jean riel : père pendu, fils perdu

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jean riel : père pendu, fils perdu
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LITTÉRATURE | | OUEST
JEAN RIEL, FILS DE LOUIS RIEL
JEAN RIEL : PÈRE PENDU, FILS PERDU
Par Charles Leblanc
Annette Saint-Pierre,
Jean Riel, fils de Louis Riel :
Sous une mauvaise étoile,
biographie, Saint-Boniface,
Les Éditions du Blé, 2014,
300 pages
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Qui est Jean Riel? Il est le fils de Louis
Riel, qu’on a appelé un héros et « le
père du Manitoba » et que d’autres ont
désigné comme un traître.
On l’a pendu en 1885 après la bataille
de Batoche, menée pour affirmer les
droits des Métis en Saskatchewan, et à la
suite d’un procès mémorable à Regina,
officiellement pour le meurtre de
Thomas Scott à Winnipeg 15 ans auparavant, mais officieusement pour calmer
les orangistes de l’Ontario. Né le 9 mai
1882 pendant l’exil de son père dans le
Montana et mort à 26 ans d’une septicémie (infection qui se propage par voie
sanguine) en 1908, Jean était le premier
enfant de Louis, suivi d’une sœur,
Marie-Angélique, née deux ans plus
tard, et d’un frère né en 1885 et mort
deux heures plus tard. Il a peu connu
son père et a été élevé comme sa sœur
par sa grand-mère, Julie Lagimodière,
fille de Marie-Anne Gaboury, première
femme de descendance européenne à
se rendre dans l’Ouest avec son mari,
Jean-Baptiste Lagimodière, et la famille
de son oncle, Joseph Riel.
Tous ces détails (et de nombreux autres)
se trouvent dans la biographie minutieuse
que publie cet automne Annette SaintPierre et qui s’intitule Jean Riel, fils de
Louis Riel : Sous une mauvaise étoile (Les
Éditions du Blé). Membre de l’Ordre du
Canada et auteure de cinq romans, de cinq
essais et d’une autobiographie, Annette
Saint-Pierre a joué un rôle essentiel dans
l’établissement des deux maisons d’édition
franco-manitobaines et dans la promotion
de la littérature francophone de l’Ouest.
Elle a aussi participé à la conversion de la
maison natale de Gabrielle Roy en musée
historique.
Dans sa nouvelle biographie, elle
raconte comment l’archevêque de
Saint-Boniface a encadré Jean Riel et
comment sa propre grand-mère, qui craignait un éventuel assassinat, l’a surprotégé. En effet, son père a continué à
déchaîner les passions longtemps après
son décès, et le fils a subi le racisme de la
population blanche au Manitoba à l’encontre des Métis. Elle raconte aussi que
des personnages importants de la vie
québécoise, notamment Honoré Beaugrand, ancien maire de Montréal et journaliste à La Patrie, le journaliste Alfred Pellan
et Honoré Mercier fils, qui allait devenir
un homme politique bien connu, ont aidé
Jean en organisant des collectes de fonds
pour lui et sa famille, en lui offrant de
l’adopter et de poursuivre des études en
France, en le faisant venir à Montréal pour
étudier, comme on l’avait fait auparavant
pour son père, et finalement en lui trouvant des emplois dans la fonction publique
québécoise.
Ces hommes d’orientation nationaliste voulaient qu’il reprenne le flambeau
de son père pour les Canadiens français
et les Métis de l’Ouest. Toutefois, Jean
se sentait écrasé par cette mission et
l’ombre immense de son père ; de plus,
il n’avait ni la personnalité d’un homme
politique ni le goût d’en être un. Il n’aspirait qu’à une vie simple au Manitoba,
où il retourna en 1906, sans cesser de
bénéficier du soutien de ses bienfaiteurs
du Québec.
Se basant sur des recherches approfondies dans divers fonds d’archives,
sur près de 300 pages, l’auteure éclaire
la vie d’un jeune Métis que d’autres
destinaient à une vie de combat qu’il ne
voulait pas. On ne sait pas s’il aurait pu
changer d’idée en vieillissant, car il est
mort trop jeune, mais on peut remercier
Annette Saint-Pierre de l’avoir tiré de
l’ombre pour nous présenter la vie des
Métis à son époque.
Traducteur professionnel, Charles Leblanc
pratique aussi la poésie et le théâtre.
Il a publié huit recueils de poésie et
coécrit un livre de récits épistolaires.
Dernière publication : soubresauts (poèmes
imprévus), 2013.
2014-10-08 8:29 AM