au bureau comme chez soi : que change le télétravail

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au bureau comme chez soi : que change le télétravail
AU BUREAU COMME CHEZ SOI : QUE CHANGE
LE TÉLÉTRAVAIL ?
Organisateur
SYNDICAT NATIONAL DES DIRECTEURS GÉNÉRAUX DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES (SNDGCT)
Animateur
Françoise CLECH DEL TEDESCO, Directeur administratif et financier, Service
départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Garonne
Introduction : les aspects managériaux du travail à distance
Alex LEPRIOL
Consultant, Cabinet Décision Publique
Le travail à distance peut prendre plusieurs formes : travail à domicile, sur un site distant,
travail nomade ou itinérant. En cela, il a pour avantage d’ouvrir des possibilités nouvelles,
en termes d’organisation du travail et de gestion du personnel. Cependant quelques
points de vigilance doivent être observés car l’introduction du travail distant dans
le management des structures publiques ne va pas de soi.

Points de vigilance préalables
Tout d’abord, l’introduction du travail distant modifie les frontières de l’organisation. En
effet, bien que l’agent en télétravail soit éloigné du c œur géographique de l’activité, la
relation qu’il entretient avec son manager reste une relation de travail au sein de
l’organisation. Cette flexibilité des frontières est d’ailleurs grandement favorisée par le
développement des nouvelles technologies, lesquelles entraînent en outre des fractures
générationnelles. Tenant compte de ces réalités, le manager se doit donc de changer de
vision, et de passer d’une conception unidirectionnelle de l’organisation du travail –
fondée sur la possibilité de superviser en direct l’ensemble des membres de son équipe –
à une conception plus dynamique : celle de l’animation d’une communauté d’acteurs.

Cinq risques majeurs liés au travail distant
Outre ces points de vigilance, il faut tenir compte des risques spécifiques propres au
travail distant. En effet, selon un rapport publié par le Centre d’ Analyse Stratégique
1
(CAS) , cinq risques majeurs sont identifiés quant aux impacts des TIC sur les conditions
de travail, impacts qu’il convient de questionner au regard du trava il distant :
- une augmentation des rythmes et de l’intensité au travail
1
Il s’agit du rapport intitulé « L’impact des TIC sur les conditions de travail », publié en février 2012 (pour en
savoir plus : http://www.strategie.gouv.fr/content/rapport-I%E2%80%99impact-des-tic-sur-les-condtions-detravail)
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- une surcharge informationnelle. En effet, entre 15 % et 35 % du temps de travail des
« télétravailleurs du savoir » est consacré à la recherche d’informations
- un renforcement du contrôle de l’activité et une réduction de l’autonomie des agents
- un affaiblissement des relations interprofessionnelles et du collectif de travail
- un brouillage des frontières spatio-temporelles entre travail et hors-travail.

Comment faire coexister les espaces du management avec le travail distant ?
A la lumière de cette analyse, l’intégration du travail distant dans les organisations
publiques semble loin d’être une chose aisée. Néanmoins, il est possible d’agir sur
certains éléments, en repensant, dans le cadre du travail distant, les trois espaces de
management suivants :
- l’espace de confidence, de la relation un-à-un avec l’agent
- l’espace de mise à disposition des règles de fonctionnement
- l’espace de socialisation.
Ainsi, si le développement des outils numériques assure la continuité du premier espace,
il est cependant nécessaire de formaliser des temps de rencontre et d’échanges
individuels réguliers entre le manager et l’agent. En outre, des espaces et des temps
d’échanges à distance spécifiques doivent être mis en place, afin de garantir à l’agent un
accès de qualité au deuxième espace. Enfin, pour assurer son maintien dans le troisième
espace, et lui permettre de continuer à se situer dans l’organisation générale, il est
nécessaire de formaliser au maximum l’organisation informelle existante – au moyen, par
exemple, du déploiement d’un management par projets favorisant la transversalité des
approches.

L’importance de la confiance a priori
Au-delà de ces adaptations nécessaires, il faut tenir compte d’un élément
fondamental, sans lequel toute tentative de travail distant est vouée à l’échec :
l’importance de la confiance a priori. En effet, le manager ne doit pas attendre que
l’agent lui ait fourni les preuves de ses capacités et de sa fi abilité pour lui accorder sa
2
confiance, car la relation de travail s’en trouverait alors fortement perturbée .
L’expérience du télétravail : l’exemple de Quimper
Béatrice MERAND
Directrice générale des services, Ville de Quimper et Quimper communauté

