Annexe 4 - Marguerite Rutan
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Annexe 4 - Marguerite Rutan
Annexe 4 Les victimes de la guillotine dans les Landes : ancien diocèse d'Aire et ancien diocèse de Dax. Le diocèse d'Aire et de Dax connaîtra un grand moment d'allégresse et de jubilation avec la béatification de Sœur Marguerite Rutan, attendue depuis un peu plus de 100 ans. Mais qui connaît les autres victimes "présumées martyres" de la Terreur ? L'abbé Michel Devert, postulateur de la cause introduite par Mgr Sarrabère, a produit un énorme travail historique sur chacune d'entre elles. Il a fait des recherches très fouillées à partir de travaux déjà publiés, mais aussi à partir de documents d'archives inédits. Pour présenter un très rapide portait de 6 prêtres, d’un diacre et d'une jeune fille victimes de l'échafaud, je m'inspire des pages de l'abbé Michel Devert. Mgr Alfred Brettes Jean Eutrope Lannelongue Curé de Gaube 1738 – 1794 Il est l'avant dernier dans l'ordre chronologique, mais il est sans doute le plus connu parce qu'il a été exécuté à Dax le 9 avril 1794, immédiatement avant sœur Marguerite Rutan et sous ses yeux. Celle-ci était une illustre figure dacquoise, supérieure de l'hôpital. Sa gloire a laissé dans l'ombre celui qui fut l'humble curé de Gaube, dans l'Armagnac landais, à l'époque paroisse du diocèse d'Aire. Prêtre réfractaire, ayant refusé de prêter le serment constitutionnel, arrêté le 15 germinal an II (vendredi 4 avril 1794) il fut conduit d'abord à Mont-de-Marsan, puis à Tartas. La guillotine avait quitté Tartas pour Dax. Il arriva à Dax exténué. Né en 1738 il avait donc 56 ans. "Considérant que le dit Lannelongue, prêtre réfractaire, ci-devant curé de la commune de Gaube est un de ces êtres qui ont participé, dans tous les temps, au malheur du genre humain, et qu'il ne s'est pas conformé à la loi et qu'il a été de son propre aveu errant et vagabond dans le département des Landes où il entretenait le fanatisme et l'esprit contre-révolutionnaire…" "…condamne le dit Lannelongue à la peine de mort… ordonne que le dit jugement sera, à l'instant, exécuté sur la place de la Liberté de cette commune…" On les fit monter, sœur Rutan et lui, sur la même charrette liés dos à dos. Il fut exécuté le premier; sœur Rutan après lui. Leurs corps furent inhumés dans une fosse commune au cimetière des Capucins. Jean Pierre Nautery Curé de Castandet, ancien diocèse d'Aire, exécuté à Saint-Sever le 7 brumaire an II (28 octobre 1793). Il est la première victime de la Terreur. Né à Aire en 1736, curé de Castandet et de Maurrin, assisté de trois vicaires. Prêtre réfractaire, il fut dénoncé en 1791 par le curé constitutionnel et accusé "d'errer dans les campagnes pour tromper les simples et faire parmi eux un parti considérable." Arrêté au printemps 1793, et emprisonné à Saint-Sever il y reste jusqu'au 28 octobre, jour où il est jugé par le tribunal militaire, condamné à mort et exécuté le même jour. Dominique Cabiro Vicaire de Samadet. Exécuté à Mont-de-Marsan le 8 brumaire an II (29 octobre 1793). Il était né à Nerbis en 1760. Il avait donc 33 ans quand il fut guillotiné. Il refusa de prêter le serment constitutionnel. Comme tous les réfractaires il se cache, de ferme en ferme, pour assurer les baptêmes et célébrer l'Eucharistie, essentiellement la nuit, clandestinement. Caché à Monségur, il est arrêté le 11 septembre 1793 et emprisonné d'abord à Saint-Sever, puis à Mont-de-Marsan. Dominique Cabiro est condamné à mort par arrêté du Directoire du District de Mont-de-Marsan, sur déclaration d'un jury militaire. La guillotine sous le couperet de laquelle Jean-Pierre Nautery avait été exécuté la veille, à SaintSever, arriva à Mont-de-Marsan dans la matinée du 29 octobre et Dominique Cabiro monta à l'échafaud l'après-midi du même jour. Jacques Dambourgès Vicaire à Labatut, exécuté à Tartas le 21 ventôse an II (11 mars 1794). Né à Salies-de-Béarn, ancien diocèse de Dax le 23 août 1760. Vicaire à Labatut, il a rencontré à Lahontan Mgr Le Quien de Laneufville qui s'y était réfugié. Refusant de prêter le serment il devient clandestin. Il se réfugie à Lanne (Port-de-Lanne) à la