les enjeux de l`enseignement de la mao face à l`évolution
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les enjeux de l`enseignement de la mao face à l`évolution
Rencontre métier Synthèse LES ENJEUX DE L’ENSEIGNEMENT DE LA MAO FACE À L’ÉVOLUTION DES PRATIQUES NUMÉRIQUES Cette synthèse est un compte-rendu des témoignages des personnes présentes à la rencontre du 16 octobre 2015 à l’Ariam Ile-de-France (Paris) Intervenant : Christian Joly, professeur de MAO au conservatoire de Puteaux, Jean-Yves Bernhard, professeur référent du cursus « MAO et création » au CRR d’Aubervilliers et professeur au CRD de Clamart et David Konopnicki, conseiller artistique musiques actuelles Rédacteur de la synthèse : Jean-Louis Galy La MAO, outil devenu incontournable pour les musiciens et enseignants, est utilisée dans de nombreux domaines musicaux et techniques : écriture de partition, création musicale et sonore, enregistrement et mixage, arrangements, création d’instrument virtuel, synthèse sonore, utilisation en « live » et en improvisation… La liste est longue et sûrement pas exhaustive. Le développement du numérique et la démocratisation de l’accès aux moyens techniques de qualité pour le grand public (puissance des ordinateurs et cartes sons, développement des home-studio) permettent aux musiciens d’explorer de nouvelles possibilités et d’accéder rapidement à des techniques jusqu’à présent peu accessibles. Ainsi, l’enseignement de la MAO dans les écoles de musique évolue tout aussi rapidement et on peut remarquer une grande diversité des approches pédagogiques et des conceptions d’un « cours de MAO ». Lors de cette rencontre, la conception d’un enseignement spécifique de MAO, sa liaison avec les autres disciplines d’une école de musique, les problématiques techniques ou d’autres questions liées à ces métiers pourront être abordées et partagées par les professeurs de MAO. Les participants : Dix-sept personnes ont participé à cette matinée de réflexion. Elles venaient d’univers professionnels et d’esthétiques musicales très différents mais toutes étaient concernées directement par la transmission et la création via des ateliers de MAO. Sur l’ensemble des professeurs en conservatoire, une majorité revendique sa pratique dans les univers des musiques amplifiées et/ou du Jazz, les autres travaillant dans les musiques contemporaines « savantes » ou « mixtes ». La quasi totalité ne se présente pas comme professeur d’une seule discipline MAO mais enseigne plusieurs disciplines : instrument en MAA ou Jazz, FM, Eveil musical, musicien intervenant en milieu scolaire (Dumiste), etc. En plus des deux « témoins », seul deux professeurs annoncent un temps « plein » en MAO. La répartition géographique est variée, même si aucun professeur présent ne travaille à Paris en conservatoire, ni dans le 78 ou le 95. Un participant vient de Loire-Atlantique. La quasi totalité des enseignants en conservatoire travaillent dans un CRC/CRI et deux dans un CRD. Au delà du public traditionnel des enseignants en conservatoire, on signalera la présence de trois médiathécaires de la ville de Paris qui ont mis en avant la spécificité de leurs publics et donc la finalité particulière de leurs ateliers de MAO On notera que l’hétérogénéité des parcours et les postes « multi-tâches » qu’occupent les enseignants sont une source de difficulté dans le repérage des professionnels concernés. En contre partie, Ils sont une source de richesse inestimable pour la réflexion comme le montre la teneur des débats. www.ariam-idf.com L’INTRODUCTION : UNE QUESTION D’ORDRE SÉMANTIQUE diquée par tous : l’autodidaxie alimentée par la passion, « formations nuits blanches et cafés ». Cette approche autodidacte devient alors le moteur de l’enseignement, « on est des passeurs de passion ». Ne pas livrer des solutions toute faites mais transmettre le besoin et l’envie de rechercher ses propres solutions. À la base, chaque participant a une formation de musicien, toutes les esthétiques étant représentées (classiques, jazz, musiques actuelles, etc.). Fréquemment cette formation initiale est complétée par une expérience d’ingénieur du son. Les enseignants viennent toutefois d’au moins un des deux domaines identifiés comme incontournables : les musiques actuelles et l’électroacoustique. Ils se sont généralement formés en fonction des projets qu’ils avaient à réaliser (formation en fonction des besoins artistiques et techniques) et cette autoformation s’appuie (entre autres) sur des ressources informatiques tel que les tutoriels en ligne. La légitimité qu’ils revendiquent pour transmettre est celle du savoir faire et de la maîtrise de