“To the Lighthouse: un succès européen”.
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“To the Lighthouse: un succès européen”.
“To the Lighthouse: un succès européen”. Introduction Pour comprendre le succès à niveau européen des oeuvres d’un auteur comme Virginia Woolf, qui a crée beaucoup d’innovations stylistiques, qui a changé la conception traditionnelle du roman et qui a eu des contacts avec les cercles intellectuels de son époque, il faudrait sûrement analyser ce qu’on a écrit à propos de ses travaux en Europe, sa présence intertextuelle chez des auteurs européens, les circonstances spéciales liées au groupe de Bloomsbury et leurs relations avec les intellectuels, les politiciens et les censeurs européens. Mais l’élément le plus significatif pour comprendre ce succès et ces innovations techniques est sans doute la traduction: observer combien de traductions de To the Lighthouse ont étées faites et à quelle époque, dans quels pays, par qui et comment peut nous aider à comprendre le véritable poids de cet auteur à niveau européen. A tout cela il faut ajouter que la traduction d’un auteur si particulier comme Virginia Woolf se lie aux problèmes les plus modernes de la traduction qui concernent la visibilité du traducteur et les choix structurels qui peuvent changer la réception de l’oeuvre, comme l’aspect du point de vue. Analyser le passage de ces mécanismes du texte original au texte traduit devient un moyen pour percevoir la verité d’un texte et du style de son auteur. Petite histoire des traductions européennes Avant de commencer l’analyse à niveau général du vaste panorama européen des traductions woolfiennes on peut dire que Virginia Woolf même était méfiante à l’égard des traductions de ses textes et dans le cas de la France et de l’Espagne elle avait personnellement connu ses traducteurs. En effet c’est la rencontre de l’écrivain anglais avec l’argentine Victoria Ocampo à Londres en 1934 qui donne vie au projet des premières traductions des oeuvres de Virginia en espagnol sur le magazine argentin “Sur” (traductions qui seront faites par un jeune Jorge Luis Borges) et on peut ainsi observer que dans le cas de l’Espagne la connaissance de Virginia Woolf et de ses traductions arrive directement d’un pays extra-européen. Le philosophe espagnol José Ortega y Gasset avait encouragé Victoria Ocampo: elle avait étudié à la Sorbonne en France et grâce à cette expérience elle avait connu la culture européenne de manière complète, et son désir était de pouvoir l’introduire dans un climat social et culturel qui n’était pas ouvert à accepter cette offre. Victoria s’identifiait avec la figure de Virginia Woolf: elle combattait pour les droits des femmes dans la société conservatrice argentine et le fait de publier les travaux les plus importants de figures littéraires indispensables permettait aussi aux intellectuels espagnols de pouvoir lire ces oeuvres en cachette pendant la longue dictature de Franco et l’impact et les influences du magazine “Sur” sur la culture espagnole sont enormes. Grâce à tout cela Victoria était devenue la muse intellectuelle du monde de langue espagnole des années 30-401. Une curiosité sur To the Lighthouseet le monde espagnol: c’est le seul livre de Virginia Woolf qui a été traduit en galitien et en basque. En Allemagne on s’interesse assez tôt à l’écrivain, on retrouve ses oeuvres traduites à partir des annés 30 et son succès concerne surtout la critique féministe, mais pendant la période naziste on retrouve l’interdition de la prose expérimentelle de Virginia et on recommence à s’en occuper dans les années 50, grâce aussi à Mimesis de Erich Auerbach en 1953, qui considérera To the Lighthouse comme une des oeuvres de la modernité, en renouvelant dans tout le monde l’attention sur cet écrivain. Mais il faut faire une distinction avec l’Allemagne de l’est, parce que beaucoup de fois cette autrice était considérée par ceux qui ne connaissaient pas bien ses travaux, comme une artiste esthétique qui n’avait pas un message solide et dans un pays socialiste tout cela avait apporté des fortes polemiques et c’est seulement en 1977 que nous retrouvons une traduction de Virginia dans ce pays et il s’agit de Mrs Dalloway. Après cette phase Virginia Woolf sera décrite en Allemagne de l’est comme une critique socialiste féministe, mais seulement très peu de gens pourront avoir accès aux éditions limitées de ses oeuvres. La Pologne suit plus ou moins les étapes de l’Allemagne de l’est: la seule différence