Article à lire pour éviter que les Marques en Noir et Blanc ne vous

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Article à lire pour éviter que les Marques en Noir et Blanc ne vous
ARTICLE A LIRE POUR EVITER QUE LES MARQUES EN
NOIR ET BLANC NE VOUS EN FASSENT VOIR DE TOUTES
LES COULEURS !
Paris, le 23 décembre 2014
Par Esther DUPAIN,
Conseil en Propriété Industrielle,
Vous vous posez fréquemment la question suivante : « si j’utilise ma marque en couleur (et
parfois pas toujours la même), dois-je la déposer en couleur ? Dans toutes les couleurs ? En
noir et blanc ? ...
Jusqu’à récemment, et si la couleur choisie n’était pas définitive, pouvait changer, ou
n’était pas d’une particulière importance, nous recommandions un dépôt en noir et blanc.
En effet, selon la jurisprudence prédominante, une marque déposée en noir et blanc
permettait une protection au regard de toutes les couleurs.
Ainsi, les offices comme les Tribunaux, notamment européens rappelaient régulièrement
qu’une « marque antérieure, étant enregistrée en noir et blanc, bénéficie de la
protection la plus large, s’étendant également à des combinaisons de couleurs » (par
exemple, TUE, 5 décembre 2012, T-143/11 Consorzio vino Chianti / OHMI – FFR (coq)).
Le déposant était alors rassuré par cette protection efficace, et ce, en n’ayant procédé
qu’à un seul dépôt en noir et blanc.
Néanmoins, il n’en était pas de même dans tous les pays, notamment de l’Union
Européenne.
Dans un souci d’harmonisation, une grande partie des Offices de Propriété Industrielle de
l’Union Européenne travaillent avec l’OHMI au sein de l’ « European Trade Mark and Design
Network » (« Europeantmdn ») afin d’établir des « pratiques communes ».
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Le 15 avril dernier, 22 offices de l’Union Européenne et l’OHMI (mais ni la France ni
l’Italie) ont édité une communication commune quant au champ de protection des
marques
en
noir
et
blanc
(voir
https://oami.europa.eu/tunnel-
web/secure/webdav/guest/document_library/contentPdfs/about_ohim/who_we_are/com
mon_communication/common_communication_4/common_communication4_en.pdf).
Les Offices participants et l’OHMI ont ainsi analysé et édicté une règle concernant les trois
questions suivantes, importantes lors du traitement des marques en noir et blanc :

Une marque en noir et blanc, dont la priorité est revendiquée, est-elle
« identique » à la même marque en couleur ?

Une marque antérieure en noir et blanc est-elle identique à la même marque en
couleur lors de l’appréciation des motifs relatifs ?

L’utilisation d’une version en couleur d’une marque enregistrée en noir et blanc /
nuance de gris (et vice et versa) est-elle acceptable au point d’établir l’usage
sérieux ?
En tant que français, cette communication nous concerne toutefois à plus d’un titre, et
notamment :

le droit français est largement influencé par le droit communautaire en ce sens que
les
Examinateurs
et
les
Juges
français
s’inspirent
fortement
du
droit
communautaire ;

Cette appréciation s’appliquera aux dépôts de marques communautaires ;

