1ES 06-07 Chapitre 4 Socialisation et culture

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1ES 06-07 Chapitre 4 Socialisation et culture
PARTIE
II : L’ORGANISATION SOCIALE
CHAPITRE 4
: SOCIALISATION ET CULTURE
SECTION 1. LA SOCIALISATION : DETERMINISMES ET INTERACTIONS
Exercice introductif : inné ou acquis ? Complétez, lorsque cela vous paraît nécessaire, les cases vides.
NOS ACTES QUOTIDIENS SONT-ILS NATURELS OU SONT-ILS DETERMINES PAR LE MILIEU SOCIAL DANS LEQUEL NOUS VIVONS ?
CET ACTE REPOND UNIQUEMENT A UNE EXIGENCE BIOLOGIQUE
OU PHYSIOLOGIQUE
MANGER
BAILLER
CET ACTE EST ACCOMPLI DIFFEREMMENT SELON LES SOCIETES ; IL EST
DONC LARGEMENT INFLUENCE PAR L’ENVIRONNEMENT SOCIAL
Manger est un acte qui répond à une exigence
physiologique. L’alimentation est un besoin
primaire…
… mais les habitudes alimentaires varient d’un pays à
l’autre. On ne mange pas la même chose ni de la même
façon dans les différentes sociétés, ni même dans les
milieux bourgeois et populaire.
Bâiller est le signe avant-coureur du sommeil. Ce
serait donc un acte naturel.
La façon de bâiller diffère largement d’un individu à l’autre
ou d’un peuple à un autre. Ainsi le Français met sa main
devant la bouche pour bâiller (marque de politesse, mais
aussi survivance d’une vieille superstition : les mauvais
esprits pénètrent dans le corps par la bouche…)
Riez-vous quand vous vous chatouillez vous-même ?
Riez-vous plus souvent seul ou quand vous êtes avec
d’autres personnes ?
Le fou rire éclate généralement lorsque la situation
l’interdit (par exemple en classe)
RIRE
BOIRE
RESPIRER
SALUER
C’est le rite social par excellence.
SE VETIR
Les premiers vêtements sont apparus dans les pays
chauds, ils étaient constitués de peaux d’animaux
sauvages permettant aux chasseurs de montrer qu’ils
étaient de bons chasseurs, dignes de respect et de
considération, capables d’occuper les fonctions de chef de
tribu. Le vêtement est vite devenu un instrument de
distinction sociale.
METTRE UN
ENFANT AU
MONDE
LES
BATTEMENTS
DU COEUR
1
ROTER
Document introductif :
L’HOMME NE NAIT PAS SOCIAL, IL LE DEVIENT
Dire bonjour à nos camarades ou à nos collègues de bureau en arrivant au travail le matin, nous conformer à un emploi du temps,
appliquer les directives venant d’un professeur sont autant de choses qui nous paraissent naturelles. Or, aucun de ces comportements
ne va pas de soi.
L’emploi du temps est un bon exemple : 99% des français se rendent au travail ou au lycée à l’heure, parfois en rechignant, mais en
se disant qu’il n’y a pas le choix, que c’est dans l’ordre naturel des choses.
Toutefois, ce qui est accepté aujourd’hui ne l’était pas hier : au début de la Révolution industrielle, un des grands problèmes des
patrons était d’attirer la main-d’œuvre, de la fixer sur place et surtout de lui faire prendre des habitudes de régularité. En effet, les
premiers ouvriers étaient incapables de se soumettre à un emploi du temps rigide. Ils allaient travailler quand bon leur semblait, ce qui
n’allait pas sans poser de problèmes pour le fonctionnement des entreprises. On comprendra le comportement de ces ouvriers issus
des campagnes et qui autrefois étaient habitués à organiser leur journée de travail eux-mêmes, en fonction du temps, de la saison…
Cette liberté disparaît avec le travail en usine. Il a donc fallu apprendre aux ouvriers à se conformer à des horaires fixes. Cela s’est fait
de façon coercitive : sanctions (licenciements, baisse des salaires…) mais c’est surtout la « manière douce » qui a porté ses fruits.
