Les chercheurs et post-doctorants étrangers travaillant dans les

Transcription

Les chercheurs et post-doctorants étrangers travaillant dans les
Les chercheurs et post-doctorants étrangers
travaillant dans les institutions publiques de recherche
et les entreprises
François Dedieu
sous la direction de
Christine Musselin, directeur de recherche FNSP/CNRS,
Centre de Sociologie des Organisations
Octobre 2002
REMERCIEMENTS
Cette enquête a été menée dans le cadre d’un appel d’offres lancé par le bureau des Etudes
statistiques sur la recherche de la direction de la Programmation et du développement. Nous
tenons ici à remercier les membres de ce bureau pour la confiance et pour le soutien qu’ils
nous ont portés dans la réalisation de ce travail.
Par ailleurs, cette enquête doit énormément aux laboratoires publics et privés qui ont accepté
de nous recevoir et à toutes les personnes avec lesquelles François Dedieu a mené des
entretiens : qu’elles soient ici expressément remerciées pour le temps et l’attention qu’elles
ont bien voulu consacrer à ce travail.
1
Sommaire
Introduction Generale ........................................................................... 5
Première partie : la mobilité des chercheurs étrangers dans
le secteur public français : le marché et le réseau, deux
modèles de circulation des chercheurs .......................................... 9
Introduction ..........................................................................................10
I. Mobilité internationale et carrière .................................................10
1. Le Post-doctorat : une étape obligatoire dans les sciences « exactes »
............................................................................................................. 11
2. La mobilité des doctorants étrangers et des professeurs étrangers
statutaires : des raisons personnelles comme motivation prépondérante
............................................................................................................. 14
3. Les professeurs invités : une mobilité de courte durée très appréciée
des chercheurs ..................................................................................... 18
II. L’offre des laboratoires – Des logiques d’intégration variables
en fonction statut du chercheur étranger .........................................20
1. Les post-doctorants : une main d’œuvre « rentable » et privilégiée
pour la chimie et les sciences de la vie................................ 20_Toc24821297
2 Les doctorants étrangers : une main d’œuvre plus rare à l’exception
des sciences économiques..................................................................... 23
3 Les professeurs invités : des échanges très prisés par les laboratoires
............................................................................................................. 24
4. Le vécu des chercheurs étrangers en France : un séjour jugé
positivement à l’exception des post-doctorants soumis à une forte
pression................................................................................................ 26
III. La venue des chercheurs étrangers en France, une mobilité à
deux faces : le marché et le réseau ....................................................28
2
1. La mobilité dans le modèle du marché : les « meilleurs » laboratoires
attirent les «meilleurs » candidats ....................................................... 28
2. Les doctorants : un marché plus restreint et moins structuré.......... 37
3. Une mobilité inscrite dans le cadre de la construction des réseaux :
l’échange de chercheurs comme point d’ancrage à la coopération...... 39
Conclusion partie I : le modèle du marché prépondérant dans la
mobilité des chercheurs publics ? ......................................................49
Deuxième Partie : Les chercheurs étrangers dans le secteur
privé français : la taille de l’entreprise et les statuts des
chercheurs comme éléments structurants des pratiques de
mobilité ..............................................................................................51
INTRODUCTION................................................................................52
I. Présentation des entreprises étudiées ............................................52
1. La discipline des sciences de la vie ................................................... 52
2. Le secteur de la Chimie : une place privilégiée pour les ingénieurs. 54
3. Les sciences économiques................................................................. 56
II. Les docteurs et les ingénieurs, les deux catégories de
chercheurs rencontrées dans le secteur privé ..................................58
1. Les docteurs : une formation universitaire « spécialisée »............... 58
2. Les ingénieurs : des scientifiques généralistes.................................. 60
3. Les post-doctorants et les doctorants : une faible représentation
des étrangers dans le secteur privé ......................................................62
III.
Les
entreprises
françaises
face
aux
recrutement
de
scientifiques étrangers : 3 logiques d’intégration différenciées....64
1. Les chercheurs étrangers comme substituts des chercheurs français
............................................................................................................. 64
3
2. Les chercheurs étrangers : des concurrents naturels dans la course
aux meilleurs........................................................................................ 70
3. Les restructurations et fusions industrielles comme cadre de la
mobilité ................................................................................................ 74
4. Les entreprises « fermées » aux scientifiques étrangers : les filières de
formation françaises comme recours exclusif...................................... 77
5. Le vécu des chercheurs étrangers : les entreprises françaises trop
bureaucratiques ? ................................................................................ 84
6. La mobilité des chercheurs étrangers dans le secteur privé : la
prédominance du modèle du marché................................................... 85
Conclusion de Partie II : des logiques de mobilité hétérogènes
dans le secteur privé ............................................................................87
Conclusion GENERALE ................................................................89
ANNEXES ......................................................................................93
Bibliographie ..................................................................................102
4
INTRODUCTION GENERALE
L’étude empirique qualitative présentée dans ce rapport vise à comprendre et à analyser
l’insertion des chercheurs et post doctorants étrangers travaillant dans les institutions
publiques de recherche et dans les entreprises.
Elle porte notamment :
-
sur les situations de travail des chercheurs et post doctorants
-
sur leurs motivations : comment ils ont eu connaissance de cette possibilité de mobilité
et pourquoi ils ont présenté leur candidature ? Comment s’inscrit ce séjour dans leur
parcours personnel ? Quelles attentes ont-ils ? Quelles sont les difficultés ou au
contraire les avantages que leur apporte cette mobilité en France ?
-
sur les stratégies des entités publiques ou privées qui les accueillent en regardant
comment elles gèrent ces populations sur le court terme (quels contrats, quelles
rémunérations, mais aussi quel contenu du travail, quelle insertion dans le laboratoire,
sur quel type de projet…) et sur le long terme (existence de stratégies particulières visà- vis de ce type de population, insertion de cette pratique d’accueil dans des stratégies
plus larges d’échange, de partenariat, d’implantation à l’étranger…)
Il ne s’agissait pas d’élaborer un panorama général de l'ensemble des situations existant sur le
territoire français mais de recourir à une approche qualitative reposant sur la comparaison de
cas a priori différents afin d'identifier les convergences et divergences qui existent entre eux
et de repérer des facteurs permettant d'expliquer ces similitudes et ces écarts.
5
Choix des disciplines et échantillon
Dans cette perspective, le choix des champs disciplinaires a obéi à un double principe
organisateur : premièrement des disciplines où les pratiques de recherche sont différentes, et
deuxièmement des disciplines où les possibilités de recrutement de chercheurs ou post
doctorants étrangers ne sont pas identiques. Trois disciplines ont été retenues :
-
Les sciences de la vie parce que beaucoup de travaux récents y voient le lieu d’une
recomposition des modes d’organisation et de production de la science (cf. par
exemple Gibbons et al, 1994 ou Powell, 1990, 1998 ou Gittelman à paraître, ou encore
Owen-Smith et al à paraître) et parce que la concurrence avec l’Amérique du Nord y
est forte.
-
La chimie en tant que secteur scientifique plus traditionnel sur lequel au sein de
l’Europe la capacité d’attraction des laboratoires français peut être concurrencée par
des pays voisins.
-
L’économie en tant que discipline relevant des sciences de l’homme et pour laquelle la
France dispose d’une bonne réputation internationale.
Pour chacune de ces trois disciplines nous avons étudié deux laboratoires privés et deux
laboratoires publics. Les critères ambitieux que nous avions fixés pour la sélection des unités
à étudier n’ont pu être tous respectés, notamment parce que l’accès aux laboratoires privés a
souvent été difficile à obtenir (plusieurs cas de refus sont à dénombrer).
Dans chaque entité étudiée, des entretiens ont été réalisés avec les responsables (directeur de
laboratoire, responsables d’équipes), des chercheurs ou post-doctorants étrangers, quelques
chercheurs ou post-doctorants français travaillant avec eux. Le détail des plus de cent
entretiens réalisés est disponible en annexe.
Nous souhaitions choisir les laboratoires de manière à ce que : l’un des laboratoires publics ait des relations
suivies avec un des laboratoires privés ; l’un des laboratoires emploie beaucoup moins d’étrangers que les
trois autres ; les laboratoires publics relèvent d’institutions nationales de recherche différentes (au
minimum : CNRS, INSERM et INRA) ; que les laboratoires privés comportent de petites et de grandes
entreprises, mais aussi des entreprises « étrangères » et des entreprises « françaises ».
6
Méthodologie
L’enquête a été menée à l’aide de la méthodologie d'analyse de l'action organisée développée
par Michel Crozier et Erhard Friedberg (Crozier et Friedberg 1977 ; Friedberg 1993). Cette
approche repose principalement sur la réalisation d'entretiens semi-directifs, d'une durée de
une heure trente à deux heures, qui sont anonymes et ont porté sur les relations entre les
chercheurs et post doctorants étrangers et leurs laboratoires d’accueil. Plus précisément, ils
visaient à comprendre comment les contacts ont été initiés et comment ils se maintiennent et
évoluent. Ces entretiens étaient également centrés sur les caractéristiques des situations
particulières dans lesquelles se trouvent ces chercheurs et post-doctorants. Le guide
d’entretien utilisé est consultable en annexe de ce rapport.
L'exploitation systématique de tous les entretiens réalisés et la confrontation des informations
qu'ils contiennent ont permis de reconstituer les interactions, de les hiérarchiser les unes par
rapport aux autres, de qualifier leur nature et de découvrir les enjeux qui les sous-tendent.
Des monographies ont été rédigées pour chacune des trois disciplines et le présent rapport
visent à dégager les points de convergence et de divergence qui ressortent de la comparaison
de ces rapports intermédiaires.
Organisation du rapport
Pour les trois disciplines étudiées, nous avons constaté des différences très fortes entre ce que
nous avons observé dans les laboratoires publics d’un côté et ce que nous avons relevé dans
les laboratoires privés de l’autre. Ceci explique que ce rapport soit structuré autour de cette
opposition public/privé.
Ainsi, non seulement les passages d’un secteur à l’autre semblent rares (on reste dans le
public si on y a commencé et on reste dans le privé une fois qu’on y a travaillé), mais de plus
les modes de recrutement des étrangers, les niveaux de recrutements, les développements de
carrière envisagés ou souhaités ne sont pas comparables.
La première partie sera donc consacrée aux chercheurs étrangers des laboratoires publics, qui
sont prioritairement des post-doctorants pour la biologie et la chimie et des doctorants pour
7
l’économie. Après avoir distingué les différentes opportunités de mobilité qui sont utilisées,
nous nous centrerons sur la place de ces chercheurs étrangers dans les laboratoires. Enfin,
nous analyserons comment se produit la rencontre entre des laboratoires en quête de postdoctorants et des post-doctorants en quête de laboratoire.
La seconde partie porte sur les chercheurs étrangers des laboratoires privés. Nous
commencerons par une rapide présentation des entreprises qui ont accepté de nous recevoir
avant d’identifier quelques logiques communes entre elles dans le repérage et la gestion de
ces personnels. Puis nous nous intéresserons aux deux catégories de chercheurs les plus
concernées par ces mobilités, les docteurs et les ingénieurs. Enfin, nous décrirons pourquoi les
entreprises font appel à ces chercheurs et comment elles les recrutent.
8
PREMIERE PARTIE
LA MOBILITE DES CHERCHEURS ETRANGERS
DANS LE SECTEUR PUBLIC FRANÇAIS
Le marché et le réseau,
deux modèles de circulation des chercheurs
9
INTRODUCTION
Dans le secteur public Français, les pratiques de mobilité des chercheurs étrangers divergent
en fonction de la catégorie du chercheur : doctorants, post-doctorants, chercheurs statutaires et
professeurs invités, ainsi que selon les trois disciplines scientifiques étudiées : les sciences de
la vie, la chimie et les sciences économiques.
Afin de comprendre les logiques de cette mobilité, nous nous intéresserons, dans une
première partie aux raisons qui incitent les chercheur s étrangers à venir en France puis dans
une deuxième partie, aux stratégies des laboratoires en vue d’intégrer cette main d’œuvre
étrangère dans leurs équipes de recherche. Enfin, dans une troisième partie, nous examinerons
par quels moyens l’ « offre » et la « demande » parviennent à se rencontrer. Nous verrons
alors que la mobilité dans le secteur public s’inscrit dans deux modèles : le marché et le
réseau.
I. MOBILITE INTERNATIONALE ET CARRIERE
Cette première partie, vise à présenter les différente s catégories de chercheurs sur lesquelles
porte l’étude : les post-doctorants, les doctorants, les chercheurs statutaires et enfin les
professeurs invités.
Nous aurons ici le souci de décrire en fonction de quelles logiques la mobilité internationale
intervient dans la gestion de la carrière globale des chercheurs : cette mobilité est-elle une
étape incontournable dans la carrière du chercheur ou est-elle guidée plutôt par des choix plus
personnels ?
10
1. Le Post-doctorat : une étape obligatoire dans les sciences « exactes »
1.1 Les sciences de la vie et la chimie : Le post-doctorat comme standard professionnel
1.1.1 Une carrière publique dans les sciences de la vie et en chimie passe par un postdoctorat
Dans les disciplines des sciences de la vie et de la chimie, le post-doctorat nous a été présenté
comme un passage obligatoire avant d’envisager un poste de titulaire.
« Si vous ne faîtes pas un post-doctorat, c’est quand même plus difficile d’avoir un poste de
titulaire /…/ le post-doctorat ça reste quand même le passage obligé pour avoir un bon CV »
Post-doctorant- CNRS
En chimie, le post-doctorat s’avère surtout obligatoire pour les futurs candidats aux
organismes de recherche publics tels que le CNRS.
« En chimie le post-doctorat est obligatoire si vous visez le CNRS » directeur de laboratoireChimie- CNRS
« Le post-doctorat est une étape obligatoire en chimie si vous voulez rentrer au CNRS. Même
si vous vous voulez rentrer à l’ARC il vaut mieux l’avoir fait, même pour l’industrie on
commence à voir qu’ils exigent un post-doctorat à l’étranger pour vérifier comment les gens
s’adaptent à certains milieux, pour apprendre d’autres techniques. Du reste c’est important le
renouvellement du personnel. Moi je connais des labos qui ont dépéri par un recrutement
uniquement interne » directeur de laboratoire - Chimie - CNRS/ Sciences de la vie- institut curie
Dans ces deux disciplines, le post-doctorat doit être réalisé à l’étranger afin de mettre à
l’épreuve les capacités d’adaptation du chercheur à une nouvelle équipe et à de nouvelles
techniques.
« C’est toujours bien de bouger, de montrer que tu peux t’adapter à un nouveau pays, c’est
important pour un chercheur de montrer qu’il est adaptable et qu’il peut apprendre de
nouvelles techniques dans un contexte étranger » Post-doctorant- Sciences de la vie -CNRS
Dans notre étude, les post-doctorants constituent donc la catégorie de chercheur la plus
mobile puisqu’il n’existe très peu de postes de post-doctorat pour les français.
« Là ce sont, c’est vrai, plus des post-doctorants parce que ce sont eux qui viennent taper à
notre porte et puis surtout ils sont plus faciles à financer que les post-doctorants français.
Pour les Français les possibilités de financement sont extrêmement restreintes, donc à chaque
fois sur l’ensemble des post-doctorants que j’ai, la moitié ou les 2/3 sont des étrangers.
Lorsque j’ai des Français, c’est toujours particulier parce que la règle c’est de faire son postdoctorat à l’étranger. Là j’en ai un, c’est un poste Pasteur toujours limité dans le temps. Pour
un Français c’est une bonne chose de faire son post-doc à l’étranger parce que 1. c’est
obligatoire pour la suite de sa carrière et 2. parce que comme ça cela montre qu’ils peuvent
s’intégrer dans d’autres équipes, apprendre de nouvelles choses. Pendant longtemps ils
allaient beaucoup vers les USA. Maintenant c’est plus vers l’Europe, maintenant 80% des
bourses de post-doctorat sont destinées aux étrangers. Sinon pour recruter un Français vous
11
pouvez solliciter les associations comme l’ARC, la ligue contre le cancer mais ça reste tout de
même plus restreint » Responsable de groupe Sciences de la vie-INSERM
Du point de vue des jeunes chercheurs, le post-doctorat constitue, une étape décisive dans leur
carrière. Ils sont contraints de publier les résultats de leurs travaux afin d’envisager un poste
de chercheur titulaire.
« Le post-doctorat c’est la période délicate et tu as la pression en terme de publications. Moi
je suis là pour 3 ans. Si je ne publie rien entre temps c’est foutu pour obtenir un poste de
chercheur. Déjà les places sont limitées en France comme au Canada (pays d’origine), alors
sans publications ce n’est pas la peine d’essayer » Post-doctorant- Sciences de la vie-INSERM
« Ce n’est pas complètement obligatoire le post-doctorat. Mais au niveau apprentissage et
formation, c’est mieux si tu veux passer le concours dans l’administration de la recherche. De
plus c’est mieux à l’étranger parce que tu as le barrage de la langue et en plus ici à l’INRA qui
est réputé tout ceci combine pour un sacré avantage pour ta carrière » post-doctorant étrangerChimie - INRA
1.1.2 Les post-doctorants: Une stratégie de carrière non arrêtée au moment du postdoctorat
Au commencement du post-doctorat, ces jeunes chercheurs n’ont pas de stratégie de carrière
clairement définie. A ce stade, ils n’ont pas une idée précise de leur avenir dans la recherche.
« Quand vous commencez votre post-doctorat, vous ne savez pas exactement quoi faire après,
de toute façon moi je raisonnais par étapes : d’abord le post-doctorat et ensuite pour la
titularisation c’est plus incertain» Post-doctorant étranger - Sciences de la vie - INSERM
Si, pour la plupart des personnes que nous avons rencontrées, les post-doctorants pensaient en
premier lieu retourner dans leurs pays d’origine après leur post-doctorat, ce choix peut être
amené à évoluer au gré de cette expérience. Ainsi, nombre d’entre eux découvrent des
possibilités supplémentaires leur permettant de postuler à un poste de titulaire soit dans les
institutions de recherche française (INSERM, CNRS, INRA) ou encore comme maître de
conférence à l’université) soit par le réseau de connaissances dont dispose le laboratoire
d’accueil. De ce fait, l’étape du post-doctorat est également considérée comme source de
possibilités supplémentaires pour envisager une titularisation.
« Quand je suis arrivé, je me suis toujours dit que j’allais retourner en Espagne. Mais
maintenant je vois qu’en Espagne ce n’est pas facile d’avoir un poste dans la recherche.
Maintenant ma femme et moi travaillons ici depuis 3 ans et on n’ est pas contre l’idée de rester
ici. Autant faut il qu’il y ait une opportunité. Donc ce qu’on va faire c’est qu’on va demander
des deux cotés en Espagne et en France. Pour l’instant je vais demander une autre bourse
Marie Curie pour 6 mois ou un an avec l’idée de postuler à l’INSERM et au CNRS et enfin en
maître de conf » Post-doctorant- Sciences de la vie INSERM
« Je n’ai pas une idée très précise de ce que je veux faire pour l’instant. Je pense rentrer en
GB parce qu’il y a plus de possibilités de carrière mais je ne serai pas contre l’idée de rester
en France ça dépend des possibilités» » Post-doctorant- Chimie- CNRS
12
1.2 Dans les sciences économiques : le post-doctorat est utilisé comme une période de
transition
En économie, contrairement aux autres disciplines de « sciences exactes », la chimie et les
sciences de la vie, le post-doctorat n’est pas un standard professionnel. Le post-doctorat sert
plutôt à combler une période transitoire entr e la fin du doctorat et les concours d’entrée dans
les institutions de recherche publiques. Les bourses de post-doctorat présentent en effet,
l’avantage d’être souples c’est- à-dire qu’elles pouvent être prolongées ou interrompues en
fonction des opportunités jeunes chercheurs.
« Les post-doctorats en éco et surtout en France c’est surtout une période de transition parce
que les auditions maître de conférence et post-doctorat se font en juin et ils terminent leurs
thèses en décembre. En plus ici ils ont une 2ème année de DEA donc ils terminent leurs thèses
souvent durant la période de post-doctorat pour ensuite pouvoir candidater aux postes. Le
Post-doctorat est souple et renouvelable s’ils échouent à leurs concours » Directeur de
laboratoire- économie - CNRS
Pour les docteurs en économie, le post-doctorat est donc un moyen d’attendre les concours en
finalisant une publication ou même d’achever son doctorat si son financement parvient à son
terme de 3 ans .
De plus, le post-doctorat ne se déroule pas systématiquement dans un laboratoire à l’étranger.
Elles peuvent être attribuées par le laboratoire où le doctorant a réalisé sa thèse. Pourtant, la
mobilité des post-doctorants en économie existe mais principalement dans le cadre
d’obtention de bourses européennes spécifiques attribuées sous condition d’accueil dans un
laboratoire étranger.
« Les Français vont tous à l’étranger parce que le financement se fait par la communauté
européenne : en général ils vont en grande Bretagne, Belgique, Espagne /…/ Pour faire un
post-doctorat il faut essentiellement obtenir des financements de l’union européenne ou de
Marie Curie. Mais en terme de post-doctorat on est bien moins organisé que la Belgique et
l’Angleterre » Directeur de laboratoire- économie- CNRS
Soulignons enfin que, contrairement aux deux autres disciplines étudiées, les post-doctorants
en économie ne travaillent pas sur des sujets particuliers attribués par les laboratoires. Ils
travaillent plutôt à la rédaction d’articles tirés de leurs thèses ou issus d’ une collaboration
avec d’autres chercheurs, qu’ils ajouteront à leurs CV.
Les bourses de doctorat sont, dans leur grande majorité accordées pour 3 ans.
13
De ce fait, les post-doctorants constituent une main d’œuvre quantitativement bien moins
importante dans cette discipline.
« Les post-doctorant on n’en a pas beaucoup, actuellement on en a 4 et encore c’est une
année exceptionnelle » Directeur de laboratoire- économie- CNRS
2. La mobilité des doctorants étrangers et des professeurs étrangers statutaires :
des raisons personnelles comme motivation prépondérante
2.1 La thèse : une période d’apprentissage, moins propice à la mobilité
Les étudiants en thèse constituent, contrairement à leurs aînés post-doctorants, une catégorie
de chercheurs très peu mobiles. Dans les laboratoires où nous avons mené notre étude, peu de
doctorants de nationalité étrangère intégraient les équipes de recherche à l’exception notable
de l’économie que nous détaillerons plus bas.
En effet, la thèse est une période d’apprentissage où le jeune chercheur développe pour la
première fois un projet de long terme. Pour ce faire, il a besoin de mener ses travaux sous la
conduite de chercheurs confirmés qui vont l’orienter dans ses démarches de recherche.
Les doctorants ne sont par conséquents pas autonomes dans les laboratoires et nécessitent
l’encadrement de chercheurs confirmés.
« Un des aspects qui était pour moi le plus important dans la thèse c’est d’être bien encadré.
SI tu n’es pas bien suivi, tu vas te planter parce qu’en tant que doctorant tu n’as pas forcément
tous les bons réflexes » Doctorant CNRS
Du fait de cette nécessité d’apprentissage, les doctorants choisissent, pour la plupart, de rester
dans leur laboratoire d’origine afin de bénéficier de l’encadrement de chercheurs qu’ils
connaissent et dont ils savent qu’ils pourront leur apporter l’encadrement pédagogique
nécessaire.
« Moi je suis une exception parce que normalement en Espagne, ma thèse j’aurais dû la faire
dans mon laboratoire en Espagne /…/ la thèse c’est pas le post-doctorat, il faut que tu saches
exactement où tu vas sur ton sujet. C’est pour cela qu’il vaut mieux rester dans un laboratoire
que tu connais bien, comme ça tu choisis mieux avec qui tu peux travailler » DoctorantSciences de la vie - CNRS
14
Du point de vue des doctorants étrangers, deux raisons majeures les motivent à faire une thèse
à l’étranger : il s’agit d’une part de raisons personnelles et d’autre part d’une mobilité exercée
afin de trouver des conditions de travail plus favorables en France.
2.1.1 Le « challenge » personnel comme moteur de la mobilité
Du fait que le doctorat est une période peu propice à la mobilité, les doctorants étrangers
choisissent de partir tout d’abord pour des raisons personnelles. A ce titre, les doctorants, ont
souligné l’importance du « challenge personnel » que représente le fait de vivre dans un pays
étranger et qui constitue un élément déterminant dans leur choix.
« A la fin de mon DEA je ne savais pas quoi faire /../ Quand j’ai décidé de faire de la
recherche, une thèse, j’ai choisi de partir de mon pays pour des raisons personnelles. Je
voulais couper avec ma famille, découvrir autre chose » Doctorante/ Sciences de la vie
INSERM/ CNRS
« J’étais à un stade de ma vie qui faisait que je voulais changer d’univers, découvrir autre
chose, alors quand j’ai eu cette opportunité de faire ma thèse à l’étranger, je me suis dit
« c’est maintenant ou jamais » Doctorante/ Sciences de la vie INSERM/ CNRS
Dès lors, les critères scientifiques intervenant dans le choix du laboratoire sont secondaires
aux yeux des doctorants étrangers. Ils privilégient au contraire le choix du pays ou de la ville
où ils voudront faire leur thèse.
« J’ai choisi Montpellier parce que le sud de la France c’était bien pour moi, le soleil, la
plage et aussi parce que j’étais à coté du Portugal (pays d’origine)» Doctorant-Sciences de la
vie CNRS
« J’avais choisi l’Europe pour pas trop m’éloigner quand même. Dans le choix du labo,
j’avais décidé de privilégier le coté humain. Le coté scientifique est important mais je voulais
choisir aussi un univers sympa » Doctorante-Sciences de la vie- CNRS
« Moi ce qui a forcé mon choix c’est d’apprendre une 3eme langue pour retourner ensuite
avec un supplément. Donc vous voyez que ce n’est pas au départ pour des raisons scientifiques
même si je voulais rester sur le même domaine de recherche : l’embryon » Doctorant-Sciences
de la vie INSERM
2.1.2 Une mobilité « par défaut »
La mobilité des doctorants étrangers est enfin associée à la recherche de garanties
supplémentaires qu’offrent la France pour leurs carrières en comparaison avec celles de leurs
pays d’origine. C’est principalement le cas des étudiants provenant des pays en voie de
développement.
« Quand j’ai décidé de partir j’ai dit aux gens de mon labo « je vois le futur en noir en
Argentine donc pour moi il faut que je parte ». C’était une bonne opportunité parce qu’ici les
15
moyens pour travailler sont beaucoup plus confortables» Doctorant Sciences de la vie
INSERM
« En Chine, les structures pour les Sciences de la vie sont vraiment moins importantes qu’ici.
Je me suis dit si je veux rester dans la recherche, il faut que j’aille dans des labos qui
m’apporteront plus. Donc je me suis renseignés sur les bourses et j’ai vu qu’il y avait des
bourses fléchées pour la France. Je suis venu une première fois en France pour voir et j’ai fait
mes premières démarches au CNOUS et c’est là que j’ai rencontré un prof qui travaillait sur le
même domaine. Il m’a aidé et il m’a pris dans son labo, ma spécialité l’intéressait. Je ne sais
pas si le choix du labo est absolument lié à la réputation. Une thèse c’est 3 ans et après on s’en
va, si vraiment j’avais voulu ça, j’aurais pris un labo dirigé par un prix Nobel » DoctorantSciences de la vie CNRS
Dans cette perspective, nous pouvons également évoquer les cas des étudiants de pays comme
l’Algérie ou le Gabon disposant de bourses d’étude de 3ème cycle et de doctorat et accueillis
en France dans le cadre de programme d’échange spécifique, les universités de leurs pays ne
comprenant pas ces cycles universitaires.
« Je suis venu d’Algérie en France parce que j’ai un des premiers au classement de ma
licence et ceci me permettait d’avoir une bourse de 4 ans pour venir faire mon DEA et ma
thèse en France » Doctorant- Economie Université
« Au Gabon, la fac s’arrête au DEUG donc si tu veux continuer tes études il faut que tu aies
une bourse du gouvernement pour venir étudier soit au Maroc soit en France » Post-doctorantChimie - CNRS
2.1.3 Les doctorant des sciences économiques : une mobilité de court terme encouragée
Dans les laboratoires de sciences économiques étudiés, nous avons constaté une mobilité plus
importante des doctorants à l’étranger. Il est en effet courant, qu’au cours du doctorat
d’économie, l’étudiant séjourne temporairement dans un laboratoire étranger. Cette mobilité
ponctuelle est permise grâce à des bourses attribuées surtout par programmes d’échanges
européens spécifiques.
