Article du Dr Stefan Essig
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Article du Dr Stefan Essig
Apprendre à communiquer avec les adolescents cancéreux et leurs parents : un training de communication pour soignants et médecins Dr. Stefan Essig, étudiant MD-PhD, Institut de médecine sociale et préventive, université de Berne Prof. Dr. Alexander Kiss, médecin chef, Service de médecine psychosomatique, hôpital universitaire de Bâle Pour les soignants et les médecins, il peut être difficile de communiquer avec les adolescents cancéreux et leurs parents. L’adolescence est déjà une phase difficile de la vie, aussi bien pour les jeunes que pour leur entourage. Au cours de la prise en charge médicale de l’adolescent, naissent certains défis propres à leur âge, reflet du développement psycho-social. Jusqu’alors, peu de travaux scientifiques ou de possibilités d’entrainement pratique ont abordé ce thème. Nous avons essayé de comprendre ces difficultés. Au cours des années 2011 et 2012 nous avons discuté avec d’anciens patients (diagnostiqués cancéreux à l’âge de 13 à 19 ans, ils avaient, au moment de la discussion, terminé la thérapie depuis plus de deux ans et atteint la majorité), avec des parents de patients, des soignants et des médecins, répartis en onze groupes de discussion, pour savoir quelles difficultés ils avaient rencontrées lors de leurs entretiens. Nous avons contacté des cliniques oncologiques pour enfants et des organismes de parents et patients pour recruter les participants. En plus de ces groupes de discussion conventionnels, des patients ont également mené un débat sur internet, anonyme, asynchrone, pour récolter de plus amples et plus confidentielles informations. Des membres du groupe de recherche dirigeaient les discussions. Nous nous sommes servis de l’approche Grounded Theory pour analyser les données. Pour cela, quatre scientifiques ont codé les textes transcrits. Ces codes ont été regroupés par familles de même sujet. Nous avons ensuite organisé un premier cours pilote avec des professionnels et fait des exercices de communication avec des adolescents cancéreux et leurs parents. Lors de journées de cours, nous avons fait ces exercices à partir d’exemples que les participants eux-mêmes avaient apportés. Ces « critical incident reports » montraient des situations du quotidien clinique où la communication s’avérait particulièrement difficile. Ces situations ont été reproduites et jouées en de courtes scènes par deux acteurs professionnels. L’enseignement ainsi offert repose sur trois éléments : d’une part sur le feedback du groupe qui suivait la discussion en tant que spectateurs. D’autre part sur le feedback des acteurs qui nous livraient leurs pensées et sentiments dans leurs rôles de patient ou de parent. Et troisièmement sur de courts modules théoriques, organisés par les participants ayant acquis des connaissances de base et le vocabulaire de la communication lors d’études ou en groupes de discussion. A titre d’exemple, voici quelques-unes des principales difficultés traitées pendant le training : différences conceptuelles entre patients/parents et médecins/soignants sur les causes de la maladie et la nécessité de traitement ; association d’empathie et de sévérité ; accessibilité et repli/refus de l’adolescent ; rôle des parents en séances en groupe. La non-prise de médicaments et le maintien de la fertilité furent les thèmes spéciaux de discussion choisis. Une analyse détaillée du cours est attendue. Les participants ont reçu une information de base sur le maintien de la fertilité et ce thème fut ensuite débattu dans les groupes de discussion. La chimiothérapie ou la radiothérapie, souvent nécessaire chez les adolescents, peut endommager les testicules et les ovaires, de sorte qu’il est nécessaire de prendre des mesures prophylactiques pour le maintien de la fertilité. Chez les jeunes hommes, ce maintien est relativement simple grâce à la congélation de spermatozoïdes. Pour les femmes, le processus est un peu plus complexe, mais là aussi, on dispose de possibilités très prometteuses, comme par exemple la congélation d’ovocytes ou la prise d’agonistes de la GnRH. Tous les groupes de discussion étaient d’accord sur le fait que seule une partie des patients se sentait vraiment concernée par le maintien de la fertilité. Cinq sujets principaux récapitulent les obstacles rencontrés sur le maintien de la fertilité : 1. Inaccessibilité (de nombreux patients rapportent que la fertilité n’avait pas été abordée, ou trop tard) ; 2. Incapacité (les médecins rapportent que de nombreux patients se sentaient impressionnés, honteux ou dépassés par l’obligation de remettre un éjaculat par masturbation dans le laps de temps entre le diagnostic et le début de la thérapie) ; 3. Ignorance (patients et parents se plaignaient auprès des professionnels du manque de capacité de communication ou d’informations techniques erronées) ; 4. Insignifiance (la plupart des participants trouvaient que le laps de temps entre le diagnostic et la thérapie était court et difficile, alors que la fertilité n’était qu’un sujet parmi bien d’autres). 5. Compétence obscure (la plupart des soignants n’ont joué aucun rôle dans les conversations tournant autour de la fertilité). Pour conclure, on peut dire que les mesures de maintien de la fertilité ne sont pas disponibles pour tous les patients adolescents en Suisse. Ceci reflète les faiblesses du système de santé, aussi bien dans le domaine du savoir et du comportement en communication des professionnels que dans les processus d’organisation des soignants et des médecins. Pour finir, malgré tous les exercices et inputs, les difficultés de communication sont restées, dans bien des situations, un grand défi à surmonter. La plupart des participants étaient cependant convaincus à la fin qu’il fallait mettre en pratique les nouvelles techniques apprises en cours dans leur quotidien de travail. Le premier cours d’entraînement a eu lieu les 30.11 et 1er.12 à Bâle. D’autres dates seront publiées sur le site web www.krebsliga.ch . Financement : Ligue Suisse contre le cancer / Amgen Foundation 13279 (AK) et Recherche Suisse contre le Cancer / fonds national suisse 02606-06-2010/323630-133897 (SE).