maison Bouillon, chez un boulanger qui, après la mort de sa jeune femme, vivait seul avec sa fille, Jeanne Mouscardès, alors âgée de 24 ans. La jeune fille perdit son père en 1792 et vivait seule désormais. Elle avait deux frères enrôlés dans l'armée républicaine des Pyrénées occidentales. L'abbé Jacques Dambourgès fut arrêté à la maison Bouillon le 24 février 1794. L'abbé Devert a publié le long procès verbal de l'arrestation, de tout ce qui fut trouvé chez la jeune fille appartenant au prêtre, ainsi qu'un très long procès verbal de l'interrogatoire par le Comité de surveillance. Jeanne Mouscardès fut elle-même interrogée par le même Comité de surveillance. L'abbé Jacques Dambourgès est transféré de la prison de Peyrehorade à celle de Tartas. Après avoir entendu l'acte d'accusation prononcé par Noël Batbedat "contre le dit Jacques Dambourgès, ci-devant vicaire de Labatut, district de Dax, pour n'avoir pas satisfait aux lois et prêté le serment prescrit par l'article 39 du décret du 24 juillet 1790… l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte par le tribunal assemblé de la présente accusation." Il fut donc condamné à la peine de mort comme fanatique et contre-révolutionnaire. Exécuté à Tartas le 11 mars 1794 vers 2 heures de l'après-midi. Il avait 34 ans. Enterré dans le cimetière qui était, à l'époque autour de l'église. Arnaud LABÉE Chanoine de St Loubouer 1739 – 1794 Exécuté à Tartas le 8 avril 1794 Michel Devert, citant Dompnier de Sauviac, fait remarquer qu'on ne peut pas séparer les victimes de Tartas : Jacques Dambourgès exécuté le 11 mars 1794, et trois autres exécutées le même jour, 8 avril 1794 : Arnaud Labée, Laurent Debayle et Jeanne Mouscardès. Arnaud Labée, né à St Cricq-Maureillan (Villeneuve-de-Marsan), devint chanoine de la collégiale de Saint-Loubouer. La Révolution supprime les ordres religieux. Il refuse le serment constitutionnel, se réfugie dans sa famille sans devenir clandestin. Il est dénoncé et arrêté chez son frère à Saint-Cricq le 15 janvier 1794. Une autre tradition dit qu'il fut arrêté à Gaillères où il se serait réfugié. A Mont-de-Marsan il subit un premier interrogatoire. Puis transféré à Tartas, un second interrogatoire (19 janvier 1794). Condamné à mort le 22 janvier 1794 (3 pluviôse an II) l'exécution est provisoirement suspendue. Pendant quelques semaines Arnaud Labbée et Laurent Debayle partagent la même chambre et Jacques Dambourgès les rejoint début mars. Ils peuvent ainsi prier ensemble et se soutenir mutuellement. Dambourgès est exécuté le 11 mars, les deux autres attendront encore un mois encouragés par l'héroïsme du premier. Le 7 avril 1794 Pinet et Cavaignac quittent Saint-Sever pour Tartas et, le lendemain, 8 avril, les deux prêtres Arnaud Labée et Laurent Debayle sont exécutés, ainsi que Jeanne Mouscardès la Jeune fille de Lanne qui avait caché Jacques Dambourgès. Ainsi donc, à Tartas, la guillotine a exécuté quatre victimes, dont trois le même jour. Laurent Debayle Vicaire de Mauléon d'Armagnac Exécuté à Tartas le 8 avril 1794 Né à Castelnau-Tursan le 30 décembre 1757. Vicaire à Mauléon d'Armagnac, aujourd'hui commune du Gers, à l'époque diocèse d'Aire. Lui aussi refuse le serment constitutionnel, se cache en divers endroits du Tursan, Vielle, Castelnau et St Loubouer. Il est arrêté chez son frère par la garde nationale du canton d'Aire, le 21 janvier 1794, et conduit au district de St Sever. Il y subit un premier interrogatoire et 2 jours après, il est envoyé à la maison de justice de Tartas. Les membres du Tribunal criminel départemental siègent à Tartas et Laurent Debayle subit un second interrogatoire en tout semblable au précédent. Le procès verbal publié par Michel Devert porte ceci : "Interrogé s'il n'a pas été trouvé et arrêté chez son frère,…répond qu'il a effectivement été arrêté chez son frère et hors sa maison ; qui se trouvant, la nuit où il fut arrêté assez près de la maison de son frère et ayant appris qu'il était malade, il délibéra, à part lui, s'il irait le voir et se décida pour y aller, d'autant qu'il y avait longtemps qu'il ne l'avait pas vu ; il entra dans sa maison vers les 10 heures du soir, demanda à