Dans ce domaine, l’école a joué un rôle fondamental comme le souligne J.-P. De Gaudemar lorsqu’il parle de l’institution scolaire au
19ème siècle : « L’école ne crée alors que des aptitudes à l’intégration sociale, comme aptitudes minimales à l’intégration économique :
elle crée des habitudes de régularité et de discipline dans le temps et dans l’espace. »
Source : Manuel de Première ES, Editions Belin, 1994
Questions :
1)
2)
3)
Expliquez le passage encadré.
L’être humain est-il naturellement apte à vivre en société ?
Par quel processus l’être humain acquiert-il les dispositions nécessaires à la vie en société ?
Commentaire : la socialisation est un processus conduisant à la « naturalisation » des perceptions, comportements et
modes de pensée (les individus intériorisent les normes et valeurs, manières de se comporter, et en font des dispositions
comportementales qui structurent leurs actions, et qui font partie de leur personnalité et de leur identité).
I.
LA SOCIALISATION : UN PROCESSUS CONTINU DE CONSTRUCTION DE LA PERSONNALITE ET DE
L’IDENTITE DE L’INDIVIDU
Lecture du paragraphe introductif page 108, « 1. La socialisation » interpréter la première phrase et dites si ce
type d’analyse correspond à une approche holiste ou individualiste.
Définition de la socialisation : la socialisation est le processus social d’acquisition et d’intériorisation par les individus, des
valeurs et des normes de la société dans laquelle il vit. Ce processus permet l’intégration sociale des individus, et donne à
la société un certain degré de cohésion sociale (capacité d’une société à faire respecter ses normes et ses valeurs).
Ce processus permet l’apprentissage et la transmission (d’une génération à l’autre) :
des valeurs,
des normes,
des rôles sociaux,
des modèles culturels (« patterns »),
des pratiques culturelles (sport, loisirs),
du langage.
2
A/
LA SOCIALISATION EN TANT QUE PROCESSUS D’ACQUISITION DES NORMES ET DES VALEURS, DES
STATUTS ET DES ROLES
1. NORMES ET DES VALEURS
Document n°4 page 109 « Normes et valeurs » questions 1-2-3
Définition des valeurs : ces sont des manières d’être, d’agir ou de penser qu’une collectivité (groupe social ou société
toute entière) reconnaît comme idéales et estimables, et à laquelle on souhaite que chacun se conforme dans son
comportement.
Exemples : liberté, égalité, fraternité, travail, rationalité, sécurité, honnêteté, respect, profit, succès, solidarité, amour,
progrès, fidélité, etc.
LES VALEURS
L’égalité est une valeur aux Etats-Unis : nous préférons, dans la mesure du possible, traiter les individus sur un pied d’égalité, sans
faire référence aux différences entre eux. De même pour la liberté individuelle : nous préférons laisser les gens faire ce qu’ils veulent,
à moins que de fortes raisons s’y opposent.
Mais les valeurs sont de piètres guides pour l’action, car elles ne comportent que des critères de choix généraux qui indiquent la ligne
de conduite préférable, toutes choses égales par ailleurs. Mais dans les situations concrètes de la vie quotidienne, il est rare que toutes
les choses soient égales par ailleurs. Il n’est pas facile de relier sans ambiguïté la notion vague d’égalité à la réalité concrète. Il est
donc difficile de déterminer la ligne de conduite prescrite par telle valeur dans une situation donnée.
La référence aux valeurs pour orienter l’action rencontre un autre obstacle : elles sont si vagues et si générales qu’il est possible
d’adhérer à des valeurs incompatibles entre elles sans même être conscient de la contradiction. Nous prenons conscience de leur
incapacité à fonder nos actions lorsque, dans les moments de crise, nous nous apercevons que nous ne pouvons pas décider entre
plusieurs lignes de conduite également prescrites, mais incompatibles entre elles. Ainsi, pour prendre un exemple précis, notre
adhésion aux valeurs d’égalité nous entraîne à proscrire la ségrégation raciale, mais les valeurs de liberté individuelle, que nous
partageons aussi, nous interdisent de nous ingérer dans la vie privée des gens qui pratiquent en privé la ségrégation. Si un Noir qui
possède un voilier fait savoir, comme cela est arrivé récemment dans la région de New York, qu’aucun club de navigation de plaisance
ne veut l’admettre, nous nous apercevons que nos valeurs ne nous sont d’aucun secours pour décider ce qu’il faut faire dans ce cas.