« Je fais ma thèse à Bonn et c’est une des meilleures facs pour la micro économie avec
Toulouse. Comme il y a un projet d’échange, ou plutôt un réseau entre Toulouse et Bonn, le
réseau ENTER : avec Barcelone, Allemagne, Pays bas, Bruxelles, j’ai profité des bourses
qu’ils donnaient pour passer un an ici à Toulouse pour avancer ma thèse parce qu’ici il y a
des grands spécialistes très connus » Doctorant- économie- CNRS
Pour les doctorants étrangers, cette mobilité ponctuelle est l’occasion d’échanger les résultats
de leurs travaux en bénéficiant des conseils de professeurs spécialisés dans leur domaine. Les
étudiants y voient de plus, l’opportunité de maîtriser une langue étrangère supplémentaire.
« Je suis ici pour un an parce j’ai eu une bourse allemande. C’est sur les conseils de mon
directeur de thèse que je suis venu ici. Il m’a dit que c’était excellent Toulouse et que passer
une période ici pourrait m’aider dans ma réflexion de ma thèse. J’avais hésité entre Londres et
Dans les cas rencontrés, ces périodes variaient de 3 mois à un an.
16
Toulouse mais j’ai choisi de venir ici pour apprendre le français aussi. J’ai choisi de bouger
parce que c’est bien perçu en Allemagne de faire connaissance avec d’autres spécialistes qui
seraient susceptibles de m’aider dans ma thèse » Doctorant- économie- CNRS
2.2 Les professeurs titulaires : une mobilité internationale choisie «par défaut » ou par
motivations personnelles.
Pour les chercheurs statutaires rencontrés au cours de cette étude, le choix de travailler en
France obéit aux même raisons que celles que nous décrivions précédemment pour les
doctorants à savoir une mobilité par « défaut » et dictée par des raisons personnelles.
« Je suis venu ici pour suivre mon mari qui est également chercheur à l’INSERM /…/ On avait
étudié toutes les possibilités : soit lui pouvait postuler aux USA soit moi en France. Finalement
on s’est aperçu que c’était beaucoup plus facile pour moi de postuler en France à l’INSERM
ou au CNRS que lui aux USA » Chercheur Sciences de la vie- CNRS/ INSERM
« Au bout de deux ans aux USA, il y eu des restrictions budgétaires dans ce labo et comme on
était titularisé au bout de 3 ans, je savais que les plus jeunes embauchés ne seraient pas
reconduits. Alors tout de suite je me suis orienté vers la France et le CNRS parce que ma
femme travaillait ici à l’INSEE et que ça faisait quelques temps déjà que je faisais l’aller/
retour France- USA et que j’en avais marre » Chercheur économie statutaire- CNRS
Pour ces chercheurs, les raisons personnelles constituent un critère de choix primordial dans
cette mobilité de long terme : certains des chercheurs statutaires étrangers que nous avons
rencontrés ont en effet délaissé des postes aux salaires et aux conditions matérielles très
avantageuses auxquels ils auraient pu prétendre ou qu’ils occupaient, dans leurs pays
d’origine. C’est notamment le cas particulier de chercheurs américains et anglais qui firent le
choix de suivre leurs épouses/concubines en France au détriment de postes de chercheurs
statuaires économiquement plus intéressants dans leurs pays.
«Quand je suis rentré au CNRS mon salaire a baissé de 40% par rapport à ce que je touchais
aux USA. Aux USA le salaire d’un débutant est 4 fois supérieur au mien mais je l’ai fait pour
ma femme qui voulait rester faire sa carrière ici. Je suis allé voir les gens de Paris I qui m’ont
dit qu’ils m’accepteraient mais je voulais rester au CREST quand même. Le CNRS a dit OK,
que j’étais libre. Le seul avantage du CNRS c’est que l’on est pas forcé de donner des cours,
on est payé en plus. Mais les moyens pour la recherche en France sont plus minces ici par
exemple je partage tous mes bureaux » Chercheur statutaire- économie CNRS
Les chercheurs statutaires d’origine étrangère peuvent également choisir de s’établir en
France en raison de perspectives de carrière bien plus favorables que celles offertes par leur
pays d’origine. C’est le cas des chercheurs algériens, marocain ou encore chinois rencontrés
qui nous évoquaie nt que la France leur ouvrait des opportunités de carrières plus favorables.
« Quant l’opportunité de postuler au poste de maître de conférences s’est présenté je n’ai pas
hésité /…/ De toute façon ce choix était évident dans le sens où j’avais ici de meilleures
17
conditions de travail qu’au Gabon. C’est un choix de carrière » Chercheur statutaire Chimie
INRA
Dans tous les cas, signalons que l’ensemble de ces chercheurs statutaires étrangers ont tous eu
une expérience préalable en France que ce soit comme post-doctorant ou comme doctorant.
3. Les professeurs invités : une mobilité de courte durée très appréciée des
chercheurs
La dernière catégorie de chercheurs étrangers présente dans les laboratoires publics français
sont les professeurs invités. Ces chercheurs statutaires étrangers sont accueillis par les
laboratoires français dans deux cas de figure : soit dans le cadre d’une année sabbatique, soit
par des invitations temporaires.
3.1 L’année sabbatique
L’année sabbatique est la possibilité pour un chercheur statutaire de mettre en suspens son
activité durant un an. Beaucoup choisissent de mettre à profit cette année de disponibilité dans
un laboratoire étranger. Pour ce faire, ils disposent d’un financement attribué par leur
laboratoire ou leur pays d’origine.
Pour les chercheurs rencontrés, prendre une année sabbatique équivaut à l’écriture d’un
ouvrage important ou encore à la volonté de découvrir des méthodes de recherche différentes.
Pour ce faire, ils sont accueillis durant cette année, par un laboratoire travaillant sur des
domaines proches du leur. Ils disposent de cette façon d’une certaine liberté qui leur permet
de travailler en toute tranquillité tout en s’ouvrant à d’autres méthodes de travail.
« J’ai choisi de venir ici pour mon année sabbatique ici à l’INSEE parce que j’étais intéressé
par les données qu’ils avaient ici. Je me disais que ça serait l’occasion de tester les modèles
d’économétrie sur lesquels je travaille depuis longtemps. C’est en fait l’occasion de renouveler
mes recherches et de voir si je pouvais comme ça concrétiser un livre que j’ai en tête depuis un
moment » professeur invité- Economie – CNRS/ INSEE
3.2 Les séjours temporaires
Les invitations temporaires entre chercheurs constituent un autre cadre d’échange. Des
chercheurs travaillant sur des sujets proches s’invitent ainsi mutuellement pour des courtes
durées (variant de 2 semaines à 3 mois) pour présenter les résultats de leurs recherches.
18
Généralement, c’est le laboratoire qui invite qui prend en charge le financement de ces
invitations : logement, transports etc…. . En contrepartie, le laboratoire attend de son invité
qu’il assure des séminaires et des cours aux étudiants.
De même que l’année sabbatique, ces invitations sont généralement l’occasion pour les
chercheurs de bénéficier de moments de tranquillité, propices à la rédaction d’un article ou
d’autres projets de recherche.
« Je vais vous dire aussi la vérité. Si j’utilise mon temps de prof invité c’est aussi et presque
surtout (rires) pour travailler tranquillement sans être dérangé par tous mes étudiants qui ont
toujours des problèmes ou un truc à vous faire lire» Professeur invité- Sciences de la vie CNRS
« Ces invitations se font individuellement, de chercheurs à chercheurs. Durant ces périodes ils
viennent pour discuter avec les étudiants, ils nous apportent des éclairages sur certains
travaux en cours. Si on se contentait de lire les revues on aurait des années de retard. On
travaille beaucoup en interaction pour savoir quelles sont les fausses pistes sur lesquelles on
ne peut pas s’engager, des tas de choses qu’on ne trouve pas dans les journaux» Professeur
invité- économie- CNRS
3.3 Des invitations personnalisées
Selon les chercheurs interrogés, ces invitations se font au gré de contacts individuels qui se
nouent entre chercheurs travaillant sur des domaines proches. Ainsi, les « moyens » de
rencontres sont les colloques ou encore la prise de contact (par e- mail) de chercheurs désirant
avoir des approfondissements suite à la parution d’un ar ticle.
« Les relations scientifiques vous les faites dans les conférences où vous êtes invités, vous
échangez si vous avez des thèmes de recherche communs et puis lui peut vous inviter à donner
un séminaire et puis ensuite c’est à votre tour. On peut lui payer 3 mois puis ensuite vous voyez
s’il faut prolonger les affinités scientifiques mais aussi personnelles, ça compte aussi »
Directeur de laboratoire chimie- CNRS/ ENS
« On peut se mettre en contact par mail lorsque l’on a vu une publication qui nous intéresse.
On contacte le prof : c’est comme ça que ça peut démarrer » Directeur de laboratoire - Sciences
de la vie - CNRS
Ces invitations résultent enfin, d’affinités personnelles entre chercheurs héritées du passé.
19
II. L’ OFFRE DES LABORATOIRES – D ES LOGIQUES D’ INTEGRATION
VARIABLES EN FONCTION STATUT DU CHERCHEUR ETRANGER
Pourquoi les laboratoires font- ils appel aux chercheurs étrangers ? A quels besoins spécifiques
ces derniers répondent- ils ? Ce sont ces questions que nous allons développer dans la présente
partie en distinguant « l’offre » proposée par les laboratoires selon des différentes catégories
étudiées
1. Les post-doctorants : une main d’œuvre « rentable » et privilégiée pour la
chimie et les sciences de la vie.
Dans les disciplines de chimie et des sciences de la vie, les post-doctorants constituent dans la
grande majorité des laboratoires rencontrés, une part importante du personnel total. Pour
donner un ordre d’idée au lecteur, le pourcentage des post-doctorants dans les équipes
rencontrées oscillait entre 30 et 50% de l’effectif total.
Si dans ces deux disciplines, les post-doctorants sont présentés comme cruciaux pour
l’activité des laboratoires, c’est qu’ils constituent une main d’œuvre particulièrement
productive et ceci pour plusieurs raisons : ils représentent un personnel efficace, peu coûteux
et pour lequel les laboratoires n’ont pas besoin de s’engager sur le long terme.
1.1 Une main d’œuvre efficace
Tout d’abord, ces chercheurs sont soumis à une forte pression de résult ats en terme de
publications. En effet, comme nous le précisions plus haut, l’étape du post-doctorat est
décisive dans la carrière du chercheur, c’est pourquoi celui-ci doit obligatoirement produire
des publications.
« Avant de venir ici j’avais déjà pensé qu’il me fallait un certain nombre de publications /../
De toute façon, pour le post-doctorant, les publications c’est capital, c’est ce qui valorise notre
travail » Post-doctorant- Sciences de la vie-INSERM
En plus de cette obligation de résultats, ces chercheurs offrent un potentiel de travail supérieur
à leurs homologues français . En effet, plus isolés dans leur vie sociale, ils peuvent d’avantage
se consacrer à leur travail.
20
« En plus il faut dire que ces chercheurs travaillent beaucoup plus que les autres.
Contrairement aux Français ils sont dans un environnement moins favorables, pas beaucoup
de connaissances, pas beaucoup d’argent et une fois qu’on a visité Paris, on ne va pas le faire
toute l’année, donc qu’est ce qu’ils font ? Ils bossent. Bon ça s’appelle de l’exploitation quand
même » Directeur de laboratoire- Chimie- CNRS
A ce titre, les responsables des laboratoires peuvent confier aux post-doctorants des sujets
plus complexes mais aussi plus rentables en terme de production scientifique.
« Généralement j’ai des idées de sujets en tête, des axes qui m’intéressent plus
particulièrement. Après j’adapte les sujets aux gens qui se présentent /../ Il est bien évident que
je donne les sujets plus complexes ou disons les plus innovants plutôt à un post-doctorant qu’a
un thésard parce que le post-doctorant est plus autonome. Il a une plus grande expérience des
méthodes de recherche. S’il (le post-doctorant) est très bon, je lui donnerai un sujet peut être
plus dur mais dont il pourra tirer le bénéfice pour sa carrière » Responsable d’équipeSciences de la vie - institut INSERM/ CNRS
« Pour nous, un post-doctorant, c’est une publication tous les 6 mois parce qu’on le met sur
un sujet plus risqué alors que je reconnais qu’un étudiant en thèse c’est des publications dans
des revues moins cotées » Directeur de labo- Chimie- CNRS/ institut curie
Enfin, le temps d’adaptation d’un post-doctorant étranger est relativement court.
L’apprentissage des techniques de manipulation et de la langue n’est donc pas considéré
comme un problème pour les responsables des laboratoires.
« Là-dessus (adaptation des post-doctorant), il n’y a aucun problème, en trois mois ils se
débrouillent très bien en français. On fait nos conférences en anglais le temps qu’ils s’adaptent
et puis après ça roule. Pour les techniques, c’est comme la cuisine, vous leurs montrez une fois
et après deux manip c’est bon ils savent le faire » Directeur labo-Sciences de la vie - CNRS
1.2 Une main d’œuvre « meilleur marché »
D’autre part, les post-doctorants constituent une main d’œuvre peut coûteuse pour les
laboratoires.
En effet et comme nous le développerons plus bas, lorsqu’ils recrutent un post-doctorant, les
laboratoires sollicitent la plupart du temps des bourses d’études qui leur permettent de ne pas
engager une partie de leur budget.
Soulignons de plus, que même lorsque les laboratoires choisissent de recruter un postdoctorant étranger avec des fonds provenant d’une entreprise privée , ils paieront des charges
sociales significativement moins importantes en comparaison de celles versées pour un
Certains des laboratoires de recherche rencontrés bénéficiaient en effet de contrats de recherche privés
contractés avec des entreprises. Sur ces fonds privés, les laboratoires peuvent choisir de recruter des postdoctorants qui sont alors salariés.
21
chercheur français. Les laboratoires ont dans ce cas la possibilité de déléguer la gestion des
salaires (et le calcul des charges sociales ) des chercheurs étrangers à l’EGIDE, association à
but non lucratif spécialisée dans l’accueil des étudiants étrangers . La citation suivante est
éclairante sur le montant des exonérations :
« Il y a un avantage énorme pour nous, c’est qu’ils (chercheurs étrangers) nous coûtent moins
cher, c’est plus facile pour nous de les payer grâce à l’EGIDE /…/ Par exemple si je paye un
étranger 6 000 F/ mois, moi je vais le payer en tout 7 000 F alors qu’un français avec les
charges sociales ça va me coûter 12 000F. Avec l’EGIDE c’est super parce qu’ils s’occupent
de tout ça. Je leur renvoie les papiers et après ils s‘occupent de tout » Chef de groupe- institut
INSERM/ CNRS
« Une des raisons fondamentales pour lesquelles on fait appel à des post-doctorants étrangers
c’est qu’on paye moins de charges sociales que pour des français à compétences égales »
Directeur de laboratoire - Chimie - Institut Curie/ CNRS
Concrètement, pour les laboratoires ou les équipes de recherche, l’emploi des post-doctorants
étrangers équivaut à une main d’œuvre moins onéreuse .
« Disons le clairement, pour nous l’avantage est que les post-doctorants étrangers sont bien
moins chers que les Français» Directeur de laboratoire- Chimie- CNRS
Enfin, signalons le cas particulier des laboratoires de chimie rencontrés. Ces derniers
semblent actuellement faire face à une pénurie de postulants potentiels au doctorat. Par
conséquent, ils recrutent plus de post-doctorants afin de palier les carences de main d’œuvre
que représentent les doctorants.
« En ce moment on a du mal à recruter des doctorant donc du coup je vais prendre 2 postdoctorant en plus pour mettre sur un contrat que j’ai décroché et que j’aurai pu confier à un
doctorant» Directeur de laboratoire - Chimie - CNRS
« Faire une thèse en chimie ce n’est pas très couru en ce moment. Les étudiants préfèrent aller
vers l’industrie parce que ça paye mieux et c’est plus sûr. Si vous voulez faire une thèse c’est 3
ans et en plus au bout vous n’êtes pas du tout sûr d’avoir un poste dans le public parce qu’ils
sont très restreints » Directeur de laboratoire- Chimie - INRA
1.3 Une main d’œuvre « sans engagement »
Enfin, et dernier avantage pour les laboratoires accueillant les post-doctorants étrangers, ils
n’ont pas besoin de s’engager vis- à- vis d’eux sur le long terme. Ces chercheurs sont
effectivement «de passage » pour une durée variable qui oscille entre 2 et 4 ans (pour les postdoctorants rencontrés).
« Je ne veux pas garder des post-doctorant indéfiniment parce qu’après on crée des hors
statuts. C’est vrai que les post-doctorants qui veulent rester en France c’est un problème parce
A ce titre, l’EGIDE offre aux organismes publics ou privés des facilités de contractualisation entre les
étrangers (ayant le statut d’étudiants ou stagiaires) et les organismes d’accueil.
22
qu’ils veulent toujours prolonger. Mais de notre coté on est clair avec les post-doctorant on
s’engage pour un an c’est tout. Je ne garantis pas la pérennité du poste » Directeur de
laboratoire- Chimie- CNRS/ institut Curie
Nous relativiserons cependant ce constat dans la 3ème partie puisque nous verrons que dans la
négociation visant à recruter les « meilleurs » chercheurs, les responsables des laboratoires
peuvent leur proposer leur soutien à l’INSERM ou au CNRS en vue d’un poste de titulaire
après le post-doctorat.
2 Les doctorants étrangers : une main d’œuvre plus rare à l’exception des
sciences économiques
2.1 Les doctorants : un « coût » d’intégration plus élevée
Surtout dans les sciences de la vie et la chimie, nous y reviendrons plus bas, les étudiants en
thèse représentent une main d’œuvre moins productive en terme de production scientifique.
Les laboratoires ne peuvent effectivement confier des sujets trop complexes à ces étudiants
puisqu’ils sont toujours au stade de l’apprentissage de la recherche et de ce fait moins à même
de traiter ce type de sujets.
« Moi je connais des labos qui ne veulent pas de thèses et qui ne prennent que des postdoctorants parce qu’ils jugent que les thésards ne sont pas assez « rentables » au niveau de la
recherche, c’est-à-dire si voulez grossièrement, le laboratoire avancera plus vite uniquement
avec des post-doctorants et des chercheurs confirmés» Directeur de laboratoire- Sciences de la
vie-CNRS
De plus, l’accueil d’un doctorant nécessite un encadrement pédagogique qui implique un
investissement en temps conséquent pour les chercheurs statutaires des laboratoires.
« Quand on prend un thésard, je le mets avec un statutaire ou un post-doctorant. C’est pour
l’encadrer c’est une obligation pour nous » responsable de groupe- Sciences de la vie- institut
CNRS/ INSERM
« Un post-doctorant on n’a pas l’aspect formation. Donc d’une certaine manière c’est moins
contraignant parce que lorsque je recrute un thésard, il faut que j’aie un chercheur qui puisse
l’encadrer. Ceci dit cela fait partie de notre mission d’encadrer des thèses, et on peut détecter
des gens brillants chez les thésards» responsable de groupe- Sciences de la vie - INSERM
2.2 Une main d’œuvre qui reste « utile »… surtout pour les sciences économiques
Pour autant, les responsables des laboratoires admettent que les doctorants participent bien à
la production scientifique du laboratoire et qu’ils constituent, à ce titre, une partie du
personnel également indispensable à la vie du laboratoire.
23
« En fait ici on est deux équipes dans le labo, moi j’en gère une. Ici on est donc 15 personnes
et dans l’autre ils sont 7 ou 8. Au sein de l’équipe j’ai des statutaires, des étudiants thésards et
des post-doctorants. Il y a peu près 4/ 5 personnes de chaque, je fais très attention à cet
équilibre entre notre personnel permanent et personnel qui tourne. Les statuaires c’est du
personnel qui vous accorde les moyens d’encadrement, ils peuvent diriger les projets et le
personnel qui tourne, les post-doctorants et les thésards, c’est un renouvellement permanent,
des personnes de nouveaux horizons. Pour ceux là, le taux de renouvellement ça doit être de 2
par an à peu près. Ici une thèse c’est relativement long. C’est pas comme en chimie, nous c’est
4 ou 5 ans. Moi en tant que responsable je suis toujours à la recherche de ce compromis. Mais
on est limité ici à l’INSERM. On a une politique qui limite de toute façon les expansions
abusives des laboratoires, vous ne verrez pas des labos qui ont une expansion de personnel
très importante » Chef d’équipe- Sciences de la vie - INSERM
Cette remarque concerne surtout les sciences économiques. Contrairement aux autres
disciplines des sciences « exactes » où se sont plus les résultats des post-doctorats qui sont
publiés dans les revues prestigieuses, dans les sciences économiques les doctorats sont plus
fréquemment publiés dans les revues les plus « cotées ».
« Toutes nos thèses sont publiées. C’est très important, ils ont deux ou trois ans pour faire une
publication mais c’est dans un des journaux du top 20 parce que le processus de publication
est assez long, ça prend en général plus d’un an. En plus, tous ces étudiants on leur finance
chaque année des conférences annuelles pour qu’ils se fassent connaître, ils se font des
réseaux de jeunes chercheurs pour publier entre eux comme ça ils s’invitent et travaillent
ensemble » Directeur de laboratoire - économie- CNRS/ Université
De ce fait, les doctorants dans les sciences économiques constituent une main d’œuvre plus
« rentable » en terme de publications que dans les deux autres disciplines étudiées.
3 Les professeurs invités : des échanges très prisés par les laboratoires
3.1 Les invitations permettent de nouer des collaborations scientifiques
Unanimement, les responsables des laboratoires étudiés, soulignent l’importance de ces
invitations ponctuelles pour l’activité du laboratoire. Pour eux, cela marque tout d’abord une
volonté d’ «ouverture » ou plus concrètement une occasion d’échanger des résultats de
chercheurs travaillant dans le même champ en vue d’améliorer leur production scientifique
réciproque.
« Les professeurs invités c’est une occasion de s’ouvrir sur ce que font les autres. Ca permet
aux étudiants et à nous aussi bien sur, de mieux réfléchir sur la portée des résultats auxquels
nous pouvons arriver » Directeur de laboratoire- Chimie CNRS/ ENS
De plus pour les laboratoires, le coût financier de ces invitations n’est généralement pas
imputé sur leur budget propre mais sur celui de leur institution d’appartenance. Les
24
financements de ces invitations sont attribués suffisamment régulièrement par les organismes
de recherche (INRA , CNRS, école normale supérieure, université… ) pour que les
laboratoires puissent les mobiliser lorsqu’ils le souhaitent. Ajoutons de plus que le coût des
invitations est également réduit du fait de leur durée restreinte.
« L’ENS a toujours un quota de professeurs invités qui se comptent en mois et que chaque
labo se partage. Il y a environ 40 mois pour 150 enseignants en sachant qu’il y a des postes
d’enseignants vacants. C’est moins que ça et en plus pour nous c’est plus facile parce qu’on
est le seul labo de physique donc on en a souvent » Directeur de laboratoire- chimie - ENS
3.2 Les (éternelles) rigidités administratives pénalisent le capital attractif des laboratoires
Si ces invitations sont prisées par les laboratoires, ceux-ci déplorent en même temps des
rigidités administratives lourdes qui rendent ces invitations peu attractives vis- à- vis de leurs
collègues invités. Les responsables des laboratoires évoquent aussi des crédits limités en
comparaison avec ceux dont disposent leurs homologues américains.
« Ce sont des profs invités qui viennent pour une courte durée une semaine ou 2 mois. Pour
les profs qui restent une année, c’est plus compliqué de trouver un financement. On utilise
alors plusieurs choses : soit on utilise les chargé de mission de l’INSEE ce qui n’est pas très
attractif pour les Américains, mais c’est plus facile avec les chercheurs européens. On peut
aussi avoir les postes rouges du CNRS (attribué sur dossiers profil du candidat, ils passent en
commission scientifique). Les gens qui viennent sont attirés par notre réputation scientifique,
d’autres sont en année sabbatique, d’autres qui sont co- auteur. Souvent on leur demande de
faire des cours sinon on les prend sur notre budget mais c’est pas le Pérou parce qu’on les
loge dans des hôtels moyens et les indemnités journalières sont modiques » Directeur de
laboratoire économie- INSEE/ CNRS
De plus, la contrepartie que doivent parfois les professeurs invités en heures de cours peut
dissuader certains d’entre eux et notamment les plus réputés (donc les plus sollicités) puisque,
comme nous le soulignions précédemment, cela représente une perte de temps dans la
réalisation de leurs travaux personnels.
« On arrive à avoir des professeurs prestigieux parce que le département est bon mais ce n’est
pas évident du tout. Le gros frein, c’est que les professeurs doivent donner 130h de cours. Pour
le CNRS, on ne peut pas inviter des gens qui ne parlent pas français par exemple. Avec les
financements de la Fac c’est plus libre mais il faut qu’ils (chercheurs invités) soient européens.
On n’a pas pu inviter un chercheur américain il y a 6 mois à cause de ces rigidités : le fait que
le CNRS n’a pas voulu donner les crédits à temps, lorsque lui pouvait. Alors il a eu des
propositions de Harvard et Chicago pendant ce temps. On a dû lui expliquer qu’on n’était pas
sûr d’avoir les financements pour ce mois là alors il a accepté les autres propositions. La
solution c’est qu’on arrive à avoir l’IUF (Instiut universitaire de France), qui invite des profs
en les déchargeant des cours. Mais c’est difficile à avoir/…/ On a même des profs qui viennent
sur leur propre financement. Aux USA quand on est invité c’est 150 000 dollars avec 1 heure
de cours » Directeur de laboratoire - Economie -CNRS/ Université
Face à ces contraintes, les laboratoires s’appuient sur leur propre réputation scientifique ain si
que sur l’attrait de la ville où ils sont situés. Les laboratoires implantés à Paris et à Toulouse,
25
que nous avons rencontrés, évoquaient cette ressource pour rendre leurs invitations plus
attrayantes.
« Et que voulez-vous… Paris au mois de juin ça ne se refuse pas non plus. J’aime venir à
Paris durant cette période, je peux aller voir de nouvelles expositions, voir des amis que j’ai
ici. Je profite de ces invitations aussi pour découvrir des villes européennes que j’adore »
professeur invité- Sciences de la vie - INSERM
« Quand ils viennent ici ce n’est pas pour l’argent sinon ils ne viennent pas. C’est d’autres
raisons comme la culture, la qualité de vie, ou alors pour des raisons plus personnelles, parce
qu’ils ont des amis dans le coin. Toulouse à ce titre c’est très attractif parce que la ville a un
passé culturel important, qu’elle est bien située, que la gastronomie est bonne et en plus
l’avantage c’est que le niveau de la vie est bas » Directeur de laboratoire- Economie-CNRS/
Université
4. Le vécu des chercheurs étrangers en France : un séjour jugé positivement à
l’exception des post-doctorants soumis à une forte pression
4.1 Les post-doctorants face à une lourde charge de travail et à des rigidités administratives
« typiquement » françaises
Les chercheurs se déclarent globalement satisfaits de leur expérience en France.
« Avant de partir, je savais que ça allait être une expérience riche. Au tout début je me disais
que je m’étais trompée parce que ça a été difficile (rires). Mais maintenant je suis très
heureuse d’avoir pu vivre un an et demi en France » Post-doctorante- Chimie- INSERM
« Je dirais que ma vie en France est très agréable. Bien sûr on reste toujours l’étranger quand
on se présente dans les soirées mais ça c’est pas grave. Maintenant je peux dire que je suis
parfaitement intégré. J’ai beaucoup d’amis français et je pense que même après mon post-doc
je reviendrai très souvent » Post-doctorant- Sciences de la vie - INSERM
Parmi les différentes catégories de chercheurs, ce sont les post-doctorants qui évoquent les
plus grandes difficultés dans le déroulement de leur séjour. Celles-ci sont tout d’abord d’ordre
administratives : du fait de leur statut « hybride » entre salariés et étudiants, les postdoctorants se trouvent par exemple confrontés à des problèmes pour l’attribution de leurs
cartes de séjour ou encore pour le remboursement de frais médicaux.
« Je ne veux surtout pas trouver un autre poste parce que j’en ai marre du statut de postdoctorant. Quand vous faites un post-doctorant, vous n’êtes ni étudiant, ni salarié et
l’administration française n’arrive pas à vous mettre dans des cases. Quand j’arrêterai mon
post-doc, je ne pourrais pas toucher le chômage. C’est pareil pour les remboursement des frais
médicaux. Comme je viens d’avoir une petite fille, je veux sortir de ce statut qui ne m’apporte
rien du tout » Post-doctorante/ Chimie/ CNRS
« Moi ils ont mis 4 mois pour me renouveler ma carte de séjour parce qu’ils ne savaient pas si
j’étais étudiant. J’ai essayé de leur expliquer mais l’administration n’a rien compris. Du coup,
cette affaire a pris 3 mois de courrier aller-retour pour finalement inscrire sur ma carte de
Précisons ici que ces difficultés administratives concernent les post-doctorants provenant des pays hors de
l’Union Européenne. Pour ceux qui y appartiennent les modalités d’entrée en France sont simplifiées.