concerne le fait que là-bas la repression était plus forte et plus longue et nous retrouvons les premières traductions des oeuvres de Virginia Woolf à partir de la fin des années 70 et même si aujourd’hui il s’agit d’une figure très connue, son interpretation reste encore équivoque. Virginia Woolf avait visité la Grèce en 1932 et elle avait décrit ce pays comme “the country of the moon” ou “England in the time of Chaucer”: c’est à dire elle avait retrouvé le passé dans ce que pour la Grèce était le présent. L’autrice sera découverte par un groupe important d’intellectuels appelés “School of Thessaloniki” et c’est à la fin des années 70 que commencera un grand intérêt pour sa figure de femme écrivain, dû à des raisons sociales et littéraires et les anées 80 et 90 voient une proliferation des traduction de ses oeuvres dans le monde héllenique2. En Italie, différemment des autres pays européens on retrouve tout de suite la présence de Virginia Woolf et ses travaux sont appreciés comme exemple de bello scrivere, à la mode en Italie pendant les années 30 et 40. Dans les années qui suivent, avec l’emphase sur le neo-realisme de la période, l’écrivain est ostracisé parce qu’on la considérait comme élitaire, snob et non engagée. C’est seulement à la fin des années 70 que ses oeuvres commencent à être traduites et publiées, grâce à un intérêt pour sa biographie, sa personnalité, ses techniques littéraires et sa contribution au féminisme3. 1 Cfr L. LOJO, A Gaping Mouth, but No Words: Virginia Woolf Enters the Land of Butterflies Cfr K. K. KITSI-MITAKOU, The country of the Moon and the Woman of ‘Interior Monologue’: Virginia Woolf in Greece 3 Cfr S. PEROSA, The reception of Virginia Woolf in Italy 2 Le cas de la France En France nous pouvons observer que au début des annés 20 Joyce est considéré comme le représentant le plus significatif du mouvement moderniste, mais grâce aux premières traductions des oeuvres de Virginia Woolf qui commencent très tôt et voient des traducteurs comme Marguerite Yourcenar pour The Waves, Charles Mauron pour Orlando et Maurice Lanoire pour To the Lightouse en 1929, on fera une réevaluation de cet écrivain et elle commencera à influencer de plus en plus le milieu culturel français. Le lien entre Virginia Woolf et des auteurs français comme Simone de Beauvoir, Nathalie Sarraute et Maurice Blanchot est clair: dans Le deuxième sexe (1949) et dans les oeuvres qui suivent Simone De Beauvoir s’inspire des implications sociales, sexuelles et politiques de Virginia Woolf, même si son matérialisme lui faisait préférer les essais féministes de Virginia à ses romans. Au contraire Nathalie Sarraute est fascinée par l’écrivain anglais et comme elle recherche des rôles nouveaux pour le lecteur et l’autonomie complète de la voix du narrateur, spécialement dans les textes écrits pour le théâtre comme Le silence (1967) et influencés par les auteurs russes, passion littéraire qu’elle partageait toujours avec Virginia Woolf. Enfin Maurice Blanchot se préoccupe comme elle des problèmes liés au futur du roman, parce qu’il appréciait dans les textes de Virginia les mélange de paradoxes extrèmes et de contradictions et probablement c’est lui qui avait compris mieux par rapport aux autres la grandeur des nouveautés stylistiques et poétiques de cet écrivain4. En 1993 éclate une polémique dans les milieux littéraires français à propos de la qualité de la traduction de Cecile Wajsbrot du roman The Waves, publiée après celle de 1937 par Marguerite Yourcenar. Cette dispute concerne deux positions opposées de conception la pratique et la théorie de la traduction. La position de Marguerite Yourcenar peut se résumer dans le fait qu’elle considère la traduction comme la présentation d’un original qui appartient au système littéraire anglais, au public français. Au contraire Wajsbrot considère Virginia Woolf comme une artiste avec un style et une langue si particuliers et comme un exemple du génie littéraire anglais qu’elle pense devoir se cacher pour faire briller encore plus l’original. Ces deux options peuvent s’identifier avec une vision formaliste et avec une vision romantique du traducteur. Il faut donc comprendre quelles sont les techniques qui rendent la langue de Virginia Woolf si complexe, si articulée, si novatrice et donc si difficile à traduire. Le point de vue dans la traduction Traditionnellement on a vu la traduction comme une activité dérivée et non pas originelle ou créative. Cela suit que la traduction doit être