Des conflits surgissent aussi entre des normes précises ; par exemple, les lois de certains Etats interdisent l’intégration raciale dans les
écoles publiques, alors que la loi fédérale l’exige. Mais, dans ce cas, il existe des procédures juridiques bien définies pour régler le
conflit.
Les valeurs s’avérant ainsi inadaptées pour orienter l’action dans les situations concrètes, les groupes sociaux élaborent des normes
spécifiques qui sont mieux adaptées aux réalités de la vie quotidienne. Ces normes sont dérivées de valeurs, qui jouent ainsi le rôle de
principes ultimes.
Les groupes particularisent et précisent les valeurs sous forme de normes dans les situations problématiques de leur existence, quand
les difficultés rencontrées exigent que des mesures soient prises. Parmi les différentes valeurs auxquelles ils adhèrent, ils en
choisissent une ou plusieurs qui se rapportent à ces difficultés et ils en dérivent une norme spécifique. Tout en étant conçues en
accord avec les valeurs concernées, ces normes définissent avec une relative précision les actions autorisées, les actions interdites, les
situations auxquelles s’appliquent les normes et les sanctions frappant les transgressions.
Source : Howard Becker, Outsiders, Editions Métailié, 1985 (1ère édition 1963)
Questions :
1)
2)
Quels problèmes posent les valeurs ?
Quelle est la relation entre les valeurs et les normes ?
Les valeurs ne disent pas comment il faut se comporter : elles font donc l’objet de prescriptions de comportement
appelées normes. Celles-ci peuvent être sociales ou juridiques :
NORMES SOCIALES ET NORMES JURIDIQUES
Une norme est une règle, un étalon, ou un modèle pour l’action (du latin « norma », qui signifie une équerre ou règle de charpentier).
Les normes sociales sont des règles de conduite. Les normes sont des étalons de référence en fonction desquels le comportement est
jugé, approuvé ou désapprouvé. En ce sens une norme n’est pas une moyenne statistique d’un comportement actuel mais plutôt une
définition culturelle (partagée) d’un comportement désirable.
Dans la mesure où une norme sociale particulière est véritablement effective, on pourra, bien entendu, observer une régularité réelle
repérable d’actes sociaux dans des situations récurrentes d’un type particulier. Ainsi, il y aura des manières plus ou moins
standardisées de se comporter pour faire du commerce, entreprendre un cérémonial religieux ou s’adonner à des jeux organisés. Une
uniformité partagée de comportement, cependant, ne signifie pas nécessairement qu’une norme soit à l’œuvre. Une uniformité peut
3
simplement représenter des réactions individuelles séparées face à un même stimulus comme par exemple se sauver en cas
d’incendie. Quoi qu’il en soit, la grande majorité des interactions sociales importantes sont en partie dirigées par des normes.
Source : R.M.Williams Jr, The concept of norms, in International Encyclopaedia of the Social Sciences, The Macmillan company and the
free press
Les normes sont des modèles de conduite (dire bonjour, s’arrêter au feu rouge) propres à un groupe ou une société données, appris et
partagés, légitimés par des valeurs. Les normes se réfèrent à des valeurs (respect, sécurité).
Le respect des normes autorise une variance plus ou moins grande (dire bonjour avec ou sans sourire, etc.). La transgression des
normes, si elle est perçue, est considérée comme déviance. Un système de sanction fait pression pour faire respecter les normes. Un
contrôle social plus ou moins diffus incite au respect des normes : on s’arrête au feu rouge par crainte d’accident ou par peur du
gendarme : on dit bonjour par amabilité, éducation ou peur d’être mal vu ; un médecin respecte le serment d’Hippocrate par
déontologie personnelle ou pour ne pas être rayé de l’Ordre des Médecins.