26
séjour que j’étais étudiant ! Sinon on ne trouvait pas de solution » Post-doctorant/ Sciences de
la vie/ INSERM
De plus, les post-doctorants travaillant dans les laboratoires français les plus réputés avouent
être soumis à une pression forte en terme de résultats. Si pour les plus motivés d’entre eux, un
rythme de travail soutenu apparaît comme le « prix » de résultats intéressants qui vont servir
leur carrière, d’autres estiment démesurée la pression que le laboratoire leur inflige.
« Je ne vais pas renouveler mon post doctorat ici ça j’en suis sûr. Pourquoi ? parce que je
m’use la santé ici. Tous les vendredi on a un réunion entre post doctorat et les chercheurs pour
faire le point sur l’avancée de nos travaux. Toute la semaine du lundi au jeudi on bosse comme
des dingues pour pouvoir trouver des choses nouvelles à dire en séminaire. J’ai déjà vu des
post-doctorants pleurer dans les séminaires parce qu’ils craquaient » Post-doctorants/ Chimie/
CNRS/Institut Curie
4.2 La mobilité ouvre des perspectives supplémentaires
Vivant en France au moins un an (sauf pour les professeurs invités bien sûr), les chercheurs
étrangers rencontrés avouent toutefois que cette expérience prolongée de mobilité les amène
souvent à bouleverser leurs volontés préalables de retour dans leur pays d’origine. Beaucoup
de doctorants et de post-doctorants rencontrés, imaginaient s’établir en France pour la suite de
leur carrière.
« Ma copine et moi ça fait deux ans qu’on est à Paris et maintenant que les échéances sont là
on se dit qu’on resterait bien définitivement ici. C’est pourquoi on regarde les opportunités ici
et en Espagne. On serait pourtant un peu plus content si on était pris tous les deux en France.
Même si on adore toujours l’Espagne on s’imagine très bien vivre à Paris pendant au moins 5
ans encore » Post-doctorant- Sciences de la vie - CNRS
Pour d’autres, ce séjour les incite à renouveler l’expérience de vivre dans un autre pays.
« Vivre ici me donne surtout le goût de découvrir d’autres pays après ma thèse, des pays
comme l’Angleterre que je connais pas encore. Finalement je pense qu’il ne faut jamais partir
de son pays parce qu’une fois qu’on a connu autre chose, on n’a plus envie de revenir ! »
Doctorant économie- Université
27
III. L A VENUE DES CHERCHEURS ETRANGERS EN F RANCE, UNE
MOBILITE A DEUX FACES : LE MARCHE ET LE RESEAU
Nous avons, jusqu’à présent, id entifié pourquoi chaque catégorie de chercheurs étrangers
choisissait d’exercer une mobilité internationale ainsi que les stratégies développées par les
laboratoires. Il s’agit désormais d’analyser comment l’ « offre » des organismes de recherche
et la « demande » des chercheurs parviennent à se rencontrer. Nous démontrerons ici que
deux modèles distincts encadrent la mobilité des chercheurs étrangers : le marché et le réseau.
Même si ces deux modèles s’entrecoupent dans la réalité, nous constaterons que la circulation
des chercheurs obéit plutôt à un de ces deux modèles en fonction de la discipline scientifique
dans laquelle ils se trouvent.
1. La mobilité dans le modèle du marché : les « meilleurs » laboratoires attirent
les «meilleurs » candidats
1.1 les post-doctorants en chimie et dans les sciences de la vie : un marché structuré par la
course à l’excellence
1.1.1 La demande des post-doctorants : la recherche du « meilleur » laboratoire
En fonction de quels critères les post-doctorants étrangers choisissent-ils les laboratoires
français susceptibles de les accueillir ? Il s’agit d’analyser maintenant ce qui constitue le
capital attractif d’un laboratoire et les exigences des postulants.
Le capital « attractif » des laboratoires
Les laboratoires prestigieux sont tout d’abord ceux qui disposent d’une liste conséquente de
publications. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle publication. En sciences de la vie et en
chimie, elles sont classées selon des « critères d’impact » qui hiérarchisent les revues. Ainsi,
les revues « dites » généralistes comme Nature (pour l’Europe) ou Science (pour les EtatsUnis) pour les sciences de la vie et le Journal of Chemical Physic pour la chimie représentent
le haut de cette hiérarchie tandis que les revues plus spécialisées se situent à l’autre extrémité
dans les deux disciplines.
28
« En sciences de la vie vous avez des facteurs d’impacts comme on dit, que l’on peut toujours
discuter mais qui existent. Le principe est le suivant : vous avez des revues spécialisées qui
touchent à tous les domaines des sciences de la vie : l’immunologie, la peau etc… et les revues
généralistes comme Nature que normalement tout le monde doit pouvoir lire. Ce sont ces
revues généralistes qui vous procurent le plus « grand facteur impact » Chef de groupeinstitut CNRS/ INSERM
« Le prestige en chimie c’est le niveau des publications, le niveau de vos invitations aux
conférences internationales, les publications dépendent du facteur d’impact : Nature, Science,
Journal of chemical physic » Directeur de laboratoire- Chimie- CNRS
La fréquence des invitations des chercheurs à des colloques internationaux participe
également au prestige du laboratoire.
« Je suis souvent invité à des colloques un peu partout. J’ai fait plus de 200 publications ce
qui fait que les gens qui s’adressent à nous, ont déjà entendu parlé de nous. C’est aussi ça qui
nous rend attractifs vis-à-vis des chercheurs qui postulent chez nous » Chef de groupe- institut
CNRS/ INSERM
1.1.2 Les exigences des post-doctorants dans le choix du laboratoire
Le choix du laboratoire : les critères scientifiques
Au moment de leurs démarches quant au choix de leur laboratoire d’accueil, les futurs postdoctorants se déterminent selon les critères énoncés plus haut établissant le prestige de
l’organisme : les publications dans les revues généralistes les plus « cotées » et la présence
des chercheurs aux colloques internationaux. C’est en fonction de ces critères « rationnels »
que les post-doctorants établissent leur choix.
« L’immunologie c’est un domaine qui est déjà bien bouché où il y a beaucoup de chercheurs
donc pour mon post-doctorat je voulais changer un peu de domaine. C’est pour ça que j’ai
choisi la biologie du développement. Alors à la fin de ma thèse, j’ai suivi quelques cours dans
ce domaine et j’ai postulé dans plusieurs labos à la fin de ma thèse. Mes recherches pour les
labos, je les ai faites par Internet avec le serveur « pub med », où là on peut croiser les
domaines que vous recherchez ou les spécialités et on vous sort tous les labos du monde qui
travaillent sur ce domaine avec leurs listes de publications. Les publications c’est important,
ça renseigne sur l’activité du laboratoire » Post-doctorant- Sciences de la vie INSERM
« Du Québec, vous ne connaissez pas nécessairement le CNRS ou l’INSERM par contre
l’institut Pasteur ça vous connaissez. D’ailleurs tous les chercheurs dans le monde le
connaissent » Post-doctorant INSERM
Le choix du laboratoire d’accueil est également déterminé en fonction du thème de recherche
que le post-doctorant a choisi de développer. Le laboratoire retenu sera alors celui qui lui
apportera la plus grande expérience dans ses futures recherches.
« Ici à Paris j’ai vu 3 labos, j’ai pris celui-ci parce que les autres n’avaient pas de grosse
expérience dans le domaine du développement embryonnaire. Ils m’ont dit que c’était assez
novateur pour leur labo même s’ils étaient assez réputés comme l’Institut Pasteur, j’ai choisi
ce labo parce qu’il avait une grosse expérience dans le domaine» Post-doctorants INSERM
29
« J’ai trouvé cette opportunité parce que j’ai un ami qui y travaillait avant, j’ai su qu’il
cherchait une personne en post-doctorat. Je ne prenais pas de risque sur ce labo parce qu’il a
une très bonne réputation en Angleterre et en Europe, je le connaissais avant de venir» Postdoctorant- Chimie - Institut curie/ CNRS
Enfin, les post-doctorants sont attentifs à l’ambiance du laboratoire. Une bonne ambiance
constitue un « plus » dans le choix du laboratoire.
« Ici j’ai tout de suite senti que les gens étaient sympas. En discutant avec les autres
chercheurs tout le monde m’a dit : « tu vas voir c’est sympa ici » et ça m’a influencé sûrement
parce que quand vous quittez votre pays c’est important d’être dans une ambiance sympa. Si tu
te retrouves avec des gens qui ne te parlent que boulot tu meurs » Post-doctorant- CNRS
Les moyens de sélection : Internet et le réseau de connaissance
Les post-doctorants sélectionnent les laboratoires selon deux moyens : 1. par le serveur
Internet « PUB MED » et 2. par les réseaux de connaissances des amis ou collègues.
Le serveur « PUB MED » permet au doctorant d’avoir accès à l’ensemble des laboratoires
travaillant sur les thèmes de recherche souhaités ainsi que leurs publications.
« Mon thème de recherche je le connaissais, je savais que continuerais à travailler sur le
développement donc j’ai tapé mon thème sur Internet et j’ai eu la liste des labos, ensuite j’en ai
retenu 4 et ensuite j’ai postulé aux quatre » Post-doctorant- Sciences de la vie-INSERM
Pour
les
post-doctorants,
les
réseaux
de
connaissance
apportent
des
garanties
complémentaires dans la sélection du laboratoire. Il apparaît en effet plus rassurant de
bénéficier des conseils d’un collègue ou ami qui connaissent les mêmes préoccupations :
ambiance, méthodes de travail utilisées, conditions de travail .
« Je connaissais le labo par une copine qui était en post-doctorat depuis un an. Elle m’avait
conseillé de postuler parce que c’était sérieux mais aussi parce que l’ambiance était bonne »
Post-doctorant- Sciences de la vie-INSERM
« A la fin de ma thèse, j’ai fait un exposé aux journées scientifiques et le directeur de ce labo
est venu me voir pour me proposer un post-doctorat mais en réalité il l’a proposé parce qu’il
connaissait très bien mon directeur de thèse, il n’y avait pas de compétition parce que c’était
un post-doctorat fléché, un poste rouge du CNRS » Post-doctorant- Chimie-CNRS / institut
curie
Le choix de la France : le poids des raisons personnelles
En plus des critères rationnels décrits ci-dessus, les post-doctorants évoquent également des
raisons plus personnelles dans leur venue en France. Ainsi, la mobilité devient un choix
On retrouve ici les dispositifs de jugement par L. Karpik (1996) et en particuliers ceux qui reposent sur la
confiance personnelle (réseaux d’amis).
30
concerté avec la conjointe/ conjoint du chercheur. Elle est encore motivée par la proximité
avec leur pays d’origine ou enfin par l’attrait de la culture européenne et de la France en
particulier.
« Moi je m’étais fixé sur l’Europe parce que je connaissais un peu déjà. Ma mère est
autrichienne et mon père est belge. Alors j’ai fait plusieurs entretiens en Allemagne, en
Autriche et en France » Post-doctorant-Sciences de la vie- CNRS
1.2 Des modes de recrutement qui varient en fonction du capital attractif
1.2.1 Une méthode de recrutement « à l’Américaine » pour les laboratoires les plus
attractifs
Chaque laboratoire ne dispose pas des mêmes capacités d’attraction vis à vis des postulants
étrangers.
Cette variable agit sur les modes de recrutement des laboratoires. Les laboratoires
« attractifs » emploient alors des méthodes de recrutement très sélectives tandis que les moins
réputés cherchent à démarcher les postulants potentiels.
Ainsi, lorsque le laboratoire est attractif/ réputé, celui- ci utilise une méthode de recrutement à
l’ «américaine » : il s’agit d’accueillir le candidat dans le laboratoire et de lui faire présenter
un séminaire pour exposer ses travaux et les soumettre à la discussion des membres du
laboratoire. Cette méthode est considérée par les responsables des laboratoires comme la plus
efficace pour juger de la valeur du candidat.
« C’est pas toujours facile de reconnaître la qualité du candidat. Tout dépend d’où vient le
candidat. Quand il vient de l’union européenne on peut le convoquer, discuter avec lui, lui
faire faire un séminaire : c’est ça la meilleure façon de juger. A la limite la lecture du CV et
des publications est parfois informative. Un nord américain c’est plus difficile de le faire venir
même si on peut le faire. Moi je l’ai fait pour mon post-doctorant canadien. Une fois que le
candidat nous semble bon, on discute du projet ensemble » Chef de groupe INSERM
« Pour le recrutement, je vais discuter avec la personne, on regarde son CV, son discours, et
son projet. Après ça on lui fait faire un séminaire et il va discuter avec les autres personnes de
l'institut afin de voir s’il s’intéresse aux autres. Pour nous c’est très important car ici on a
l’habitude de travailler en équipe » Chef de groupe Institut INSERM/ CNRS
Pour ces mêmes laboratoires, les propositions de recrutement des chercheurs passent
également par l’intermédiaire des réseaux de connaissances qui se nouent lors des colloques.
Dans ce cas, la confiance entre collègues permet de recommander des candidats.
« Recruter quelqu’un, cela se fait au gré des rencontres. Il y a aussi des demandes spontanées
mais après surtout c’est le problème du financement. Quand on a un contrat, ça va il faut
31
qu’on mette quelqu’un dessus, il nous faut des mains. Sinon il faut chercher une bourse » Chef
de groupe- institut INSERM/ CNRS
1.2.2 Les laboratoires moins attractifs démarchent les post-doctorants
Lorsque le laboratoire est peu connu donc peu attractif, la démarche est inverse. Ces
laboratoires recevant peu de candidatures spontanées, ils sont alors contraints de trouver du
personnel pour assurer leur production scientifique. Dans ce cas, ce sont plutôt eux qui
démarchent les chercheurs mais, une fois qu’ils se sont assurés du mode de financement.
Ainsi, ils postulent aux appels d’offre ou bénéficient de l’ATIP (dans le cas du CNRS,
financement attribué à une équipe de recherche prévoyant un post-doctorant) et ils cherchent
parallèlement des postulants.
« Pour la Chinoise (post-doctorante) elle dispose d’une bourse du ministère de la recherche.
C’était un appel d’offre que j’avais déniché. Je passe du temps sur Internet pour voir quels
sont les appels d’offre. Là c’était un appel d’offre particulier d’échange France-Chine. Là je
suis en train d’en regarder un qui concerne l’Amérique latine » Chef de groupe- CNRS
« Dans l’ATIP du CNRS il y a des postes rouges qui sont payés par le CNRS, donc on avait la
possibilité de prendre un post-doctorant mais on ne savait pas où chercher et surtout qui
engager. C’est un problème parce généralement on manque de bras. Le gros problème de la
France c’est qu’on est très mal payé. Les biologistes préfèrent aller aux USA dans les labos les
plus connus. En France les post-doctorants se disent on va aller chez les cadors comme
l’institut Pasteur, université Curie… Pour en revenir à lui, le CNRS a passé une annonce dans
Nature, qui est la revue de référence en Sciences de la vie et on n’a eu aucune réponse. Alors
l’été dernier j’ai passé dix jours à plein temps à rechercher quelqu’un. Donc je me suis tapé
tous les sites des universités et j’ai envoyé des mails à tout le monde, je crois que j’ai envoyé
plus d’une centaine de mails et j’ai eu 3 réponses ! Alors je les ai convoqués tour à tour et j’ai
pris celui qui n’avait pas forcément le meilleur CV. La recherche ce n’est pas que des
publications vous savez, j’ai pris celui qui était le plus curieux de ce que l’on faisait : il s’était
déjà renseigné sur ce que l’on faisait. » Chef de groupe- CNRS
1.3 Le problème des modes d’attribution des bourses : un handicap dans la course aux
meilleurs
1.3.1 Une attribution sur le profil du candidat
Au moment du recrutement des chercheurs étrangers, la mobilisation des financements
constitue le problème majeur auxquels les responsables des laboratoires sont confrontés.
« Avoir des candidatures c’est une chose, mais ensuite trouver des financements, là c’est plus
délicat. On ne peut pas nous, sur le budget du laboratoire, verser des salaires comme ça,
comme on le souhaite. Ce qu’on fait alors, c’est qu’on sollicite des bourses lorsqu’on veut
recruter quelqu’un, mais c’est jamais confortable parce qu’il y a une forte concurrence pour
l’obtention des bourses» Chef de groupe CNRS
32
En effet, lorsque les laboratoires désirent verser un salaire à un post-doctorant, ils sollicitent
dans la plupart des cas des bourses de recherche spécifiques telles que les bourses Marie Curie
(contrats de recherche sur deux ans), les bourses européennes ( bourses d’une durée de 3 ans),
les bourses délivrées par les associations type ARC, Ligue contre le cancer, ou encore des
bourses internationales du ministère de la recherche ou des affaires étrangères.
Enfin, ajoutons que les laboratoires peuvent financer des salaires sur des contrats de recherche
finalisés avec des entreprises privées mais ceux-ci sont, dans les laboratoires rencontrés,
épisodiques et rares.
« On peut avoir quelques financements privés mais c’est très rare et très ponctuel, on a peu de
contact le privé. Lorsque l’on en a, c’est ponctuel. C’est quand certaines entreprises veulent
faire de la recherche fondamentale » Chef de groupe- CNRS
Ce mode de financement s’avère problématique puisque la sélection pour l’obtention de ces
bourses est axée sur le profil du candidat et dans une moindre mesure sur le projet qu’il
propose. De ce fait, les laboratoires ne peuvent solliciter ces modes de financements sans
avoir un candidat au préalable.
Ce mode d’attribution handicape alors le recrutement puisque les laboratoires sont contraints
d’attendre les demandes des post-doctorants pour, dans un deuxième temps présenter leur
candidature aux bourses.
« Les bourses ce n’est pas toujours le même montant. Les plus favorables, ce sont celles de
l’union européenne qui sont les plus longues et les mieux payées. Elles sont attribuées plus sur
le candidat lui-même et son profil, ensuite vient le sujet mais ce n’est pas primordial. Le
candidat est jugé sur ses publications, sa thèse et son impact scientifique on pourrait dire. Le
labo d’origine, c’est un plus mais ce n’est pas primordial » Chef de groupe- INSERM
Dans cette perspective, les responsables des laboratoires ne peuvent pas garantir le montant et
la durée d’un financement aux postulants puisqu’ils vont faire plusieurs demandes de bourses.
Dès lors et d’après ces derniers, lorsque cette garantie n’est pas acquise par les postulants,
certains préfèrent accepter des propositions d’autres laboratoires présentant plus de garanties
sur ce plan. Ceci entraîne par conséquent la fuite des « meilleurs » postulants.
« C’est ça le problème majeur. On n’est jamais certains d’en avoir une. C’est pour cela qu’on
en demande plusieurs et une fois qu’on a plusieurs, on prend celle qui est la plus avantageuse.
C’est un problème parce qu’on ne peut jamais assurer à nos candidats qu’ils vont avoir un
financement. Cela constitue un problème dans l’attractivité du labo parce qu’on ne peut pas
promettre au candidat à 100% qu’il sera financé, il y aura toujours un risque. Alors eux font
plusieurs démarches et ils regardent les labos qui sont sûrs de les payer et là, ils nous filent
entre les doigts. Je peux dire que j’ai eu à peu près 1 postulant sur 3 qui nous intéressaient,
avec qui les négociations étaient avancées et qui préfère aller ailleurs. C’est par exemple ce
33
que fait l’institut Curie. Les labos postulent à des projets, ils sont financés et ensuite ils
cherchent le candidat, ce qui est plus intelligent à mon avis » Chef de groupe- laboratoire
INSERM
« Le problème c’est que ces bourses sont limitées dans le temps. Une bourse de la ligue c’est
renouvelable chaque année mais pour deux ans maximum. On ne peut pas leur assurer une
grande pérennité dans les financements. En France c’est pas facile, même ensuite pour un
poste de statutaire, on ne peut rien garantir, on ne peut présenter qu’un nombre limité de
personnes chaque année. Même si on demande une bourse à l’ARC ou la Ligue, c’est pas à
100%/ 100% garantit qu’il l’obtienne » Institut INSERM/ CNRS
Ce handicap reste relatif et s’applique surtout dans la course aux meilleurs candidats
susceptibles d’être recrutés par les laboratoires les plus prestigieux tel que l’institut Pasteur.
« Moi je n’ai jamais eu d’échec au niveau des bourses, j’ai toujours réussi à en obtenir une.
Ca fait 15 ans que je suis là et je connais bien aussi les comités d’attribution de ces bourses,
donc j’ai une garantie d’en obtenir qui n’est pas de 100% mais disons de 98% » Chef de
groupe- INSERM
1.3.2 Les exemples de laboratoires usant de ressources particulières pour palier le
problème de l’attribution des bourses
• Le cas d’un institut CNRS/ INSERM : les contrats privés nombreux et une double affiliation
permettant de rivaliser dans la course aux meilleurs
Au cours de notre enquête, nous avons rencontré le cas d’un institut de génétique moléculaire,
unité mixte de recherche CNRS/INSERM qui parvenait à mobiliser deux types de ressources
lui permettant d’être plus compétitif dans la course aux meilleurs candidats.
Tout d’abord, cet institut dispose de fonds privés proportionnellement supérieurs aux autres
laboratoires. Grâce à ces financements privés, l’institut peut se permettre de recruter dans
l’immédiat un « bon » candidat lorsqu’il se présente à eux en attendant l’attribution d’une
bourse. Ceci lui permet de palier le problème de la garantie des financements vis à vis des
doctorants que nous évoquions plus haut.
La seconde ressource pouvant être utilisée par l’institut dans le recrutement des « meilleurs »
post-doctorants est la garantie de les soutenir et les présenter aux concours de statutaires dans
ses deux organismes de tutelle : CNRS et INSERM. Ce fût par exemple le cas d’un chercheur
espagnol qui après avoir cumulé deux post-doctorats dans des universités prestigieuses
d’Angleterre, postule pour un autre post-doctorat à l’institut avec l’idée d’intégrer, à terme,
l’INSERM ou le CNRS. Jugeant ces recherches excellentes, un chef de groupe de l’institut lui
34
offre la garantie de le présenter à un poste de titulaire dans une des deux institutions à la suite
d’un autre post-doctorat.
« Alberto notre post-doctorant est venu avec un projet précis mais je pense qu’il était venu
avec une idée derrière la tête d’intégrer l’INSERM comme statutaire, les post-doctorants sont
soucieux de voir s’il y a des débouchés après. Avec Alberto on a fait affaire. Il m’a dit est- ce
que vous me présenterez à l’INSERM après ? Moi je lui ai dit qu’on essayerait mais que je ne
pouvais pas garantir ça. Je lui ai dit « je propose qu’on travaille ensemble pendant deux ans ».
Ca fait 5 ans qu’on est ensemble et il a été recruté l’année dernière » Chef d’équipe- institut
CNRS/ INSERM
Concernant cette ressource particulière, précisons ici que nous ne pouvons généraliser son
utilisation par cet institut de recherche. Nous avons en effet, relevé son utilisation uniquement
pour le cas particulier de ce post-doctorant.
• Le cas d’un laboratoire de chimie du CNRS capable d’introduire de la «souplesse »
administrative
Nous avons également relevé l’exemple d’un laboratoire de chimie du CNRS qui parvenait à
attirer les meilleurs candidats en leur garantissant un financement au moment même de leur
recrutement. Pour ce faire, le directeur du laboratoire parvient à épargner une partie de son
budget qu’il destine exclusivement au recrutement des post-doctorants. De même que dans
l’exemple précédent, ces « économies » grâce aux nombreux contrats industriels que parvient
à obtenir le laboratoire.
De plus et dans les cas où ces économies sont insuffisantes pour pouvoir recruter un postdoctorant, ce directeur parvient à s’ « arranger » avec une de ses deux institutions
d’appartenance, l’Institut curie, afin qu’elle lui avance une partie des fonds en attendant
l’attribution d’une bourse ou un autre mode de financement du post-doctorat.
« Quand un candidat vous intéresse vous pouvez boucher les trous. L’Anglais en Postdoctorat qui est là, il a commencé son contrat le 1 juillet, mais j’avais le poste rouge du CNRS
uniquement le 1 avril. Donc je suis allé voir Curie pour leur demander de m’avancer 3 mois
parce qu’il était bon, en leur montrant le papier du CNRS qui stipulait qu’il serait payé à
partir de cette date. Curie a dit oui, pour m’arranger. Je jongle avec les crédits parce qu’en
France si vous voulez quelqu’un, vous trouvez un candidat il vous faut 6 mois de délais. Donc
ce que je fais c’est que je garde l’argent privé et je demande quand même le CNRS comme ça
je garde de l’argent sous le coude. Là en ce moment j’ai deux ans de post-doctorants. Là j’ai
un post-doctorant gabonais que je veux garder une année supplémentaire : je vais le payer sur
ces économies » Directeur de laboratoire - Chimie - CNRS/ Institut Curie
35
1.4 Les candidatures des pays en voie de développement et celles des pays aux réputations
scientifiques prestigieuses : deux populations peu concernées par des post-doctorats en
France
Dans cette logique de course à l’excellence, certains post-doctorants étrangers sont peu
présents mais pour deux raisons différentes :
‘
Il s’agit tout d’abord des chercheurs des pays comme les Etats unis, l’Angleterre pour les
sciences de la vie ou comme l’Allemagne pour la chimie dont la recherche bénéficie d’une
réputation mondiale. Ces chercheurs n’ont pas conséquent aucune raison de rechercher une
mobilité en France puisque leurs structures nationales sont plus performantes.
« Ce sont essentiellement des thésards mais ils ne viennent jamais d’Allemagne , de Grande
Bretagne ou des USA (rires) s’il y en a c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas » Chef de
groupe- CNRS
« Moi ici j’ai pas les moyens de retenir les gens parce qu’il n’y a pas beaucoup de postes. Là
bas les salaires, les crédits de fonctionnement sont beaucoup plus importants donc ils raflent
tout le monde. Mais d’un autre coté on ne peut pas garder les gens indéfiniment, il faut qu’ils
partent aussi sinon on serait en surcharge » Chef de groupe- CNRS
A l’inverse, les chercheurs des pays en voie de développement comme l’Afrique ou l’Inde
par exemple éprouvent des difficultés à intégrer les organismes de recherche français faute de
pouvoir être évalués par des critères d’évaluation significatifs à l’aune des habituels : les
publications internes dans ces pays ne bénéficiant pas d’une reconnaissance internationale et
les structures de recherche étant insuffisamment équipées, les responsables des laboratoires
français se disent dans l’incapacité d’évaluer les compétences de ces chercheurs.
« Le plus problématique, c’est pour les candidats qui viennent des pays en voie de
développement comme la Chine, l’Inde, l’Amérique du sud qui constituent la majorité des
demandes de post-doctorants. Parce que tout d’abord on ne peut pas juger bien leur travail
parce qu’ils publient dans des revues chinoises qu’on ne connaît pas du tout, donc on n’a pas
les moyens des les évaluer sur le papier. On n’a pas d’idée de leur valeur. En plus ils ont fait
leurs thèses dans des conditions de recherche souvent difficiles ; l’état des labos n’est pas bon
et on ne peut pas les faire venir comme ça. Et en plus, il y a des facteurs culturels
défavorables. Je pense notamment à un visiteur chinois qu’on a eu, ils ont une faculté à dire
« oui » à toutes les questions qu’on leur pose même s’ils veulent dire non. Donc imaginez si je
dois expliquer une manip à quelqu’un qui n’a rien compris et qui me dit oui ! C’est un
problème. Donc on ne recrute jamais des gens de ces pays là et à la limite les demandes des
nord américains et des européens me suffisent largement » Chef de groupe- INSERM
En revanche, ces post-doctorants sont recrutés plus facilement par les laboratoires peu
« attractifs » qui manquent de « bras ». Pourtant et même dans ces cas là, cela n’estompe pas
les réticences que peuvent éprouver les responsables de ces laboratoires. Citons à titre
36
d’exemple, les doutes évoqués par un chef de groupe du CNRS qui évoque le « risque » qu’il
avait pris à ce moment là.
« Pour elle (doctorante chinoise) j’ai pris un risque parce qu’on avait juste fait trois échanges
de mail. J’aurais pu me retrouver avec quelqu’un d’incompétent et de caractériel. Tout le
monde me demandait « alors la Chinoise ? » En fait j’ai eu de la chance parce qu’elle est très
bien » Chef de groupe- Sciences de la vie- CNRS
2. Les doctorants : un marché plus restreint et moins structuré
2.1 Une offre limitée
Comme nous l’indiquions dans la première partie, la thèse se déroule généralement dans un
laboratoire dont on est originaire. De ce fait, les laboratoires privilégient l’accueil de
doctorants français issus des DEA. Pour les laboratoires, la filière nationale constitue donc la
principale source de recrutement des doctorants.
2.2 Les doctorants étrangers comme substituts des doctorants français
Pour autant, nous avons relevé des laboratoires qui accueillent des doctorants d’origine
étrangère. Pour ces derniers, l’intégration des doctorants étrangers vient palier leurs difficultés
à recruter des étudiants français sortis des DEA.
