Travail posté, rythmes et alimentation - Service de Nutrition

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Travail posté, rythmes et alimentation - Service de Nutrition
Travail posté, rythmes et alimentation
15° atelier de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille
Jeudi 8 décembre 2016
Synthèse C Le Fur ISTNF Chargée de projet ISTNF Dr es Nutrition
Il est communément admis que le travail de nuit ou le travail posté ont des effets
délétères sur la santé, oui mais « en vrai » lesquels ????
Le travail de nuit c’est :
Selon la législation (article L. 3122-29 du code du travail) :
-
est considéré comme travail de nuit tout travail effectué entre 21h et 6 heures du matin.
est considéré comme travailleur de nuit tout salarié qui effectue au moins 3 heures de
travail 2 fois par semaine dans cette plage horaire soit 270 heures sur 12 mois
consécutifs.
Ce cadre réglementaire est modulé par de nombreuses dérogations, selon les secteurs et
les métiers concernés.
En revanche le travail posté n’est pas définit dans le code du travail,
EN France :
Le travail de nuit régulier ou occasionnel est en augmentation. Selon la DARES, en 2012, il concernait
3,5 millions de français (alors qu’ils étaient environ 2,5 millions en 1991) : en première ligne, des
salariés du tertiaire (30% des agents de la fonction publique et 42% des salariés des entreprises
privées de service). Les familles professionnelles les plus concernées sont : conducteurs de véhicules,
policiers, militaires, infirmières, aides-soignantes, et les ouvriers qualifiés des industries de
transformation et/ou d’assemblage, ce qui touche plus particulièrement les intérimaires, les hommes
trentenaires et les femmes de moins de trente ans1.
Pourquoi est-il si difficile d’obtenir un consensus sur les effets réels du travail
de nuit ou posté sur la santé?
Plusieurs études ont cherché à mettre en évidence les effets sur la santé du travail de nuit et du
travail posté, mais il reste difficile a partir des résultats observés d’émettre des recommandations
générales. En effet les impacts sur la santé de ces types d’horaires de travail diffèrent selon :
-
1
qu’il s’agisse de nuits régulières ou de travail alterné
la durée du travail (7h30 ou 12h)
le type de rotations effectuées (sur 24h, sur une semaine) du sens des rotations
l’heure de la prise de poste du matin,
A cela viennent s’ajouter les conditions de restauration dans l’entreprise, et comme pour
toutes études le niveau socio-économique, le temps d’exposition, les conditions de
http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2014-062.pdf
1
travail, le sexe, les comportements individuels avec entre autre ceux liés au sommeil, à
l’activité physique, à la sédentarité et à l’alimentation, les organisations de la vie familiale
et sociale, la gestion du stress...
Les effets du travail de nuit sur la santé selon la synthèse effectuée
par le comité d’experts mandaté par l’ANAES2
Entre 2012 et 2016, un comité d’experts a effectué une revue de la littérature scientifique récente et
l’audition d’experts afin de proposer un consensus sur les effets du travail de nuit et/ou posté sur la
santé.
En fonction des données de la littérature, ces effets ont été classés en 5 niveaux de preuve. Selon ce
rapport le travail de nuit a :

un effet avéré sur :
o
o
o
la qualité du sommeil et la réduction du temps de sommeil
la somnolence,
le syndrome métabolique
 un effet probable sur :
o
o
o
o
o
o

les performances cognitives
la santé psychique (trouble de l’humeur, dépression, irritabilité, anxiété, troubles de
la personnalité) (classé ainsi par manque d’étude longitudinale et expérimentale)
l’obésité et surpoids (classé ainsi car les mécanismes explicatifs n’ont pas été identifiés)
le diabète
les maladies coronariennes
le cancer du sein
un effet possible sur :
o
o
dyslipémie
hypertension artérielle et sa relation avec l’accident vasculaire cérébral ischémique
 les données disponibles ne permettent pas de conclure pour :
o

