La monographie de la Mauritanie

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La monographie de la Mauritanie
OBSERVATOIRE DE LA GOUVERNANCE
DEMOCRATIQUE EN MEDITERRANEE
REPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE
La Mauritanie se définit constitutionnellement comme une République Islamique, indivisible, démocratique et sociale. Elle repose sur la Constitution de 1991.
L’Islam est la religion officielle du pays, et l’arabe sa langue officielle ; le français restant une des langues
administratives.
Le Président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est élu pour cinq ans au suffrage
universel direct.
Il nomme son Premier ministre, qui compose par la suite son gouvernement.
Le Parlement, détenteur du pouvoir législatif, se compose de deux chambres : l’Assemblée Nationale,
dont les représentants sont élus pour cinq ans au suffrage direct, et le Sénat, dont les représentants sont
élus au suffrage indirect pour six ans.
////////////////////////////// ÉTAT DE LA DÉCENTRALISATION
• Une décentralisation limitée à l’échelon communal
La décentralisation en Mauritanie repose essentiellement sur les communes, qui constituent le seul échelon
décentralisé. La décentralisation mauritanienne est relativement récente, l’Etat ayant d’abord fait le choix de la
centralisation à son indépendance.
Selon le Titre X de la Constitution portant sur les collectivités locales, « les collectivités territoriales sont les communes
ainsi que les entités auxquelles la loi confère cette qualité. Ces collectivités sont administrées par des conseils élus dans
les conditions prévues par la loi. »
A partir de 2008, un Avant-projet de loi portant code des collectivités territoriales est élaboré. Il réorganise le
fonctionnement administratif de la Mauritanie en conférant une place plus importante à la décentralisation : les wilayas
et les groupements de collectivités territoriales sont dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Cet
Avant-projet n’est pas entré en vigueur : il est depuis sa création bloqué au Parlement.
Par conséquent, l’administration communale repose toujours sur l’Ordonnance n°87-289 du 20 octobre 1987 abrogeant
et remplaçant celle du 13 aout 1986 instituant les communes. Ainsi, les 216 communes sont dotées de la personnalité
morale et de l’autorité financière. Elles sont gérées par des conseils municipaux élus au suffrage universel direct.
Les communes ont pour fonction d’assurer les services publics répondant aux besoins de la population locale, dont :
- la voirie locale
- la construction, l’entretien et l’équipement des bâtiments scolaires de l’enseignement fondamental
- la construction, l’entretien et l’équipement des dispensaires et centres de protection maternelle et infantile
- l’alimentation en eau et l’éclairage public
- les transports urbains, sanitaires et scolaires
- l’hygiène
- l’évacuation des ordures ménagères
Pour ce faire, elles disposent d’un budget alimenté par les droits, impôts, taxes, revenus, dons et legs, taxes et
redevances pour service rendu. Deux fonds de l’Etat alimentent également les collectivités locales : le Fonds régional de
développement et le Fonds intercommunal de solid
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FONCTIONNEMENT ADMINISTRATIF DE LA COMMUNE
CONSEIL MUNICIPAL
Organe délibérant de la commune
MAIRE
Pouvoir exécutif
Élu au suffrage
direct
ÉLU PAR LE CONSEIL MUNICIPAL
PARMI LES CONSEILLERS DE
LISTE AYANT OBTENU LA MAJORITÉ
DES SIÈGES
Le conseil municipal règle les affaires de la commune et exerce notamment
les attributions suivantes :
Le maire est responsable de l’exécution des délibérations du
Conseil municipal :
- vote du budget communal, examen et approbation des comptes administratifs
et de gestion
- détermination des ressources de la commune
- fixation des conditions de réalisation des actions de développement lorsqu’il est
nécessaire de coordonner l’action de la commune et de l’État
- décision de création, d’organisation et gestion des services publics municipaux
- gestion des affaires fiscales qui révèlent de sa compétences
- avis sur toutes les affaires qui présentent un intérêt local, lorsque cet avis est requis
par la loi ou demandé par l’autorité de tutelle
- il prépare et exécute le budget de la commune dont il est ordonnateur
- il établit le compte administratif
- il établit les impôts, taxes et redevance communaux
- il converse et administre les biens du domaine public et privé de
la commune
Approbation du ministre de l’intérieur et du ministre des finances pour :
- le budget de la commune
- les emprunts à contracter, les garanties à consentir
- les acceptations ou refus de dons ou legs comportant des charges ou une acceptation spéciale
- la fixation dans le cadre des lois et réglements en vigueur du mode d’assiette des tarifs, redevances et droits perçus au profit de la commune
Approbation du ministre de l’intérieur :
- les transactions d’un montant supérieur à un taux qui sera fixé par arrêté conjoint des ministres de l’intérieur et des finances
- les règlements généraux de voirie, de construction et d’hygiène dans le cadre des lois et règlements en vigueur
- le règlement intérieur du conseil municipal
º La Communauté urbaine de Nouakchott : un statut particulier
Depuis la Loi 2001-51 du 19 juillet 2001, Nouakchott (qui est considérée comme une wilaya) est instituée en tant que
communauté urbaine et est divisée en 9 communes. Son Président est élu parmi 37 conseillers municipaux (issus des 9
communes, le nombre de conseillers étant proportionnel au nombre d’habitants, leurs couleurs politiques étant
proportionnelle au nombre de voix obtenu par la liste du maire candidat), dont les 9 maires des communes membres,
sur présentation du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges à l’élection des conseils municipaux.