C’est le cas d’un laboratoire de biologie du développement du CNRS, dans l’incapacité
d’attirer des doctorants potentiels français à la sortie du DEA. Ces derniers orientent leur
candidature vers des laboratoires plus prestigieux tels que l’institut Pasteur. Ce laboratoire
souffre donc d’une pénurie de candidats face au grand nombre de laboratoires de Sciences de
la vie qui existent à Paris.
« A Nice c’était plus facile parce que c’est plus petit. Il n’y a qu’un DEA de pharmacologie
avec un nombre relativement restreint d’étudiants alors qu’à Paris la sélection en DEA de bio
est draconienne. A Paris, le DEA de bio naturelle est très coté. Il y a à peu près chaque année
300 candidats et ils n’en retiennent que 16, évidemment les meilleures maîtrises ou des gens
qui viennent des grandes écoles, Polytechnique. Alors les meilleurs ils ne viennent pas chez
moi. Ils vont dans les labos les plus connus, chez ceux qui ont le plus de chance d’obtenir le
prix Nobel comme l’institut Pasteur. La biologie du développement c’est très vaste comme
domaine, ça va du système nerveux aux maladies génétiques. Moi en plus mes oursins c’est
exotique. Donc normalement les étudiants font le tour des labos fin juin début juillet pour se
décider, mais moi j’ai jamais personne. Cette année j’ai un colloque fin juin, je vais y aller
parce que je suis sûre que personne ne viendra. C’est ça mon problème. A Nice c’était plus
facile, il n’y avait pas une sélection énorme des dossiers » Chef de groupe- laboratoire- CNRS
37
C’est également le cas d’un laboratoire de sciences économiques qui dispose d’une
importante capacité d’accueil de doctorants et qui ne parvient pas à trouver suffisamment de
candidats français chaque année. Ce laboratoire recrute alors des doctorants étrangers pour
palier également les insuffisances du marché français. Nous verrons dans la prochaine partie
que cette volonté s’inscrit dans une stratégie de construction de réseaux sous jacente.
« Il y a la carence des étudiants français mais aussi la volonté de s’ouvrir. Les bons étudiants
ils sont partout. Avoir 20 bons étudiants français c’est pas possible parce que Paris truste tous
les meilleurs étudiants en éco. C’est plus traditionnellement Normal sup et Polytechnique qui
sont privilégiés par les étudiants. Les très très bons montent donc à Paris. Nous, on a une
filière de recrutement locale avec le magistère, le magistère est bon et on arrive à avoir un
recrutement de bonne qualité parce qu’on a pas d’échec finalement mais on ne peut pas avoir
les 20 nouveaux doctorants par an qu’on recherche » Directeur de laboratoire- économie CNRS- université
Ainsi, ces exemples démontrent que les laboratoires soumis à une forte concurrence dans le
recrutement des doctorants, ont recours aux étudiants de nationalité étrangère.
« On a, à peu près la moitié des thésards qui viennent de l’étranger. Pourquoi ? Parce qu’on
a un peu une pénurie d’étudiants de DEA » Chef de groupe- CNRS
2.3 Les doctorants étrangers apportent un financement « clé en main »
Pour les laboratoires français, les étudiants étrangers présentent l’avantage d’apporter un
financement « clé en main ». En effet, ces doctorants bénéficient pour la plupart, de bourses
« fléchées » c’est- à-dire une attribution conditionnée au déroulement de la thèse dans un
laboratoire étranger .
« Je suis chinois et j’ai eu l’opportunité pour faire ma thèse à l’étranger, c’était une bourse
fléchée soit en France soit au Japon. Une fois que je l’ai eue, il faut contacter des
laboratoires » Doctorant- Sciences de la vie- CNRS
Les laboratoires faisant face à une pénurie de cand idatures perçoivent donc favorablement
l’apport de ces doctorants dans la mesure où ils viennent compléter l’équipe de recherche sans
pour autant chercher à mobiliser un financement spécifique pour eux.
« Obtenir une bourse pour un doctorat ce n’est pas évident et les étrangers viennent eux avec
leurs propres bourses. En Sciences de la vie on a des difficultés à payer quelqu’un » Chef de
groupe- CNRS
Ce laboratoire accueille 70 doctorants, ce qui implique, selon le directeur du laboratoire, un taux de
renouvellement annuel de 2O doctorants.
C’est par exemple le cas du côté français des bourses spécifiques prévues dans le cadre de coopération avec
des pays particuliers délivrées par le ministère des affaires étrangères. Ou encore des bourses délivrées par
les pays d’origine des doctorants étrangers.
38
De plus, les laboratoires se montreront moins exigeants sur la qualité de la formation du
candidat-doctorant qui se présente à eux puisque le doctorat est avant tout une période de
formation.
« On est moins attentif au CV pour les doctorants parce que vous ne pouvez pas obtenir d’une
thèse qu’elle produise des résultats trop ambitieux /…/ On est plutôt axé sur la motivation du
thésard à venir travailler dans le laboratoire » Directeur de labo- Sciences de la vie- INSERM
« Un thésard vous savez s’il est bien encadré, il doit réussir sa thèse » Directeur Economie CNRS/ université
Dans cette perspective, les laboratoires peuvent recruter des chercheurs de toutes nationalités
y, compris les candidats des pays « sous développés » que nous évoquions plus haut.
« Non, on ne fait pas de classement par pays (concernant le recrutement des doctorants
étrangers). Pour les Africains ou les Coréens on prend ceux qui ont fait des maths, comme les
Russes. Dans tous ces cas on reprend tout à zéro mais il faut qu’ils aient une formation en
math solide. Mais on connaît les Coréens, on connaît les bonnes universités de maths et pour
les Africains souvent ils ont fait leurs études en France. Les Chinois, on commence mais ils
vont plus aux USA ils ont des accords de coopération plus particuliers » Directeur Economie CNRS/ université
2. Une mobilité inscrite dans le cadre de la construction des réseaux : l’échange
de chercheurs comme point d’ancrage à la coopération
Dans ce modèle, la circulation des chercheurs est organisée dans le cadre de collaborations
formalisées ou non qui s’établissent entre les laboratoires ou entre chercheurs.
2.1 Formes et utilités des réseaux scientifiques
Dans notre étude, nous avons recensé deux formes de réseaux : les réseaux formalisés par des
contrats ou des conventions et les réseaux informels, soit des collaborations plus lâches qui
existent sans cadre juridique ou conventions particulières.
2.1.1 Les réseaux formels : le rôle prépondérant joué par l’union européenne
Les réseaux formels établissent des collaborations entre organismes de recherches publics ou
privés, établies sous une forme juridique précise à savoir des contrats ou conventions de
collaboration formelles précisant la nature et la durée du projet de recherche ainsi que le
partage des compétences entre les participants.
39
Dans notre étude, ces réseaux formels sont le plus fréquemment représentés par les
conventions de coopération proposées par l’union européenne : il s’agit notamment du réseau
UNICA (Réseau des universités des capitales d'Europe) ou encore COIMBRA GROUP.
« On appartient au SIRAD, un réseau européen. Avec ces laboratoires étrangers, on a des
métiers complémentaires. Eux font des recherches qu’ils appliquent à des domaines différents
des nôtres. Ils nous apportent la connaissance sur des produits qu’on ne connaît pas et eux ne
font pas de recherche fondamentale, ils finalisent plus leurs recherches parce que nourrir les
gens pour eux c’est la priorité » Directeur de laboratoire chimie INRA
Par ces réseaux, l’union européenne souhaite favoriser des collaborations entre des
organismes de recherche privés et publics appartenant à la communauté en finançant des
projets de recherche menés en commun : ainsi, un laboratoire de recherche de l’INRA où nous
avons mené une partie de notre étude, participer à un réseau européen de ce type avec un
laboratoire public espagnol et une entreprise de Lettonie. Le but du projet de recherche est
d’étudier les processus de croissance chimique de fruits particuliers. Le partage des
compétences s’établit ainsi : le laboratoire de l’INRA et le laboratoire espagnol prennent en
charge la partie dite de «recherche fondamentale» tandis que l’entreprise Lettonne s’occupe
de toute la partie recherche appliquée à savoir le développement industriel des produits.
« Je rentre dans un projet européen financé par la commission européenne où 4 pays
participent avec des laboratoires publics et des entreprises. L’idée c’est d’avoir une approche
pluri disciplinaire. Par exemple la Lettonie qui y participe nous envoie les fruits à analyser.
C’est nous qui nous en occupons » Post-doctorant- Chimie - INRA
D’après les responsables des laboratoires interrogés, l’efficacité de ces réseaux est
conditionnée à la qualité des relations personnelles existantes entre les différents participants.
« Cette collaboration est formalisée. Mais elle marche bien parce qu’on connaît bien les gens.
Le mieux c’est que l’on travaille en commun. Il y a par exemple des laboratoires qui nous
envoient des échantillons et nous demandent de les analyser parce qu’on a des techniques
d’analyse très au point ici à l’INRA. Notre équipement attire en fait les chercheurs. Par
exemple, on a reçu un chercheur africain qui est venu étudier 2 mois différentes variétés de
manioc. » directeur de laboratoire chimie INRA
L’échange de personnel peut être prévu dans le cadre de ces réseaux. Il peut ainsi s’agir, dans
ce cadre conventionnel, du financement d’un post-doctorat attribué à un étudiant d’un
laboratoire partenaire.
2.1.2 Les réseaux informels : des ajustements personnalisés
Les réseaux informels sont des collaborations non contractualisées qui reposent plutôt sur des
relations interpersonnelles. Ces relations ont ainsi été conjointement éprouvées par les
40
chercheurs dans des collaborations passées (projets de recherche menés conjointement,
publications communes, échange de personne l…..).
Dans ces différents cas, la qualité des relations interpersonnelles entretenues revêt une
importance capitale par la pérennité de cette forme de collaboration.
«J’aime bien travailler avec mes copains qui travaillent soit dans le privé soit dans le public
parce qu’il est évident qu’avec eux, le café se fait tout seul. On sait tout de suite où on va»
Responsable équipe- Sciences de la vie - INSERM
Cette forme de collaboration plus « lâche » est la forme la plus prisée par les chercheurs.
Reposant sur une confiance mutuelle, elle permet tout d’abord, d’éviter les éventuelles
discordes dues à la concurrence entre laboratoires.
« Quand on ne connaît pas les gens, on ne sait jamais trop à quoi on s’expose. J’ai déjà connu
des petites rivalités entre chercheurs qui peuvent vous pourrir la vie. Ca peut être se mettre sur
une première signature ou s’attribuer derrière votre dos les résultats d’une étude à laquelle
vous avez aussi participé. Le monde de la recherche est riche en anecdotes de ce genre vous
savez » Directeur de laboratoire- Economie- Université
D’autre part, et selon les chercheurs, cette forme de relation présente l’intérêt d’éviter les
habituelles lourdeurs administratives formalisant la coopération.
« On a beaucoup de contrat dans le monde mais généralement on travaille plutôt sans
convention c’est trop lourd, on a plus des relations de chercheurs à chercheurs en voyageant,
en allant à des colloques. On a ici beaucoup de chercheurs qui ont été formés à l’étranger »
Directeur de laboratoire - économie université/ CNRS
Précisons ici que ces collaborations ne s’inscrivent pas toujours dans une relation de
confiance. Les chercheurs peuvent également initier des collaborations avec d’autres
chercheurs ou d’autres organismes qu’ils connaissent moins bien et avec qui la confiance
n’est pas entièrement assise. Ils peuvent pourtant s’essayer à « tester » ce type de
collaboration informelle.
Dès lors, nous pouvons ici avancer l’hypothèse que si les coopérations informelles sont la
plupart du temps préférées à celles qui sont contractualisées, c’est parce qu’elles permettent
de minimiser les engagements réciproques. De cette manière, les partenaires peuvent tester
l’efficacité de la collaboration c’est- à-dire vérifier si elle répond aux attentes réciproques des
chercheurs engagés. Dans le cas contraire, les participants peuvent, dans un cadre informel,
romprent plus facilement la collaboration si celle-ci ne les satisfait pas.
41
2.1.3 Les réseaux scientifiques : des utilités diverses pour le laboratoire
Quelle est l’utilité pour les laboratoires de construire ces réseaux scientifiques ? Il s’agit de
plusieurs formes d’intérêt que nous répertorions dans deux grandes catégories : une aide à la
production scientifique et l’attribution de financements supplémentaires. Grâce à des
exemples concrets décrits dans la partie suivante, nous verrons que ces coopérations apportent
à leurs participants des formes d’intérêts toujours particuliers selon la spécialité scientifique.
• Le réseau comme moteur de production scientifique
Pour les laboratoires entretenir un réseau scientifique c’est pouvoir diffuser ses résultats
auprès d’autres chercheurs travaillant sur des domaines proches. Une diffusion « large » de
ces résultats participe à la réputation du labor atoire.
« Si vous invitez quelqu’un de prestigieux il va faire connaître votre labo dans son pays, il
peut vous inviter, vous apporter des idées nouvelles pour notre carrière, c’est bon. Mais pour
le labo aussi» Directeur de laboratoire- chimie- ENS
De plus, soumettre ses résultats et en débattre avec un collègue, permet au chercheur
d’améliorer sa propre production scientifique. Ces échanges fréquents que permettent les
réseaux scientifiques, nous ont été présentés comme capitaux dans les trois disciplines
étudiées. En sciences économiques, ils revêtent une importance fondamentale en raison des
spécificités de cette science « non exacte », qui se prête plus au débat et à l’échange d’idées
afin d’améliorer les résultats obtenus, comme l’explicite la citation suivante :
« L’économie ce n’est pas produire une nouvelle molécule et c’est tout. C’est avant tout
discuter de modèles, la portée de leurs applications sur tel domaine. On a toujours besoin
d’échanger dans notre matière parce qu’en plus en économie on ne spécialise pas, tout est lié.
L’économie n’est pas un champ de spécialistes. Si vous ne faites pas de macro vous ne
comprenez pas le reste : il n’y a pas de spécialiste de l’économie industrielle sans parler des
taux d’intérêt. C’est pour ça que vous devez avoir une formation généraliste (empirique et
théorique) avec des dominantes. On ne fait pas d’expérience en laboratoire ici, on travaille
avec les entreprises, avec les instances de décisions. C’est difficile de faire sa recherche dans
son coin sans contrat, y’en a qui le font mais qui arrivent à rien. L’économie c’est surtout des
petites collaborations à deux ou trois» Directeur de laboratoire - économie- CNRS/ Université
Ainsi, les réseaux se créent en fonction des convergences scientifiques qui prévalent dans le
champ d’étude du laboratoire. Plus précisément, ces connexions s’établissent entre des
laboratoires aux spécialités scientifiques complémentaires. C’est par exemple le cas
qu’évoque ici le directeur d’un laboratoire de chimie désirant développer des associations
42
avec des spécialistes de chimie combinatoire afin d’améliorer l'analyse de molécules
particulières.
« Avant un chimiste faisait sa planification et sortait le produit. Maintenant avec la technique
de la biologie moderne, c’est devenu insuffisant alors on développe la chimie combinatoire,
c’est-à-dire le mélange de molécule. Donc maintenant on se tourne vers des labos qui font ça »
Directeur de laboratoire .
Pour autant, ces connexions permises grâce aux convergences scientifiques trouvent une
limite forte. En effet, des domaines scientifiques trop proches peuvent faire achopper la
collaboration puisque dans ce cas, une certaine concurrence entre laboratoires peut s’installer.
« C’est nous qui invitons des profs. On général bien sûr, on invite ceux qui sont connus sur un
sujet. Mais en même temps, il faut pas qu’ils soient non plus un sujet trop proche parce que là
ensuite c’est presque de la concurrence » Directeur de laboratoire - Chimie - CNRS
Pour autant et en poursuivant notre hypothèse, il semble que la construction de ces réseaux ne
soit pas aussi mécanique. Comme nous le soulignions précédemment, les réseaux informels
induisant des engagements réciproques minimes, un laboratoire peut prendre le risque
d’« expérimenter » une collaboration avec un autre jugé moins prestigieux.
• Les réseaux formels, source de financements supplémentaires
Les associations entre organismes de recherche, financée par l’Union européenne que nous
évoquions précédemment, apportent par ailleurs aux participants des crédits de recherche
supplémentaires. Ainsi, intégrer un réseau européen équivaut, pour le laboratoire, à un apport
financier supplémentaire. Ceci constitue un intérêt non négligeable pour les laboratoires
rencontrés qui disposent, selon eux, de budgets restreints.
« En plus ça vous permet de vous mettre sur des contrats internationaux qui vous rapportent
de l’argent qui vous permettent de financer des voyages. A travers l’accueil il y a un intérêt à
nouer des contacts avec d’autres labos » Directeur de laboratoire- chimie- ENS
2.3 L’échange des chercheurs comme mode de concrétisation du réseau
Si les réseaux permettent la circulation des différentes catégories de chercheurs, la mobilité de
ces derniers peut également être utilisée pour initier ou solidifier ces formes coopérations.
43
2.3.1 Les professeurs invités : un moyen de « tester » une éventuelle collaboration
Comme nous le précisions plus haut, les invitations entre chercheurs s’établissent
consécutivement à des rencontres dans de s colloques ou des contacts spontanés faisant suite à
une publication. Hormis, les avantages relatifs aux échanges scientifiques que permettent ces
invitations, celles-ci sont plus généralement un moyen de « tester » si une collaboration
(formelle ou non) peut être envisageable. En effet, pouvoir connaître personnellement le
chercheur est considéré comme un moyen efficace de vérifier implicitement si les chercheurs
pourraient s’accorder d’éventuelles coopérations : échange de post-doctorants, rédaction
d’articles communs, participation communes à des contrats de recherche etc. Ce « test »
s’avère d’autant plus important que la qualité des relations interpersonnelles est présentée
comme le véritable « ciment » des réseaux.
« Les invitations, vous voyez ensuite s’il faut prolonger ou pas selon les affinités scientifiques
mais aussi en fonction des affinités personnelles. Ca compte aussi beaucoup on est des hommes
donc cet aspect est très important. Travaillez avec des gens qui vont sont sympathiques c’est
bien plus facile /../ Inviter des chercheurs c’est essentiel pour nous parce que nous permet de
voir qui travaillent sur notre sujet et si on peut faire des choses avec eux » Directeur
laboratoire- Chimie- CNRS/ ENS
Ces invitations constituent en quelque sorte une phase initiale ou préparatoire à la
construction de réseaux. Peu coûteuses financièrement, les laboratoires désireux de créer des
réseaux scientifiques, utilisent fréquemment ces invitations.
Citons à cet égard, le cas d’un laboratoire en économie de l’INSEE qui reçoit un nombre très
important de chercheurs invités chaque année. Ce laboratoire parvient à attirer les meilleurs
chercheurs en économie dans le monde parce qu’il dispose d’une ressource toute particulière :
la base de donnée de l’INSEE. Des chercheurs profitent de ces invitations pour avoir accès à
cette base de donnée très fine. Cela leur permet alors d’affiner les modèles d’analyse
d’économétrie, de micro et macro économie qu’ils utilisent.
« Si je suis venu ici au départ c’est que Paris dispose d’une base de donnée ici à l’INSEE qui
est très impressionnante que l’on a pas aux USA. Avec de telles données ça permet d’affiner
des questions d’économétrie. Un collègue m’a dit : « on va trouver un eldorado ici au niveaux
des données ». Finalement ça a été fructueux parce qu’on a trouvé des choses auxquelles on ne
s’attendait pas. Moi je travaille sur le marché du travail et ici on peut suivre la trajectoire
professionnelle exacte d’un individu : suivre toute la mobilité, ses salaires. Bref on pouvait
répondre à des questions qu’on ne trouvait pas aux USA » Professeur invité- économie CNRS/ INSEE
44
Fort de cette ressource spécifique, le laboratoire peut ainsi initier une pluralité de coopérations
avec les meilleurs chercheurs dans le domaine.
« On travaille beaucoup avec des chercheurs américains et anglais qui sont très forts en
économétrie. Ils viennent souvent ici pour consulter notre base de données/…/ Comme les
chercheurs se connaissent, ils travaillent ensemble sur des contrats privés ou sur des articles »
Directeur laboratoire- CNRS/ INSEE
2.3.2 L’échange d’étudiants et de post-doctorants entretient les réseaux
Pour un laboratoire, un large réseau scientifique permet d’offrir à ses étudiants des possibilités
de placement supplémentaires pour trouver un post-doctorat (pour la chimie et les sciences de
la vie surtout) ou un séjour à l’étranger à leurs doctorants (pour l’économie).
Certes, les post-doctorants des sciences de la vie et de la chimie rencontrés exercent plutôt
une mobilité dans le cadre du modèle du marché à savoir une rencontre entre les « meilleurs »
candidats demandeurs avec les « meilleurs » laboratoires offreurs. Pourtant, la mobilité des
post-doctorants de ces deux disciplines peut également s’effectuer dans le cadre des réseaux
de connaissance des laboratoires. En effet, dans le cadre du réseau il existe la possibilité de se
rendre service. Ainsi, accueillir un post-doctorant peut être demandé comme un service par un
chercheur à un autre.
« En fait, pendant ma thèse, j’ai eu une sale histoire avec une entreprise parce que j’avais
découvert par hasard une molécule qui les intéressait. A la fin, comme c’était eux qui
finançaient une partie de ma thèse, ils ont refusé de me verser une part de mon brevet que
j’avais découvert. Comme mon directeur de thèse ne voulait pas d’histoire avec eux parce
qu’ils apportaient beaucoup d’argent au labo, il a fait des pieds et des mains pour me trouver
un post-doctorat. Comme ils se connaissent bien avec le directeur d’ici, il m’a accepté » Postdoctorant- Chimie - CNRS/ institut curie
Cet échange induit une certaine réciprocité :
-
soit le laboratoire d’accueil y trouvent un intérêt immédiat en profitant de la
compétence particulière du jeune chercheur puisque dans ce cas, bénéficiant des
recommandations de ses collègues, il dispose de gages supplémentaires quant à la
qualité du candidat.
« Dans le recrutement des post-doctorants, on ne peut pas se fier à son CV uniquement. L’âge
est significatif de la performance mais ce n’est pas tout. Ce qui est bien c’est avoir l’avis du
chef de labo. C’est là que les réseaux sont importants» Directeur de laboratoire - Chimie CNRS/ ENS
45
-
soit le laboratoire d’accueil acceptera de recevoir le post-doctorant, même si sa
candidature ne présente pas tous les gages de qualité, mais il attendra en retour un
service ultérieur de sa part.
« Mon labo en Espagne appartient à un réseau européen qui comporte 4 pays. C’est comme
ça que j’ai connu le directeur de ce laboratoire. Auparavant en Espagne on avait reçu un
doctorant de l’iNRA et ça c’est bien passé. Comme ça, il m’a proposé de venir faire un postdoctorat à l’INRA. J’ai postulé à une bourse européenne et à Marie Curie mais j’ai eu
seulement la bourse européenne attribuée par l’Espagne » Post-doctorant- chimie - INRA
De ce fait, la circulation des chercheurs représente un des nombreux éléments d’échange qui
permettent d’entretenir les réseaux scientifiques. Pour illustrer plus concrètement ce constat,
nous détaillons ici deux exemples d’application de cette stratégie
• Le cas d’un laboratoire en économie : la formation des doctorants étrangers, des
« semences » de réseaux
Dans ce laboratoire de sciences économique que nous évoquions précédemment, les
doctorants étrangers occupent plus de la moitié de sa capacité d’accueil totale ( 40 doctorants
étrangers sur 70 au total ).
« On a la moitié des étudiants en thèse ici qui sont des étrangers. Tous les étrangers on les
trouve par les contacts. On voyage beaucoup, on présente le département donc ils viennent , on
a plus de facilité de recruter à l’étranger /…/ On dépend d’une école doctorale de 80
étudiants, chaque année on n’en garde que 20. Les gens viennent avec des bourses du
ministère et les étrangers viennent avec des bourses de leur pays. Sur les 20 la plupart
viennent de l’Europe et les autres d’un peu partout : Pologne, Russie, Amérique du sud. Ceux
qui viennent sont financés par leurs pays. Ils viennent pour 4 ans d’abord pour suivre le DEA
et ensuite pour faire la thèse. On tient à ce qu’ils fassent le DEA parce que l’enseignement est
très spécifique et il faut qu’ils soient tous à niveau avant de faire leurs thèses. Mais les
étudiants étrangers ne sont pas assurés de continuer chez nous s’ils ne sont pas bons à l’issue
du DEA. Mais quand on prend quelqu'un qui est financé, c’est plus délicat parce qu’à la sortie
du DEA on ne peut pas leur garantir qu’ils feront une thèse. Mais en général, si les gens sont
bien encadrés, ils arrivent toujours à rendre leurs thèses » Directeur de laboratoire- économie CNRS- université Toulouse
Le laboratoire n’opère pas de plus, une sélection rigoureuse dans le recrutement de ces
doctorants en fonction de formatons particulières. Ainsi, les étudiants Africains, Coréens ou
encore Sud américains, pays dont la recherche en économie ne bénéficie pas d’un grand
prestige, sont acceptés sous condition d’une formation en mathématiques conséquente .
Précisons ici que le laboratoire demande à ces étudiants étrangers de suivre le DEA affilié au laboratoire.
De cette manière, les étudiants en thèse ont tous le même niveau de formation.
46
Cet accueil exhaustif permet en fait au laboratoire de se constituer un réseau (mobilisable à
plus long terme) qui lui assure une série d’avantages :
Le premier est que l’accueil des doctorants étrangers permet au laboratoire de renouveler ses
thèmes de recherche. Les doctorants étrangers choisissent en effet des sujets qui concernent,
la plupart du temps, des sujets concernant leurs pays d’origine . Cette pluralité de sujets
internationaux est présentée comme indispensable par le directeur puisqu’ils permettent, par
la comparaison, d’enrichir les modèles économiques développés par le laboratoire.
« C’est des doctorants qui vont travailler sur des thématiques proches des nôtres et qui vont
nous permettre de renouveler nos thèmes de recherche. C’est-à-dire que lorsqu’on fait une
analyse du marché du travail, c’est pour nous intéressant de connaître comment il se régule au
Brésil par exemple donc avoir une thèse sur ce sujet au Brésil ça alimente les réflexions des
chercheurs » Directeur de laboratoire- économie- CNRS- université
En formant des doctorants étrangers, le laboratoire pourra également, à l’avenir, solliciter ses
anciens étudiants lorsqu’ils seront en poste dans la recherche (privée ou publique) pour
collaborer sur des projets de recherches internationaux ou encore obtenir des contrats privés
provenant d’autres pays.
« Si on forme de bons thésards et ils retournent dans leurs pays. S’ils sont bons ça joue pour
nous parce qu’on se fait des contacts. La formation pour nous favorise les réseaux » Directeur
de laboratoire- économie - CNRS- université
« Notre point fort c’est l’économie industrielle : la théorie des organisations et la théorie des
contrats. Ces thèmes, ça nous rapporte des contrats privés et notamment au niveau
international. On a beaucoup de contrat dans le monde. On a des relations de chercheurs à
chercheurs en voyageant, en allant à des colloques. On a ici beaucoup de chercheurs qui ont
été formés à l’étranger. On a des contacts un peu partout dans le monde grâce à des anciens
doctorants qui ont fait leurs thèses ici » Chercheur statutaire- économie - CNRS- université
• Le cas d’un laboratoire de chimie de l’INRA : des réseaux d’échange pour s’approprier la
recherche appliquée
Dans un laboratoire de chimie de l’INRA (que nous appellerons FIS), nous avons constaté que
les réseaux qu’il s’attachait à développer concernaient exclusivement l’Amérique La tine :
Argentine, Cuba et Venezuela. FIS accueillait en effet l’ensemble de ses post-doctorants en
provenance de laboratoires de ces pays. L’accueil (et le financement par FIS
) de ces post-
Il peut s’agir ainsi de l’étude de la politique communautaire concernant la régulation du marché de
l’électricité en Corée.
Le financement des post-doctorants nous a été présenté par X comme facilement mobilisable dans la
mesure où l’INRA (implanté dans une ville de province) entretient des relations privilégiées avec le conseil
régional. La région leur accorde donc régulièrement des bourses permettant de financer un post-doctorant.
47
doctorants fait partie, d’un échange implicite que le laboratoire français développe avec ses
collègues latins : FIS est en effet intéressé par leurs thèmes de recherche, plus axés sur la
recherche appliquée ou plus précisément sur des expérimentations concernant la
transformation des polysaccharides . Par ce réseau, FIS se fait transmettre régulièrement les
résultats de ces laboratoires afin de les faire progresser dans leurs pratiques de recherche
fondamentale.
« J’avais développé un programme avec le Venezuela et j’y suis allé pour faire mes courses.
Ca a commencé quand je suis allé à un congrès là bas et je trouvais ça intéressant de faire un
programme commun parce qu’eux sont plus axés sur la recherche appliquée pour faire simple.