aussi bien que l’original et que les traducteurs sont considérés comme des bons traducteurs s’ils sont transaprents et ne montrent pas un style personnel (on retourne à la question qui se posait à propos 4 Cfr P. E. VILLENEUVE, Virginia Woolf among Writers and Critics: The French Intellectual Scene de deux versions françaises de The Waves). Les traducteurs doivent respecter mieux qu’ils peuvent l’original, mais cette vision semble irréaliste, parce qu’il semble impossible que les traducteurs ne laissent pas leur signe dans l’oeuvre. Il y a l’idée que la structure narrative d’un texte littéraire n’est pas changée par le processus de traduction. Lodge (1990) affirme que le moyen du roman est ses mots écrits mais que ‘all critical questions about a novel are not reducible to questions about language’: For narrative is itself a kind of language that functions independently of specific verbal formulations. Some of the meaning attributed to a narrative will remain constant when it is translated from one natural language, to another, and some of the crucial decisions by which a narrative is produced, such as the writer’s choice of narrative point of view, or the treatment of time, are in a sense made prior to, or at a deeper level than, the articulation of the text in a sequence of sentences5. Si on suit Lodge, le choix du narratuer du point de vue narratif fait partie de la structure profonde du texte et c’est pour cela que le point de vue narratif restera constant quand le texte sera traduit dans une autre langue. La Valle n’est pas d’accord avec cette vision parce qu’il soutient que toutes les significations dernières du texte sont exprimées à travers le langage et pour cette raison elles peuvent être modifiées à travers la traduction6. Levenston and Sonnenschein ajoutent qu’une manque pour compenser ou préserver les éléments linguistiques dans la traduction peut toucher la lecture du texte à un niveau tel que les pensées du personnage fictif peuvent être interprétées ou comprises comme des idées présentées par le point de vue du narrateur7. Dans les dernières années on a beaucoup parlé du discours qui concerne la visibilité du traducteur, qui se lie aussi au discours sur les stratégies de traduction feministe (dans le cas de Virginia Woolf il s’agit d’un point très intéressant qui fera l’objet de certaines reflexions conclusives de ce travail). Hermans développe la notion de la voix du traducteur comme une voix spécifique ou une ‘seconde’ voix qui est plus ou moins présente dans les textes traduits8 et Schiavi offre un diagramme qui incorpore cette présence9. Ces deux textes étudient la présence du traducteur dans le texte et les implications liées à cette voix. D’autres études affirment que la traduction est un discours rapporté. Mossop considère le texte original comme ‘a reported discourse’ et le texte traduit comme ‘a reporting discourse’. Le traducteur est un ‘rapporteur in whose reporting voice we hear the embedded reported voice’ de l’original10. Folkart explique que soit la 5 D. LODGE, After Bakhtin: Essays on Fiction and Criticism, London, Routledge, 1990, p. 4-5. Cfr E. VALLE, Narratological and Pragmatic Aspects of the Translation into Finnish of Doris Lessing’s Four-Gated City dans Translation and Knowledge, 1993, P.247-8. 7 Cfr E. A. LEVENSTON, G. SONNENSCHEIN, The translation of point of view in fictional narrative, dans Interlingual and Intercultural Communication: Discourse and Cognition in Translation and Second Language Acquisition Studies, Tübingen, 1983. 8 Cfr HERMANS T., 1996. The Translator’s Voice in Translated Narrative. Target Vol. 8. No. 1., p.23–48 9 Cfr G. SCHIAVI, There is Always a Teller in a Tale. Target Vol. 8. No. 1., 1996, p.1-21. 10 Cfr B. MOSSOP, The Translator as Rapporteur: A Concept for Training and Self-Improvement, Meta Vol. 28. No. 3., 1983, p.244–278. 