º Des projets de réformes en faveur d’une décentralisation plus forte
Au-delà des pouvoirs confiés aux communes, l’administration mauritanienne a fait l’objet de projets de réformes en
faveur d’une décentralisation plus avancée.
Ainsi, en 2007 ont été créés la Direction générale des collectivités locales au sein du ministère de l’Intérieur ainsi que le
ministère de la Décentralisation et de l’aménagement du territoire. Ce dernier a été dissout en 2008, suite au coup
d’Etat.Malgré la remise en place à partir de 2009 de l’ordre constitutionnel d’avant 2008 et les déclarations en faveur
d’une décentralisation plus forte (Livre blanc sur la décentralisation en Mauritanie, Déclaration de Politique de
décentralisation et de développement local de 2010), le statut quo en Mauritanie demeure : la commune reste le seul
échelon territorial décentralisé, et les autres organes territoriaux mauritaniens (13 wilayas et 52 moughataas) sont des
organes déconcentrés.
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• Une décentralisation peu appliquée dans les faits
Si la décentralisation est inscrite dans la Constitution du pays, sa mise en pratique demeure limitée. Selon l’Association
des Maires de Mauritanie, l’Etat central est encore très présent et intervient notamment dans des domaines faisant en
théorie partie des prérogatives communales. De plus, les pouvoirs de tutelle du ministère de l’Intérieur étant
considérables, certaines entraves aux pouvoirs des élus locaux peuvent être constatées. A titre d’exemple, les
communes ne sont pas propriétaires et/ou (co)gestionnaires du foncier. La politique d’aménagement de leur territoire
est donc assujettie à la volonté de la puissance publique centrale. Qui plus est, selon le rapport sur L’environnement
institutionnel des collectivités locales en Afrique produit par Cities Alliance et CGLU Afrique, seulement 4% des
investissements réalisés sur le territoire des communes et dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues
passent par des circuits communaux. Les administrations centrales et leurs services déconcentrés mettent ainsi en
place 90% des dépenses publiques locales.
• La coopération intercommunale : des échanges importants non institutionnalisés ?
L’Avant-projet de loi portant code des collectivités territoriales comporte un chapitre voué à la coopération entre
collectivités territoriales (chapitre VII). Selon ce dernier, les collectivités territoriales pourraient entreprendre des
relations de coopération entre elles, ainsi que des coopérations internationales décentralisées. Des groupements
d’intérêt public pourraient être constitués entre collectivités territoriales, l’Etat, les établissements publics ou toute
personne physique ou morale en vue d’une oeuvre ou d’un service d’utilité partagée ou en vue d’assurer la promotion
et la coordination d’actions de développement dans des domaines spécifiques. De tels groupements d’intérêt public
détiendraient la personnalité morale.
Cette loi n’étant pas encore entrée en vigueur, et l’Ordonnance instituant les communes (1987) ne faisant pas référence
aux coopérations communales, ces dernières ne sont pas régies par la loi.