l’outil. Cette démarche de formation prend du temps pour cerner l’essentiel et lorsque les personnes concernées se retrouvent dans une situation de transmission, c’est sans surprise qu’un de leurs objectifs soit de faire gagner du temps aux élèves et de leur transmettre leur propre démarche. Une autre démarche est mise en avant pour les apprentissages, celle de la navigation, « beaucoup naviguer » pour trouver sa propre formation. Est-ce que l’acronyme MAO (musique assistée par ordinateur) est toujours pertinent au regard des évolutions technologiques et des nouvelles pratiques musicales pour définir le projet pédagogique global des classes concernées ? Le développement rapide des instruments numériques avec des « jam » qui leurs sont entièrement ou partiellement consacrées, l’apparition des tablettes, etc. poussent certains à constater que « l’assistance par l’ordinateur » est de plus en plus absente de leurs enseignements. Si on ajoute à cela l’importance des synthétiseurs analogiques dans l’histoire de la MAO qui eux aussi s’exonèrent de toute référence à l’outil informatique, tous les participants s’accordent sur l’insuffisance du sigle pour déterminer l’étendue de leur champ artistique et pédagogique. Certains préfèrent même le terme « d’instrument numérique ». Au delà de ce constat, et bien que l’enjeu soit d’importance, il n’y a pas de réelle proposition alternative convaincante. La MAO reste une appellation très pratique pour la communication et l’usage lui a donné une consistance et une représentation tant pour l’administration que pour le public. Il semble que tout le monde s’accorde sur le fait que faute de mieux, il faudra encore s’en contenter. Concernant ce terme, on peut noter deux types d’approches. D’une part le terme MAO ne semble pas opérant quand on évoque les instruments numériques, et d’une manière générale la création et l’interprétation utilisant l’outil numérique. D’autre part, on évoque encore le terme MAO de façon plutôt approprié quand l’utilisation de l’informatique devient un outil « complémentaire » à une pratique instrumentale ou collective (MAO comme un outil de la FM, support d’écriture, logiciel pédagogique, support d’enregistrement, etc.) Le besoin s’est fait sentir de rappeler une revendication commune : on est des compositeurs qui nous servons d’outils spécifiques pour faire de la musique, sans avoir à s’enfermer dans une esthétique quelconque. LE PUBLIC LE RAPPORT AVEC L’ÉDUCATION NATIONALE LA COMMUNICATION LE PROFIL DE POSTE LA FORMATION LA MUSIQUE CONCERNÉE LES REVENDICATIONS Pas de tranche d’âge spécifique mais un constat : si un élève d’école élémentaire a le choix (présentation d’instrument ou sensibilisation quelconque) entre un instrument acoustique et l’outil informatique, il choisira le premier. Les enfants ne sont pas esbroufés par la MAO comme peuvent l’être les adultes. Les classes de MAO sont en générale ouvertes dès 7 ans et sans limite d’âge. Certains utilisent même des instruments spéciaux, le mélisson par exemple, pour sensibiliser les enfants dès l’âge de 5 ans. Ce sont des ateliers qui se prêtent naturellement à l’intergénérationnel. C’est un public qui a envie de créer et on constate que cette motivation est très présente à partir de 11-12 ans. Cet enseignement peut aussi être un débouché professionnel pour ceux qui envisagent de s’engager dans les métiers de la musique. La MAO peut être un complément Deux mots récurrents, la « multitude » et de la « diversité ». D’abord dans les postes où les enseignants partagent leur temps entre la MAO et d’autres enseignements tels que la FM, l’apprentissage instrumental, la pratique collective, etc. Un plein temps dédié au numérique reste exceptionnel et les enseignants sont le plus souvent « multi-postes ». Même constat pour les parcours de formation des formateurs, il n’y a pas de parcours unique et uniforme, pas de diplôme non plus, mais une façon de faire reven- 2 important, en terme d’emploi, à un parcours d’instrumentiste. Il paraît même indispensable de le maîtriser un minimum pour les métiers artistiques. Il est important de créer notre « solfège » autour du son et de l’informatique. Certains l’ont déjà fait. Du point de vue pédagogique, le format 1/2h par élève ne marche pas. C’est une pédagogie de groupe qui est privilégiée avec un travail en commun sur les projets individuels de chaque élève. C’est dans le brassage, l’autonomie et le faire ensemble que se trouvent certains principes. L’enseignant se considère souvent comme une ressource en cas de problème ou pour faire gagner du temps. Il oriente l’expérience de l’élève. Dès que la formation est axée sur la