon objective, ce qu’il est lui
échappe toujours. Ici l’hypothèse est qu’il est impossible pour l’homme de se saisir lui-même et que cela
est précisément dû à ce qu’il est.
- Parce qu’il est vaniteux. Ici il s’agirait de la critique d’une attitude humaine, liée à sa « nature » (puisque
cette attitude serait nécessaire).
Ces différentes hypothèses constituent des raisons de penser que l’homme est condamné à se
faire des illusions sur lui-même. Pourtant on peut se demander si la conscience n’est pas au contraire ce
qui permet aux hommes de se représenter eux-mêmes, et si l’homme n’est pas le seul être à pouvoir
accéder à ce qu’il est, du fait de la conscience justement. Ainsi on peut mettre en doute le caractère
inévitable des illusions que l’homme se fait sur lui-même. La conscience de la mort n’est-elle pas plutôt
ce qui permet de bien vivre ? La conscience de ses défauts, de ses échecs, ce qui permet de se
corriger ?
Par ailleurs on peut se demander si même dans le cas où l’illusion serait inévitable, elle n’est pas
davantage une consolation qu’une condamnation. En effet il peut sembler cruel de ne jamais saisir sa
propre réalité, mais si cela permet de mieux vivre, n’est-ce pas un bien ? Enfin, tout cela suppose qu’il y a
une réalité à saisir, une « chose » réelle que serait l’homme. Mais l’homme est un être en devenir, peutêtre que c’est en s’enfermant dans « un être réel » figé que ce dernier se ferait les pires illusions.
LA BOITE À OUTILS
Idées et connaissances qui pouvaient être utiles pour traiter le sujet.
Les raisons pour lesquelles l’homme pourrait bien être condamné à se faire des illusions sur luimême
- Le désir de vérité : l’homme cherche à se connaître, à comprendre ce qu’il est. L’illusion est considérée
comme un mal, et rejetée à ce titre. Mais le désir de l’homme le conduit aussi vers la recherche du
bonheur : si la réalité sur ce qu’il est le rend malheureux, il privilégie l’illusion qui le rend heureux. Sur ce
point on peut se référer à Nietzsche, qui affirme que l’homme ne recherche pas vraiment la vérité, mais
bien l’avantage qu’il peut en tirer pour lui-même.
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- La vérité sur soi-même est un leurre : l’homme s‘échappe à lui-même, il ne peut jamais se saisir
objectivement. On peut ici penser aux analyses de Hume : il est impossible de faire l’expérience du
« moi », ou encore aux analyses de Sartre sur le mode d’être de la conscience.
- Même si l’homme pouvait se saisir lui-même, il ne supporterait pas la vérité. On peut penser aux
arguments pascaliens sur le divertissement (l’homme incapable de se trouver seul dans une chambre,
car la conscience de sa misère et de son néant est insupportable), ou encore à l’idée qu’on ne peut être
aimé que pour des qualités qui ne caractérisent en rien ce que nous sommes. Nous vivons pour ces
qualités, et dans l’illusion qu’elles font de nous ce que nous sommes (le moi, sans les qualités, est
haïssable !).
- Comme l’homme ne peut pas être heureux il se réfugie dans l’imagination, plus douce, qui lui permet
de rendre présent ce qu’il désire (On peut penser aux analyses de Rousseau sur le désir : « Le pays des
chimères est le seul digne d’être habité »).
- Cependant, quelle est cette réalité que l’illusion est censée masquer ? Ce qu’est l’homme, et ce qu’il se
cache ? Peut-on vraiment dire que l’homme ne sait rien de lui-même ?
- Le rôle de la conscience et du savoir : la différence entre les hommes et les animaux, ne vient-elle pas
justement de la conscience ? En affirmant que les hommes sont condamnés à se faire des illusions, soit
on dit qu’ils ne peuvent pas savoir (mais ce « on» désigne quand même bien les hommes, c'est-à-dire
des êtres conscients !), soit on dit qu’il n’y a rien à savoir !
Sur le premier point : les hommes ne peuvent pas savoir. Ce qu’ils ne peuvent pas savoir, ils le
connaissent pourtant. Comme par exemple la conscience de la mort. On peut se référer là-dessus aux
analyses d’Epicure. Savoir qu’on va mourir est non seulement possible, mais encore nécessaire pour
bien vivre. Se faire des illusions n’est pas plus nécessaire qu’utile.
Sur le second point : il n’y a rien à savoir. Les analyses de Sartre permettent de montrer que ce qui
serait illusoire c’est de prétendre détenir une connaissance adéquate de la réalité humaine, puisque les
hommes ne sont pas des choses (en-soi) mais des êtres conscients en devenir (pour-soi). C’est la liberté
de la conscience qui les caractérise. Avoir « conscience de soi » est un leurre en ce sens, si on entend
par là se faire une idée juste de soi-même.
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Les écueils
La grande difficulté de ce sujet c’était sa généralité : en 4h on ne pouvait sans doute pas en traiter
toutes les dimensions. L’important est donc de définir une problématique, pour éviter le « catalogue » de
références, et la dispersion.
Il fallait éviter de s’en tenir à une analyse purement psychologique. On se fait des illusions parce
qu’on est orgueilleux, etc. Si cette question peut faire partie du sujet, il ne faut pas réduire le sujet à cela.
Les autres pistes possibles
On pouvait aussi penser (entre autre) à la psychanalyse (compte tenu cependant du risque cidessus) : se faire des illusions sur soi-même, c’est ce que Freud reproche au Moi qui se croit « maître
dans sa propre maison », et qui ne tient pas compte de la réalité de l’Inconscient.
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