Source : d’après J.-M.Morin, Précis de sociologie, Nathan, 1996
Tous les groupes sociaux instituent des normes et s’efforcent de les faire appliquer, au moins à certains moments et dans certaines
circonstances. Les normes sociales définissent des situations et des modes de comportement appropriés à celle-ci : certaines actions
sont prescrites (ce qui est bien), d’autres sont interdites (ce qui est mal). Mais il convient de faire quelques distinctions préliminaires.
Les normes peuvent se présenter sous des formes très variées. Elles peuvent être édictées formellement par la loi : dans ce cas, les
forces de police de l’Etat peuvent être employées pour les faire respecter. Dans d’autres cas elles représentent des accords informels,
établis de fraîche date ou revêtus de l’autorité de l’âge et de la tradition ; des sanctions informelles de diverses sortes sont utilisées
pour faire respecter ce type de normes.
De même, la tâche de faire respecter les normes –que celles-ci aient la force de la loi, ou qu’elles s’appuient simplement sur un
consensus- peut incomber à un corps spécialisé, comme la police ou la commission déontologique d’une association professionnelle ;
mais cette tâche peut aussi être l’affaire de tout un chacun, ou du moins de tous les membres du groupe auxquels les normes sont
censées s’appliquer.
Source : Howard Becker, Outsiders, Editions Métailié, 1985 (1ère édition 1963)
Questions :
1)
2)
3)
4)
5)
6)
Identifiez le lien existant entre normes et valeurs, et déduisez-en une définition des normes.
Expliquez le passage souligné.
A quoi servent les normes ?
Illustrez par deux exemples les normes juridiques et les normes sociales.
Pourquoi respectons-nous les normes en vigueur dans la société ?
Quelles institutions sont chargées du contrôle social (c’est-à-dire de faire respecter les normes) ?
Définition des normes : les normes sont la traduction concrète des valeurs, et constituent un ensemble de règles de
conduite communément acceptées dans une société ou un groupe social donnés. Les normes prescrivent ou proscrivent.
C’est grâce à elles que, d’un côté, les comportements des individus sont régulés et coordonnés avec ceux d’autrui, et
que, de l’autre, la société possède une structure relativement cohérente. Présentes dans toutes les sociétés humaines, les
normes sont un élément indispensable de l’ordre social. Leur non-respect (déviance) entraîne généralement des
sanctions, et la force coercitive de la norme s’impose aux individus et fonde ses pratiques. Les mécanismes de la
socialisation primaire ou secondaire assurent l’intériorisation des normes.
EXERCICE DE SYNTHESE
Remplissez le texte à trous suivant à l’aide des termes ci-dessous (certains termes peuvent apparaître plusieurs fois).
Contrôle social
Déviance
Délinquance
Juridique
Norme
Social
Valeur
La société produit un certain nombre de règles visant à favoriser sa régulation et sa cohésion : ces règles, transmises par le processus
de socialisation, sont appelées normes (règles et usages socialement prescrits caractérisant les pratiques d’une collectivité). Si ces
normes sont sanctionnées par l’existence de textes de lois, elles prennent le caractère de normes juridiques ; dans le cas contraire,
elles sont appelées normes sociales. Toutes les normes (sociales et/ou juridiques) sont la formalisation concrète des valeurs, qui
correspondent à des manières de faire, de penser ou d’agir considérées comme idéales, estimables et désirables dans une collectivité à
un moment donné.
La plupart des individus respectent les normes, soit parce qu’ils les ont intériorisées dans le cadre du processus de socialisation, soit
parce qu’ils préfèrent éviter la sanction liée à leur transgression. Mais un certain nombre d’individus ne respectent pas les normes : s’ils
y contreviennent, ils adoptent un comportement déviant, voire délinquant dans le cas où ils ne respectent pas les normes
juridiques. La société met en œuvre des mécanismes visant à prévenir et/ou à réprimer ces comportements : ces mécanismes,
auxquels participent différentes institutions telles que la famille, l’école, le système policier et judiciaire, font partie du contrôle social
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(ensemble de moyens dont dispose une collectivité pour amener ses membres à adopter des conduites conformes aux règles
prescrites, pour assurer le maintien de la cohésion sociale).
Les normes (sociales, juridiques) sont des règles nécessaires pour la vie en société, car elles permettent de codifier les
actes et les relations sociales entre individus. Un certain nombre de normes jouent un rôle social particulier : c’est le cas
des rites de la vie quotidienne.