Pour sa part, l’Association des Maires de Mauritanie (AMM) créée en 1987, réunit les collectivités territoriales
décentralisées, avec pour objectifs :
- favoriser un échange fructueux entre ses membres et favoriser la solidarité internationale
- tenir lieu d’instance de concertation entre les municipalités, les structures de coopération intercommunale et les
pouvoirs
publics
- promouvoir une bonne représentation à l’échelle nationale et internationale des municipalités et des structures de
coopération
intercommunale mauritaniennes
- encourager la collaboration avec les associations nationales ou internationales ayant les mêmes objectifs
- accompagner l’ensemble des projets de nature à favoriser le développement des communes
• Une coopération décentralisée ancienne et des partenaires multiples
La coopération décentralisée est de longue date en Mauritanie. Selon l’AMM, des jumelages existaient en effet avant
1986 et la mise en place des communes en tant qu’échelon décentralisé. Aujourd’hui, les coopérations décentralisées
sont nombreuses.
Les partenariats sont particulièrement nombreux entre les collectivités françaises et mauritaniennes (63 projets de
coopération décentralisée sont dénombrés par l’Atlas français de la coopération décentralisée).
Par ailleurs, l’AMM est partenaire de plusieurs associations, dont l’Association des Maires du Mali, du Congo,
l’Association Internationale des Maires de France, ainsi que Cités et Gouvernements Locaux Unis et Cités et
Gouvernements Locaux Unis d’Afrique.
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/////////////////////////////////////////////// LA SOCIÉTÉ CIVILE
Un fort dynamisme peu relayé par les autorités
D’après les différentes études portant sur la société civile mauritanienne, on peut constater un dynamisme
considérable de cette dernière, qui se heurte toutefois à une faible prise en considération par les pouvoirs.
En effet, la société civile en Mauritanie se caractérise par un essor important depuis quelques années, notamment en ce
qui concerne le secteur associatif et les ONG. La forte mobilisation des femmes leur a permis d’être de plus en plus
visibles. Les revendications féminines aboutissent notamment à la proclamation de droits nouveaux sur la scène
politique, et leur participation à la vie institutionnelle du pays est rendue plus forte par les nouveaux quotas mis en
place.
Ceci étant, malgré un nombre important d’acteurs, la société civile n’a pas l’impact escompté sur le développement du
pays. Cela s’explique par des moyens limités d’une part, et par un faible relais des pouvoirs locaux et nationaux d’autre
part.
• Les femmes en Mauritanie : des actrices influentes et des droits nouveaux
L’Ordonnance 2006-029 du 22 août 2006 portant loi organique relative à la promotion de l’accès des femmes aux
mandats électoraux et aux fonctions électives a introduit des quotas nouveaux concernant la représentation des
femmes dans les instances administratives. 20% (a minima) des sièges municipaux leur sont dès lors réservés. Les
chambres parlementaires doivent également respecter des quotas précisés dans l’Ordonnance.
A défaut d’avoir obtenu une parité garantie par la loi, les femmes continuent de revendiquer une plus forte
représentation politique. Elles souhaitent maintenant obtenir un quota de 33% au sein des conseils municipaux et du
parlement.
Le nouveau gouvernement, formé en février 2014, comporte quant à lui six femmes ministres, ce qui constitue une
première dans l’histoire du pays.
Par ailleurs, l’élection de l’ancienne Ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l’Administration, à la tête
de la Communauté Urbaine de Nouakchott en 2014 témoigne également de l’ascension des femmes dans la vie
politique de la Mauritanie.
• La jeunesse mauritanienne : entre fort taux de chômage et difficile insertion professionnelle
La jeunesse mauritanienne souffre d’un taux de chômage considérable (40% selon le FMI) : plus de la moitié des jeunes
de moins de 25 ans (soit 60% de la population) n’a pas d’emploi selon le rapport sur l’Insertion sociale et
professionnelle des jeunes en Afrique subsaharienne du Comité Français pour la Solidarité Internationale (CFSI) de
2013. Parmi ces jeunes, les femmes sont les plus pénalisées.
La qualité de l’enseignement dispensé, le manque de structures de formation et d’insertion professionnelle ainsi que le
manque d’adéquation entre les formations et les besoins des entreprises sont les principales causes de ce fort taux de
chômage.
C’est pourquoi, améliorer la qualité de la formation et mieux appréhender les besoins des entreprises sont les deux
objectifs majeurs de la stratégie du ministère de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et des Nouvelles
Technologies.
Par ailleurs, le GRET a mené depuis 2004 des actions de formation professionnelle dans trois quartiers de Communauté
Urbaine de Nouakchott dans le cadre du projet « CAP Insertion ». Ce projet vise à aider les jeunes à se former et cherche
à les mettre en relation avec les entreprises ou structures proposant des emplois. Il est actuellement repris par l’Etat et
la Communauté Urbaine de Nouakchott.