autres cancers : prostate, ovaires, pancréas, colon rectum
Et probablement pas d’effet :
o
Aucun facteur étudié dans ce travail n’entre dans cette catégorie
2
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1255984/fr/label-de-la-has-surveillance-medico-professionnelle-destravailleurs-postes-et/ou-de-nuit
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Recommandations pour la surveillance médico-professionnelle des
travailleurs postés et de nuit
En Mai 2012, l’HAS a émis des recommandations pour la surveillance médico professionnelle des
travailleurs postés et de nuit dans lequel est préconisé de 3:
-
De suivre les salariés postés et de nuit tous les 6 mois, comme le stipule la loi
Lors de la visite médicale en Santé au Travail, il est recommandé :
 d’interroger sur les temps de sommeil, et d’identifier les troubles du sommeil
associés (agenda du sommeil)
 de dépister les risques de somnolence durant la période d’éveil
 De mesurer le poids et sa répartition
 De surveiller la tension artérielle
 De s’assurer d’un suivi régulier du bilan lipidique et glycémique,
 et spécifiquement pour les femmes d’un suivi gynécologique annuel
 D’interroger sur la fréquence et les modes de consommations alimentaires et
sur la pratique d’une activité physique
 d’interroger sur l’apparition de symptômes digestifs (nausées, troubles du
transit, douleurs abdominales, troubles dyspeptiques, pyrosis, brûlure
épigastrique) et de rechercher des signes cliniques évocateurs d’un
syndrome ulcéreux
 rechercher lors des visites médicales des symptômes dépressifs et/ou
anxieux (échelle de dépression HAD)
 d’informer sur
o l’importance de maintenir un temps de sommeil supérieur à 7 heures
par 24 heures et une bonne hygiène de sommeil
o l’ensemble des risques identifiés, et en particulier du risque
accidentel (accident de la circulation notamment)
o les risques éventuels lors de la grossesse
 Et d’émettre des recommandations en ce qui concerne l’exposition à la
lumière, la sieste , la consommation de café, les médicaments
psychostimulants et hypnotiques
 En lien avec la réglementation sur la traçabilité des expositions
professionnelles, il est recommandé de remplir une attestation d’exposition
au travail posté et/ou de nuit au départ du salarié de l’entreprise.
A la lumière des travaux récents, en plus de ces recommandations une attention particulière peut
être portée au dépistage du syndrome métabolique et du diabète, sur des conseils adaptés en ce qui
concerne l’alimentation, l’activité physique et la sédentarité peuvent également être proposés.
Les préconisations possibles
La pertinence de l’émission de recommandations généralisées est de plus en plus remise en cause.
Toutefois des champs de vigilance peuvent être proposés, afin de limiter les effets délétères du
travail de nuit ou posté sur la santé. Ils tiennent compte de:
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http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1255984/fr/label-de-la-has-surveillance-medico-professionnelle-destravailleurs-postes-et/ou-de-nuit
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 L’organisation des temps et des conditions de travail (la longueur des postes, la nature des
tâches, les repos, les rotations, la dimension collective, l’éclairage…). En l’état actuel des
connaissances plus les rotations sont courtes, dans le sens horaire, avec des postes de faibles
amplitudes horaires, une prise de poste le matin retardé… moins pénible serait l’adaptation
 La chronobiologie : l’organisme humain est programmé pour un fonctionnement optimal en
journée et un état de dormance et de régénération la nuit. Il sera donc nécessaire de trouver
des compromis entre la physiologie et le bienêtre du salarié
 L’alimentation : le conseil de base reste d’adopter une alimentation équilibrée (protectrice
pour le système cardiovasculaire si possible), la plus régulière possible, avec une sensibilité
importante aux signaux physiologiques de la faim et de la satiété.
 Le sommeil : les dettes de sommeil font parties des perturbations majeures chez ces
travailleurs, en plus de leur conséquences accidentogènes importantes, elles ont un impact
sur la régulation physiologique et psychologique de la prise alimentaire.
 L’activité physique peut avoir des effets positifs tant sur la régulation du sommeil, du stress,
de la prise alimentaire, du ben être physique…sa promotion fait partie des conseils majeurs
auprès de ces salariés ainsi qu’une réflexion sur leurs activités sédentaires
Un point sur les dynamiques régionales
De nombreuses actions individuelles ou collectives sont menées en directions des salariés
postés ou de nuit par les acteurs santé travail de la région dans l’ensemble des services santé
travail qu’ils soient autonomes, interentreprises, fonction publique, régimes particuliers…
Pour exemple 3 approches collectives interdisciplinaires qui ont permis d’élaborer différentes
démarches, souvent accompagnées de création d’outils
NUTRi’SOM : un collectif de médecins du travail et chargées de
projet de Pôle Santé Travail (en partenariat avec l’ISTNF) a créé un
ensemble d’outils (supports pédagogiques, supports
informationnels) pour accompagner les acteurs santé travail dans
la mise en place d’actions collectives. Ces outils, regroupés dans
une mallette sont distribués par Pole Santé travail à Lille (référent
Drs Schouteeten, Deshepper et Thomere)
Travail de nuit, hygiène de vie : au sein d’Action
Santé travail, un collectif de médecins, infirmières,
assistantes santé travail, et chargée de projet anime un
groupe de travail depuis plusieurs années. Lors de ce
travail collectif un ensemble d’outils ont été créés, ils
www.actionsantetravail.fr/
sont consultables sur le site de l’AST dans l’onglet
travail de nuit. En plus de ces outils un suivi de 300
salariés a été effectué sur 5 ans. Les résultats seront bientôt disponibles
(référent Dr Couteux)
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Groupe de travail régional Nutrition Santé Travail (animé par
l’ISTNF: composé de médecins, infirmiers, diététicienne, et
assistante santé travail de 7 services santé travail de la région
sous l’impulsion de l’ISTNF avec le soutien financier de l’ARS et du
conseil régional NPdC vise depuis 4 ans à contribuer à limiter
l’impact des pathologies à composantes nutritionnelles sur
la vie au travail des salariés de la région autour de 4
thématiques
-
travail posté / de nuit
obésité
diabète
MCV
Dans ce cadre des outils ont été créés (posters, plaquettes de prévention, dossiers,
protocole de dépistage…), ils seront présentés et diffusés au sein des services de la région
qui le souhaitent d’ici la fin de l’année 2016 début 2017 (contact C LE Fur ISTNF)
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