6 traduction, soit le discours rapporté sont des reprises d’énoncés produits antérieurement, des modalités de réception et de réenonciation. Elle met l’accent sur le fait que les traductions ou ré-énonciations ne sont jamais neutres, même s’il s’agit de leur but initial. Par conséquent la trace du traducteur sera toujours présente dans le texte traduit11. Ces types d’études différents soulignent la subjectivité qui caractérise l’activité de la traduction. C’est pour cela qu’il est intéressant de réflechir aux problèmes potentiels liés à la traduction des éléments linguistiques qui constituent la notion du point de vue, comme par example la deixis, le discours indirect libre, la modalité et les constructions ergatives et transitives pour comprendre comment les choix du traducteur changent le passage des structures de la narration. Par example l’analyse de la traduction du discours indirect libre, élément qui se relie à la notion de point de vue, peut nous aider à réfléchir sur la difficulté de traduire et de pouvoir donner la vision la plus claire et fidèle du style si particulier de Virginia Woolf. La traduction du discours indirect libre en français Le discours indirect libre donne l’impression d’être indirect dans le sens que la voix du personnage est filtrée à travers le point de vue du narrateur. C’est pour cette raison qu’il est difficile de l’identifier dans la narration, mais le fait qu’il est élusif fait partie de l’effet stylistique. Il peut être reconnu grâce à la présence d’indicateurs stylistiques que Bally appelle ‘indices’12. Par exemple le temps verbal est un indicateur syntactique, c’est à dire que les combinaisons entre les verbs au passé et les adverbs du présent comme dans le cas de ‘she was miserable’ (dans l’extrait qu’on analysera dans la partie suivante du travail) ne sont pas des éléments grammaticaux, mais dans le discours narratif ils sont conventionnellement lus comme des signaux définitifs du questionnement indirect entre la voix du narrateur et l’expérience du personnage. Les temps verbaux qui appartiennent au discours indirect ou les verbs qui concernent l’interiorité et la persuasion sont utilisés aussi pour distinguer le discours indirect libre comme might, doubt, could, would, should ou must. Les adverbs comme surely, certainly, perhaps, besides ou doubtless sont typiques aussi parce qu’ils montrent un débat intérieur et l’incertitude. D’autres indicateurs sont les les personnes et les pronoms et aussi l’utilisation du pronom de la troisième personne opposé à la première personne ‘Je’ du discours direct. Si nous parlons du niveau lexical, il s’agit d’un mélange de types de mots différents qui réunissent deux registres différents dans le même passage. Et puis il faut considérer qu’il y a des mots qui peuvent être neutres mais aussi caractéristiques du narrateur, tandis que d’autres se refèrent spécifiquement au personnage (le language personnel ou une langue avec une emphase particulière sur 11 Pour tout ce discours cfr B. FOLKART, Le conflit des énonciations. Traduction et discours rapporté, Montréal, Les Editions Balzac, 1991. 12 Cfr. B. FOLKART, Le conflit des énonciations. Traduction et discours rapporté, Montréal, Les Editions Balzac, 1991. certains éléments); il y a les formes subjectives, des particules que dans certains contextes apportent une référence à la subjectivité du personnage et indiquent qu’il est en train de penser à quelquechose (so, thus, doubtless, besides…) et les déictiques ou les mots d’orientation (principalement des adverbes du temps présent et de place comme here, now, today) qui sont importants parce qu’ils peuvent être utilisés en relation à l’expérience immédiate du personnage. Le discours indirect libre est un type de discours mixte et on peut donc comprendre la difficulté majeure qu’il peut apporter dans la traduction. Il y a des études qui expliquent que l’ ‘hétérogénéité énonciative’ d’un texte arrive à diminuer dans la traduction. Actuellement Gallagher explique que les différences structurelles entre les langues sont une des raisons de l’ ‘homogénéisation énonciative’ dans la traduction13. Levenston et Sonnenschein14 analysent les traductions françaises et hébraïques de textes anglais en prose en considérant la focalisation et il conclut que quelquefois une manque pour maintenir ou pour compenser les éléments linguistiques liés à la focalisation peut changer la lecture du texte traduit d’une telle manière que les pensées des personnages fictifs peuvent être interpretées comme celles du narrateur. Gallagher soutient encore que le discours indirect libre permet de maintenir le ton du discours direct à l’intérieur du discours indirect soit en anglais que en français. Il est utilisé pour cacher les limites entre les commentaires du narrateur et des personnages en considérant que toutes les deux voix émergent. Son utlisation en France commence avec l’ancien français, mais nous avons son éclatement pendant la moitié du XIX siècle. Par example Flaubert (son rôle novateur est partout reconnu) l’a beaucoup utilisé et l’a fait devenir partie intégrale de son mécanisme stylistique. Dans le discours