Haut Représentant de l`Union européenne pour la politique

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Haut Représentant de l`Union européenne pour la politique
Javier Solana : "C'est au Liban de faire des choix, pas à l'Iran ou à la Syrie"
Haut Représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère, Javier Solana
commente pour "La Croix" les dossiers chauds de l'actualité internationale
Entretien avec Javier Solana, Haut Représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de
sécurité commune (PESC)
La Croix : Les représentants des courants libanais se réunissent en France du 14 au 16 juillet. Cette reprise du
dialogue peut-elle déboucher sur un accord ?
Javier Solana : Les pièces du puzzle commencent à être mieux identifiées et la réunion y contribuera. Le parlement
libanais doit se réunir le 25 septembre pour élire un président de la République d’ici au 25 décembre. D’ici là, il faut
trouver un consensus sur le choix du président et profiter de cette dynamique pour faire avancer aussi le consensus
sur la formation d’un nouveau gouvernement.
La Syrie et l’Iran veulent-ils contribuer à la recherche d’une solution ?
Ce sont les hommes politiques libanais qui doivent faire des choix au nom du peuple libanais, pas l’Iran ou la Syrie.
Le Liban est un pays indépendant qui doit régler les problèmes sans influence extérieure. Il est bien connu que la
Syrie et l’Iran, à travers le Hezbollah, ont une influence. À ces deux pays, nous disons qu’ils doivent contribuer à la
stabilité du Liban qui est dans l’intérêt de tous. En ce qui concerne le Hezbollah, il doit coopérer dans deux directions
différentes : faciliter le travail de la Finul et désarmer.
Vous avez récemment déclaré que la situation à Gaza ne pouvait être regardée indépendamment de celle du Liban.
Quelle est votre analyse ?
Les récents événements et le recours à la force violente ne s’expliquent pas sans des relations avec des pays et des
forces étrangères. La présence d’Al-Qaida dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban a progressé vers le sud.
Des roquettes sont tombées sur Israël qui n’étaient pas tirées par le Hezbollah. Cela veut dire que des forces
étrangères, ni palestiniennes, ni libanaises, se trouvent au Liban et ont probablement des liens avec les réseaux AlQaida. Les auteurs de l’attentat contre les casques bleus de la Finul ne sont pas très éloignés du groupe Fatah AlIslam qui a des relations avec Al-Qaida. Les problèmes du Hamas à Gaza sont intervenus pratiquement en même
temps. Des acteurs qui ne sont ni libanais, ni palestiniens jouent un rôle négatif. La présence d’Al-Qaida au Liban
signifie peut-être aussi le risque d’une présence à Gaza.
Derrière Al-Qaida, n’y a-t-il pas aussi le jeu de certains États ?
Sans doute. La Syrie, l’Iran. Les liens entre l’Iran et le Hezbollah, entre l’Iran et le Hamas, sont bien connus. Ali
Larijani a récemment déclaré dans l’hebdomadaire américain Newsweek que l’Iran soutient le Hamas.
L’Union européenne va-t-elle maintenir la même politique vis-à-vis du Hamas ?
Notre soutien doit aller à Mahmoud Abbas qui a une double légitimité, en tant que président élu de l’Autorité
palestinienne et en tant que chef de l’OLP, l’organisation qui négocie avec Israël au nom de tous les Palestiniens.
Aujourd’hui, la priorité, partagée par les pays de la Ligue arabe, c’est de faire progresser la stabilité palestinienne.
Dans une lettre à Tony Blair, émissaire du Quartette pour le Proche-Orient, dix ministres des affaires étrangères des
pays méditerranéens de l’Union européenne ont proposé de créer une « force internationale robuste » dans les
territoires palestiniens. Qu’en pensez-vous ?
Si nous voulons être utiles, il y a des mécanismes plus efficaces que des lettres ouvertes pour faire avancer la
politique étrangère de l’Union européenne. J’ai dit il y a quelques mois que l’Union européenne était prête à étudier la
création d’une force internationale le jour où les Nations unies le lui demanderont. Jusque-là, il n’y a pas eu de
mouvement dans ce sens à New York. Les Égyptiens ne veulent pas d’une force pour contrôler la frontière sud de
Gaza. Les Israéliens n’accepteront pas une telle présence en Israël. À Gaza, le Hamas ne l’accepte pas non plus.
Mais l’idée est à retenir après un accord de paix. Avant, ce ne serait pas une force de maintien de la paix mais une
force d’interposition, un cas de figure tout à fait différent. Il est clair qu’une force sera nécessaire pour surveiller
l’application d’un accord de paix. C’est à cet accord de paix qu’il faut d’abord travailler.
L’Union européenne va-t-elle jouer un rôle accru dans le règlement de la crise du Darfour ?
Après l’accord du président el-Bachir, il est fondamental de déployer la force hybride ONU-Union africaine. Des pays
européens sont prêts à coopérer avec cette force essentiellement africaine qui sera plus forte et plus musclée que
celle qui existe aujourd’hui. Par ailleurs, des réunions politiques doivent commencer en septembre avec les différentes
forces rebelles sous l’égide des médiateurs de l’ONU et de l’Union africaine pour faire avancer une solution politique.
Au cours de mon entretien (NDLR : hier à Paris) avec le président Sarkozy, nous avons parlé de la possibilité de
déployer rapidement, en coopération avec le président tchadien, une force intérimaire de l’Union européenne chargé
de la protection des camps de réfugiés au Tchad, en attendant le déploiement d’une force de police de l’ONU.
Les Européens peuvent-ils envisager de reconnaître l’indépendance du Kosovo sans résolution de l’ONU à la fin
d’une ultime période de négociation ?
Le scénario sur lequel nous travaillons aujourd’hui, c’est l’adoption par le Conseil de sécurité d’une résolution qui
ouvrirait une période de quatre mois pour recommencer, sous l’égide du groupe de contact, le dialogue entre les deux
parties autour du concept d’indépendance surveillée de Martti Ahtisaari. Cette résolution, en cours de négociation à
New York, pourrait également prévoir le transfert de responsabilité de l’ONU à l’Union européenne à la fin de ces
quatre mois. À l’issue de cette période, le Conseil de sécurité devra réexaminer la situation.
Recueilli à Paris par François d’ALANÇON

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