LE ROLE DES RITES
Les relations sociales sont ponctuées par des manifestations conventionnelles et stéréotypées appelées rituels. Certains sont partagés
par tous les membres d’une même culture, comme le bonjour que l’on s’adresse ou les vœux que l’on se présente chaque année.
D’autres sont plus spécifiques à certains milieux : dans telle famille, on ne concevra pas la fête sans un gigot, dans telle entreprise, on
s’embrasse chaque matin. Cet aspect formel est parfois décrié au nom d’une revendication de « naturel » et d’authenticité. Mais l’idée
d’une communication « spontanée », sans code, est une idée naïve : il n’y a pas d’interaction sociale sans un minimum de ritualité.
Un parallèle suggestif peut être établi entre les rituels animaux et humains. Dans les deux cas, un comportement a perdu sa
signification instrumentale pour acquérir une fonction symbolique (la poignée de main qui accompagne les salutations n’est qu’une
façon conventionnelle de donner des marques de reconnaissance). On peut distinguer schématiquement deux grands types de rituels :
les rites de passage et les rites d’entretien de la relation et de confirmation de l’ordre social. Les premiers servent à marquer les étapes
de la vie d’un individu (le baptême et le mariage sont de cette espèce, mais aussi les enterrements, les bizutages, les pots de départ à
la retraite, …). Les seconds ponctuent la vie sociale aussi bien dans ses manifestations symboliques et festives (la fête de Noël, le
muguet du 1er mai…) que dans ses aspects prosaïques (tout ce que l’on regroupe sous le nom de « savoir-vivre »).
Au niveau social, le rituel assure une fonction de cohésion groupale. Il contribue à la constitution du lien social, à l’instauration et à la
régulation des échanges. Il sert aussi à manifester la reconnaissance et le respect de l’ordre social (dans ses normes, ses valeurs, ses
statuts et ses hiérarchies…).
Source : Dominique Picard, Les rituels de la vie quotidienne, Sciences Humaines, septembre 1993
Questions :
1)
2)
3)
Recherchez une définition de la notion de rite.
Donnez d’autres exemples de « rites de passage » que ceux donnés dans le document.
A quoi servent les rites dans la vie en société ?
EXERCICE D’APPLICATION
NORMES ET VALEURS
Exercice d’application : à partir de la liste de valeurs et de normes suivante, répondez aux questions suivantes.
1) Associez chacun des valeurs aux normes dans lesquelles elles s’incarnent ou chacune des normes aux valeurs qui les
légitiment.
2) Quelles sont les valeurs qui vous paraissent complémentaires ?
3) Quelles sont les valeurs qui vous paraissent contradictoires ?
N°
VALEURS
1
RESPECT D’AUTRUI
2
3
N°
NORMES
1
NE PAS VOLER
LIBERTE
2
NE PAS MENTIR
EGALITE
3
POLITESSE
4
FRATERNITE
4
PAYER SES IMPOTS
5
SOLIDARITE
5
EXERCER SON DROIT DE VOTE
6
CHARITE
6
OBEIR A SES SUPERIEURS HIERARCHIQUES
7
HONNETETE
7
BIEN TRAITER LES ETRANGERS
8
AUSTERITE
8
EPARGNER
9
RESPECT DE LA NATURE
9
NE PAS GASPILLER
10
HUMILITE
10
AIDER SON PROCHAIN EN DIFFICULTE
11
SAGESSE
11
NE PAS TUER
12
TRAVAIL
12
RECONNAITRE SES ERREURS
13
COURAGE
13
ASSISTER LES PERSONNES EN DANGER
14
INDIVIDU
14
S’ENGAGER EN CAS DE GUERRE
15
COLLECTIVITE
15
S’EFFACER DEVANT LES AUTRES
16
FIDELITE
16
SUIVRE LE CULTE
17
LOYAUTE
17
SE MARIER
5
18
DEVOUEMENT
18
NE PAS REVELER DE SECRETS
19
FAMILLE
19
NE PAS COMMETTRE DE DELATION
20
JUSTICE
20
NE PAS TROMPER SON CONJOINT
21
DISCIPLINE
21
ETRE JALOUX
22
PAIX
22
NE PAS SE PLAINDRE
23
FORCE
23
NE PAS TRICHER
24
GENEROSITE