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/////////////////////////////////////////////////// PERSPECTIVES
La Mauritanie a connu un certain nombre d’évolutions en faveur de la décentralisation depuis une vingtaine d’années.
en 2007, le pays s’est orienté vers des projets de décentralisation plus poussée avec des échelons jusqu’alors
déconcentrés. Ces projets ont été interrompus par le coup d’Etat de 2008. Dès 2010, la volonté d’approfondir la
décentralisation est réaffirmée par la déclaration gouvernementale de politique de décentralisation et de
développement local du 22 avril et l’Avant-projet de loi portant code des collectivités territoriales. Mais cette loi n’étant
pas entrée en vigueur pour le moment ce qui retarde la mise en place de ces changements.
L’augmentation du nombre d’associations et d’organisations atteste de la volonté d’implication politique forte de la
part de la société, au sein de laquelle les femmes affichent un dynamisme considérable. Cependant le relais octroyé
par les autorités est relativement restreint, ce qui ne permet pas à la société civile d’avoir un impact sur le
développement du pays à la hauteur de sa mobilisation. Ceci étant, les autorités se montrent concernées par le fort
taux de chômage chez les jeunes et les problèmes liés à la formation et à l’insertion professionnelle. Ce sont d’ailleurs
les deux axes prioritaires du ministère de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et des Nouvelles Technologies qui
y consacre 12% de son budget.
////////////////////////////////////////////////// BIBLIOGRAPHIE
Constitution de la République Islamique de Mauritanie, 1991
Ordonnance n°87-289 du 20 octobre 1987 abrogeant et remplaçant l’ordonnance n°86-134 du 13 août 1986 instituant
les communes
Déclaration de Politique en faveur de la décentralisation et de développement local, adoptée par le gouvernement le
22 avril 2010
Avant-projet de loi portant code des collectivités territoriales, 2008
Ordonnance 2006-029 du 2 août 2006 portant loi organique relative à la promotion de l’accès des femmes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives
Loi 2001-51 du 19 juillet 2011 portant institution de la communauté urbaine de Nouakchott
Etude des cadres juridiques nationaux de la décentralisation dans les pays du Maghreb, « Mauritanie », AIMF, 2014
Livre blanc de la décentralisation en Mauritanie, 2009
L’environnement institutionnel des collectivités locales en Afrique, Cities Alliance et CGLU Afrique, septembre 2013
Atlas français de la coopération décentralisée et des autres actions extérieures, et Bourse projets de la coopération
décentralisée, Mauritanie
https://pastel.diplomatie.gouv.fr/cncdext/dyn/public/atlas/rechercheAtlasMonde.html?criteres.paysId48&cri
teres.sousContinentId=14&criteres.continentId=2
Site internet de la Direction générale des collectivités territoriales de Mauritanie (DGCT)
http://www.dgct.mr/index.php?option=com_content&view=article&id=86&Itemid=96
Site internet de l’Association des Maires de Mauritanie (AMM)
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http://www.amm.mr/index.php?option=com_content&view=article&id=113:note-sur-lassociation-des-mairesde-mauritanie-amm&catid=1:actus&Itemid=2
Cités Unies France : Documents concernant la coopération décentralisée franco-mauritanienne
http://www.cites-unies-france.org/spip.php?rubrique60
Insertion sociale et professionnelle des jeunes en Afrique subsaharienne, Capitalisation de deux initiatives non
gouvernementales en Mauritanie et au Mozambique, Rapport du Comité français pour la solidarité internationale, avril
2013
Forum social mauritanien, décembre 2007
http://www.liberationafrique.org/imprimersans.php3?id_article=2018&nom_site=Lib%E9ration%20Afrique&u
rl_site=http://www.liberationafrique.org
« Chômage : quel avenir pour les jeunes en Mauritanie ? » 13 février 2014, Mauritanievox
http://mauritanievox.com/chomage-mauritanie/
« Lancement d’un nouveau projet de formation professionnelle en Mauritanie » B. Guèye, Magharebia, 09 novembre
2011, http://magharebia.com/fr/articles/awi/features/2011/11/09/feature-03
« Mauritanie : les femmes politiques se mobilisent pour plus de représentativité », J. Spiegel, Jeune Afrique, 2 août 2012
http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2689p054-055-bis.xml0/
« Mauritanie : un nouveau gouvernement plus féminin », Jeune Afrique, 13 février 2014
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140213090351/
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