indirect libre en français, les pronoms personnels changent (par example ‘je’ est replacé par un pronom de troisième personne et le temps des verbs conjugués est changé (par example le présent est remplacé par l’imparfait). En Angleterre le discours indirect libre est apparu au XVIII siècle et il a atteint une certaine importance avec les romans de Jane Austen. Gallagher considère que les modifications du discours direct au discours indirect libre sont les mêmes que en français (par example en ce qui concerne les temps et les pronoms personnels). En tout cas il y a des situations dans lesquelles le discours indirect libre ne peut pas être traduit dans la même manière qu’en français. Poncharal souligne que les problèmes majeurs entre français et anglais concernent leur systèmes temporels. Le français oppose le passé simple (c’est à dire la passé utilisé dans la narration) et l’imparfait (le temps par excellence du discours indirect libre), tandis que l’anglais utlise le même passé pour le discours du narrateur et pour le discours indirect libre. Il souligne aussi que le traitement de la deixis à l’intérieur des passages en discours indirect libre est plus flexible en anglais qu’en français, parce que le français semble privilégier le point de vue du rapporteur à la place du point de vue de celui qui parle au début, tandis que l’anglais ne sépare pas strictement les deux domaines. 13 Cfr J. D. Gallagher, Le Discours Indirect Libre vu par le Traducteur dans Oralité et Traduction, Collection ‘Traductologie’, Artois Presses Universités, 2001. 14 Oeuvre déjà citée, 1986. Poncharal conclut en disant que beaucoup de fois les traducteurs français traduisent le discours indirect libre comme un simple discours indirect ou direct15. Woolf aussi est considérée comme le ‘master-weaver of multi-figural novels’ et ses textes ont été l’objet de beaucoup d’études consacrés au discours indirect libre16. Pour comprendre la difficulté de transmettre un style si novateur dans un autre pays à travers la traduction, il me semble que la comparaison d’un extrait emblematique tiré du roman To the Lighthouse avec ses trois versions françaises peut être un moyen emblematique pour comprendre comment le traducteurs ont traité le discours indirect libre et surtout pour comprendre si leur choix de traductionont changé la structure de la narration (par example s’il y a une homogénéisation énonciative). En utilisant le logiciel Concord j’ai étudié les indicateurs syntactiques du discours indirect libre: l’utilisation des temps varbaux du passé en combinaison avec des adverbs du temps présent et de place qui se relient à l’expérience immédiate du personnage (here, now, last night et yesterday); des adverbs qui se relient à la subjectivité (surely, certainly, perhaps) et exclamations et intterrogations (yes, oh, of course, but why et but how). Un cas pratique Les trois versions françaises sont respectivement Promenade au Phare de Maurice Lanoire (1929), Voyage au Phare de Magali Merle (1993) et Vers le Phare de Françoise Pellan (1996). Dans le cas de ce type de prose les choix des traducteurs semblent être encore plus signifcatives et peuvent changer de manière considérable les structures de la narration et donc la comprehension la plus profonde de la forme de l’oeuvre (comme on disait avant). Avec (Multi)Concord j’ai retrouvé 162 indicateurs du discours indirect libre (c’est à dire les temps verbaux, les adverbes de temps, les exclamations, les interrogations et les adverbes de certitude) dans les versions analysées: d’un côté j’ai observé que Pellan et Merle reproduisent toujours les passages en discours indirect libre et qu’il y a seulement six passages dans la traduction de Pellan et treize dans celle de Merle où le discours indirect libre a moins d’emphase parce que les voix des personnages étaient moins idiomatiques. De l’autre côté Lanoire a transposé cinq phrases avec un discours indirect libre dans un discours indirect, cinq dans un discours direct et dans les autres occasions il n’a pas mis en valeur la particularité de la voix des personnages. Tout cela a montré que l’hybridité du discours indirect libre n’a pas étée gardée dans la plupart de la traduction de Pellan. L’analyse du nombre de ces catégories qui indiquent les passages avec le discours indirect libre montrent ces résultats; le paragraphe qui suit en fournit quelques exemples: dans ce cas les indicateurs considérés sont ‘was now’ et ‘of course’: 15 Pour tout ce discours cfr B. Poncharal, La Représentation de paroles au discours indirect libre en anglais et en français, 1998. 