création, les élèves s’investissent, travaillent et on constate une réelle motivation. Certains ont articulé leur pédagogie autour de la réalisation d’un spectacle. Il y a également des créations par les professeurs d’outils mis en ligne (tutoriels, création d’une chaîne Youtube et blog) pour compléter ou anticiper les cours. Les élèves peuvent communiquer librement avec des moyens qui correspondent à leur façon de vivre, notamment les adolescents et leurs besoins d’être connectés en permanence. L’enseignant est alors un médiateur, un complément. Les liens spécifiques avec l’éducation nationale Plusieurs exemples d’interventions sur des temps d’activités périscolaires mais très décevants car l’encadrement, les objectifs et les conditions matérielles ne sont pas réunis. Un exemple d’intervention sur le temps scolaire par un musicien intervenant manipulant la MAO : des projets de déclenchement de sons via des joystick ainsi que des projets électroacoustiques. Beaucoup d’intérêt de la part des enfants et des professeurs et une façon pour les élèves de valider leur brevet internet et informatique. La communication Il n’y a pas d’actions spécifiques pour faire connaître cet enseignement au sein des conservatoires d’où des actions de sensibilisation créées par les acteurs : - La représentation publique avec un moment didactique, d’explication. - Une variante avec une possibilité pour le public de manipuler à la fin du concert. - Des concerts qui croisent des groupes de musique et des prestations de MAO (musique mixte) - La stratégie de la porte ouverte : laisser la porte ouverte pendant les cours. - Être présent dans les parcours découverte, c’est très important. LE CURSUS L’ORGANISATION PÉDAGOGIQUE LE PARCOURS Certains font la distinction entre deux cursus : Le premier : faire de la musique avec les instruments numériques en se détachant des logiciels pour revenir à des notions de base. Le second : que les musiciens se familiarisent aux outils, et là on peut parler de MAO comme complément de l’enseignement instrumental. Il existe tous type de formations et de cursus allant jusqu’à la mise en place de DEM (3e cycle spécialisé) spécifiques à la création et à la composition via l’informatique. OBJECTIF PÉDAGOGIE PROJET PÉDAGOGIQUE Le but est d’apporter une connaissance générale en se détachant de la simple utilisation de l’outil, de transmettre une technique et non pas apprendre à se servir d’un logiciel. On transmet des concepts et la façon dont est conçu l’outil, et non pas une somme de mode d’emploi de logiciels. Toutefois, il est apparu important d’affirmer que même si cet enseignement est récent, certaines choses sont fixées et n’ont plus à être réinventées sans cesse. Ces fondamentaux sont peu nombreux et une fois acquis, c’est à chacun de faire son chemin. Le professeur a une vision globale de la matière. Il trouvera dans les outils toute l’histoire de la MAO (et des techniques du son) et donc beaucoup de sources de transmission. Ce qui est passionnant c’est l’évolution permanente et rapide des outils qui nécessite l’adaptation permanente de l’enseignant. D’où l’importance de traiter les concepts des outils numériques et non leur simple mode d’utilisation. Le but est de faire de la musique et le son en est la matière première. Le but est de créer et de composer, l’outil en est le moyen. Pour certains, un cursus complet qui permette d’acquérir l’ensemble des compétences nécessite 10 à 12 ans d’apprentissage. On trouve plusieurs cas de figure dans l’organisation pédagogique : - Un hors cursus avec une inscription uniquement en classe de MAO ; - La MAO comme instrument principal avec un cursus complet avec une FM et pratique collective en plus (exemple : accompagnement du cours de danse ou enregistrement) ; - La MAO en plus d’un cursus complet comme instrumentiste; - La MAO comme classe spécifique de FM pour les MAA. Certains soulignent l’importance que l’informatique, d’une manière générale, a pris dans la vie des adolescents et quelles ouvertures elle pourrait apporter dans l’apprentissage de la FM : c’est l’outil pédagogique actuel pour comprendre la FM (il ne s’agit pas de faire de la FM 3 traditionnelle avec un ordinateur). rebondissent. Au travers des problématiques abordées, c’est le professeur qui fait référence à l’histoire. Les logiciels : rien d’exceptionnel, que des logiciels de base. L’essentiel : un bon système d’écoute (car les élèves ne l’ont pas chez eux), une table qui permet de tout accueillir, des bons micros. out ce qui est acquisition de son (enregistrement), il vaut mieux le faire en cours car souvent les élèves n’ont pas le matériel adéquate. Pour