24
RESTER MAITRE DE SOI
25
CIVISME
25
NE PAS JOUER DE L’ARGENT
26
PATRIOTISME
26
NE PAS FAIRE D’HEURES SUPPLEMENTAIRES
27
PIETE
27
DENONCER LE COUPABLE D’UN DELIT
28
ENRICHISSEMENT
28
REFUSER DE TRAVAILLER
29
OISIVETE
29
PRENDRE SOIN DE CE QU’ON NOUS PRETE
30
PROPRIETE
30
LAISSER SA PLACE AUX PERSONNES AGEES
31
EXCELLENCE
31
FAIRE SES DEVOIRS
32
HOSPITALITE
32
NE PAS COMMETTRE DE VIOLENCE
33
RESPECT DE L’ORDRE ETABLI
33
NE PAS SE VENGER
34
PLAISIR, HEDONISME
34
NE PAS SE MOQUER
35
TENACITE
35
NE PAS SE VANTER
36
TOLERANCE
36
NE PAS JUGER AUTRUI
37
CURIOSITE, SAVOIR
37
FAIRE DU ZELE
38
PROGRES
38
S’ENGAGER DANS UN MOUVEMENT COLLECTIF
39
SENIORITE
39
DEMANDER CONSEIL AUX PLUS AGES
40
HIERARCHIE
40
SE TENIR INFORME
2. CONSTRUCTION DES ROLES ET TRANSMISSION DES STATUTS
Avez-vous déjà entendu vos parents vous dire « Tu te tiendras bien chez ces gens » ?
Implicitement, vos parents vous demandent alors de jouer le rôle de l’enfant-modèle…
En effet, nous tenons tous des rôles dans la société…
Nous tenons (ou jouons ?) tous des rôles dans la société : ce ne sont pas des rôles au sens théâtral du terme, ni
d’ailleurs des rôles très importants qui nous conféreraient une utilité sociale particulière.
Cela signifie en fait que nous nous comportons d’une certaine manière dans certaines situations, en fonction de la
position que nous occupons à ce moment. Et le comportement dépend de la position qu’on occupe.
2.1. DEFINITIONS
Document n°3 page 109 « Statuts et rôles » questions 1 à 4
Le statut désigne les différentes positions, liées les unes aux autres, que peut occuper un individu.
On parlera du statut de parent, de salarié, de fils, de fille, de lycéen etc.
Chaque personne occupe simultanément plusieurs statuts. Par exemple, une femme peut avoir le statut de mère, de
salarié, d’épouse, de présidente d’association, de conseillère municipale etc.
Exercice d’application : quels statuts un élève de lycée est-il susceptible d’avoir ?
Réponse : un statut de fils/fille, un statut d’élève, un statut de camarade de classe, un statut de consommateur (à la
cantine), un statut de représentant (s’il est délégué) etc.
A ce statut correspond un ensemble de droits, mais aussi un certain nombre d’attentes de la part des autres individus.
Tout groupe social tend à contrôler le comportement de ses membres pour qu’il remplisse son rôle conformément à son
statut (ce contrôle s’appelle le contrôle social).
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Un statut confère donc un rôle : celui-ci se définit comme le comportement qu’un individu doit adopter en fonction de la
position (du statut) qu’il occupe dans la société. Un rôle est une façon attendue de se comporter socialement dans une
position sociale donnée.
Exemple : le lycéen doit travailler, faire ses devoirs, être poli envers les professeurs, respecter les autres élèves et le
matériel etc.
La notion de rôle est proche d’un concept de la sociologie américaine : la notion de modèle culturel (« pattern »).
LES MODELES CULTURELS
Si un garçon veut apprendre à agir comme un homme et à devenir un homme accompli le moment venu, c’est parce que tout le
monde s’accorde sur la façon dont les hommes doivent se comporter, parce que tout le monde le récompense ou le punit selon qu’il
adhère étroitement à ce standard ou s’en écarte beaucoup. De tels standards de comportement, l’anthropologue les nomme modèles
culturels (« culture patterns »). Sans eux, aucune société ne pourrait fonctionner ni survivre.