16 Cohn D., Transparent Minds. Narrative Modes for Presenting Consciousness, Princeton University Press, 1978. WOOLF p.92 And if Rose liked, she said, while Jasper took the message, she might choose which jewels she was to wear. When there are fifteen people sitting down to dinner, one cannot keep things waiting for ever. She was now beginning to feel annoyed with them for being so late; it was inconsiderate of them, and it annoyed her, on top of her anxiety about them, that they should choose this very night to be out late, when, in fact, she wished the dinner to be particularly nice, since William Bankes had at last consented to dine with them; and they were having Mildred’s masterpiece – Bœuf en Daube. Everything depended upon things being served up to the precise moment they were ready. The beef, the bayleaf, and the wine – all must be done to a turn. To keep it waiting was out of the question. Yet of course tonight, of all nights, out they went, and they came in late, and things had to be sent out, things had to be kept hot; the Bœuf en Daube would be entirely spoilt. LANOIRE Et si Rose le voulait, dit-elle, pendant que Jasper allait faire sa commission, elle aurait le droit de choisir les bijoux que sa mère devrait mettre. Lorsqu’il y a quinze personnes à dîner il est impossible d’attendre indéfiniment. Elle commençait à leur en vouloir d’être si en retard; il y avait là un manque d’égard de leur part et à l’anxiété qu’ils lui faisaient éprouver venait s’ajouter la contrariété qu’ils eussent choisi pour se mettre en retard justement ce soir-ci où elle désirait tout particulièrement que le dîner fût réussi puisque William Bankes avait enfin consenti à venir; et puis on devait manger le chef-d’œuvre de Mildred – le bœuf en daube. Le succès du dîner dépendait de l’exactitude avec laquelle on servirait dès que ce serait prêt. Le bœuf, le laurier et le vin – tout cela devait être absolument à point. Les faire attendre, il n’y fallait pas songer. Et cependant c’était ce soirci qu’ils avaient choisi entre tous pour s’en aller et ne pas rentrer. Il allait falloir renvoyer des choses à la cuisine, les tenir au chaud; le bœuf en daube serait entièrement perdu. MERLE Et si cela faisait plaisir à Rose, dit-elle, pendant que Jasper allait porter le message, elle pourrait présider au choix des bijoux que porterait sa mère. Quand il y a quinze personnes à dîner, on ne peut maintenir les choses en attente indéfiniment. Elle commençait à présent à leur en vouloir, d’être en retard; c’était là manquer d’égards; et à l’inquiétude qu’elle éprouvait pour eux venait s’ajouter la contrariété de les voir choisir pour ne pas être à l’heure justement ce soir-ci où elle désirait que le dîner fût particulièrement réussi, puisque William Bankes avait enfin consenti à le prendre avec eux et on avait au menu la spécialité de Mildred : le bœuf en daube. Tout le secret de la réussite résidait dans le fait de servir les plats à l’instant précis où ils étaient prêts. Le bœuf, la feuille de laurier, le vin – le tout impérativement à point. Les mettre à mijoter était impensable. Et cependant, naturellement, ce soir, justement ce soir, on était sorti, on tardait à rentrer; il fallait renvoyer les choses à la cuisine; il fallait les tenir au chaud; le bœuf en daube serait complètement raté. PELLAN Et si cela lui faisait plaisir, dit-elle, tandis que Jasper repartait avec le message, Rose pouvait choisir les bijoux qu’elle allait porter. Quand on reçoit quinze personnes à dîner, on ne peut pas laisser les choses indéfiniment en attente. Elle commençait maintenant à leur en vouloir d’être tellement en retard; c’était un manque d’égards de leur part, et outre qu’elle continuait à s’inquiéter à leur sujet elle leur en voulait d’avoir choisi ce soir, justement, pour rentrer tard, alors qu’elle désirait que le dîner soit particulièrement réussi, puisque William Bankes avait enfin consenti à le prendre avec eux et que le chef-d’œuvre de Mildred figurait au menu – du bœuf en daube. Il était essentiel de servir ce plat à la minute même où il était prêt. Le bœuf, la feuille de laurier et le vin – tout devait être cuit à point. Le laisser mijoter sur le feu était hors de question. Mais bien sûr, ils avaient justement choisi ce soir pour partir au diable vauvert et rentrer en retard, et il faudrait renvoyer les plats à la cuisine, il faudrait les tenir au chaud;le bœuf en