Et on a besoin nous de ce type de collaborations pour avancer. Donc moi je suis attentif à
l’Amérique Latine parce que d’abord ils ont de bonnes publications et parce qu’ils ont
tendance à s’adresser naturellement à l’Espagne. Nous on sait qu’il y a des programmes qui
existent dans tels pays et que pour que ça marche, il faut qu’il y ait des collaborations. En fait
au début se sont des petits programmes qui comportent le financement de séjours de 3 à 6 mois
et après sur cette base là on connaît les collègues. Si ça colle, on échange après des postdoctorants même si c’est surtout eux qui viennent» Directeur de laboratoire- Chimie- INRA
De leur coté et selon les dires des post-doctorants sud américains, leurs laboratoires d’origine
les encouragent à accepter un post -doctorat en France non seulement pour le bénéfice que cela
représente pour leur carrière, mais également pour qu’ils puissent leur transmettre les
techniques de recherche utilisée en France.
« Si je suis venu ici c’est pour travailler dans de bonnes conditions. Je suis surtout là pour
faire une publication, parce que chez nous on a moins de techniques donc on n’a pas de
publications. En publiant ici, je fais des publications pour mon laboratoire. En plus à Cuba on
travaille plus sur l’application. Ici j’apprends plus la science fondamentale. Mais finalement si
je suis ici c’est pour concrétiser une collaboration entre l’INRA et le Venezuela. Ici il y a des
techniques très particulières que l’on ne connaît pas au Venezuela donc je les étudie et je les
montrerai à mon laboratoire quand je reviendrai parce que le plus important c’est d’avoir la
base pour savoir comment utiliser les techniques » Post-doctorant- Chimie- INRA
Autre avantage de ces bourses, elles sont attribuées non sur le profil mais uniquement sur le projet de
recherche, ce qui permet à X d’assurer au candidat leur venue.
Les laboratoires d’Amérique disposent en outre de plantes particulières, c’est-à -dire de sujets d’étude
qu’on ne trouve pas en France. Or, les processus chimiques de développement de ces plantes apportent
également des résultats intéressants pour X .
48
Conclusion de la partie I : le modèle du marché prépondérant
dans la mobilité des chercheurs publics ?
Dans le secteur public, la mobilité des chercheurs étrangers s’inscrit dans deux modèles : le
marché et le réseau.
Le modèle du marché, construit autour de l’attirance de la « meilleure » offre vers la
« meilleure » demande, concerne essentiellement la mobilité des post-doctorants des sciences
de la vie et de la chimie. Le post-doctorat étant une étape cruciale (en terme de publications)
et déterminant la suite de leur carrière, les jeunes chercheurs de ces disciplines vont se tourner
vers les laboratoires (étrangers) les plus réputés dans leurs spécialités afin que ceux-ci leur
apportent les meilleures garanties en terme de publications dans les revues prestigieuses de
leurs domaines scientifiques.
Le modèle du réseau est construit, quant à lui, non seulement autour des convergences
scientifiques existantes entre les spécialités scientifiques mais surtout par la qualité des
relations interpersonnelles qui existent entre chercheurs. Les origines de la mobilité des
chercheurs dans le cadre des réseaux scientifique sont quant à elles plus délicates à
déterminer. Si les réseaux servent de cadre à cette mobilité, l’échange de chercheurs constitue
en même temps une des composantes essentielles à la construction de ces réseaux.
En effet, le réseau peut être tout d’abord interprété comme un cadre d’espace de circulation
des chercheurs. Dans ce cas, un laboratoire peut recommander à un de ses collègues le
recrutement d’un de ses membres, doctorant ou post-doctorant. Mais ces échanges de
personnel internationaux sont en même temps un moyen permettant d’initier ou de faire
perdurer ces réseaux scientifiques. C’est notamment le cas des invitations entre chercheurs qui
sont utilisées par les laboratoires pour « tester » d’éventuelles collaborations. L’accueil d’un
post-doctorant peut également être accepté à titre de « service » moyennant une compensation
implicite ultérieure. Ces formes d’échanges tacites constituent dès lors, un socle permettant de
faire perdurer les réseaux scientifiques.
Selon l’échantillon de cette étude, que la mobilité des doctorants dans le cadre de ces réseaux,
est le modèle dominant dans les sciences économiques. Les spécificités de cette science « non
exacte » étant plus propices aux interactions fréquentes entre chercheurs, les laboratoires
49
rencontrés accordaient une importance plus accrue que leurs collègues des sciences exactes à
la construction de réseaux scientifiques.
Enfin, précisons que ces deux modèles s’entrecoupent dans la réalité. Ainsi et pour reprendre
l’exemple des post-doctorants des sciences de la vie et de la chimie, même s’ils exercent
principalement une mobilité dans le cadre du marché, ils peuvent également solliciter un
laboratoire étranger dans le cadre des réseaux établis par leurs laboratoires pour effectuer leur
post-doctorat.
Les résultats de cette enquête dans le secteur public sont globalement similaires à ceux établis
par une précédente enquête menée par le Centre de sociologie des organisations . Celle-ci
démontrait en effet que la mobilité des chercheurs publics (post-doctorants) s’inscrivaient
dans deux modèles décrits également ici : le marché et le réseau. Cependant, c’est par la
pondération de nos résultats, que nous nous démarquons de cette enquête. En effet, les
conclusions de l’enquête menée en 1995 établissaient que le réseau était le modèle
prédominant dans la mobilité des post-doctorants alors que nos conclusions affirment que la
circulation des ces chercheurs s’inscrit plutôt dans le modèle du marché.
E. Mouranche (sous la direction de C. Musselin), « La mobilité des chercheurs publics en Europe »,
rapport comparatif établi à partir d’études qualitatives menée s sur la France, l’Angleterre et l’Allemagne.
Centre de Sociologie des organisations 1997
50
DEUXIEME PARTIE
LES CHERCHEURS ETRANGERS DANS LE
SECTEUR PRIVE FRANÇAIS
La taille de l’entreprise et les statuts des chercheurs
comme éléments structurants
des pratiques de mobilité
51
INTRODUCTION
Dans cette deuxième partie, consacrée aux pratiques de mobilité des chercheurs étrangers
dans le secteur privé français nous présenterons tout d’abord les entreprises retenues dans
notre échantillon. Cette présentation s’avère ici indispensable puisque l’hétérogénéité des
modes d’organisation des secteurs recherche et développement (R & D) de ces entreprises
structurent les logiques d’intégration des scientifiques étrangers. Nous nous attacherons, par la
suite à décrire les spécificités des deux grandes catégories de chercheurs que nous avons
rencontrés dans ces industries : les docteurs et les ingénieurs.
Enfin, et après avoir démontré que les pratiques de mobilité dans ce secteur obéissent à trois
catégories de logiques, il s’agira de comprendre pourquoi certaines entreprises s’avèrent plus
aptes que d’autres à recruter une main d’œuvre scientifique étrangère.
I. PRESENTATION DES ENTREPRISES ETUDIEES
Dans la constitution de notre échantillon d’étude pour le secteur privé, nous avons respecté la
même logique que celle adoptée pour les instituts publics : nous avons ainsi mené notre étude
dans deux entreprises de taille opposée dans chaque discipline. Dans l’étude de ce secteur,
nous avons eu de plus, le soucis de sélectionner des entreprises recrutant exclusivement des
scientifiques-docteurs et d’autres composées de scientifiques- ingénieurs.
1. La discipline des sciences de la vie
1.1 MEDAM Médicament
MEDAM Médicament est le 2ème laboratoire pharmaceutique français indépendant,
MEDAM oriente son développement sur les axes thérapeutiques suivantes : Cancérologie,
Urologie, Cardiologie, Psychiatrie, Phlébologie, Pneumologie, Infectiologie , Gynécologie et
Rhumatologie
52
Le centre de recherche étudié est le plus important (450 personnes). Comprend 5
départements de recherche eux même subdivisés en unités de recherche. Dans ce centre, les
chercheurs étrangers rencontrés occupent des postes de responsables de départements de
recherche, d’unités de recherche et enfin comme simple techniciens. Ils sont diplômés d’un
doctorat et post-doctorat universitaires
Activité
CA
Laboratoire
pharmaceutique
290 millions
euros (en
2001)
R & D et son organisation
-
-
Représente 20% du CA
Mission : développement
précoce de molécules
originales, d'origine
naturelle, chimique ou
biologique
Comprend en tout plus de
2000 chercheurs
3 grands centre de recherche
Statuts des scientifiques
de la R&D
Statuts : docteurs :
titulaires d’un doctorat et
post-doctorat
universitaires
1.2. Axis une start up débutante composée de jeunes chercheurs
L’entreprise axe notamment sa recherche sur le traitement du canceR & Des maladies
neurodégénératives. L’unique centre de recherche de l’entreprise est divisé en « group
leader » . Il s’agit de 7 groupes de recherche réduits incluant entre 5 et 10 personnes. Chaque
« group leader » correspondant à un secteur de recherche particulier : Pharmaco –genomics,
Pharmaco- toxicologie, séquençage informatique…)
Les chercheurs étrangers occupent des postes de chercheurs à l’intérieur des « ‘groups
leaders », attribués plutôt à des débutants. Trois chercheurs de nationalités étrangères sont des
managers principaux, placés à la tête des « groupes leaders ». Ils sont diplômés d’un doctorat
et post-doctorat universitaire et représentent 30% du personnel total .
Organisation correspondant aux axes de recherches cités de MEDAM Médicament se concentrent sur 5
axes prioritaires qui sont : l’oncologie, le système nerveux central, système cardio -vasculaire,
immunologie, médecine centrale
L'investissement important dans la recherche se traduit par la découverte de nouvelles molécules qui
permettent à l'entreprise d'accentuer son développement mondial
Pourcentage estimé par le PDG de l’entreprise
53
Activité
CA
R & D et son organisation
Laboratoire
millions Mission :
pharmaceutique euros
Mise au point des techniques originales
(en
permettant l’identification et l’évolution
Effectif total : 2001)
des états génétiques.
70
Statuts des
scientifiques de la
R&D
Statuts : docteurs :
titulaires d’un
doctorat et postdoctorat
universitaires
80% du personnel total travaille dans le
secteur recherche et développement. Le
personnel de la R & D est plutôt jeune.
Selon le PDG du groupe, sa moyenne
d’age serait inférieure à 30 ans.
2. Le secteur de la Chimie : une place privilégiée pour les ingénieurs
2.1 Le groupe PETRO INDUS TRIE, un groupe en pleine restructuration
PETRO INDUSTRIE est la branche chimie du groupe PETRO. L’entreprise a été
formellement constitué en avril 2000 suite aux fusions successives du groupe de pétrochimie
et elle fédère les activités pétrochimiques et chimiques développées par 3 sociétés avant que
deux fusions successives, en 1998 et 1999, n'aboutissent à la création de PETRO
INDUSTRIE.
Le personnel étranger rencontré occupaient des postes de chercheurs débutants et des
responsables produit. Ils sont diplômés de doctorats universitaires. Les chercheurs étrangers
sont très peu nombreux
dans le groupe et la quasi majorité d’entre eux présent est de
nationalité allemande.
Ainsi que dans le secteur R&D en général du groupe, nous l’avons vérifié,
54
Activité
Les activités de
PETRO INDUSTRIE
s'organisent en trois
grands métiers:
- La chimie de base et les
grands polymères
- Les intermédiaires et
polymères de
performance
- Les spécialités, qui
rassemblent les résines
CA
R & D et son organisation
millions
Organisation générale
euros (en
3 centres de recherches
2001)
correspondant à trois
domaines spécialisés
présentés ci-contre.
Dans le centre de recherche
étudié, ils ont la charge d’un
domaine très précis du
développement de fluorés
particuliers
Statuts des
scientifiques de la
R&D
Statuts : personnel
scientifique est
composé à 80%
d’ingénieurs
Moins de 10% de
docteurs.
Précisions ici que PETRO INDUSTRIE vient de subir une série de restructurations de son
secteur recherche et développement. Plusieurs centres de recherche, dont un important en
Allemagne a ainsi été fermé pour recentrer une part des activités en France. Nous verrons par
la suite que cet élément à des incidences sur l’objet de notre étude.
« On est en plein processus de restructuration, on a vécu une OPA sur ELF. Processus
d’intégration pas facile parce que la chimie de Elf et de TOTAL sont très différente, structurée
différemment : Total chimie est très intégrée en amont (pétrochimie, petites molécules de
développement en synthèse) avec en aval très peu d’application (javel, solvant, plastic) on a
très peu d’utilisation finale. Entre les deux nous avons une chimie d’intermédiaire
partiellement élaborée : des molécules qui sont synthétisées et reprise par nos clients. A Elf il
n’avait pas de chimie intermédiaire mais surtout de l’aval (caoutchouc, gant, + des produits
de consommation pour les voitures. Il n’avait pas que de la chimie intermédiaire et ils avaient
une somme de petites sociétés autonomes. Nous sur la chimie intermédiaire on avait des
filiales mais c’était pas le cœur de la société. 50% de nos chercheurs travaillent dans le
polymère » Responsable R&D PETRO INDUSTRIE
2.2 L’entreprise MOTOR COMPAGNIE
MOTOR COMPAGNIE est une filiale du groupe Carbone Lorraine. Le groupe fait partie des
spécialistes mondiaux du carbone et du graphite et de leurs applications. Il produit des
composants pour moteurs et pour équipements électriques et électroniques.
Le centre de recherche la chimie de base du groupe regroupe les grands intermédiaires de base de la
pétrochimie, les grandes filières du chlore, les fertilisants et les grands polymères obéit à une logique
industrielle largement fondée sur l'intégration avec le raffinage
Qui couvrent les fluorés et oxygénés, de la thiochimie, des acryliques et des polymères techniques et
fonctionnels, partagent un imp ératif de maîtrise des procédés et d'expertise chimique
Avec Cray Valley et Sartomer -, les adhésifs - avec Bostik Findley-, la métallisation - avec Atotech -, la
transformation des élastomères - avec Hutchinson - et les peintures avec SigmaKalon, se focalisent sur la
formulation et le service à la clientèle.
55
Les chercheurs étrangers occupent des postes de chargés de mission auprès responsables
scientifiques
Activité
CA
Fournisseur de
l’industrie
aéronautique (principal fournisseur
de la gamme Airbus
A321).
250 employés
803,7
millions
d’euros (en
2001)
R & D et son organisation
Développement des matériaux
composites de carbone utilisés dans
les freins d'avions et de motos. La
fonction de ces matériaux est
d'absorber l'énergie dégagée lors d'un
freinage d'urgence .
70 personnes
Nous avons mené notre étude dans
l’unique centre de recherche de
l’entreprise
Statuts des
scientifiques de
la R&D
Statuts :
ingénieurs
L’entreprise a fusionnée il y a trois ans avec une entreprise anglaise, Gould Shawnut,
spécialiste de fusibles industriels. Grâce à cette acquisition, Carbone Lorraine devient le n°2
mondial des fusibles industriels.
3. Les sciences économiques
3.1 Le service recherche et développement d’ENERGIE
On recense dans le service R&D aucune main d’œuvre « strictement » étrangère. Les
économistes étrangers rencontrés étaient d’origine étrangère mais ayant faite leurs études en
France et disposant de la nationalité française.
Un Airbus lancé à 320 km/h doit s'arrêter en 1200 m)
56
Activité
ProducteuR &
Distributeur
d’énergie
CA du
groupe
ENERGIE
(1999)
32 057
million
d’eurso
R & D et son organisation
Service chargé d’études prospectives
globales : économiques,
environnementale et techniques
Formations des
économistes du
« risque pays »
Statuts :
Titulaires de
DEA, doctorat et
ingénieurs
La R&D est découpés en 3 sites
correspondant aux axes de recherche :
hydraulique, modèle économiques et
nucléaire et grands équipements
transports). Nous avons menés nos
entretiens dans les trois sites.
Effectif total : 60 personnes
3.2 Le service « risque pays » de BANQUE AFFAIRE
Nous avons menés nos entretiens dans le service « risque pays » appartenant au service
d’études économiques du groupe Banque Affaire. Dans le service, les économistes étrangers
font figure d’exception
Activité
Banque
d’affaire
Résultat net du
R & D et son organisation
groupe Banque
Affaire
4018
millions d’euros Service études économiques : « risque
(en 2001)
pays ». Chargé de faire des études
prospectives internationales
Formations des
économistes du
« risque pays »
Statuts :
Titulaires de DEA,
doctorat ENSAE et
ingénieurs
Effectif : 28 personnes
Source. Document interne « résultats du groupe EFD : année 1999 »- compte de résultats.
57
II. Les docteurs et les ingénieurs, les deux catégories de
chercheurs rencontrées dans le secteur privé
Dans le secteur privé, nous avons rencontré uniquement deux catégories de chercheurs : les
docteurs et les ingénieurs dont nous présentons ici les spécificités liées à la formation. Comme
nous l’expliciterons dans cette même partie, les entreprises étudiées n’ont que très peu recours
aux doctorants et post-doctorants. Il nous semble important de commencer par des cette
description des recrutements des chercheurs étrangers ou non dans les entreprises étudiées, car
ses caractéristiques marquent le recrutement des chercheurs étrangers.
1. Les docteurs : une formation universitaire « spécialisée »
1.1 L’orientation vers le secteur privé : une vocation précoce pour les docteurs ?
Pour les docteurs étrangers rencontrés, le choix de travailler dans le secteur privé fût fait très
tôt, au moment de la fin du doctorat.
« Je ne voulais pas passer toute ma vie dans un laboratoire poussiéreux à galérer pour avoir
un petit financement pour les projets. C’était assez clair dès le départ en fait, moi je voulais
plus m’orienter vers le privé. Travailler dans une entreprise l’avantage c’est qu’on voit tout de
suite le résultats de ses recherches, on fait nos recherches et ensuite on développe le
produit alors que dans le public, c’est souvent plus abstrait» Chercheur- Axis
Les raisons invoquées sont un goût prononcé pour la recherche appliquée mais également un
rejet d’un secteur public d’après eux « poussiéreux » et surtout déficient en terme de moyens.
« Je suis parti d’Ukraine parce que je voulais changer d’air. J’ai passé 10 ans dans le même
labo. Je ne voulais pas rester dans le public alors que j’étais pris comme maître de conf. Ici
cela correspondait mieux à mon intérêt, les choses sont plus simples. On applique et c’est tout
alors que dans le public la recherche se limite à des conflits de chapelle, de paradigmes
dominants pas très intéressants. La recherche publique est faite pour quelques vanités
personnelles, dépenser toute son énergie pour un article. C’est un peu triste toutes ces
batailles. Ici si on fait des choses originales, on fait un brevet et c’est tout » ChercheurMEDAM
1.2 Une mobilité inexistante des chercheurs entre le secteur public et secteur privé
De ce fait, nous n’avons rencontré aucun chercheur qui avait débuté sa carrière dans le secteur
public pour la poursuivre dans le privé.
58
Les liens qui existent entre le secteur public et privé prennent essentiellement la forme de
contrats de recherche. Dans ces contrats, l’entreprise commandite au laboratoire public un
projet de recherche pouvant revêtir plusieurs formes : attribution de crédits de recherche
(équipements, salaires…) ou encore financement de thèses ou de post-doctorats.
Ces collaborations avec le secteur public sont jugées fondamentales par les industriels
interrogés. En effet, les industriels ne peuvent maîtriser en interne toutes les compétences dont
elles ont besoin pour élaborer de nouveaux produits. C’est pourquoi ils développent des
collaborations avec le secteur public pour intégrer des résultats (notamment) de recherche
« fondamentale ». Ces apports permettent aux entreprises, généralement plus axées sur la
recherche « appliquée », d’offrir des possibilités de développement supplémentaires des
produits qu’ils commercialisent.
« L’entreprise a besoin des contrats avec le public parce que nous sommes plus axés sur une
recherche plus appliquée c’est-à-dire plus sur le développement des produits que l’on adapte
au client. Mais pour cette mission il arrive qu’on ait besoin de faire plus de la recherche
fondamentale, c’est là qu’on fait appel aux laboratoires qu’on connaît » responsable secteur
recherche MOTOR COMPAGNIE
« Les industriels, ils ont besoin de nous pour toute la recherche fondamentale que eux souvent
n’ont pas. On fait des contrats avec eux quand ils ont besoin de savoir quand veulent connaître
les évolutions possibles d’un composé chimique pour un médicament particulier. De notre
coté, nous aussi on a besoin d’eux pour qu’ils nous apportent de l’argent tout simplement.
Mais globalement il faut dire que c’est plutôt eux qui y gagne parce que faire appel à un labo
public c’est pas cher du tout pour eux » Directeur de laboratoire- Chimie- CNRS/ institut curie
Ce constat de coopération que nous faisons ici, est similaire aux résultats apportés par les
travaux des sociologues de l’innovation . Ces derniers mesurent en effet, l’engagement
croissant des entreprises dans leurs coopérations avec les laboratoires publics. D’après ces
travaux, ces collaborations de recherche correspondent à la volonté des firmes de se recentrer
sur leur cœur de compétence. Pour ce faire, elles externalisent, par le biais de ces
coopérations- appelées modèle de l’innovation en réseau-, une partie de leur R& D.
1.4 Les docteurs prédominants dans les entreprises des « sciences de la vie »
Les entreprises Axis et MEDAM recrutent presque exclusivement des chercheurs ayant le
titre de docteur. En plus de leur doctorat, les chercheurs de ces entreprises doivent avoir une
expérience de post-doctorat.
Larédo P. et Mustar M. « La recherche, le développement et l’innovation dans les grandes entreprises
françaises : dynamiques et partenariats », Education et formations, N° 59, Avril-juin 2001
59
Ainsi, comme dans le secteur public, le post-doctorat généraleme nt effectuée dans le privé
comme une étape obligatoire dans la formation du chercheur aux yeux des responsables des
secteurs recherche interrogés. Ce post-doctorat apporte la double garantie que le postulant
peut mener à son terme un projet de recherche d’ envergure, tout en s’adaptant au
fonctionnement d’un laboratoire à l’étranger.
« On ne prend que des gens qui ont un post-doctorat. On ne prend pas de gens qui n’ont pas
de post-doctorat à l’exception de certains qui sont vraiment très bons. Mais c’est très rare.
Nous sommes aussi des scientifiques, on sait ce que c’est un post-doctorat. Si je dois résumer,
en dehors des publications qui sont utiles pour un chercheur, mais qui ne sont pas essentielles
à nos yeux, c’est surtout la garantie que le chercheur sait mener un projet de recherche
important et surtout qu’il peut s’intégrer à une équipe» Responsable secteur recherche
MEDAM
« Nous recrutons des jeunes docteurs dont le sujet de thèse doit être similaire aux nôtres
évidemment, mais le développement (domaine de recherche) est suffisamment large pour qu’on
trouve assez de candidats/…/ Ce qu’on leur demande (aux candidats) c’est qu’ils aient fait au
moins un post-doctorat à l’étranger. Ca nous permet de voir si le candidat peut s’adapter à des
techniques de recherche différentes, s’il a mené à bien des projets d’envergure etc….Pour nous
c’est une garantie indispensable le post-doctorat » Cadre dirigeant Axis
2. Les ingénieurs : des scientifiques généralistes
2.1 Une formation scientifique à vocation exhaustive
D’une durée de 3 ou 4 ans, la formation d’ingénieur en France est à vocation généraliste tout
en conservant une forte base scientifique. Cet impératif de polyvalence permet aux futurs
ingénieurs d’occuper des fonctions de responsabilité dans des domaines multiples, comme la
production, la recherche et le développement, la gestion, et dans des branches d'activités très
diversifiées.
Le cursus d’ingénieur permet ainsi d’assurer une solide culture scientifique commune dans les
disciplines fondamentales telles que la chimie, la physique ou les mathématiques afin de
permettre aux élèves d'approfondir un domaine de leur choix.
2.2 Les ingénieurs prisés par les entreprises de la chimie interrogées
Si les entreprises des sciences de la vie recrutent majoritairement des docteurs, les secteurs
recherche et développement des entreprises de la chimie interrogées sont composés quasi
60
exclusivement d’ingénieurs. Ainsi, à PETRO INDUSTRIE par exemple, ils représentent 80%
du personnel scientifique.
« 80% sont ingénieurs docteurs et 20% uniquement sont seulement docteurs .Ce sont des gens
qu’on veut faire évoluer donc on prend des formations ingénieurs qui sont plus complètes. Un
quart de nos scientifiques à peu près ont une thèse, ceux là vont vers le développement, la
recherche appliquée. En fait on ne recrute jamais au niveau DEA ou DESS » Responsable
recherche et développement PETRO INDUSTRIE
Pour les responsables de ces entreprises, hormis la qualité et la réputation de la formation,
c’est son caractère généraliste qui constitue le principal avantage vis- à-vis des autres
catégories de chercheurs.
« Les ingénieurs c’est quand même la garantie d’une formation solide, même si ça dépend des
écoles. La différence entre les docteurs et les ingénieurs, c’est que les docteurs sont plus
spécialisés sur un domaine et c’est tout, alors que les ingénieurs sont plus polyvalents. On peut
donc leur confier des postes très différents» DRH PETRO INDUSTRIE
En effet, recruter des scientifiques « généralistes » induit une grande souplesse dans
l’attribution des postes au moment du recrutement mais également lorsqu’il s’agit de faire
évoluer ce personnel au sein de l’entreprise.
« La recherche chez nous concerne surtout le développement de produits, ce qui veut dire
qu’on n’a pas vraiment besoin de spécialistes pointus dans un domaine. C’est pour cela que
l’on recrute des ingénieurs et non pas des gens qui ont fait des thèses /…/ Un ingénieur vous
pouvez le placer aussi bien à des postes de manager en production ou de responsable
scientifique en R & D. Pour nous, c’est plus simple d’avoir ce type de compétence puisqu’on
peut les mettre où ça nous arrange, en fonction de l’évolution du service, des départs »
Responsable recherche et développement MOTOR COMPAGNIE
L’entreprise PETRO INDUSTRIE a cependant recours à des docteurs mais uniquement pour
des postes aux compétences très spécialisées et surtout minoritaires dans l’entreprise.
2.3 Les chercheurs en économie : des profils hétérogènes
Les services de recherche et développement en économie étudiés, font preuve d’ouverture
dans les profils qu’ils recrutent. Ils ne restreignent pas la sélection de leurs candidats à un seul
type de formation comme nous l’avons vu dans les autres disciplines. On trouve ainsi des
économistes titulaires de diplômes variés : Doctorat, DEA, écoles de commerce et ingénieurs.
« Il y a un peu de tout dans le personnel qu’on recrute. On n’est pas dogmatique, il y a des
docteurs, des ingénieurs, des DEA. A un moment on recrutait pas mal à l’ENSAE. On n’a pas
de critères très particuliers. On recrute surtout sur des annonces ou alors par connaissance »
responsable service risque pays Banque Affaire
61
Pour les responsables des secteurs études et développement, la pluralités des profil recrutés
participe à une meilleure émulation dans la démarche de recherche.
« Avoir des gens d’horizons divers, ça permet de confronter les points de vues, d’ apporter des
nouvelles méthodes de travail et plus généralement des nouvelles idées. C’est cette mixité qui,
je crois, joue pour dans la qualité du service. Mais cette mixité n’est pas toujours voulue. On
est dépendant des profils de candidats qui se présentent ou qui viennent chez nous suite à la
mobilité interne» Responsable R&D ENERGIE
3. Les post-doctorants et les doctorants : une faible représentation des étrangers
dans le secteur privé
3.1 Les entreprises externalisent la recherche fondamentale vers les laboratoires publics
Au cours de notre étude, nous n’avons rencontrés aucun doctorants et post-doctorants français
ou étrangers dans les entreprises.
« On crée quelques thèses mais finalement pas beaucoup. Cela dépend des crédits de
recherche que je peux obtenir et ça dépend des périodes et surtout si j’arrive à convaincre mon
patron du bien fondé de la recherche, ce qui n’est jamais évident. Pour donner un ordre d’idée
depuis 5 ans, je n’ai pu financer qu’une seule thèse » Responsable R & D MOTOR
COMPAGNIE
Les responsables de ces entreprises, préfèrent en effet déléguer l’encadrement des éventuels
doctorats ou du post-doctorats qu’ils financent, au laboratoire public avec qui ils collaborent.
« On estime que les doctorants qu’on finance doivent travailler dans leurs laboratoires de
recherche pour qu’ils aient tout l’encadrement pédagogique nécessaire, ce que nous ne nous
pouvons pas apporter complètement. La thèse ça reste un exercice universitaire » PDG Axis
3.2 L’exception PETRO INDUSTRIE : le financement de doctorats comme période d’essai
PETRO INDUSTRIE fait ici figure d’exception puisque le groupe finance un nombre
important de doctorants qui travaillent au sein même du secteur recherche pendant les trois
ans que durent ces doctorats. Parmi ces doctorants on recense à la fois des français et des
étrangers, même si ces derniers sont presque tous de nationalité allemande, nous y
reviendrons.