Source : Ralph Linton, Le Fondement culturel de la personnalité, Editions Dunod, 1967
Questions :
1)
2)
Comment nomme-t-on des comportements qui s’éloignent des « standards » ?
Comment s’appellent les mécanismes sociaux visant à obtenir que le comportement des individus soit conforme aux modèles
culturels valorisés par la société ?
Les attentes peuvent être différentes à l’égard d’un même rôle :
DES ATTENTES DIFFERENTES A L’EGARD D’UN MEME ROLE
Tous les professeurs pourraient s’accorder pour faire le portrait idéal du professeur. La direction en ferait un autre, les élèves un
troisième, et les parents un quatrième. En effet, les élèves veulent essentiellement ne pas trop s’ennuyer, avoir un cours facile et
réussir à leurs examens. La direction demande aux professeurs de répondre aux attentes des élèves pour qu’il n’y ait pas de problème
de discipline, et de les faire travailler. Sur ce point précis, l’attente de la direction est un peu différente de celle des élèves, mais se
rapproche de l’attente des parents.
Source : Henri Mendras, Eléments de sociologie, Editions Armand Colin, 1996, 4ème édition
Questions :
1)
2)
A partir de l’exemple donné dans le document, essayez de définir les attentes vis-à-vis de votre statut d’élève.
Trouvez d’autres exemples pour montrer que des attentes différentes peuvent exister à l’égard d’un même rôle.
Un statut peut ainsi conférer plusieurs rôles :
ROLE
STATUT
ENVERS LES PARENTS
ENVERS LES PROFESSEURS
LYCEEN
ENVERS LA DIRECTION
ENVERS LES AUTRES ELEVES
Cette diversité de rôles peut entraîner des difficultés du fait d’attentes contradictoires ; des conflits de rôles
peuvent survenir :
LES CONFLITS DE ROLES
Le conflit de rôle naît, le plus souvent, de ce qu’un même individu occupe des statuts dont les attentes de rôles sont incompatibles. On
peut distinguer, à cet égard, trois cas de figure.
Les contraintes de temps et de disponibilité empêchent de remplir de manière satisfaisante deux fonctions à la fois. Il en est ainsi
de la femme cadre qui concilie difficilement les exigences liées à sa carrière professionnelle, qui lui imposent de rester sur son lieu
de travail jusqu’à des heures tardives, et celles liées à sa vie familiale, qui lui prescrivent de rentrer tôt à la maison pour s’occuper
de l’éducation de ses enfants.
Deux principes de loyauté se révèlent contradictoires. Par exemple, l’individu témoin d’un délit commis par l’un de ses amis devra
choisir, si une enquête policière est menée, soit de témoigner contre son ami au nom du respect du principe de justice, soit de
faire un faux témoignage, au nom de sa relation d’amitié. Une autre version bien connue de ce dilemme est donnée dans « Le
Cid » de Corneille, où le héros est partagé entre son devoir de venger l’honneur de son père Don Diègue souffleté par Don
Gormas, le père de Chimène dont il est le prétendant, et son rôle d’amant qui lui commande de ne rien en faire.
Les valeurs associées à différents rôles entrent en opposition : le médecin qui est croyant doit-il accepter, par exemple, de
pratiquer un avortement que ses convictions religieuses réprouvent, mais que sa conscience professionnelle lui prescrit de faire ?
Source : dictionnaire de sociologie, Editions Nathan
7
Questions :
1)
2)
Comment la femme peut-elle résoudre le conflit de rôles existant entre le rôle de femme active et le rôle de mère de famille ?
Trouvez d’autres exemples de conflits de rôle que ceux évoqués dans le document.