Pourquoi mettre en œuvre une démarche de télétravail ?
L’ouverture de la possibilité du télétravail aux agents de la Ville de Quimper et de la
communauté d’agglomération s’est faite selon un axe double : la problématique
environnementale, et la gestion des déplacements dans le département. D’ores et
déjà inscrite dans l’Agenda 21 de 2008, elle s’est également trouvée intégrée dans le
Plan Climat-Énergie Territorial (PCET) des deux collectivités.
La problématique des déplacements est en effet un enjeu primo rdial pour le territoire
breton, car ce dernier présente un fort éparpillement des bassins d’emploi et l’habitat y
est très diffus. Forte de ce constat, la Ville et l’agglomération de Quimper ont donc mené
une enquête auprès de ses agents, afin de connaîtr e leur niveau de proximité vis-à-vis de
2
Comme le montre Jean-Michel QUEGUINER, de l’association Bretagne Ateliers – à partir d’une métaphore qui
établit un parallèle entre les managers et les entraîneurs d’équipes cyclistes participant au Tour de France –
un bon manager se reconnaît à sa capacité à clarifier dès le départ les orientations de travail, à garantir un
confort relationnel au sein des équipes, et à bien identifier les efforts produits pour manifester de la
reconnaissance et réaffirmer sa confiance (voir l’intervention de Jean -Michel QUEGUINER « Comment atteindre
une performance collective ? » au Club management 2010 : http://webflow.fr/dialogique.fr/uploads/comptes rendus-conferences/queguiner.pdf )
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leur lieu de travail. Or cette enquête a révélé qu’ils étaient nombreux à habiter à plus de
20 km de ce dernier (près de 300). Dès lors, et afin d’améliorer les conditions de travail
des agents concernés, la collectivité a entamé une réflexion, en partenariat avec d’autres
collectivités bretonnes, autour du télétravail et des outils de travail à distance, notamment
informatiques. En outre, cette réflexion s’est accompagnée d’une prise en compte des
enjeux écologiques liés aux déplacements.

Calendrier de l’expérimentation
L’expérimentation du télétravail de la collectivité a démarré début 2012, par un travail de
cartographie visant à situer l’ensemble des agents sur le territoire. S’en est suivi un
travail de sensibilisation, mené auprès des agents pour les informer sur le télétravail, ses
droits et ses obligations. Puis s’est entamé un dialogue très riche avec les partenaires
sociaux, qui a permis de préciser les critères d’organisation du télétravail. Ainsi, la
distance minimale pour justifier une démarche de télétravail a été fixée à 20 km, et une
durée maximale de deux jours d’absence physique par semaine a été décidée . En outre,
de longs échanges s’engagent avec les managers, pour décider de leur mode
d’organisation. Enfin, une Charte du télétravail a été rédigée, ainsi qu’un contrat
d’engagement spécifique, réversible à tout moment par l’agent ou par son encadrant . Il
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est essentiel, en effet, qu’un cadre réglementaire rigoureux soit posé dès le départ .
Les volontaires pour la première expérience – qui devrait avoir lieu début 2013 – se sont
manifestés. Ils sont au nombre de 29, et feront l’objet d’une sélection prochainement.

Modalités de mise en œuvre et de suivi
L’idée d’entreprendre une démarche de télétravail n’est pas venue d’en haut, mais des
agents eux-mêmes. En effet, la rapidité avec laquelle ces derniers ont répondu à
l’enquête de juin 2012 a montré l’intérêt qu’ils portaient à cette question. Ainsi, 250
personnes ont répondu dès les premiers jours. Face à cet engouement, en dépit de
quelques réserves, l’encadrement s’est de son côté montré curieux à l’égard de cette
démarche, et a accepté que l’on envisage de la mettre en œuvre.
Pour ce faire, il a tout d’abord fallu déterminer quels emplois devaient y être intégrés.
Cela a abouti à la décision d’ouvrir la démarche à tout type de poste, hormis certains
métiers exclus de fait – jardiniers, cuisiniers, personnel des écoles et des crèches, etc.
Par conséquent, sur 1 500 postes permanents, 494 se trouvent potentiellement concernés
par le télétravail. Par la suite, les modalités de mise en œuvre de ce dernier seront
élucidées au cas par cas – changement ou non des modes d’organisation, des outils, etc.
Enfin, des temps d’évaluation réguliers sont prévus tout au long de la phase
d’expérimentation, dont découlera une quantification précise des temps des missions,
ainsi qu’une évolution générale des outils de management dédiés à ce système. Ainsi, un
outil de sécurisation des données professionnelles sera proc hainement mis en œuvre par
la Direction des Systèmes d’Information (DSI) de la collectivité.