Dans le groupe, les méthodes de recrutement des futurs doctorants sont les mêmes que celles
utilisées pour les cadres. Le candidat doit ainsi s’entretenir avec les différents responsables
recherche : DRH de la R & D, responsable de la recherche pour le groupe, responsable du
centre de recherche, afin de leur exposer la nature de ses motivations. En outre, le candidat
62
doit démontrer sa valeur scientifique (méthodes de recherche mobilisées, définition des
hypothèses de travail…. ) et, pour les postulants étrangers, leur maîtrise de la langue française
« Les chimistes allemands, ils font à 50% une thèse. C’est un système différent de la France
où les ingénieurs sont plus importants. Ma thèse portait sur les polymères à l’université. J’ai
rencontré un post doc allemand qui travaillait pour PETRO INDUSTRIE et il m’a dit qu’ils
cherchaient un thésard qui parlait le français. J’ai envoyé un CV à PETRO INDUSTRIE et ils
ont vu que j’avais passé une année à Lyon. Après ça, j’ai passé les entretiens d’embauche et
j’ai été pris. C’était d’ailleurs pas évident ces entretiens, c’était les questions style « comment
vous imaginez vous dans 15 ans » ou votre vision de la science, mais au final j’ai été pris et
j’ai fait la thèse à PETRO INDUSTRIE en collaboration avec mon université » Chercheur
PETRO INDUSTRIE
En dehors de l’intérêt scientifique avéré, le financement des doctorats est utilisé par les
responsables RH de PETRO INDUSTRIE comme une forme de période d’essai préalable à un
éventuel recrutement. Ainsi, durant les trois ans du doctorat, l’étudiant pourra démontrer (ou
pas) ses capacités à travailler dans le service. S’il est jugé compétent au bout de ce laps de
temps, il pourra bénéficier d’une proposition d’emploi au terme de son doctorat.
« A la fin de ma thèse j’ai présenté des résultats à ATO FINA et c’est au cours de cette
réunion que l’on m’a demandé si je voulais venir travailler ici comme responsable et je
travaille sur le même sujet que ma thèse. J’ai aussi parlé de ma copine qui voulait me suivre,
elle a aussi fait une demande et ils l’ont prise aussi » Chercheur PETRO INDUSTRIE
« Pour nous, financer des thèses c’est un bon moyen de sélection comme ça on voit si la
personne est bonne ou pas. Mais on sélectionne déjà les gens a qui on propose des thèses »
Responsable du secteur recherche PETRO INDUSTRIE
Ce moyen est jugé essentiel par ces responsables RH, parce qu’ils doivent faire face à un
« turn-over » important dans le secteur R & D. Le DRH de la R & D admet ainsi avoir une
visibilité inférieure à trois mois concernant les besoins en personnel dans ce secteur. Dès lors
en finançant des doctorats, il s’assure d’un « vivier » de candidats potentiels susceptibles de
remplacer les postes vacants.
« Moi je fonctionne par vivier parce que je n’ai pas une vision supérieure à trois mois, je ne
peux pas faire de gestion prévisionnelle, les gens qui sont mutés, qui partent d’eux même etc…
bien sûr je ne peux pas laisser un trou dans un secteur. C’est pour ça qu’on a un vivier de gens
qui travaillent pour nous. Quand un poste se libère on privilégie la promotion interne donc
finalement pour moi c’est une mobilité sur 4 ou 5 personnes. Un jeune qui débute il va
commencer par un métier technique. En fait mon vivier c’est 20 personnes qui vont être
sélectionnées, il sont embauchables mais on ne peut pas tous les prendre immédiatement.
Quand le marché est bon, ils partent plus facilement vers d’autres sociétés mais quand il est
mauvais, ils peuvent attendre, faire un post-doc » DRH R & D PETRO INDUSTRIE
En revanche, l’entreprise n’a que très peu recours au financement de post-doctorats. Ceux-ci
devant être réalisés à l ‘étranger, l’entreprise ne peut pas éprouver la valeur des candidats dans
ses propres équipes de recherche.
63
« En général je me méfie des post docs. On n’en fait pas beaucoup parce que les post docs qui
sont en France, ça ne présente pas d’intérêt » Responsable du secteur R & D PETRO
INDUSTRIE
Les post-doctorats sont utilisés ponctuellement par l’entreprise, comme précédemment, pour
mettre à l’essai un chercheur de nationalité étrangère.
« On peut proposer des post doc à titre d’essai. On a eu un chercheur lituanien qui faisait des
choses intéressantes dans le public et on lui a proposé un post doc afin de voir s’il ferait
l’affaire ou non, en fait c’était une période d’essai de 1 an le post doc » DRH R & D PETRO
INDUSTRIE
III. Les entreprises françaises face aux recrutement de
scientifiques étrangers : 3 logiques d’intégration différenciées
Après avoir présenté le cadre général de l’étude du secteur privé : les organisations et les
acteurs, intéressons-nous ici aux logiques d’intégration que les entreprises adoptent vis à vis
des scientifiques étrangers. Il ressort de notre étude que les entreprises font appels à eux par
trois grandes catégories de besoins :
-
Il s’agit tout d’abord, des entreprises qui ne parviennent pas à se montrer
suffisamment attractives sur le marché du recrutement français.
-
Ensuite, ce sont des entreprises qui élargissent leur recrutement au marché
international afin d’accroître leurs chances d’attirer les meilleurs scientifiques.
-
Enfin, la présence des scientifiques étrangers est liée à divers mouvements de fusion et
restructuration que les entreprises établissent au niveau international.
1. Les chercheurs étrangers comme substituts des chercheurs français
Ce premier concerne deux des entreprises étudiées que nous allons reprendre successivement.
64
1.1 Le Cas Axis: une entreprise à faible compétitivité sur le marché du recrutement des
chercheurs en France
1.1.1 Une entreprise en manque de « bras »scientifiques
Les cadres dirigeants d’Axis évoquent leurs difficultés à se montrer attractifs sur le marché du
recrutement des chercheurs. Selon eux, les nouveaux diplômés postulant sur le marché
préfèrent s’orienter vers le secteur public ou bien postulent en priorité vers les grands groupes
privés du secteur, plus attractifs en terme de sécurité de l’emploi, de salaires et de
perspectives d’évolution de carrière.
« On a plus de difficultés à recruter des chercheurs, des docteurs /../ Je pense que les
scientifiques soit choisissent de rester à l’INRA ou au CNRS soit s’ils choisissent le secteur
privé, préfèrent aller dans des grosses sociétés » PDG Axis
Pour palier cette difficulté, Axis n’hésite pas à attribuer une part importante de son budget à la
masse salariale afin de devenir plus compétitifs sur le marché. Plus précisément ; en
complément de salaires jugés avantageux, l’entreprise met en place un système de stock
option pour attirer les candidats étrangers ou français.
« Nous, quand on a commencé on a tout de suite compris que l’important était de bien payer
les gens sinon on n’aurait pas les meilleurs. Là on est obligé de suivre le marché des salaires.
C’est pourquoi on a décidé de ne pas lésiner sur la masse salariale et de favoriser très vite la
participation en terme de stock option » PDG Axis
Du fait de sa faible capacité d’attraction en France, l’entreprise se tourne vers le marché
international pour le recrutement de ses scientifiques. L’entreprise intègre ainsi
essentiellement de jeunes chercheurs étrangers auxquels elle confie des postes de « première
catégorie » sans responsabilités managériales. Ces postes sont cependant majoritaires dans
cette entreprise puisque l’organisation de la recherche est éclatée en sept « groupes leader »
(voir première partie) avec une faible ligne hiérarchique. Les postes de responsables sont donc
relativement restreints.
« Dans l’entreprise, le personnel est jeune, nous avons fait la moyenne d’âge cette année et
elle est de 30 ans. Cela donne une culture d’entreprise particulière avec des gens détendus,
volontaires tout en restant efficaces » PDG Axis
Des chercheurs plus âgés (plus de 35 ans), c’est- à-dire ayant une expérience professionnelle
plus importante, sont quant à eux placés à ces postes de responsables de « groupe leader ».
Sur les sept, trois sont de nationalité étrangère.
65
De ce fait, dans l’entreprise Axis, les chercheurs étrangers viennent palier les carences du
marché français.
Pour autant comme nous allons le voir ici, le recours à cette main d’œuvre étrangère ne se
limite pas à cette explication. Les chercheurs étrangers sont aussi considérés comme un
véritable atout dans un secteur recherche qui constitue, rappelons l’avantage concurrentiel de
l’entreprise.
1.1.2 Les chercheurs étrangers facilitent les négociations commerciales internationales
A Axis, les chercheurs étrangers sont une main d’œuvre très prisée par les dirigeants. Pour
ces derniers, le recrutement du personnel étranger est considéré comme le moteur d’une
culture internationale que l’entreprise souhaite favoriser.
«On ne dit pas pour ce poste on veut un étranger. On met des annonces et on voit quel est le
meilleur et c’est tout, qu’il soit étranger ou français. Mais sur ce point j’irais plus loin en
disant que l’on souhaite un mixage international dans notre équipe de recherche parce que de
cette manière on a des façons différentes d’analyser les sujets. Donc je ne dis pas que l’on va
forcément chercher un étranger, mais si on a un candidat étranger, c’est un plus pour nous »
PDG Axis
« Pour nous c’est une blague de dire qu’il y a des différences entre étrangers et français. Pour
nous il n’y en strictement aucune, les techniques qu’ils apprennent sont les mêmes et dans
notre société tout le monde doit parler l’anglais, du technicien à la secrétaire et évidemment
les chercheurs » PDG Axis
Au delà de cette volonté culturaliste, le recrutement de personnel étranger sous entend
plusieurs formes d’avantages pour Axis.
Tout d’abord les scientifiques étrangers apportent leurs propres réseaux de connaissance avec
les organismes privés ou publics de leurs pays d’origines. Ces contacts représentent des cibles
de
clients
potentiels
ou
encore
des
possibilités
de
collaborations
scientifiques
supplémentaires.
« Un scientifique, il vous apporte toujours ses propres réseaux avec lui : d’autres laboratoires
.Mais c’est également un plus en terme de négociation, en ce moment on a un chercheur
anglais dans notre équipe de recherche, c’est lui qui nous a conseillé de nous adresser à une
entreprise cliente, mais plus généralement quand un anglais s’adresse à un anglais ça facilite
le contact » PDG Axis
Mais surtout, intégrer des chercheurs étrangers dans son équipe crée également selon les
responsables des « groupes leaders », un avantage dans les négociations commerciales
66
internationales, marché primordial pour l’entreprise (voir 1er partie). Selon ces managers, des
interlocuteurs de culture identique parviendront plus facilement à négocier entre eux.
« Un anglais il préférera toujours parler à un anglais dans une négociation. Je ne peux pas
bien expliquer pourquoi mais avoir la même culture fait finalement tomber bien des barrières,
enlever quelques méfiances qui sont inévitables quand vous ne connaissez pas les gens /../ donc
pour nous quand on négocie avec des clients anglais, on emmène toujours avec nous un
anglais comme ça c’est plus facile » Responsable groupe leader Axis
Enfin les scientifiques étrangers apportent des méthodes de travail différentes au groupe de
recherche, ce qui participe à une meilleure production scientifique.
« Un scientifique étranger, il va apporter sa façon de travailler et même de raisonner. Le
mélange des genres, si je puis dire, va aider la recherche, amener des idées nouvelles qui vont
nous permettre de progresser » Responsable groupe leader Axis
1.1.3 Axis: des réseaux encore insuffisamment structurés
Axis recrute essentiellement son personnel par le biais d’annonces diffusées dans les journaux
spécialisés. L’entreprise mobilise ainsi peu les réseaux dans ce but. Débutant son activité
depuis peu, elle ne dispose pas de relations encore suffisamment étendues.
Pour autant, même si ce mode de recrutement est très minoritaire dans l’entreprise, il est
utilisé par ses dirigeants pour placer des gens de « confiance » aux postes à responsabilités.
Plus précisément, les cadres dirigeants, provenant tous du même groupe industriel, sont
parvenus à convaincre d’anciens collaborate urs de les rejoindre dans la création d’Axis. C’est
ainsi, qu’une partie de ces chercheurs recrutés par cooptation est de nationalité étrangère.
« Nous avons recruté des gens que l’on connaissait, des collègues de chez AVENTIS avec qui
on pensait qu’ils travaillaient bien. On a réussi à les convaincre de venir travailler avec nous
dans cette aventure» PDG Axis
Axis fait donc appel à des scientifiques étrangers faute d’attirer suffisamment de candidats
français. Malgré ce recrutement exercé par « défaut », les chercheurs étrangers apportent à
l’entreprise une série d’avantages concrets dans son activité internationale.
1.2 Le groupe PETRO INDUSTRIE en quête d’une expertise rare
La venue de chercheurs étrangers à PETRO INDUSTRIE est au départ due à une soudaine
pénurie de scientifiques aux compétences spécifiques particulières, dans un des centres de
recherche du groupe. Historiquement, le centre de recherche recrutait ces chercheurs grâce à
67
un réseau particulier qu’il entretenait avec un laboratoire pub lic spécialisé dans ce domaine
d’expertise. Le réseau fut interrompu lorsque le laboratoire dépérit progressivement suite au
départ à la retraite d’un directeur emblématique.
Du fait du tarissement de ce réseau, le centre de recherche fut contraint de rechercher à
l’étranger les compétences recherchées. C’est en Allemagne que le centre va trouver un
laboratoire public bénéficiant d’une excellente réputation dans le domaine. PETRO
INDUSTRIE noue alors un partenariat avec cet organisme public en initiant des projets de
recherches communs mais surtout en finançant des doctorants allemands que l’entreprise
recrute à l’issue de leurs thèses, conformément au processus que nous décrivions
précédemment. PETRO INDUSTRIE entretient ainsi ce réseau depuis plus de 10 ans et
recrutent des scientifiques allemands depuis cette période.
Ainsi, les chercheurs de nationalité étrangère d’PETRO INDUSTRIE travaillent tous dans le
même centre de recherche et sont tous de nationalité allemande . Leur place est donc très
restreinte puisqu’ils occupent uniquement un secteur d’expertise au sein d’un des centres de
recherche du groupe.
« Les étrangers que l’on recrute sont en quasi totalité des allemands parce qu’ils sont bons en
chimie. On a commencé à les recruter il y a 7 ou 8 ans parce que l’on a commencé à travailler
sur la poly-combustion. On a créé le CERDATO. Pour cette recherche on travaillait avec des
laboratoires mais la performance de ces laboratoires s’était nettement dégradée parce que des
directeurs qui étaient bons sont partis à la retraite et que leurs successeurs n’étaient pas à la
hauteur. C’est à partir de ce moment là que l’on a commencé à travailler avec un laboratoire
spécialisé dans le domaine. On a alors financé une thèse à Freibourg et après on a embauché
ce jeune allemand et c’est comme ça qu’on créé une filière et qu’on a recruté dans ce labo
allemand » Directeur centre de recherche PETRO INDUSTRIE
Précisons ici que les compétences de ces chercheurs allemands sont suffisamment rares pour
que l’unité de recherche en question « paye cher » leur venue. Ainsi, PETRO INDUSTRIE
peut proposer d’offrir un poste aux époux (ses) ou aux concubins (nes) de ces scientifiques au
sein du groupe pour mieux les convaincre d’exercer une mobilité en France.
« Lui (chercheur allemand), on a même sa femme qui est venue travailler chez nous /../ On lui
a proposé ça parce qu’il est bon et qu’il nous le fallait /…/ Mais il n’y a pas que pour lui que
l’on a fait ça. On peut proposer, quand c’est possible, une offre pour la compagne aussi parce
que c’est souvent un obstacle majeur pour qu’ils viennent en France. On ne le fait pas à
chaque fois, mais si on regarde le personnel du CERDATO, on s’aperçoit que parmi les
scientifiques étrangers, il y a quelques couples que l’on a reformés » DRH R&D PETRO
INDUSTRIE
A part l’exception d’un chercheur Lituanien que nous citons plus bas.
68
1.3. Les chercheurs étrangers de PETRO INDUSTRIE et de MEDAM Médicament: des
profils plutôt jeunes
Dans les deux cas que nous venons de décrire, les chercheurs étrangers recrutés ont des profils
plutôt jeunes. Plus précisément, pour la majorité d’entre eux, leur premier poste en France
correspond à leur première expérience professionnelle après leur doctorat.
« C’est pas évident de s’intégrer dans l’entreprise parce que d’abord je suis loin de chez moi
et en plus il s’agit de mon premier poste. Mais heureusement mon chef est anglais ça facilite
les choses » Chercheur MEDAM
«Je pensais qu’il fallait que je saisisse cette opportunité de venir travailler en France parce
que c’était mon premier poste et qu’on voulait en profiter avec ma copine avant d’être
complètement installé, avoir des enfants… Après, c’est moins facile de bouger » Chercheur
PETRO INDUSTRIE
« Pour moi, c’était extraordinaire cette offre parce que les gens ici sont plus ouverts que dans
l’industrie allemande, moins conservateurs qu’en Allemagne. Pour moi c’était l’occasion de
faire quelque chose de différent la première année où l’on travaille parce qu’au bout de 5/6
ans, on est beaucoup moins souple pour bouger. En plus ça nous faisait une 3ème langue à
notre actif c’est bon pour notre carrière » Chercheur PETRO INDUSTRIE
Pour ces jeunes scientifiques accepter un premier poste à l’étranger est principalement motivé
par des raisons personnelles : il s’agit ainsi de rejoindre son (sa) compagnon(e) en France ou
encore, c’est le cas le plus fréquent, de découvrir véritablement une culture différente en
s’installant durablement en France.
« Si je suis venue ici c’est aussi parce que je m’intéresse beaucoup à l’Europe. Je voulais
découvrir des coutumes, des manières de penser différentes. C’est vraiment enrichissant pour
moi. Ca me sert même dans mon travail. Dans les négociations on n’aborde pas un hollandais
comme un anglais. De toute façon moi j’ai vécu partout, en Belgique, en Suède, donc la
mobilité c’est naturel pour moi » responsable groupe leader MEDAM
« J’ai fait un post-doc en France et c’est là que j’ai rencontré ma femme. On s’est marié et
c’était plus difficile pour elle d’aller au Canada pour son job, donc je me suis mis à chercher
du travail en France » Chercheur MEDAM
« Le choix de la France c’est aussi pour ce que l’on pouvait appeler l’après travail. C’est à
dire que je suis célibataire et j’accorde une grande importance à la ville où je dois m’installer.
Il faut que je puisse rencontrer des gens même en sortant toute seule. Paris c’est très bien pour
ça » responsable groupe leader Axis
Même si ces raisons personnelles nous apparaissent prédominantes dans le choix de la
mobilité, ajoutons que dans les entretiens, ces jeunes chercheurs évoquent également des
motivations professionnelles.
« J’ai également choisi PETRO INDUSTRIE parce que c’était un groupe très important et
qu’il offrait beaucoup de possibilités pour la suite de ma carrière » Chercheur PETRO
INDUSTRIE
« J’avais envie de m’investir dans une entreprise comme celle là. Une start-up qui débute
c’est assez excitant. On se sent plus concerné par le boulot. Je préfère travailler dans une
petite structure comme celle là que dans un grand groupe pour commencer. Je me trompe peut
69
être, mais je n’ai pas une bonne vision des grandes entreprises où tout est trop hiérarchique »
Chercheur Axis
Ainsi, les motivations personnelles et professionnelles dans le choix de la mobilité sont
toujours étroitement entremêlées dans le discours des acteurs.
2. Les chercheurs étrangers : des concurrents naturels dans la course aux
meilleurs
La deuxième catégorie d’ « offre » vis- à- vis des chercheurs étrangers est proposée par les
entreprises qui recrutent leurs scientifiques à l’international. Comme no us le développons ici,
l’intérêt affiché de ces industriels est d’accroître, par ce moyen, leurs chances d’attirer les
meilleurs candidats.
2.1 Le cas de MEDAM Médicament : recruter les meilleurs scientifiques équivaut à une
ouverture ver l’ internationa l
2.1.1 Un groupe attractif visant les scientifiques les plus qualifiés
Selon les dirigeants de MEDAM Médicament, le groupe parvient à attirer de très bons
chercheurs.
« Je pense que nous parvenons à recruter de très bons scientifiques, ce qui est une des clés de
notre secteur recherche et développement. On base notre politique sur un recrutement
d’excellence de façon à avoir les meilleurs chercheurs sur le marché » Responsable R & D
MEDAM
A ce pouvoir d’attraction, les responsables voient deux facteurs explicatifs :
-
Tout d’abord le groupe MEDAM bénéficie d’une solide réputation internationale du
fait de sa présence sur le marché mondial du médicament.
-
De plus, de part sa taille, le groupe offre aux postulants, des garanties attrayantes en
terme de salaires, de sûreté de l’emploi mais également de par les moyens matériels
importants mis à leur disposition pour réaliser leurs recherches.
« Je pense de mon point de vue, qu’un chercheur n’est pas malheureux dans le groupe parce
qu’il va pouvoir mener des recherches d’envergure au sein d’un groupe compétitif sur le
marché mondial » Responsable R & D MEDAM
70
2.1.2 Des chercheurs étrangers placés à des postes à hautes responsabilités
Dans le groupe MEDAM , les chercheurs étrangers ont des fonctions à hautes responsabilités.
Dans les unités de recherches où nous avons mené notre étude, la grande majorité d’entre eux
occupent des postes de responsables de départements de recherche comprenant des équipes de
20 ou 40 personnes. Les autres chercheurs étrangers présents dans le secteur recherche du
groupe travaillaient comme simple techniciens.
Pour les dirigeants du groupe, les postes de responsables scientifiques sont systématiquement
ouverts au marché international afin d’attirer les meilleurs candidats dans le domaine
recherché. Leur politique de recrutement concernant ces postes de responsables ne fait donc
aucune discrimination entre les chercheurs étrangers et français.
« Les chercheurs étrangers ne font pas l’objet d’un traitement particulier dans l’entreprise. Ils
sont recrutés selon les mêmes critères que les autres c’est-à-dire sur l’adéquation
compétences-profil du poste. Ce qui fait qu’on ne fait absolument pas de distinction entre un
français et un étranger dans notre recrutement, c’est ouvert à tout le monde » Directeur de la
RD MEDAM
« Chez nous, il n’y a pas de distinction entre français et étrangers au niveau des postulants, ce
que l’on veut c’est les meilleurs c’est tout » responsable département scientifique » Adjoint
directeur R & D MEDAM
Pour les dirigeants de MEDAM Médicament, restreindre les offres d’emploi de responsables
scientifiques uniquement à la France ne satisferait pas aux exigences de qualité définies par le
groupe.
« Historiquement, notre dirigeant avait fixé une ligne très claire dans le recrutement de ces
collaborateurs scientifiques. Il disait « prenez les meilleurs et c’est tout » et pour avoir les
meilleurs, il souhaitait que l’on regarde dans le monde entier » Directeur de la RD MEDAM
L’ouverture des offres d’emploi au marché international est de plus facilitée par le fait que
l’intégration de personnel étranger dans le fonctionnement quotidien des unités de R&D ne
présente aucune difficulté particulière. En effet, l’entreprise veille systématiquement à mettre
à disposition des chercheurs étrangers, des collaborateurs bilingues : secrétaires, et
techniciens.
« Mon principal problème quand je suis arrivé ça a été la langue bien sûr parce que je ne
parlais pas du tout le français. Mais quand j’ai été recruté j’avais demandé à avoir au moins
une secrétaire et des techniciens bilingues pour que je puisse travailler normalement.
Maintenant ça va mieux en français sauf pour l’écriture » Responsable département recherche
MEDAM
71
2.2 Un mode de recrutement répondant aux exigences de qualité
2.2.1 La sélection des candidats par le comité scientifique interne du groupe
Du fait de sa réputation internationale, le groupe n’éprouve pas de difficulté particulière à se
montrer attractif sur le marché du recrutement des chercheurs. Ainsi, les responsables
diffusent leurs offres principalement publiées dans les journaux spécialisés comme Nature.
« Dans le recrutement on passe principalement des annonces dans les journaux spécialisés
/…/ lorsqu’un poste se libère en général on trouve quelqu’un dans des délais raisonnables, ce
qui montre qu’on est tout de même assez attractif dans notre domaine mais je pense que c’est
dû à la politique du personnel de MEDAM qui apporte des garanties sérieuses aux postulants.
C’est d’ailleurs pour cela qu’on arrive à faire venir des chercheurs étrangers qui font le
sacrifice de quitter leurs pays pour venir dans une petite ville du sud ouest de la France »
Directeur de la R & D MEDAM
La sélection des candidats s’appuie sur des critères précis qui sont validés par un comité
scientifique. Ce comité est composé de chercheurs de renoms dont certains sont extérieurs au
groupe, en provenance du secteur public. C’est le fondateur du groupe, lui- même scientifique,
qui a instauré ce système de recrutement par comité qui réunit des scientifiques qui font partie
de son réseau de connaissance.
« Lorsqu’il a crée l’entreprise, M. Fabre qui était un bon scientifique avait mis en place un
comité scientifique qui réunissait beaucoup de ses collègues de l’époque. Il voulait avoir ce
comité pour que le recrutement du personnel scientifique soit le plus performant possible. Ca a
fait ses preuves dans le passé et on continue toujours de la même façon 15 ans plus tard »
Responsable département recherche MEDAM
La valeur scientifique du candidat s’évalue en fonction de critères standards qui sont
identiques à ceux que nous avons observés dans le secteur public : publications (selon les
critères d’impacts des revues), fréquences des invitations aux colloques, expériences de la
conduite de projet de recherche.
2.2.2 La « Belge connexion » ou l’instauration d’un système de cooptation pour les
subordonnés
Comme dans les cas cités précédemment, les dirigeants du groupe mobilisent peu leurs
réseaux de connaissance pour recruter leurs responsables scientifiques. Etant suffisamment
attractif sur le marché du recrutement et disposant d’un mode de recrutement fiable, le groupe
parvient à recevoir suffisamment de candidatures de qualité pour ne pas avoir à mobiliser
leurs réseaux de connaissance.
72
Le recrutement par le biais de réseaux n’est pourtant pas totalement absent. En effet, un
micro-système de cooptation est instauré par les scientifiques étrangers une fois en fonction.
Ces derniers parviennent à inciter d’anciens collab orateurs à venir travailler avec eux dans
leurs unités de recherche. C’est le cas dans un des centres de recherche du groupe, où le
dirigeant principal d’origine belge est parvenu à s’entourer d’anciens collègues avec lesquels
il travaillait dans son précédent poste en Belgique. Le centre de recherche est à ce propos,
affectueusement appelé par les dirigeants du groupe « la belge connexion ».
« J’ai demandé à des collaborateurs avec qui je travaillais précédemment de venir travailler
avec moi ici. Ca a été facile parce que dans mon ancienne entreprise c’était aussi moi le
patron et ils travaillaient déjà avec moi pour la plupart. J’ai donc recréé mon ancien service
en fin de compte /…/ Pour tout responsable, c’est important de s’entourer de gens en qui on a
confiance. Ca tourne, on a déjà nos habitudes » responsable département recherche MEDAM
2.3 Les chercheurs étrangers de MEDAM : une mobilité plus « professionnelle »
Contrairement aux entreprises Axiset et PETRO INDUSTRIE, les chercheurs étrangers
travaillant chez MEDAM sont plus âgés puisqu’ils ont en général au moins 40 ans. Ils
bénéficient ainsi d’une expérience professionnelle importante (entre 10 et 20 ans) dans la
recherche privée. Cette expérience professionnelle conséquence est justifiée au regard des
postes de responsables d’unités de recherche qu’ils occupent.
« Moi j’ai roulé ma bosse comme vous dites ici. J’ai derrière moi un bagage de 20 ans de
recherche dans pas mal d’entreprises au final » Responsable Unité de recherche MEDAM
Concernant leurs motivations à accepter une mobilité, les chercheurs étrangers de ce groupe
évoquent en premier lieu des critères strictement professionnels. Pour eux, ce poste en France
équivaut en effet, à une progression dans leur carrière. Plus précisément, c ela se traduit
généralement par un poste aux responsabilités managériales plus importantes.
« Si j’ai choisi l’industrie c’est justement pour ça. Pour pouvoir changer quand j’ai fait le
tour de mon poste. Bien sûr il ne faut pas faire n’importe quoi, changer pour changer ça ne
sert à rien. Moi j’essaye de me fixer des objectifs dans ma carrière. Il y a des étapes que je
m’impose : il s’agit d’avoir des postes avec des responsabilités supplémentaires comme j’ai
ici. Et aussi un salaire plus important (rires) » Responsable Département recherche MEDAM
L’autre élément incitant ces scientifiques à accepter ces postes, est l’obtention de moyens
techniques et humains supplémentaires pour mener à bien leurs recherches.
« Je savais que MEDAM possédait des moyens colossaux par rapport à mon ancienne boîte.
C’était pour moi un critère fondamental parce que dans mon travail précédent c’était toujours
problématique pour obtenir des crédits supplémentaires pour avoir un technicien
73
supplémentaires ou pour du nouveau matériel. Ca j’en avais marre parce que ça nous limitait
dans nos recherches » Responsable unité de recherche PF
Ainsi et plus généralement, ces chercheurs ont quitté leurs pays d’origine parce qu’ils y
« gagnaient » professionnellement .