daube serait complètement fichu. La phrase en discours indirect libre commence avec le commentaire de Mrs Ramsay melangé avec les mots du narrateur ‘She was now beginning to feel annoyed’; il s’agit d’une phrase longue interrompue par sept virgules, deux point virgule et un tiret. La phrase termine avec le plat que Mildred préfère: ‘Boeuf en Danube’. La phrase de Lanoire est beaucoup plus fluide que celle de Woolf parce qu’elle contient seulement un point virgule et deux points. En plus, il n’utilise pas une combinaison qui mélange passé et présent quand elle traduit ‘Elle commençait à leur en vouloir’. Par conséquent sa phrase peut être lue comme un discours indirect. Merle utilise deux virgules, deux point virgule et un deux points et c’est à cause de cela que la synthaxe de sa phrase est moins incohérente que celle de la version originale. En tout cas elle utilise la combination passé-présent et sa phrase peut être encore lue comme un discours indirect libre. La phrase de Pellan est la plus proche à la version originale parce qu’elle utilise quatre virgules, un point virgule et un tiret. En plus elle maintient l’opposition passé/présent: c’est pour cela que sa phrase est en discours indirect libre. La dernière phrase du paragraphe est en discours indirect libre aussi et dans la version originale est désunie parce qu’elle présente cinq virgules et un point virgule. Lanoire divise la phrase en deux et traduit ‘of course’ avec ‘et cependant’: la première phrase n’a pas de ponctuation à l’exception du point et la deuxième présente deux virgules. Toutes les deux peuvent être lues comme un discours indirect. Merle utlise cinq virgules et trois point virgule et donc la phrase est moins désunie que dans la version originale. Elle utilise naturellement et justement ce soir avec on était sorti, on tardait et raté qui sont plus idiomatiques que les choix de Lanoire (example: perdu). Les choix lexicales de Pellan révèlent aussi la voix de Mrs Ramsay derrier celle du narrateur avec bien sûr, justement, diable vauvert et fichu: ‘raté’ et ‘fichu’ sont des mots colloquiales qui n’aident pas à faire une distinction entre la personne qui parle et la personne qui raconte. A partir de ces petits extraits on peut donc observer que la traduction de Lanoire donne moins d’accès direct aux mots des personnages focalisés que celles Merle et Pellan. La traduction de Pellan présente la structure énonciative la plus proche à la version originale. Ces différences changent un peu la traduction de Lanoire par rapport aux autres deux parce qu’elles conduisent à des passages où les voix des personnages focalisés sont moins mélangées avec celle du narrateur ou présentent des types différents de discours rapporté. La traduction de Lanoire montre une différence très claire entre le monde du narrateur et celui des personnages; au contraire les traductions de Merle et de Pellan reproduisent l’hybridité du discours indirect libre et l’hétérogénéité de la structure originale. Conclusion Cette petite recherche nous aide à réflechir sur la difficulté de traduire un style si particulier comme celui de Virginia Woolf, qui a fait aussi sa grandeur et l’a placée parmi les grands novateurs du roman du XX siècle. C’est pour cela qu’il faut se demander si la traduction réussit à accomplir le devoir de nous trasmettre ce qu’elle est véritablement et son véritable syle. A tout ce discours se relient les théories sur la traduction qui changent d’orientation à chaque période historique et qui influencent la fidélité au texte original. En effet ce petit étude nous montre aussi qu’ à partir de ses premières publications Virginia Woolf a été l’objet d’un travail continuel d’évaluation, de réflexion et de recherche dans toute l’Europe et comme on voit dans le cas de ses traductions en France, les versions les plus modernes ressemblent de plus en plus à l’esprit et à la forme originale de ses oeuvres, en montrant comment tout ce travail a permis de commencer à connaître et à comprendre la vraie Virginia Woolf et le principe qu’elle nous avait transmis avec ses mots: Literature is no one’s private ground; literature is common ground. It is not cut up into nations; there are no wars there. Let us trespass freely and fearlessly and find our way for ourselves17. 17 V. WOOLF, “The Leaning Tower”. The Moment and Other Essays, London, Hogarth, p.125. 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WOOLF V., Vers le Phare, (traduction de Pellan), F. Folio Classique Gallimard, 1996.