aider l’élève sur le choix d’une carte son ou de son matériel en général, il faut partir de la question « quels sont tes besoins » et cette question permettra même de faire un cours… Une remarque : il s’agit de remettre au centre le projet de l’élève et donc de raisonner en terme de parcours : pouvoir venir de n’importe quel endroit – définir le projet – créer des parcours – définir des passerelles avec les autres propositions pédagogiques. Le rôle de la direction et du projet d’établissement est alors primordial. LA MAO DANS LE PROJET GLOBAL DU CONSERVATOIRE Un point administratif : budgétairement, l’acquisition de matériels MAO peut s’avérer compliqué car elle n’est pas rattachée à la ligne investissement-instrument de musique mais à celle de l’équipement bureautique-informatique. C’est une problématique à prévoir et rencontrée par l’ensemble des participants. Beaucoup de conservatoires défendent un certain dogme, une certaine tradition avec la trilogie cours d’instrument, FM et pratiques collectives. Les directeurs sont trop souvent éloignés de ce que peut être une classe de MAO et de ce qui peut s’y passer. Ainsi, très souvent le cours de MAO est à part de tout, il est isolé car il n’y a pas de réflexion pour que cet enseignement soit intégré au projet global de l’établissement. Il appartient aux professeurs de MAO de s’investir dans l’écriture de ces projets. On note un intérêt évoqué par les professeurs de pouvoir continuer d’échanger et de se réunir à ce sujet, aller vers une capitalisation des formes pédagogiques rencontrées pour mieux sensibiliser les directions. CONCLUSIONS / PERSPECTIVES : L’ensemble des participants a évoqué la possibilité de pouvoir continuer d’échanger et de se réunir à ce sujet. Étant souvent isolés dans leurs établissements, la rencontre de collègues et les échanges au cœur des réalités des métiers sont plébiscités par les participants. L’Ariam pourra proposer de constituer un temps de travail et d’échanges régulier pour les enseignants de « Mao ». Il est proposé d’élaborer un réseau de métier. Pour des raisons d’efficacité, il faudra alterner entre des rencontres régulières en groupe peu nombreux et animer un réseau d’échange numérique. LES OUTILS POUR L’ÉLÈVE POUR LE CONSERVATOIRE Des tas d’instruments numériques ont été inventés depuis une quinzaine d’années (référence à Rémi Dury), une multitude est en train de voir le jour, les tablettes sont de plus en plus présentes et toutes ces évolutions s’éloignent de « l’assistance par l’ordinateur ». Ces nouveaux outils donnent naturellement naissance à de nouvelles pratiques : « jam » réservée aux instruments numériques, musique collaborative, etc. Le constat d’un des participants : cette année, c’est la première fois qu’un étudiant rentre dans la classe sans ordinateur mais simplement avec une tablette. Chacun note une démocratisation très rapide de l’outil : il y a 15 ans, aucun des étudiants n’avaient d’ordinateurs personnels. Tout le monde voulait venir au conservatoire pour travailler sur le matériel. Aujourd’hui, plus personne ne vient au conservatoire pour un travail perso, tous sont équipés en ordinateur mais également en logiciel. Un autre constat : il n’y a plus d’outil type et c’est à l’enseignant de s’adapter car il a une connaissance élargie. À la question : quel équipement avez-vous au conservatoire ? Une réponse qui a paru satisfaire tout le monde : une console, un ordinateur, des écoutes. Certains élèves viennent avec leur portables, leurs clefs, et chacun présente son projet au groupe. Les autres élèves La capitalisation des formes pédagogiques rencontrées, des échanges de pratiques, des analyses de projets pédagogiques spécifiques sont très demandées. À terme, ce recueil pourrait aider chacun à mieux sensibiliser les directions, tutelles, élus, au développement et à l’intégration de la MAO au sein des écoles d’enseignement artistique et à imaginer des meilleurs complémentarités avec les enseignements existants au sein des écoles. Les échanges et ressources communes avec les diverses disciplines d’une école étant un sujet récurent et primordial pour ces métiers, des rencontres croisées avec d’autres métiers (collègues au sein de l’établissement) pourrait être constituées (exemple : MAO et FM, utiliser la MAO en cours d’instrument, et vice versa, etc.) Une seconde rencontre métier pouvant concerner ces profils était prévue par l’Ariam le 26 novembre. Plusieurs professeurs avaient prévu d’y assister aussi et vu la complémentarité des sujets et des profils, nous pourrons éventuellement envisager de réunir l’ensemble des participants pour les futures rencontres. 4