dans le cadre d’oppositions à l’encontre de marques communautaires, la portée de
protection des marques antérieures est définie par référence à des critères du droit
de l’Union européenne.
Analysons plus en avant chacun des trois points susmentionnés :
1. Identité entre la marque de base et son extension
Antérieurement, une marque ne pouvait être déposée sous priorité qu’à la condition d’être
strictement identique à un dépôt de base.
Les offices participants ainsi que l’OHMI ont décidé qu’une marque enregistrée en noir et
blanc, ne sera pas considérée comme identique au même signe en couleur et ne permettra
pas ainsi d’être considérée comme un dépôt de base pour qu’une priorité soit réclamée, à
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moins que les différences dues à/aux couleur(s) soient tellement insignifiantes qu’elles ne
seront pas perçues par le consommateur d’attention moyenne. Ainsi, cette pratique
entraine un certain assouplissement, qui ne devrait toutefois pas, selon nous, trouver à
s’appliquer fréquemment.
En tout état de cause, il s’agit ici de la pratique déjà adoptée par l’Examinateur et les
Tribunaux français.
La situation inverse, à savoir une marque de base est déposée en couleur et les dépôts
sous priorité en noir et blanc, n’est pas abordée dans cette communication commune.
L’appréciation de ce cas relève alors des pratiques nationales.
2. Identité ou similitude entre une marque en noir et blanc et la même marque en
couleur
Selon l’article 4(1)(a) de la Directive 2008/95/CE du Parlement Européen et du Conseil du
22 octobre 2008 :
« Une marque est refusée à l’enregistrement ou, si elle enregistrée, est susceptible d’être
déclarée nulle :
a) Lorsqu’elle est identique à une marque antérieure et que les produits et services
pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à
ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée. »
Les Offices participants ainsi que l’OHMI ont décidé de tous considérer que les différences
entre une marque en noir et blanc et sa version en couleur doivent normalement être
relevées par le consommateur d’attention moyenne. Les marques ne seront donc pas alors
considérées comme identiques.
Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles et notamment quand ces différences
sont considérées comme insignifiantes, au point de ne pas être relevées par le
consommateur moyen que les signes seront alors considérés comme identiques.
Il est par conséquent nécessaire d’avoir une stricte identité et conformité des signes, ou
des différences de couleurs négligeables et donc difficiles à relever pour le consommateur
moyen, pour que les signes en cause soient considérés comme identiques.
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A défaut, il faudra dorénavant forcément se fonder sur l’article 4(1)(b) de la Directive
susmentionnée relatif à la similitude entre les signes et devoir donc démontrer un risque
de confusion.
Là encore, il était déjà d’usage en France d’invoquer l’article 4(1)(b) dans de pareilles
circonstances.
3. Impact de ces nouvelles règles au regard de l’usage
Selon l’article 10(1)(a) de la Directive 2008/95/CE du Parlement Européen et du Conseil du
22 octobre 2008 :
« Sont également considérés comme usages aux fins du premier alinéa :
a) L’usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas
son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée. »
Au regard de ce qui précède, l’usage de la marque dans une forme différente de celle dans
laquelle elle a été enregistrée peut constituer un usage valable aussi longtemps que ces
différences n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque.
Ainsi, il n’est pas nécessaire d’avoir une stricte identité entre le signe tel qu’utilisé et le
signe tel qu’enregistré.
Se pose par conséquent la question de savoir si l’usage de la marque en couleur altèrerait
le caractère distinctif de la marque enregistrée en noir et blanc ?
Les Offices signataires et l’OHMI ont décidé que NON à condition que :

Les marques telles qu’enregistrées et déposées aient les mêmes éléments
distinctifs ;

Les contrastes soient respectées et les mêmes dans les deux signes ;

Les couleurs ne sont pas distinctives en elles-mêmes ;

La couleur n’est pas l’un des principaux facteurs conférant à la marque son
caractère distinctif global.
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Il nous semble qu’il sera dès lors plus prudent pour les titulaires de marques figuratives ou
semi-figuratives, enregistrées en noir et blanc mais utilisées en couleur, de les redéposer
en couleurs, notamment quand la couleur a une importance particulière.
En effet, il nous semble que ces règles vont entraîner un durcissement de l’appréciation
des preuves d’usage fournies dans le cadre d’une action en déchéance pour non-usage. Il
s’agit là, il nous semble, du véritable changement que vont apporter ces nouvelles
pratiques, pour les titulaires de droits français.
Les 22 offices signataires ainsi que l’OHMI ont aujourd’hui tous mis en œuvre ces
pratiques.
RECOMMANDATIONS
Nous recommanderons par conséquent à tous les titulaires de faire auditer leur
portefeuille de marques et d’éventuellement redéposer leurs marques en couleur. Pour les
futurs projets, nous conseillerons d’être encore plus attentifs à la forme sous laquelle sera
exploitée la marque pour décider de la façon dont la marque doit être déposée.
Esther DUPAIN ([email protected])
Conseil en Propriété Industrielle
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A propos de REGIMBEAU:
REGIMBEAU, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne depuis plus de 80 ans les entreprises et les
porteurs de projets des secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la défense de leurs
innovations (brevets, marques, dessins et modèles). Quinze associés animent une équipe de 200 personnes,
dont les compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la propriété industrielle: veille
technologique, contrats de licence, audit de portefeuilles de PI, négociations dans le cadre de partenariat,
acquisition des droits, contentieux. L’expertise de REGIMBEAU (présent à Paris, Rennes, Lyon, Grenoble,
Montpellier, Toulouse, Caen et Munich) permet de répondre à des logiques stratégiques internationales,
tout en préservant des relations personnalisées de très haute qualité avec ses clients.
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