« Ce qui m’a motivé en premier lieu c’était le poste lui même qu’on me confiait, on me
proposait ici de diriger un groupe, pour moi c’était donc une étape importante dans ma
carrière » Responsable unité de recherche PF
Comme précédemment, précisons que ces motivations strictement « professionnelles » sont
du reste étroitement mêlées à des facteurs plus personnels. Ces chercheurs étrangers évoquent
notamment la nécessité d’un accord concerté avec leurs familles pour accepter un poste à
l’étranger.
« Lorsqu’on m’a proposé ce poste, j’en ai parlé avec toute ma famille. Même si la Belgique
c’est juste à coté, je n’aurais pas pu venir vivre ici tout seul. Heureusement ils ont accepté. Je
ne sais pas exactement ce que j’aurai fait s’ils avaient refusé, je ne suis pas vraiment certain
que j’aurais accepté » Responsable département recherche MEDAM
Nous pouvons ici avancer l’hypothèse que ces chercheurs expérimentés, exerçant une
mobilité plus « professionnelle » sont attirés vers les grands groupes industriels comme
MEDAM et PETRO INDUSTRIE capables de leur offrir des garanties d’évolution de carrière
et salariales plus importantes que ne pourraient le faire des entreprises plus modestes.
« Pour l’instant je m’imagine rester ici parce que le groupe propose des métiers différents qui
vous permettent d’évoluer. Il y a ici beaucoup de possibilités. On pense rester en France mais
on aimerait le sud. Ca fait 3 ans que je suis ici et je pense évoluer vers le management dans la
production. Je voudrais un poste avec plus de responsabilités personnelles. C’est très
important pour moi » Responsable Unité de recherche MEDAM
« Au départ j’étais un universitaire ukrainien et j’ai été invité par un collègue de l’université
du Mans pour travailler sur un projet de 11 mois. Ca c’est bien passé et on m’a proposé un
post doc (financement région) puis, pour continuer le projet, on m’a proposé un poste rouge du
CNRS pour un an. Après cette année le laboratoire du Mans était en contact avec PETRO
INDUSTRIE qui cherchait un spécialiste dans mon domaine donc ils m’ont invité un an en post
doc qui a été prolongé d’un an parce qu’il y avait des problèmes de restructuration et les
postes n’étaient pas clairs. Entre temps j’avais eu une proposition des USA mais PETRO
INDUSTRIE a proposé de créer un poste pour moi. Aux USA c’était plus intéressant au niveau
du salaire mais je ne voulais pas bouleverser une fois de plus ma famille qui était déjà installée
ici en France. En plus la France est plus proche de l’Ukraine, géographiquement et au niveau
de la mentalité. En plus ils ne me proposaient qu’un an et au bout d’un moment je cherchais
quelque chose de stable » Responsable unité recherche PETRO INDUSTRIE
3. Les restructurations et fusions industrielles comme cadre de la mobilité
Nous allons voir ici que le s mouvements de fusion, d’acquisition et de restructuration engagés
par deux des entreprises étudiées favorisent la mobilité internationale des chercheurs.
74
3.1 Le redéploiement des compétences : des expertises essentielles à conserver
Les restructurations des secteurs de recherche subies par PETRO INDUSTRIE et MOTOR
COMPAGNIE compagnie, permettent également la mobilité des scientifiques étrangers en
France.
PETRO INDUSTRIE a ainsi supprimé un de ses centres de recherche en Allemagne et choisi
de replacer le personnel scientifique allemand dans une unité française.
« Il y a aussi une mobilité dans le cadre de restructuration. Il y a deux ans on a fermé un
centre de recherche en Allemagne parce que les structures n’étaient plus assez performantes.
Suite à cette fermeture on a proposé à des chercheurs allemands de venir travailler au
CERDATO (unité de recherche) pour les replacer» DRH R & D ATO FINA
Il en va de même pour l’entreprise MOTOR COMPAGNIE qui a fusionné il y a quelques
années avec une entreprise anglaise. A la suite de cette fusion, des scientifiques anglais ont été
mandatés pour assister les responsables des unités de recherche de l’entreprise pour intégrer
au secteur R&D, des méthodes spécifiques de développement des composés de fusibles telles
qu’elles étaient appliquées précédemment dans l’entreprise fusionnée.
« Ma mission dans l’entreprise devait au début durer deux ans mais maintenant ça fait 3 ans
que j’y suis et je pense y rester quelque temps en plus parce que plus on travaille plus on
s’aperçoit qu’il y a des choses à faire /../ Au départ je devais appliquer et former les ingénieurs
d’ici à la manipulation et au développement que l’on appliquait à Gould Shawnut parce que
l’entreprise désirait percer le marché français avec ces techniques » Chercheur – chargé de
mission MOTOR COMPAGNIE
D’après les acteurs, si ces entreprises font le choix de déplacer le personnel scientifique au
moment des fusions/ restructurations c’est pour trois raisons majeures:
Tout d’abord déplacer les scientifiques équivaut à conserver des expertises jugées essentielles
pour les deux entreprises. Ainsi, la mobilité des scientifiques correspond à un redéploiement
des compétences, composante essentielle de la restructuration de l’unité.
« L’intégration a tout reconsidéré et a bouleversé les choses. On a réorganisé par secteur
d’activité technique : polymères, chimie organique, catalyse, chimie minérale sont des gros
secteurs autonomes. Après à l’intérieur on est organisé en Business unit… Mais ça c’est la
partie je dirais organisationnelle de la restructuration. Mais pour nous à la DRH, l’autre
élément important, c’est de mettre le personnel adéquat » DRH R & D PETRO INDUSTRIE
D’autre part, les scientifiques étrangers déplacés suite aux restructurations, permettent de
faciliter les relations entre les deux entités fusionnées. C’est le cas particulier de PETRO
75
INDUSTRIE où les scientifiques allemands travaillant actuellement en France, permettent de
faciliter les relations avec l’usine allemande du groupe. Grâce à cette proximité, les
chercheurs allemands sont sollicités par leurs collaborateurs lorsqu’ils sont confrontés à un
problème avec cette usine.
« Et en plus j’ai l’expertise humaine parce que nous sommes toujours en contact avec l’usine
de Bonn qui fabrique la gamme. Je connais bien les gens et comme ça les contacts sont
facilités lorsqu’on a besoin de revoir un échantillon. Lorsque c’est un français qui s’en occupe
il y a toujours des problèmes. Il ne sait pas trop à qui s’adresser, il y a des problèmes de
compréhension alors on me demande toujours de faire passer le message. Je suis une sorte de
facilitateur. C’est différent de mes collègues allemands d’ici qui eux sont venus pour une
expertise bien particulière » Chargé développement produit PETRO INDUSTRIE
Il en va de même pour MOTOR COMPAGNIE qui, au moment de sa fusion avec une
entreprise anglaise a accueilli des responsables scientifiques de ce groupe mandatés pour
intégrer un nouveau composé de plaquette dans le secteur recherche et développement de
l’entreprise française.
«Après la fusion avec Gould Shawnut (entreprise anglaise), MOTOR COMPAGNIE s’est
aperçu que ce composite maquait à la R&D parce qu’il permettait de mieux contrôler la
qualité vis à vis des clients /../ Comme un certain nombre de mes collègues que vous avez
rencontré on est en charge de l’application de ce procédé» Chargé de mission- MOTOR
COMPAGNIE
3.2 Des conditions salariales et matérielles attrayantes pour inciter les chercheurs à accepter
la mobilité
Au moment de leurs restructurations, PETRO INDUSTRIE et MOTOR COMPAGNIE
incitent la mobilité des chercheurs par des conditions très avantageuses : salaires, aides
diverses (déménagement, logement..), aménagement des conditions de travail.
« Je travaillais chez PETRO INDUSTRIE à Bonn dans un petit labo, mais il y eu une
restructuration et on a concentré la recherche ici au SERDATO et au moment de la fermeture
on m’a demandé si je voulais venir travailler ici dans la même fonction de chercheur. Ce
n’était pas trop difficile de bouger parce que je parlais le français et mon épouse aussi. Ca
tombait bien parce qu’elle voulait arrêter de travailler avec la naissance de notre premier
enfant. Donc ça tombait bien de venir à la campagne ici. Je connaissais la région parce qu’on
était déjà en contact avec le SERDATO. Tous les deux mois j’y allais. On nous a prévenus
suffisamment à l’avance pour que l’on puisse réfléchir. Ils avaient même proposé aux
techniciens de venir avec moi mais ils étaient trop implantés à Bonn ils ne voulaient pas venir
donc » Responsable unité de recherche PETRO INDUSTRIE
« Pour moi professionnellement et au niveau salaire ça changeait dans le positif et puis on
sentait très bien qu’il y aurait des restructurations. Donc, évoluer dans une grande entreprise
française c’était le mieux à faire. Au niveau du développement de ma carrière c’était le mieux.
Je n’ai pas cherché un autre poste de chimiste en Allemagne parce que la situation pour les
chimistes n’était pas facile, ils n’ embauchent pas beaucoup de chimistes en Allemagne. En
plus PETRO INDUSTRIE nous a proposé des aides pour le déménagement, on a trouvé ici une
très belle maison qu’on aurait jamais trouvée en Allemagne. Dans ma décision je me suis
assuré que ma femme était OK. Les conditions de travail étaient ici plus favorables qu’a Bonn
76
donc on n’a pas trouvé que déménager en France était un grand risque » Responsable
développement produit PETRO INDUSTRIE
4. Les entreprises « fermées » aux scientifiques étrangers : les filières de
formation françaises comme recours exclusif
Après s’être intéressé aux critères incitant les entreprises françaises à recruter des chercheurs
étrangers, examinons à présent les compagnies qui ne ressentent pas la nécessité de faire appel
à cette main d’œuvre étrangère et ne développent pas de stratégies particulières à cet égard.
C’est dans le secteur de l’économie que l’on observe la présence la plus limitée de chercheurs
étrangers mais aussi dans les secteurs ou les services de recherche qui privilégient les
ingénieurs aux docteurs.
4.1 La place prépondérante des ingénieurs restreint les possibilités d’intégration des
chercheurs étrangers
4.1.1 Le recrutement des ingénieurs induit de la souplesse dans la politique de ressources
humaines
Dans les groupes PETRO INDUSTRIE et MOTOR COMPAGNIE, la place des chercheurs
étrangers est très minoritaire (voir partie I).
En effet, ces groupes industriels privilégient le recrutement d’ingénieurs dans leurs secteurs
recherche et développement. Comme nous le précisions plus haut, la polyvalence des
ingénieurs sortis des écoles françaises due à leur formation de généraliste permet à
l’entreprise d’être souple dans l’attribution des postes.
« On recrute majoritairement les ingénieurs parce qu’avec eux on sait où on va. Un jeune
ingénieur qui débute chez nous, il peut occuper quasiment tous les postes dans le service. Pour
nous c’est un avantage certain au moment de leur entrée dans le service parce qu’on peut le
mettre à n’importe quel poste et ensuite tout au long de leur carrière, d’abord pour eux parce
qu’ils pourront changer de fonction au sein du groupe et ensuite pour nous car on est plus
souples » Responsable centre de recherche PETRO INDUSTRIE
Ajoutons que les ingénieurs ne sont pas lésés par rapport aux « docteurs » dans les pratiques
de recherches « pures » dans la mesure où la recherche privée est, la plupart du temps,
focalisée sur « l’application et le développement ». Ainsi, la recherche privée ne requiert pas
obligatoirement une solide formation en recherche fondamentale telle que la dispense la
doctorat universitaire.
77
Enfin, et concernant le cas particulier d’PETRO INDUSTRIE, le recours quasi-exclusif aux
ingénieurs correspond à une stratégie de gestion des ressources humaine particulière : l’enjeu
primordial du Directeur des Ressources Humaines du secteur recherche est de pouvoir
fidéliser, donc de conserver, le personnel scientifique au sein du groupe en les faisant évoluer
au sein de différents postes. Pour ce faire, le groupe propose à son personnel scientifique des
opportunités de changements de postes tout au long de leur carrière. Ainsi, un ingénieur
débutant à un poste de chercheur, pourra par la suite évoluer par exemple vers un poste de
manager dans la fabrication. La formation « généraliste » des ingénieurs représente alors un
avantage primordial dans cette stratégie.
Le but affiché de cette politique de RH est l’efficacité. Un scientifique ayant occupé plusieurs
postes différents au sein de la R & D, sera plus à même de comprendre les différentes
contraintes de ses collègues subordonnés lorsqu’il occupe un poste de responsable.
« La politique RH dans le groupe est de pouvoir faire évoluer les gens tout au long de leur
carrière. Cette politique de fidélisation sert, je pense, l’intérêt des salariés parce que le groupe
offre une variété de métiers dans lesquels chacun peut trouver pourquoi il est fait ou alors
dans lesquels il pourra évoluer tout au long de sa carrière. Mais c’est aussi une politique
délibérée dans le sens où les gens connaissent les différents postes et secteurs de l’entreprise,
il sera d’autant plus efficace quand il prendra un poste de responsable d’une unité de
recherche s’il connaît d’abord le travail de chercheur » DRH PETRO INDUSTRIE
4.1.2 La filière française de formation des ingénieurs : un gage de qualité pour les
entreprises
Si ces deux groupes industriels privilégient de plus le recrutement de scientifiques- ingénieurs,
c’est tout d’abord, nous l’avons vu, du fait du caractère polyvalent de leur formation qui
induit une plus grande souplesse dans la politique de ressources humaines des entreprises de
la chimie étudiées.
D’autre part, si ces entreprises choisissent des scientifiques- ingénieurs c’est parce qu’elles
estiment que le contenu de leur formation leur apporte des garanties fiables sur la qualité des
candidats. Chaque entreprise établie alors son propre classement des écoles d’ingénieurs en
fonction de sa réputation et va recruter en fonction de cette hiérarchie. Il se forme par
conséquent, des réseaux particuliers écoles d’ingénieurs - entreprises par lesquels les
entreprises presque exclusivement leur personnel scientifique, phénomène bien connu dans les
grandes entreprises françaises et qui reste très présent.
78
« A force de recruter dans les écoles d’ingénieurs on fini par bien les connaître. On connaît
les classements selon leur réputation. Quand on a une candidature, ça nous simplifie la tâche,
on a déjà une idée de sa valeur selon l’école par laquelle il est passé. Parce que toutes ne
recrutent pas leurs élèves de la même façon, certaines demandent Maths sup et d’autres
recrutent sur concours » Directeur de la recherche PETRO INDUSTRIE
« Pour les recrutements des scientifiques, j’ai mes habitudes, je connais les écoles
d’ingénieurs qui ont une bonne réputation et ce sont ces candidatures là que je privilégie. On
accueille également chaque année des stagiaires auxquels on peut proposer un emploi quand
ils apportent toute satisfaction. C’est les gens du labo qui me font part de leurs sentiments »
DRH MOTOR COMPAGNIE
Dès lors, c’est la filière française qui est privilégiée par ces deux entreprises puisqu’elle celleci présente l’avantage d’apporter des garanties supplémentaires quant à la qualité du
recrutement de ces scientifiques. Ceci limite, de fait, fortement la place des chercheurs
étrangers dans ces groupes industriels.
4.2 La recherche et développement dans les sciences économiques : la formation française
couvre les besoins des sociétés étudiées
4.2.1 Les économistes étrangers du service risque « pays » Banque Affaire : peu de valeur
ajoutée ?
A priori et au vue de sa mission d’étude prospective internationale, on pourrait penser que le
service « risque pays » de la Banque Affaire cherche à recruter des économistes de nationalité
étrangère. Or dans les faits, il n’en est rien et dans le service, les 3 économistes de nationalité
étrangère qui y travaillent font figure d’exception.
« On n’a pas d’étrangers dans le service. Je n’ai que mon Hollandais et mon africain et aussi
une petite de Moldavie mais elle, c’est un peu différent, parce qu’elle a fait ses études en
France. Mais eux on ne les pas recrutés pour leur nationalité. Je ne sais d’ailleurs plus très
bien comment ça s’est fait mais ce n’est pas parce qu’ils avaient quelque chose de particulier »
Directeur service risque pays/ BANQUE AFFAIRE
Selon ce dirigeant, deux facteurs expliqueraient cette faible représentation:
-
Tout d’abord le service reçoit très peu de candidatures d’économistes étrangers. Ils y
voient deux raisons différenciées en fonction des pays d’origine : les économistes
bénéficiant de formations solides comme les américains ou anglais, s’avèrent difficile
à attirer puisque la France ne peut offrir les mêmes garanties salariales que dans leurs
pays. A l’opposé, le service prendrait peu en compte les candidatures provenant du
tiers monde puisque celles-ci n’offrent pas les mêmes garanties dans la qualité de leur
formation et que ces postulants ont l’handicap de pas se trouver sur place au moment
des entretiens.
79
« On n’a pas vraiment d’économistes anglais ou américains qui postulent chez nous tout
d’abord parce qu’on ne peut pas leur offrir les mêmes conditions salariales qu’en Angleterre
ou qu’aux USA. C’est inutile que je vous détaille le poids des impôts et des charges en
France je pense. On peut avoir mais c’est très rare des candidatures de pays du tiers monde
mais là aussi c’est délicat parce qu’ils ne sont pas sur place et on ne peut pas leur payer un
voyage pour qu’ils passent l’entretien. Souvent, c’est vrai, elles passent à la trappe ces
candidatures même si elles sont pas nombreuses» Responsable études économiques Banque
Affaire
-
D’autre part, les économistes étrangers ne disposeraient pas de compétences
spécifiques s’avérant directement utiles pour le fonctionnement du service. En effet,
les économistes de ce service élaborent leurs analyses prospectives à partir
d’informations recueillies principalement sur le web (données historiques, PIB
évolutif, décision FMI, contexte politique…). En travaillant (pour des commandes
internes) sur cette base de données commune, le risque pays n’a aucun besoin de
chercher à recruter des économistes des pays étudiés pouvant leur apporter des
informations plus précises sur le système politique, les rumeurs, les lois spécifiques
etc…
« Je ne vois pas pourquoi je recruterais un économiste américain dans mon service.
Quelqu’un qui va me coûter 10 fois plus cher même s’ils ont une très bonne réputation. Si je le
recrute, quand je vais dire ça à la direction ils vont me dire même si j’argumente « pourquoi
vous ne prenez pas un français très bon à la place » Directeur service risque pays/ BANQUE
AFFAIRE
En conséquence, les économistes étrangers ne présentent pas une plus-value particulière vis à
vis des missions du service « risque pays ». De ce fait, les économistes étrangers du service
ont été recrutés presque par hasard.
« A la fin de mon contrat avec l’OCDE, je ne voulais pas retourner en Hollande (pays
d’origine), je préférais rester en France parce que j’y avais mon appartement et aussi parce
que j’avais rencontré ma compagne. Ca a joué aussi beaucoup. Donc je me suis mis à
chercher et finalement après être resté 6 mois au chômage, j’ai vu une annonce dans le monde
pour la BANQUE AFFAIRE, qui me correspondait bien et c’est comme ça que je suis rentré »
Economiste Risque pays Banque Affaire
Cette logique est inversée dans les services de la banque implantés à l’étranger et chargés de
conseiller les clients de ces pays. Dans ce cas, la banque est vigilante à recruter uniquement
des américains pour traiter avec des clients américains puisque ces économistes disposent de
connaissances plus fines présentées comme indispensables pour les analyses prospectives :
texte juridiques, information concernant la politique interne
« Je m’en foutrais de prendre un américain pour couvrir la zone euro, ça ne me gène pas. On
n’a pas besoin dans le service de prendre des économistes du « cru » (de nationalité des pays
étudiés) parce qu’on a toutes les informations dont on a besoin pour faire nos analyses sur
notre ordinateur. Par contre dans nos agences aux USA, ils ne font pas le même travail, ils
80
conseillent directement le client alors je ne peux pas mettre un français pour parler à des
américains, les clients n’apprécieraient pas. C’est une question d’image et une question de
sources parce que si les économistes ne baignent pas dans le bain ils ne comprendront jamais
rien du système politique un peu fin, de la législation et tous les autres éléments qui peuvent
jouer dans les prévisions » Directeur service risque pays/ BANQUE AFFAIRE Paribas
4.2 Le service étude et développement d’ENERGIE : pourquoi faire appel aux économistes
étrangers ?
Le département R&D d’ENERGIE ne recrute aucun économiste de nationalité étrangère. Les
économistes dit « étrangers » que nous avons rencontrés sont du personnel certes originaire
d’autres pays mais ayant tous suivi un cursus de formation supérieure en France. Ceux-ci
disposent, de plus, soit de la nationalité française ou de la double nationalité.
« Moi je ne sais si je rentre dans votre catégorie d’étude parce que je suis originaire d’Inde
mais mon père a vécu une grande partie de sa vie en France. Donc j’ai été élevé en France, j’y
ai fait toutes mes études même si je reste très fermement attaché à mes racines en Inde puisque
une grande partie de ma famille est toujours là bas » Economiste R&D/ direction de la
stratégie ENERGIE FRANCE
« Je ne me sens pas du tout comme un étranger puisque j’ai toujours vécu en France et j’y ai
fait toutes mes études. Seulement c’est vrai, mon père est anglais et j’y vais régulièrement, estce que ça vous suffit pour dire que je suis une étrangère » Economiste R&D
Comme dans l’exemple précédent de la Banque Affaire, deux raisons majeures expliquent ce
cloisonnement apparent à l’égard de la main d ’œuvre étrangère : 1. les statuts publics propres
à ENERGIE et 2. l’adéquation forte entre la nature des missions du service et les compétences
dispensées par les formations françaises.
Tout d’abord, selon les statuts de service public appliqués au personnel d’ENERGIE, la
nationalité française constitue une condition préalable obligatoire dans le recrutement d’un
statutaire. C’est ainsi, que le personnel de nationalité étrangère ne peut postuler dans le
groupe.
« Il y a quand même une raison fondamentale pour que l’on ne recrute pas d’étrangers, c’est
lié aux statuts publiques des salariés d’ENERGIE FRANCE. C’est-à-dire que pour pouvoir
postuler à ENERGIE FRANCE, il faut être de nationalité française. Recruter des étrangers
dans cette perspective ça devient plus compliqué » Responsable R&D ENERGIE FRANCE
Cependant, dans la réalité, il en va autrement. Ainsi, la responsable du département recherche
admet que le groupe peut recruter une main d’œuvre « strictement » étrangère mais en leur
proposant des statuts plus particuliers dits de « chargés d’étude » qui ne confèrent pas à ces
salariés la sécurité de l’emploi. Comme l’explique ci-dessous cette responsable, ce fut le cas
des linguistes étrangers dont le service avait besoin.
81
« Le personnel étranger c’est un vrai problème pour nous parce qu’on ne peut pas le recruter
comme statutaire selon les textes en vigueur à ENERGIE FRANCE. Mais par exemple l’année
dernière, on a engagé un linguiste étranger parce qu’on le voulait mais on a dû contourner le
problème et l’engager dans un statut particulier qui est proche du chargé d’étude. Cela ne veut
pas dire qu’ils sont précaires parce qu’ils sont bien rémunérés mais ils n’ont pas le même
statut que les autres » Directrice département recherche et développement
L’autre élément expliquant l’absence des économistes étrangers dans le service recherche
tient au fait que ce service trouve dans les différentes filières de formation françaises (voir
partie I) les compétences dont ils ont besoin. Plus précisément, les missions du service
concernent plus l’application de modèles économiques qui permettent d’établir les études
prospectives
qu’une réflexion plus théorique sur ces modèles tels qu’ils sont élaborés dans
la recherche publique.
« Finalement et pour être un peu cru, les gens de la R&D à ENERGIE FRANCE ne font pas
de recherche. Ce que la boîte attend d’eux c’est plus qu’ils fassent du développement, c’est-àdire de trouver des travaux de recherche et ensuite de les appliquer, ils se réapproprient plus
les travaux de recherche qu’ils ne les inventent. C’est plus du développement que l’on fait et
c’est pour ça qu’il y a pas mal de gens qui sont frustrés » Ingénieur R&D ENERGIE
« A la R&D tout va très vite, on n’a pas le temps de rentrer dans des logiques de modélisation
économiques. On doit par exemple fournir une prospective sur 10 ans d’un nouveau type
d’équipement, on prend en compte la valeur d’usage, les coût marginaux tout ça. C’est un
travail d’application économique pur mais ça reste une perspective très technicienne. On en
dégage pas des problématiques plus théoriques. On n’en a pas besoin » Economiste R&D
Les responsables du service déclarent ne rencontrer aucunes difficultés à trouver les
compétences adéquates que ce soit, en recrutant directement dans les filières de formation
économiques françaises (diplômes universitaires, écoles d’ingénieurs etc..) ou par le biais de
la promotion interne . D’autant plus que, toujours selon ces derniers, le groupe se montre
suffisamment attractif (de part les avantages salariaux, les garanties d’emploi etc.. qu’il
procure) du potentiel de postulants.
Dès lors, le service « recherche » dispose d’un vivier de candidatures satisfaisant du point de
vue à la fois qualitatif et quantitatif. En conséquence, le service n’épro uve pas le besoin de
prospecter vers des demandes provenant d’autres pays, faute de carences en compétences
« rares » ou de meilleure qualité comme nous l’avons vu dans les exemples de PETRO
INDUSTRIE et de MEDAM .
Exemple : étude de la mesure des coûts liés à l’application d’un nouvel équipement dans un réseau de
distribution
Précisons ici que la majeure partie du personnel qui compose le service étudié est expérimenté et ont déjà
travaillé au préalable dans d’autres services du groupe. La promotion interne constitue donc une voie
privilégié dans le recrutement du personnel du service recherche étudié.
82
« Pour nous, il n’y pas une utilité, je dirais, directe à recruter des étrangers même si sur le
principe je n’y voit pas d’inconvénients. Notre politique de ressources humaines nous satisfait
telle qu’elle est dans la mesure où nous parvenons à trouver un bon équilibre dans
l’adéquation compétences/ postes. On essaye de mélanger de mettre des gens qui peuvent nous
apporter au groupe des analyses pertinentes et je pense qu’on y arrive même si on ne va pas
assez loin dans la transversalité des compétences je pense » Responsable R&D ENERGIE
FRANCE
Relevons ici toutefois les avantages qu’un ingénieur-économiste indien, retire de ses origines
étrangères dans son travail de prospective économique. Selon lui, ses contacts et sa
connaissance locale des pays du tiers monde alimentent les réflexions conduites autour des
programmes de prospectives de long terme qu’il dirige . Ce dernier ne fait pourtant pas
vraiment figure d’exception à notre constat précédent dans la mesure où il propose une offre
de travail de nature différente de celles d autres économistes « type » du service, c’est- à-dire
une prospection plus tournée vers la théorie .
« Mes origines étrangères font que j’ai une perception différente de la logique dominante de
développement occidental. Je peux ainsi comparer que les inerties de la France ou des USA ne
sont pas forcément celles de l’Inde ou de l’Afrique. Le constat est que aujourd’hui 4 milliards
d’individus sur la planète vivent avec moins de 500 dollars par an. Donc les entreprises
mondiales se battent pour un tiers de la population. Ca veut dire que pour tous le reste, les
autres marchés, il faut les appréhender d’une autre manière : les demandes en énergie dans
ces pays là ne répondent pas du tout aux mêmes problématiques. Toutes ces expériences
m’aident en fait à trouver, apporter une réflexion supplémentaire sur de nouvelles demandes »
Economiste R&D/ direction de la stratégie ENERGIE
Enfin et pour conclure les constats concernant les services recherche privés des sciences
économiques, signalons que la pluralité des profils de formation recrutés par les deux services
étudiés, ne fait que renforcer leurs recours exclusif au marché français : en effet, en intégrant
des économistes de formation différente ( DEA, ingénieurs, écoles de commerce…), ces
services accroissent d’autant plus leurs possibilités de choix à l’intérieur des filières de
formation nationale.
Il s’agit par exemple du thème « l’évolution des énergie renouvelables dans les 50 prochaines années »
Pour être tout à fait complet, pré cisons que cet économiste bénéficie dans le service d’un statut totalement
atypique dans le service puisqu’il est rattaché à la fois à la direction de la stratégie et à la recherche et
développement
83
5. Le vécu des chercheurs étrangers : les entreprises françaises trop
bureaucratiques ?
De même que dans le secteur public, les chercheurs étrangers travaillant dans les entreprises
privées évoquent tout d’abord, dans leurs discours, leurs satisfaction globale de vivre en
France.
Pourtant, ce sentiment général masque une série de critiques que les chercheurs soulignent de
manière plus virulente que leurs homologues du secteur public :
Le premier motif de mécontentement des chercheurs étrangers concerne les rigidités de la
hiérarchie dans les organisations françaises. Pour une grande partie d’entre eux, et plus
particulièrement pour les Américains, Anglais et Hollandais, cette distance établie entre un
supérieur et un subordonné nuit à l’efficacité du fonctionnement du service ou de
l’organisation.
