À travers la Bible

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À travers la Bible
La Terre nous est confiée
À travers la Bible
LA RESPONSABILITÉ DE L’HOMME DANS LA CRÉATION
De tous temps, les hommes se sont posé la question de l’origine de la création et de
la place de l’homme dans cette création. Les premières pages du livre de la Genèse
n’ont pas d’autre motivation que de donner une réponse à cette question dans le
cadre de la foi au Dieu qui s’est révélé à Moïse. Mais, avant de lire les textes de la
Genèse, il est nécessaire de rappeler que la perspective des auteurs inspirés n’est
pas de répondre à la question du « comment » (Comment ça s’est passé ?) mais de
témoigner du « pourquoi » (Pourquoi le monde dans lequel nous habitons, pourquoi
l’homme ?) En conséquence, il est hors de question de faire une lecture historiciste
de ces textes. Pour bien comprendre l’originalité de la Bible face à la question de la
responsabilité de l’homme dans la création, il faut le replacer dans son milieu
culturel.
Les récits de création dans l’univers culturel du Proche-Orient ancien.
La place de l’homme
Dans l’univers culturel de Mésopotamie, observons ce qui est raconté dans un mythe
certainement connu des écrivains bibliques au moment de l’Exil à Babylone, l’épopée
d’Atra-Hasis. Ce récit commence avant la création de l’homme. Il décrit l’univers très
hiérarchisé des dieux. Les grands dieux ont confié aux jeunes dieux le travail pour
assurer le bien-être des dieux. Harassés par ce travail, les jeunes dieux se révoltent
et font la grève. C’est alors que le grand dieu Anu décide de créer l’homme pour
assumer le travail accompli jusque-là par les dieux. Ils immolent alors un dieu et
mêlent l’argile à sa chair et à son sang pour que l’homme ait un esprit qui provienne
du dieu immolé. Ainsi donc, l’homme est créé pour suppléer aux dieux et il est le
jouet de la rivalité entre ces dieux.
Dans le récit de la Genèse, l’homme est façonné par Dieu à partir de l’argile mais il
n’y a pas de mélange avec le sang d’un dieu : c’est l’haleine de vie donnée par Dieu
qui le fait exister.
Le Seigneur Dieu modela l’homme
avec de la poussière prise du sol.
Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie
et l’homme devint un être vivant. (Gn 2, 7)
Le texte biblique souligne, contrairement au récit mésopotamien qu’entre Dieu et
l’homme, il y a un lien de gratuité. Ce n’est pas pour rendre service à Dieu que
l’homme est créé. C’est pour lui-même. Par ailleurs, Dieu donne à l’homme un beau
jardin dont il sera responsable.
Le Seigneur Dieu prit l’homme
et l’établit dans le jardin d’Éden
pour cultiver le sol
et le garder. (Gn 2, 5)
Points de repère n°236, mai-juin 2010
Formateurs/ À travers la Bible
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Dieu fait donc de l’homme son vis-à-vis comme le souligne le premier récit de
création où l’homme est créé, homme et femme, à l’image de Dieu.
Dans la conception biblique, l’homme n’est donc pas le jouet de rivalités entre dieux
comme c’est le cas dans les récits mythiques mésopotamiens. Il est un partenaire de
Dieu et sa place est unique dans la création : lui seul reçoit « l’haleine de vie » et, à
lui seul, il est demandé par Dieu de « dominer » la création. « Dominer », est-ce qui
caractérise le pouvoir royal comme l’exprime bien le Psaume 8 ? : « Quand je vois
tes cieux, œuvre de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as fixées, qu’est donc
l’homme pour que tu penses à lui, l’être humain pour que tu t’en soucies ? Tu en as
presque fait un dieu : tu le couronnes de gloire et d’éclat; tu le fais régner sur les
œuvres de tes mains; tu as tout mis sous ses pieds. »
Mais si l’homme est roi de la création, cela ne signifie pas qu’il peut l’exploiter
comme bon lui semble, mais qu’il doit la maintenir et œuvrer pour son bien, comme
un bon roi doit le faire pour son peuple.
Notons également le regard très positif de la Genèse sur la création : Dieu vit que
tout ce qu’il avait créé était bon, y compris l’homme et son travail de jardinier.
Autrement dit, le mal qui existe dans le monde n’est pas originaire ; c’est l’homme
qui, en se coupant de son créateur, amène un dérèglement comme le révélera
Genèse 3.
L'homme responsable de la création
Que peuvent nous inspirer ces textes bibliques sur les problèmes écologiques ? Le
fait de reconnaître que la création est un don gratuit de Dieu amène l’homme à
comprendre qu’il n’est pas maître de cette création mais son gérant. Le gérant qui
dilapide les biens de son maître est un gérant indigne. Polluer les rivières et les
nappes phréatiques, raser des forêts d’arbres précieux pour le seul profit immédiat,
par exemple, c’est bien se montrer de mauvais gérants. Comme le dit Benoît XVI
dans son message pour la Journée de la paix 2010 : « Tout ce qui existe appartient à
Dieu, qui l’a confié aux hommes, mais non pour qu’ils en disposent arbitrairement.
Quand, au lieu d’accomplir son rôle de collaborateur de Dieu, l’homme se substitue à
Lui, il finit par provoquer la rébellion de la nature “plus tyrannisée que gouvernée par
lui”. L’homme a donc le devoir d’exercer un gouvernement responsable de la
création, en la protégeant et en la cultivant. »
Il est clair que l’égoïsme des individus ou des nations engendre les catastrophes
écologiques que nous connaissons aujourd’hui. Reprenant les récits mythiques des
Babyloniens, la Bible raconte comment, voyant la méchanceté de l’homme s’installer
sur la terre, Dieu décide d’annuler ce qu’il a mis en ordre (Gn 1) : c’est le déluge ou
le retour au chaos originel (Gn 6-9). Mais à la fin du récit du Déluge, Dieu reconnaît
que ce n’est pas une solution :
« Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de l’homme. Certes, le cœur de l’homme
est porté au mal dès sa jeunesse, mais plus jamais je ne frapperai tous les vivants
comme je l’ai fait. Tant que la terre durera, semailles et moissons, froid et chaleur,
été et hiver, jour et nuit jamais ne cesseront. » (Gn 8, 21-22)
Ce n’est donc pas la création qui est à changer mais le cœur de l’homme. Si Dieu ne
détruit pas l’homme, c’est bien parce qu’il a confiance en l’homme. En envoyant son
propre Fils partager la vie de l’humanité, Dieu a manifesté pleinement son
engagement total vis-à-vis de ce partenaire qu’il a créé gratuitement.
François Brossier,
professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris.
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