la domestique des nouvelles de son frère ; elle lui dit qu'il avait eu une grosse fièvre, qu'une sueur avait suivi et que, dans ce moment, il sommeillait ; qu'alors il demanda un lit à cette fille, se promettant de se lever de bon matin, de voir son frère et de se retirer ; que son frère ne savait pas qu'il était chez lui." Le 25 janvier le Tribunal dresse l'acte d'accusation : mais la condamnation est reportée au 7 avril. L'abbé Légé a rapporté que, dans la nuit de 7 au 8 avril, Arnaud Labée et Laurent Debayle, se souvenant du courage héroïque de Jacques Dambourgès ont passé la nuit en prière, ont pu célébrer l'Eucharistie grâce à la bienveillance des gardiens et se donner mutuellement le sacrement de pénitence. Jeanne Mouscardès Exécutée à Tartas le 8 avril 1794 Elle habitait Lanne (aujourd'hui Port-de-Lanne). Fille de boulanger, elle avait abrité et caché Jacques Dambourgès, le vicaire de Labatut. Emprisonnée à Dax, elle comparait devant le tribunal du district de Dax, et ensuite sera conduite à la prison de Tartas. Elle subit en tout quatre interrogatoires, trois à Dax et un à Tartas, où lui sont posées toujours les mêmes questions. "Interrogée si le 6 ventôse, le dit Dambourgès ne fut pas trouvé caché chez elle par des membres du comité de surveillance…répond qu'elle ne se rappelle pas si c'était le 6 ventôse, mais qu'il y a été trouvé, qu'elle ne le cachait pas, ne croyant pas mal faire de l'avoir reçu ; cependant le dit Dambourgès lui avait recommandé de ne rien dire à personne…" "Interrogée combien de temps le dit Dambourgès a demeuré chez elle, répond qu'il y avait 8 jours qu'il était arrivé lorsqu'il fut rencontré chez elle ; qu'il s'était absenté à diverses reprises ; qu'il n'y avait couché que 2 ou 3 nuits et qu'il n'y avait pas 24 heures lorsqu'il fut arrêté…" L'acte d'accusation est lu au nom de la République. "Le tribunal, après avoir entendu ladite Jeanne Mouscardès et faisant droit du réquisitoire de l'accusateur public, déclare que ladite Mouscardès est convaincue d'avoir recélé et logé chez elle, Jacques Dambourgès, prêtre réfractaire sujet à la déportation arrêté chez elle le 6 ventôse dernier ; en conséquence condamne ladite Mouscardès à la peine de mort, conformément aux articles 5,15 et 19 du décret du 30 vendémiaire dernier ; ordonne que les biens de ladite Mouscardès sont acquis et confisqués au profit de la Nation, conformément à l'article 16 du présent décret. Ordonne en outre que le présent jugement sera mis à exécution sur la Place d'Armes de Tartas, à la diligence de l'accusateur public imprimé et affiché dans l'étendue du département. Le 8 avril, vers midi, Jeanne Mouscardès fut exécutée immédiatement après les deux prêtres Arnaud Labée et Laurent Debayle. Elle avait 24 ans. Les corps furent ensevelis dans l'ancien cimetière de Saint Martin qui avoisinait l'église actuelle. Jean-Lahire Hourquillot Exécuté à Dax le 10 avril 1794 Né à Orthez en 1751. « Les documents sont à peu près muets sur Jean-Lahire Hourquillot écrit Michel Devert. Seul l’acte d’accusation par le comité de surveillance de Dax et la condamnation à mort ont été conservés. » Il était diacre et prébendier de Dax. Pourquoi n’a-t-il pas été ordonné prêtre ? On ne le sait pas, alors que Mgr Le Quien de la Neufville avait refusé d’ordonner prêtre Samson Batbedat, lui aussi resté diacre et prébendier de la Cathédrale. « Considérant qu’il résulte de la dite enquête que le Sieur Hourquillot a été initié dans les ordres sacrés et que, conséquemment il nous parait devoir être rangé dans la classe des ecclésiastiques soumis au serment… » Il exerçait aussi la médecine, dans la région de Montestruc, district d’Orthez. Il est accusé « d’avoir prêché au peuple de la campagne le fanatisme, l’amour pour les tyrans et d’avoir voulu passer à leur yeux pour un sorcier »… Plus grave encore, il portait en évidence l’image du Sacré-Cœur montrant ainsi sa conviction catholique, lié aux vendéens royalistes. Il est donc condamné à mort le 21 germinal an II (10 avril 1794) et exécuté le jour même vers midi, ainsi que deux autres prêtres qui avaient prêté le serment constitutionnel, condamnés pour d’autres motifs.