« Ce qui me gène le plus, c’est la hiérarchie à la française. Quand on parle à un responsable,
on le sent, il faut avoir une certaine distance. En Hollande ce n’est pas le cas on a des
relations beaucoup plus détendues avec les chefs, on peut se dire plus de choses plus
librement. Ca a des conséquences sur le travail lui même parce qu’on ne peut pas plus
clairement des reproches à un responsable. L’autre fois, je me suis retrouvé face à ce
problème, j’ai exposé brutalement mes reproches à quelqu’un de plus important que moi lors
d’une réunion. Tout le monde était très choqué de mon intervention et lui n’a pas apprécié du
tout » responsable group leader Axis
Dans le même ordre d’idée, les étrangers soulignent, avec une certaine ironie, la passion que
vouent les dirigeants français à la bureaucratie. Ils expriment alors leurs difficultés à la fois à
comprendre et à s’adapter aux règles bureaucratiques qu’ils doivent respecter dans leurs
activités.
« Mon principal problème ici ? C’est votre infernal fonctionnement bureaucratique ! Mon
dieu, pourtant on m’avait prévenu que la France était comme ça, mais à ce point /../ Chaque
fois que je veux faire une demande, il faut la faire passer aux bureaux produits et à la
production pour qu’eux la valide. Comme les deux ne répondent jamais en même temps parce
qu’ils demandent à leur tour, une série de validation, les autorisations se perdent et il faut en
refaire. Tout ceci est extrêmement usant » Responsable produit PETRO INDUSTRIE
« Ce qui m’angoisse le plus, c’est de comprendre toutes les subtilités des règles. Un papier
doit être signé par 5 personnes différentes sinon vous ne pouvez rien faire et pire, vous prendre
une faute professionnelle pour ce genre de conneries /…/Je pense que je ne pourrais jamais
m’habituer à demander cinq autorisations pour chacune de mes actions sans que je puisse
comprendre exactement pourquoi le service comptabilité doit donner son autorisation pour
tout nouvel achat alors que j’ai un budget propre. J’ai souvent évoqué ces problèmes mais
c’est comme si je parlais à un mur » Responsable département recherche MEDAM
84
Enfin, les étrangers soulignent la vigilance des français à ne pas dépasser le temps de travail
légal. Parmi les chercheurs rencontrés, ce sont les anglais et les américains principalement qui
fustigent ce type de comportement. Pour eux, c’est un des principaux inconvénients qu’ils
rencontrent dans les entreprises françaises en comparaison avec leurs pays d’origine.
« Dans le travail, l’autre problème surtout c’est que les gens ne font rien. Le plus flagrant
c’est pour les secrétaires. Elles sont là de 9h à 16h45 et après plus rien. Je ne pourrais jamais
leur demander de rester un peu plus tard parce que sinon je vais passer pour un fou, un tyran.
C’est pareil pour mes collègues vers 18 heures, on ne rencontre plus grand monde à part le
chef. C’est très différent de ce que j’ai connu aux Pays Bas et surtout en Angleterre où là, on
reste jusqu'à ce que le travail soit vraiment terminé. Alors qu’en France, les gens aiment bien
remettre à demain » Economiste- risque pays Banque Affaire
« Les 35 heures c’est quelque chose qui me surprend beaucoup quand même. Je pense que je
suis dans un secteur où il faut investir un temps de travail très important, les essais ça prend
beaucoup de temps. Mais ça, les gens ici ils n’aiment pas rester jusqu'à 22h comme nous on le
fait beaucoup en Angleterre. Moi, ça me choque beaucoup ce genre de chose. J’en ai souvent
discuté avec les dirigeants ici qui me disent qu’ils ne peuvent rien faire contre ça. J’imagine
que c’est surtout culturel ce genre d’attitude mais pour moi ça va contre la performance »
Chargé de mission- MOTOR COMPAGNIE
6. La mobilité des chercheurs étrangers dans le secteur privé : la prédominance
du modèle du marché
En reprenant la logique de la démonstration que nous avons suivi dans le secteur public, nous
proposons ici une analyse établissant comment l’ « offre » des entreprises et la « demande »
des chercheurs s’entrecroisent. Il ressort de cette démonstration que c’est le modèle du
marché qui domine dans les pratiques de mobilité dans ce secteur. Contrairement au secteur
public, le réseau ne sert pas de cadre à la circulation des chercheurs. Au contraire, les
entreprises privées renversent plutôt cette logique : le recrutement des chercheurs étrangers
est un moyen de constituer des réseaux de connaissances.
6.1 Le capital attractif de l’entreprise structure la demande des chercheur
La mobilité des chercheurs étrangers dans le secteur privé français est encadré par le modèle
du marché que nous avons décrit dans le secteur public. Nos entretiens montrent en effet que
la coordination entre l’offre et la demande se fait essentiellement par la publication de postes
et l’arrivée de candidature spontanées, sélectionnées en fonction de la qualité des candidats
sur la base de jugement scientifiques.
Les entreprises ne sont pourtant pas égales sur leur capital « attractif ». Ainsi, on observe une
distinction nette entre les profils de chercheurs étrangers des groupes industriels importants
85
(PETRO INDUSTRIE, MEDAM ) et des entreprises plus petites (Exhon Hit) : dans le
premier cas de figure, les grands groupes industriels parviennent à investir des moyens
financiers et matériels conséquents pour inciter des chercheurs étrangers de très bon niveau à
les rejoindre. Pour ces derniers, qui ont une expérience professionnelle importante, la mobilité
est perçue comme une « promotion » dans la gestion de leur carrière.
Au contraire, une entreprise débutante ne pourra pas proposer les mêmes garanties de sécurité
de l’emploi, de promotion interne ainsi que de niveau de rémunération à ses postulants. Dans
ce cas, les chercheurs étrangers qu’elle parviendra à attirer sont des jeunes débutant leur
carrière et exerçant cette mobilité plutôt pour des motifs extra-professionnels (découverte
culturelle, rejoindre son conjoint….)
L’exception à ce modèle, est la mobilité des chercheurs dans le cadre des fusions/
restructurations appliquées développées ci-dessus.
5.2 Les réseaux dans le secteur privé : une fin plus qu’un moyen
Dans l’étude de ce secteur, nous n’avons constaté qu’une minorité d’exemple de mobilité
dans le cadre du réseau. Ce modèle est peu donc utilisé par les entreprises étudiées pour le
recrutement des chercheurs étrangers.
En allant plus loin, il semble que la logique des organismes privés soit presque inversée :
l’intégration des chercheurs étrange rs représente surtout pour eux un moyen de nouer des
réseaux qui apportent un certain nombres d’avantage : cibles de clients internationaux
supplémentaires, possibilités de collaboration avec des laboratoires publics étrangers etc…
86
Conclusion de Partie II : des logiques de mobilité hétérogènes dans le
secteur privé
Il ressort ainsi de notre échantillon que, la mobilité des chercheurs étrangers dans le secteur
privé français obéit à 3 grandes logiques :
• Les entreprises françaises étudiées, ont tout d’abord recours à des chercheurs étrangers
lorsqu’elles rencontrent des carences sur le marché du recrutement français. C’est le cas de
PETRO INDUSTRIE qui se trouvait face à une pénurie de compétence dans un domaine
d’expertise particulier et a recruté des chercheurs allemands pour combler ce manque. L’autre
cas de figure est l’entreprise débutante, Axisqui ne parvient pas à se montrer suffisamment
attractive pour les chercheurs français et qui fait appel aux scientifiques étrangers pour palier
ce problème.
• Le deuxième facteur explicatif quant à l’intégration de chercheurs étrangers est
l’élargissement de la politique de recrutement au marché international. C’est le cas du groupe
industriel MEDAM qui « ouvre » ses offres d’emploi à l’international en vue d’accroître ses
chances d’attirer les « meilleurs » scientifiques. La logique est dans ce cas là, inverse à la
précédente puisque les entreprises recrutent des chercheurs étrangers non plus par « défaut »
mais parce qu’ils sont des postulants naturels dans un recrutement international.
• Enfin, les scientifiques étrangers peuvent exercer une mobilité en France au moment des
fusions et/ ou des restructurations appliquées, dans notre champ d’étude, par PETRO
INDUSTRIE et MOTOR COMPAGNIE compagnie. La mobilité des chercheurs s’inscrit ici
dans un redéploiement global des compétences s’inscrivant dans des réorganisations
internationales plus larges.
Ainsi, selon ces trois logiques d’intégration, on constate des profils différents de chercheurs
étrangers : les entreprises en « manque de bras » scientifiques parviennent à attirer des
chercheurs plutôt jeunes, c’est- à-dire débutant leur carrière et acceptant une mobilité pour des
motifs principalement personnels : découverte d’une autre culture, se rapprocher de son
conjoint etc. Au contraire, le choix des scientifiques impliqués dans un recrutement
d’excellence, correspond plutôt à une motivation d’ordre strictement professionnels :
opportunité d’un poste aux responsabilités étendues, obtentions de moyens supplémentaires
87
pour mener ses recherches etc. Même si, au regard de notre démonstration la nature de ces
motivations à exercer une mobilité apparaît contrastée, il nous semble ici en même temps
nécessaire de préciser que dans la réalité, les discours des acteurs mêlent toujours étroitement
motivations « personnelles » et « professionnelles ».
D’une manière plus générale, ce sont les entreprises qui recrutent majoritairement des
« docteurs » qui sont les plus ouvertes à l’intégration des chercheurs étrangers . Dans leurs cas
en effet, les convergences de compétences entre un docteur français et étranger sont plus
évidentes en raison du caractère spécialisé de cette formation. En revanche, les unités de
recherche essentiellement composées de scientifiques- ingénieurs, privilégient le recours
exclusif aux filières françaises qui leur offrent les garanties de qualité de formation qu’ils
exigent. Ces entreprises sont donc, de fait, moins à même d’intégrer des scientifiques
étrangers puisque l’équivalence de compétence ainsi que les gages de qualité sont moins
évidents à cerner que dans le cas des docteurs universitaires.
88
CONCLUSION GENERALE
Pour terminer, nous voudrions développer quelques points que suggèrent les résultats de cette
étude. Dans un premier temps, nous rappellerons les conclusions auxquelles aboutissait une
enquête comparable menée par E. Mouranche (1997) il y a un peu plus de cinq ans pour
chercher les tendances qui se dessinent. Dans un second temps, nous reviendrons sur la
coupure privé/public autour de laquelle ce rapport est construit. Enfin, nous terminerons par
quelques réflexions sur les modèles de circulation de ces personnels : le « réseau » ou le
« marché ».
La mobilité internationale, cinq ans plus tard
A la demande du ministère de la Recherche une étude comparative qualitative de grande
envergure (plus de 200 entretiens) avait été menée en France, en Allemagne et en GrandeBretagne sur la mobilité des chercheurs et universitaires dans le public. Comme pour l’étude
que nous venons de réaliser, des laboratoires avaient été sélectionnés dans chacun des trois
pays et pour deux disciplines : la physique nucléaire et les sciences de la vie. Des
responsables de laboratoires et d’équipes, ainsi que des doctorants non originaires du pays où
se déroulaient les entretiens avaient été interviewés.
Si l’on compare les résultats de cette première enquête et ceux de l’étude conduite cette année
pour le secteur public, on ne peut qu’être frappé par la relative stabilité des conclusions.
Ainsi, le post-doctorat reste la période pendant laquelle les mobilités sont les plus importantes
(sauf en économie toutefois, où les doctorants sont plus concernés) ; cette mobilité est
envisagée dans une stratégie de consolidation d’un CV dans la perspective d’un retour dans le
pays d’origine ; les laboratoires d’accueil voient dans ces post-doctorants une main d’œuvre
peu coûteuse et productive ; ils ne développent pas à leur endroit de politique particulière et
ne se sentent pas engagés vis- à- vis de leur avenir ; enfin, l’appariement entre des postdoctorants et un laboratoire intervient soit par recours au marché, soit en mobilisant les
réseaux scientifiques au sein desquels on est inséré.
89
Un autre élément récurrent concerne la situation particulière de la France, pays où d’un côté
les bourses de post-doctorat restent plus rares qu’ailleurs mais où par ailleurs les possibilités
d’accès à une carrière scientifique pour ces post -doctorants étrangers sont plus élevées
qu’ailleurs. Comme nous l’avons vu, des relatio ns fructueuses entre post-doctorant et un
laboratoire peuvent amener le premier a décidé de rester en France et le second à soutenir la
candidature du premier sur un poste permanent. Cet avantage comparatif de la France
s’explique notamment par l’accès plus précoce à un emploi permanent dans ce pays (Musselin
1996, 2000a) et par les possibilités de carrière à l’intérieur des organismes nationaux de
recherche (qui évitent les problèmes de maîtrise de la langue qui peuvent en revanche gêner
l’accès aux postes universitaires).
Cependant cette opportunité de recrutement en France à l’issue d’un post -doctorat reste assez
marginale et les stratégies de carrières dans le public conserve leur caractère prioritairement
national.
Est-ce à dire pour autant que rien n’a changé et qu’aucune évolution n’est discernable ? Cela
n’est pas vrai non plus. D’une part, le passage par un post-doctorat et encore plus par un
doctorat ou un post-doctorat à l’étranger semble se généraliser (notamment en chimie), alors
qu’il concernait essentiellement les sciences de la vie dans la première enquête. Par ailleurs,
les laboratoires semblent avoir acquis une certaine compétence dans la recherche des bourses :
le thème du financement reste présent (c’est une contrainte forte) mais il paraît moins
problématique pour les laboratoires comme pour les post-doctorants que lors de la précédente
étude. Notons cependant que le mode d’attribution des bourses, basé sur le profil du candidat
et le projet, est critiqué par les laboratoires qui ne peuvent solliciter et obtenir une bourse
avant même d’avoir trouvé la personne intéressée et préféreraient qu’elles leur soient données
« sans nom » afin d’utiliser ce financement pour attirer les « meilleurs ».
Evolution des conditions de production de la recherche et des frontières entre public et
privé
Un des résultats peut-être les plus surprenants de cette étude concerne le cloisonnement des
carrières entre public et privé. Certes, les laboratoires publics étudiés ont tous des relations, et
parfois des relations contractuelles étroites, avec le secteur privé et réciproquement, les
laboratoires privés travaillent avec des unités du public.
90
Pour autant, les passages d’un secteur à un autre semblent rares. Plus même, les stratégies de
carrière paraissent singulières à chaque secteur quand on regarde la question de la mobilité
internationale.
Du côté du privé, elle s’inscrit beaucoup plus dans une stratégie à long terme (plus de deux ou
trois ans) qui privilégie une carrière au sein d’une entreprise (et souvent plusieurs
déménagements en fonction des opportunités) ou au sein d’un développement de carrière
personnelle où l’individu va passer d’une entreprise à une autre et/ ou d’un pays à un autre
pour accéder à des postes plus importants.
Du côté du pub lic, les mobilités internationales se font généralement dans le cadre d’une
carrière ou dans la perspective d’une carrière qui se déroule ou se fera dans le pays d’origine.
Notre étude semble donc confirmer (même s’il faut rester prudent car ce n’était pas l’objet de
cette enquête) le constat que font de nombreux travaux sur la dissolution de la distinction
entre public et privé du fait de la constitution de réseaux d’interactions professionnelles entre
des organismes de statuts différents. En revanche, elle ne confirme pas une autre conclusion
qui est souvent avancée par ces mêmes travaux (Owen-Smith et al. à paraître ou Gittelmann, à
paraître) à savoir la plus forte circulation des personnes au sein de ces réseaux. Pour être plus
précis encore, on retrouve bien du côté du privé des personnes qui passent d’une entreprise à
une autre ou d’un pays à un autre (notamment en biologie), mais du côté du public, les
personnels sont moins mobiles et de plus, les chercheurs du privés restent dans le privé et
ceux du public dans le public également. Le moment crucial pour l’orientation vers l’un ou
l’autre secteur étant le doctorat et surtout le post-doctorat.
Réseau versus marché, et réciproquement
Comme nous l’avons signalé à la fin de la première partie du rappor t, une différence
supplémentaire avec l’étude de E. Mouranche (1997) tient au recours plus fréquent au
« marché » (avec toute la prudence que l’usage de ce mot requiert) qu’au réseau dans les
unités étudiées pour cette dernière étude. Les hasards liés à la constitution de l’échantillon
expliquent peut-être plus cette différence que l’hypothèse d’une évolution des pratiques et
nous n’en tirerons donc pas de conclusions.
91
En revanche, cette étude révèle, de manière encore plus claire que la précédente l’extrême
imbrication entre les deux mécanismes. Premièrement, comme l’ont montré les sociologues
du marché, les échanges marchands reposent toujours sur des mécanismes ou des dispositifs
qui vont permettre l’appariement entre une offre et une demande (Karpik 1996, Cochoy 2002,
Callon et al. 2001 et Callon 2002) et ces mécanismes peuvent reposer sur des effets
réputationnels. Ils ne correspondent pas à des collaborations ou à des interactions concrètes.
Ainsi, quand un laboratoire repère la candidature d’un jeune chercheur, c’est souvent parce
que celui-ci a travaillé dans une équipe de grande renommée (réseau réputationnel) ou parce
qu’il a publié dans une revue cotée…
Mais deuxièmement, il s’agit à travers ces échanges « marchands » de créer à terme des
réseaux, donc de créer l’occasion de développer ensuite des coopérations. Cette remarque
vaut d’ailleurs aussi bien pour le secteur public que pour le secteur privé : le recrutement de
chercheurs étrangers de haute volée est aussi un moyen d’acquérir leur carnet d’adresses ou
leurs ressources relationnelles.
Enfin et troisièmement, le recours au réseau pour trouver des chercheurs étrangers est souvent
plutôt un substitut au marché, quand on n’a pas la possibilité de bien se positionner dans le jeu
de l’offre et de la demande.
92
ANNEXES
ANNEXE I : échantillon de l’étude et les catégories de personnels
interrogés dans le secteur public
Nous avons réalisé 58 entretiens dans les laboratoires publics, selon l’échantillon suivant:
Dans cet échantillon, nous apportons également de quantifier la part des chercheurs étrangers
dans les laboratoires interrogés. Pourtant, les chiffres avancés ici, sont principalement
indicatifs puisque la totalité des organismes publics et privés rencontrés ne disposaient pas de
ces chiffres. Ainsi, les proportions apportés ici ont été constituées par les organismes étudiés
ou par nous même en prenant comme base l’effectif total et le nombre de chercheurs de
nationalité étrangère que nous avons recensés. Dans d’autres cas, nous n’avons pu fournir ces
chiffres faute de données suffisantes.
• Les sciences de la vie
- 2 équipes CNRS/ université Pierre et Marie Curie (Paris 6)
Effectif 2 équipes interrogées : 12
Personnel interrogé (6)
Equipe 1 : Chef de groupe, 2 Post-doctorants étrangers
Equipe 2 : Chef de groupe, 2 doctorants étrangers
Proportion de chercheurs étrangers estimée: ?
- 1 laboratoire INSERM/ école normale supérieure
Effectif : 45
Proportion de chercheurs étrangers estimée: ?
Personnel interrogé (4)
Directeur du laboratoire, 2 Post-doctorants et 1 doctorant étranger
93
- Un institut, unité mixte de recherche INSERM/ CNRS
Effectif : 120
Proportion de chercheurs étrangers estimée: % (43/100)
Personnel interrogé (11)
Directeur du laboratoire, 3 chefs d’équipe, 3 Post-doctorants étrangers, 2 doctorants étrangers,
2 chercheurs statutaires étrangers
• La chimie
- Laboratoire de recherche CNRS/ institut Curie
Effectifs : 36
Proportion de chercheurs étrangers estimée : ?
Personnel interrogé (7)
Directeur du laboratoire, 4 post-doctorants, 2 professeurs invités
- 1 équipe d’un centre INRA
Effectifs : 5 unités comprenant au total 250 personnes
Proportion de chercheurs étrangers estimée dans l’unité étudiée : 41,6 % ( 5/12)
Personnel interrogé (8)
Directeur du centre, 1 chef d’équipe, 1 doctorant, 1 professeur invité et 4 post-doctorants
1 équipe, unité mixte de recherche (CNRS/ Cachan)
Effectif : 28
Proportion de chercheurs étrangers : Uniquement un seul post-doctorant au moment de notre
étude.
Personnel interrogé (4)
Directeur du laboratoire, 1 chef d’équipe, 1 doctorant, 1 professeur invité
94
• Les sciences économiques
1. Groupement de recherche CNRS/ Université / EHESS
Effectifs :59
Proportion de chercheurs étrangers estimée : 59 % ( 35/ 59)
Personnel interrogé (8)
Directeur, 1 post-doctorant étranger, 3 doctorants étrangers, 1 professeur statutaire étranger, 2
professeurs invités
2. 1. Laboratoire Universitaire
Effectif : 65
Proportion de chercheurs étrangers estimée : 17 % (11/65)
Personnel interrogé (5)
Directeur du laboratoire, 4 doctorants étrangers
3. 1 groupement de recherche, institut mixte CNRS/ INSEE
Effectif : 120
Proportion de chercheurs étrangers : ? (trop difficile à évaluer en raison du nombre important
de chercheurs invités et de chercheurs associés disposant temporairement d’un bureau à
l’INSEE)
95
Personnel interrogé (5)
Directeur du laboratoire, 1 post-doctorant étranger, 1 professeur statutaire étranger et 2
professeurs invité
II. Echantillon de l’étude et les catégories de personnels interrogés
dans le secteur privé
42 entretiens ont été menés dans le secteur privé selon l’échantillon suivant:
• Les sciences de la vie
1. Axisinternational
Personnel interrogé (9)
PDG, 3 responsable de « group leaders », 5 chercheurs.
2. MEDAM médicaments
Personnel interrogé (8)
Responsable R&D, responsable centre de recherche, 3 responsables départements de
recherche, 2 responsables unités de recherche, 1 technicien
• La Chimie
1. PETRO INDUSTRIE
Personnel interrogé (8)
96
DRH R&D groupe, responsable R&D groupe, responsable centre de recherche, 3 chercheurs,
1 responsable unité de recherche, 1 responsable développement produit
2. MOTOR COMPAGNIE compagnie
Personnel interrogé (5)
DRH, responsable R&D, 2 chargés de missions, 1 techniciens
• Les sciences économiques
1. ENERGIE
Personnel interrogé (6)
Directeur département R&D, responsable site de recherche, 4 ingénieurs économistes
2. Banque Affaire
Personnel interrogé (6)
Directeur du département « étude économique », responsable du service « risque pays », 4
économistes appartenant au « risque pays »
97
ANNEXE II. GUIDES D’ENTRETIEN
GUIDE D’ENTRETIEN- CHERCHEURS ETRANGERS
I. LE TRAVAIL DE L’INTERVIEWE
Depuis quand occupez-vous vos fonctions ?
Pouvez-vous me décrire les missions et la composition de votre service ?
Pouvez-vous me décrire en quoi consiste votre travail ?
Travaillez-vous sur des projets particuliers ?
Quels sont les aspects les plus importants de votre travail ? Pourquoi ?
II. LA MOBILITE DANS LE PARCOURS PROFESSIONNEL
1. Les raisons de la mobilité
Depuis quand êtes vous en France (professionnellement, à titre personnel ) ?
Comment avez-vous eu connaissance de cette opportunité de mobilité ?
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez choisit de venir travailler en France ?
Quels sont (ou ont été) vos attentes vis à vis de ce poste ?
Ces attentes sont-elles totalement remplies ? dans quelle mesure ?
Comment concevez-vous cette expérience : ponctuelle, durable ?
Quels avantages comptez-vous tirer de cette expérience dans la gestion globale de votre
carrière ?
98
Est-ce que vous êtes en relation avec d’autres organismes de recherche privé/ public
étranger ?
2 Les difficultés rencontrées
Comment jugez-vous votre intégration dans l’organisation?
Quelles sont les difficultés majeures auxquelles vous êtes confrontées ?
Plus généralement quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez dans le
cadre de votre travail ?
Comment parvenez-vous à les surmonter ?
III. SOUHAITS D’AMELIORATION
Comment pourrait-on, selon vous, améliorer l’intégration des chercheurs étrangers dans
les organismes de recherche français ?
Quelles sont les conditions favorables à une bonne intégration ?
Comment pourrait-on, selon vous , améliorer les formes d’échanges avec les organismes
de recherche étrangers ?
A votre avis, quelles sont les évolutions à venir dans votre secteur pour la mobilité des
chercheurs ?
IV. INFORMATIONS PERSONNELLES
Votre formation ?
Parcours professionnels et institutionnels ?
Comment envisagez-vous votre carrière à moyen/ long terme ?
99
GUIDE D’ENTRETIEN- RESPONSABLES/ CHERCHEURS FRANÇAIS
I. LE TRAVAIL DE L’INTERVIEWE
Depuis quand occupez-vous vos fonctions ?
Pouvez-vous me décrire les missions et la composition de votre service ?
Pouvez-vous me décrire en quoi consiste votre travail ?
Quels sont les aspects les plus importants de votre travail ? Pourquoi ?
II. L’INTEGRATION DES CHERCHEURS ETRANGERS DANS L’ORGANISATION
1. Pourquoi faire appe l aux chercheurs étrangers ?
Quelle est la proportion de chercheurs étrangers travaillant dans votre organisme ?
Pourquoi votre organisme fait-il appel à des chercheurs étrangers ?
Comment avez-vous été amenés à recruter des chercheurs étrangers ? Cela s’inscrit-il
dans une forme d’échange particulière ?
Comment ont-ils été sélectionnés ?
Ont-il des contrats et des rémunérations différentes des chercheurs Français ?
2. L’utilisation des chercheurs étrangers dans le travail scientifique
Quelles fonctions occupent les chercheurs étrangers ?
Travaillent -il sur des projets particuliers ?
Comment jugez-vous leur intégration dans l’équipe de recherche ?
100
A votre avis quels sont les avantages/ inconvénients en terme de production scientifique
à intégrer des chercheurs étrangers ?
3 Les difficultés rencontrées
Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez dans la gestion de ce personnel
étranger ?
Comment parvenez-vous à les surmonter ?
III. SOUHAITS D’AMELIORATION
Comment pourrait-on, selon vous, améliorer l’intégration des chercheurs étrangers dans
les organismes de recherche Français ?
Quelles sont les conditions favorables à une bonne intégration ?
Comment pourrait-on, selon vous, améliorer les formes d’échanges avec les organismes
de recherche étrangers ?
A votre avis, quelles sont les évolutions à venir dans votre secteur pour la mobilité des
chercheurs ?
IV. INFORMATIONS PERSONNELLES
Votre formation ?
Parcours professionnels et institutionnels ?
101
BIBLIOGRAPHIE
Callon, M. (2002) : “Pour en finir avec les incertitudes », Sociologie du travail, Dossier-Débat
« La qualité », 44(2), pp. 255-287.
Callon, M., Meadel, C., Rabeharisoa, V., (2001) : L’économie des qualités. Politix, 52 (1), pp.
211-239.
Cochoy, F. (2002). L'âne du Buridan et l'économie du marché. Essai d'anthropologie du
marché, Paris, PUF.
Crozier, M. et Friedberg, E. (1977) : L’acteur et le système, Le Seuil, Paris.
Friedberg, E. (1993) : Le pouvoir et la régle, Le Seuil, Paris.
Gittelman, M. (à paraître) : “Mapping national knowledge networks: scientists, firms, and
institutions in biotechnology in the United States and France”, working paper, Université de
New York.
Gibbons et al (1994) : The New Production of Knowledge. The Dynamics of Science and
Research in Contemporary Societies, Sage, Londres.
Karpik, L. (1996) : « Dispositifs de confiance et engagements crédibles », Sociologie du
travail, 38(4), pp. 527-550.
Mouranche E. (sous la direction de C. Musselin et avec la collaboration de S. Jarraffoux et M.
Houk), 1997 : La mobilité des chercheurs publics en Europe. Rapport comparatif sur les
enquêtes qualitatives menées en France, Allemagne et Grande Bretagne, Ministère de la
Recherche, Paris.
Musselin, C. (1996) : « Les marchés du travail universitaires, comme économie de la
qualité », Revue Française de Sociologie, 37(2), pp. 189-208.
Musselin, C. (2000a) : « Perspectives pour une analyse sociologique des marchés du travail
universitaires », L’Année Sociologique, 50 (2), pp. 521-542.
Owen-Smith, J., Ric caboni, M., Pammolli, F. et Powell, W. (à paraître) : “A comparison of
US and European University-Industry Relations in the Life Sciences”, Management Issue.
Powell, W. (1990) : « Neither Market nor Hierarchy : Network Forms of Organization »,
Research in Organizational Behavior, 12, pp. 295-336.
Powell, W. (1998) : “Learning from Collaboration: Knowledge and Networks in the
Biotechnology and Pharmaceutical firms”, California Management review, 40(3), pp. 228240.
102