C`est beau un homme - Eki-Lib

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C`est beau un homme - Eki-Lib
Temps Modernes
C’est beau un homme
Châtelaine, Mars 2004
C’est beau un homme
Par : Geneviève StSt-germain
Il fait attention à lui, devient de plus en plus sexy. Mais aux yeux de la femme amoureuse, il
n’a jamais cessé de l’être…
Grande nouvelle, l’homme moderne cherche à être beau! Pas un média qui ne
nous rebatte les oreilles avec l’avènement du métrosexuel, ce nouveau spécimen
urbain, pas homo, ardent prosélyte des valeurs familiales, mais cependant soigné,
massé, bichonné, manucuré, retouché au besoin. Du genre David Beckham, le
champion de soccer.
Il n’en faut pas plus pour faire montrer aux barricades Cro-Magnon velus,
adepte occasionnels du désodorisant et autre chantes de la vrai
« mâlitude » qui se perd… Celle donc suinte de tous les poils une
odorante virilité et qui se méfie comme de la peste de la prétendue
féminisation de la société. Du Genre Doc Mailloux.
Bataille de coq qui, je crois, fait un peu rire les femmes. Parce qu’en général
nous applaudissons à l’homme soigné, qui sent bon et qui prend de lui sans
narcissisme excessif. Cela commence à se savoir, la virilité a cessé d’être une
excuse à la négligence chronique du type « tu me prends comme je suis ».
Sur le point, nous sommes d’une sévérité intraitable, la malpropreté provoque
un dégoût définitif. Que l’homme passe plus de temps que sa compagne à s’enduire
des crèmes dans la salle de bains n’a pas de quoi titiller notre libido non plus, mais
dans la majorité des cas, nous n’en sommes pas là. Cette attention à soi n’est ni plus
ni moins qu’une évolution. Pas la révolution qu’on se plaît à nous dépeindre.
Que l’on se rassure, le mouvement est lent, les ventes de produits de beauté
pour hommes n’explosent pas, manucures, esthéticiennes et
autres spécialistes de l’épilation ne font pas fortune avec nos
chums, pas plus que les chirurgiens esthétiques d’ailleurs. Après
des années d’errance entre la caricature macho et la quête d’un
moi plus féminin, presque libéré des schémas conventionnels et de
quelques tabous résistants, le nouveau spécimen masculin est né.
Raffiné sans être efféminé. Pas de quoi faire sauter les tribunes téléphoniques!
Par : Geneviève StSt-Germain
Temps Modernes
C’est beau un homme
Châtelaine, Mars 2004
On les aime aussi… Nus
À en croire les spécialistes, c’est l’évidence : les hommes de leur temps s’occupent
de leur apparence
rence et ne vivent plus cela comme quelque chose de féminin. Après
s’être engagés sur la voie de l’exploration intérieure, de l’expression des émotions,
de l’ouverture du cœur dans le meilleur des cas, ils redécouvrent leur corps.
Avouons qu’il n’y a pas de
de quoi se plaindre! Nous avons tout à gagner, même si de
mauvaises langues avancent que, pour les hommes, adopter le genre métrosesuel est
une manière très astucieuse de reconquérir la femme en singeant ses
caractéristiques physiques et psychologiques. Mais
Mais mieux vaut cela que la guerre
des sexes, vous en conviendrez.
Et puis, ne soyons pas hypocrites: nos hommes, nous les aimons aussi pour
leur physique. Leur corps nous émeut terriblement. Et ce ne sont pas les
adonis imberbes et huilés façon Chippendale,
Chippenda
qui bandent des abdominaux
d’acier et des biceps gros comme des troncs d’arbres, qui nous
impressionnent le plus. Ces modèles de beauté plastifiés,
plastifiés, stéréotypés, ne
font pas le poids émotionnel. Le corps réel, imparfait, reste le plus
troublant.
Même si les hommes commencent à être soumis eux aussi à une définition de
plus en plus contraignante de la beauté, le regard que nous portons sur eux demeure
relativement global et indulgent. Très peu de compartimentation, d’examen du corps
morceau par morceau,, les cuisses d’un côté, le torse de l’autre… Quoiqu’une femme
puisse avoir ses faiblesses : des fesses rebondies pour l’une,, de beaux pieds, des
épaules larges, des mains fines d’intello pour l’autre. À chacune ses préférences.
Depuis toujours, c’est le corps de la femme qui est jugé, exposé, surexposé,
diront certaines. La nudité féminine obsède, inspire, fait fantasmer. L’homme
regarde. Depuis quelques années, l’homme devient aussi un objet érotique. En fait, il
n’a jamais cessé de l’être aux yeux de la
la femme amoureuse. On n’a qu’à lire Colette
et Simone de Beauvoir, qu’à voir les films de Jeanne Campion pour s’en convaincre.
La femme regarde aussi. Et elle aime le beau…
Superplumage!
Je ne voudrais surtout pas parler au nom de toutes mais, après enquête auprès
d’amies et au fil des ans, j’ai quelques idées sur le sujet. Ce qui frappe d’abord, c’est
que la plupart de nos compagnons ont du mal à accepter que l’on trouve beaux et,
plus encore, qu’on le leur dise. Comme une petite gêne, un malai
malaise
se à être dans la
position de celui qui est examiné, convoité. Ils ne sont pas tous comme cela. Il
existe bien quelques exhibitionnistes patentés mais, pour le mâle base, être
Par : Geneviève StSt-Germain
Temps Modernes
C’est beau un homme
Châtelaine, Mars 2004
regarder, même si c’est par un œil amoureux, exige un petit apprentissage à
l’abandon.
Et pourtant, s’ils savaient… Amazones ou amoureuse, les femmes parlent du
corps de leurs hommes avec intensité, fébrilité malicieuse, de façon impressionniste
ou de manière plus clinique, mais toujours avec plaisir. Elles décrivent en long et en
large
arge le corps de leur amant, ventre, jambe,
jambe, peau, fesses et parfois son sexe aussi,
quoique cela ne soit pas du tout dans les termes qu’il imagine.
Le goût de l’autre
D’une manière générale, elles parlent en douceur, de force ou de fragilité plutôt que
de
e l’esthétique d’un mollet. Elles aiment tout du corps masculin, de la tendresse
moelleuse d’un petit ventre à la roideur du sexe, de l’enveloppement d’un regard au
petit chemin qui va du sternum à l’aine, du sommet du crâne à la nuque, véritable
réservoir d’odeur… Du corps assoupi au corps désirant, de la façon féline de se
mouvoir à la stature qui protège contre la dureté de la vie.
Elles enregistrent tout : l’âpre, le rugueux, le soyeux, les mains,
les fesses, l’ambigu, la tendresse, la violence. Autant
Auta
de détails, de
variété. Persistent ce goût de l’autre, différent semblable,
l’extraordinaire découverte de son intimité, grand vecteur de désir.
Mais cela fonctionne un peu bizarrement. Si j’ai besoin de
trouver mon partenaire beau, il le devient forcément
forcément dès lors que je le
désire et, si je le désire, c’est aussi parce que sa parole m’aura séduite.
Encore faudra-t-il
il que le plumage se rapporte au ramage, contrairement à ce que dit
le vieil adage. Les femmes sont rendues là, je crois. Et, heureusement
heureusement, beaucoup
d’hommes l’ont compris.
Par : Geneviève StSt-Germain