Le coût de la démarche
L’installation à domicile du travail peut parfois générer un coût supplémentaire pour les
agents, dont il est important de tenir compte. Cependant, ce coût doit être relativisé :
l’équipement informatique de base est assez largement répandu, et le télétravail peut
aussi générer des économies de transport. En outre, rappelons que le télétravail est une
démarche basée sur le volontariat, qui ne tient donc nullement à une volonté de la
collectivité d’économiser des surfaces de bureau. En revanche, il est nécessaire d’œuvrer
3
Ainsi, la charte mentionne la nécessité de fixer des horaires de disponibilité pour bien respecter les règles de
non violation de la vie privée, et indique que l’agent doit impérativement disposer d’un espace de travail au
sein de son domicile, et posséder une connexion à haut débit.
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en tant que collectivité à la couverture numérique du territoire avec l’accès au très haut
débit pour tous.
Les modes de développement du télétravail dans le Cantal
Pascal RIGAULT
Directeur général adjoint, conseil général du Cantal
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Origines et principes de la démarche
Le conseil général du Cantal a pour originalité de disposer de plusieurs télé -centres,
susceptibles d’accueillir des entreprises ou des télétravailleurs indépendants. En sus de
ce dispositif, il a été décidé de proposer le télétravail aux agents du conseil général
intéressés par cette démarche, et de leur offrir un accompagnement spécifique appuyé
des procédures nouvelles.
Cette initiative s’est appuyée sur un double principe de volontariat :
- volontariat de l’agent
- volontariat de ses responsables et de leurs services.
En effet, sans une volonté ferme de part et d’autre de la hiérarchie, aucune
démarche de télétravail ne peut être envisagée.

Détails de la phase d’expérimentation
Sur cette base théorique, une phase d’expérimentation s’est progressivement mise en
œuvre, avec 12, puis 18, puis 32 agents participants. Elle s’appuie sur la carte des lieux
d’accueil existants dans le Cantal, qui présente les trois possibilités suivantes :
- les télé-centres, ou espaces de co-working
- les 70 implantations territoriales du conseil général, dans lesquelles n’importe quel
agent du conseil général peut travailler
- le télétravail à domicile.
En outre, elle comporte un certain nombre de droits et d’obligations pour les salariés
(horaires de travail, répondre au téléphone, etc) qui sont définis dans la Charte du
télétravail qui a été élaborée en concertation avec le s représentants du personnel.

Modalités de mise en œuvre et de suivi
Des problèmes se sont présentés, toutefois, au niveau du choix des postes concernés par
la démarche du télétravail. En effet, parmi les 1 200 agents du conseil général figurent
notamment 500 agents à fonction sociale ou administrative, dont 200 assistantes
familiales. Or si « agent administratif » semble une fonction très adaptée au télétravail,
les fonctions sociales posent des questions spécifiques, car elles sont déjà effectuées par
des travailleurs nomades, ce qui accroît le risque de perte de contact entre le
télétravailleur et son manager. Par ailleurs, des critères de sélection ont été posés, dont
la nécessité de ne pas disposer d’un télé-centre proche de son domicile pour pouvoir
engager une démarche de télétravail, l’obligation d’habiter au moins à 20 km de son lieu
de travail, et, plus largement, la nécessité de faire preuve d’autonomie et de rigueur . En
outre, la phase d’expérimentation comportait l’obligation d’une rencontre t rimestrielle de
l’agent avec une psychologue du travail.
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Comment évaluer cette démarche ?
Après chaque expérience de télétravail, une analyse serrée des motivations et des
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retours d’expériences des agents a été conduite . En outre, un bilan annuel de la
démarche générale est prévu – portant, par exemple, sur les gains des agents en qualité
ou en niveau de vie favorisés ou non par le télétravail.

Quels outils informatiques employer ?
Quant aux outils employés pour servir la démarche, il s’agit notammen t d’outils de
dématérialisation du courrier (ELISE) et de la chaine comptable (pièces justificatives
incluses), de plateformes Internet spécifiques, ou de logiciels métiers. Ce travail est
toujours en cours de développement avec l’objectif de déploiement d ès 2013 d’une
Gestion Électronique des Documents (GED). En outre, il est également envisagé de
développer les pratiques du e-learning, car celles-ci étendent le télétravail au
domaine de la formation et s’avèrent en cela bénéfiques – tant pour la réduction
des déplacements qu’elles induisent que pour l’effort écologique qu’elles
représentent.

Le coût de la démarche
Enfin, la question du financement de la démarche a été incluse dans l’Agenda 21 du
Cantal. Elle comprend notamment l’obligation pour la collectivité de fournir une connexion
haut débit aux agents en télétravail, via un abonnement spécifique. A horizon 2014, le
PCET permettra d’apporter des éléments chiffrés d’évaluation de cette démarche globale.
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Les premiers résultats de ces analyses font ressortir l’importance de la politique de démat érialisation du
courrier portée par le conseil général dans le bon déroulement des expériences de télétravail
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SIGLES
CAS : Centre d’Analyse Stratégique
CNFPT : Centre National de la Fonction Publique Territoriale
DSI : Direction des Systèmes d’Information
ETS : Entretiens Territoriaux de Strasbourg
GED : Gestion Électronique des Documents
PCET : Plan Climat Énergie Territorial
SDIS : Service Départemental d’Incendie et de Secours
SNDGCT : Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales
Les propos énoncés dans ce document n’engagent que la responsabilité de la personne citée.
Compte-rendu des Entretiens territoriaux de Strasbourg
5 et 6 décembre 2012
© CNFPT INET 2012
Réalisation :
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