UN EXEMPLE DE CONFLIT DE ROLES : LE CONFLIT DES « BOUFFONS » DANS UN COLLEGE DE BANLIEUE
L’expérience des collégiens est organisée autour d’une tension centrale opposant les pitres et les bouffons. [...] Le pitre dénonce
l’école, et tout ce qui en procède est « nul », la cantine comme les cours. […] Non seulement le vrai pitre ne collabore pas, mais il
détruit la situation scolaire. […] Face au pitre, le bouffon est un véritable « collabo ». Au lieu de s’en tenir au mieux à une stricte
neutralité, il choisit les professeurs contre le groupe. […] Le bon élève est toujours soupçonné de bouffonnerie. […] si personne n’est
tenu d’être un pitre, la répression de la bouffonnerie est sans appel. Le bouffon n’est pas seulement isolé et rejeté. Il est en butte à
des menaces sourdes. […] En fait, tous sont soumis à la pression du groupe et craignent de se trouver en situation de bouc émissaire.
« Quand tout le monde aime pas quelqu’un, on l’aime pas, ça vaut mieux ». […] Ceux qui travaillent bien doivent payer une sorte de
tribut. Ainsi, Alexandre sait bien que « ce n’est pas parce qu’il est le meilleur qu’il doit faire son prétentieux ». Pour se faire accepter, il
« fait le fou », plaisante, chahute un peu en classe, il essaie de démontrer qu’il ne bouffonne pas. […]
La plupart des élèves ne sont ni des pitres ni des bouffons, non pas en adoptant un rôle original, mais en consacrant toute leur énergie
à ne pas se faire remarquer, ni sur un registre ni sur l’autre. Ils essaient de traverser cette épreuve en se tenant un peu à l’écart et
critiquent discrètement les pitres et les bouffons qui en font « trop ».
Source : François Dubet et Danilo Martucelli, A l’école, sociologie de l’expérience scolaire, Editions du Seuil, 1996
Questions :
1)
2)
Décrivez la nature du conflit de rôles auquel est confronté le « bouffon ».
Le document décrit-il des faits et des comportements s’inscrivant dans une approche de type holiste ou individualiste ?
2.2. LA TRANSFORMATION DES ROLES
LES ROLES SE TRANSFORMENT
Après les conquêtes féminines dans le domaine de l’éducation ou de la politique, se produit un lent travail de maturation de la société.
Mieux instruites que leurs mères, les femmes cherchent à se définir une nouvelle place dans la société. Dans son ouvrage Le fait
féminin, Evelyne Sullerot analyse les changements sociaux qui l’ont préparée. Dès après 1945, la formidable pression d’une idéologie
de l’égalité des droits du citoyen conduit à d’importantes transformations législatives. Même si la pratique n’a pas toujours suivi,
nombre de lois établissent l’égalité des sexes dans l’éducation, la gestion des biens, des salaires, des droits sociaux.
En second lieu, la révolution industrielle et technique a bouleversé le rôle domestique. Il n’est pas ici question des conditions
matérielles d’exécution de ce travail, mais de sa valeur sur le plan économique comme idéologique. En 1950, il est plus rentable de
coudre ses vêtements, de faire des conserves que de se procurer ces biens sur le marché. A la fin des années 1970, tous les calculs de
budget montrent qu’il est plus rentable de travailler au dehors et d’acheter biens et services produits en masse. La valeur économique
du travail domestique a considérablement baissé et s’en est trouvée dévalorisée. En troisième lieu, les progrès médicaux ont permis un
allongement considérable de la vie, les risques liés à la grossesse et à la naissance ont été considérablement réduits : la généralisation
des laits artificiels a libéré la femme des contraintes liées à l’allaitement et placé, théoriquement au moins, le père et la mère sur un
pied d’égalité face au nouveau-né. Les progrès de la maîtrise de la fécondité permettent aux femmes ce renversement prodigieux
d’adapter le nombre de leurs enfants et le calendrier de leurs naissances à leur emploi, alors que jusqu’ici elles avaient adapté leur
emploi au nombre et au calendrier de naissances de leurs enfants. Enfin, le phénomène massif d’urbanisation a contribué à séparer
physiquement le couple dans la journée, lequel se trouve réuni pour le loisir et la détente.
Au cours des années 1960-1970, nos sociétés s’interrogent, face à ces transformations profondes, sur le bien-fondé de la répartition
traditionnelle des rôles qui est source de discriminations. Les femmes aspirent à utiliser les capacités que leur donne une meilleure
instruction ; elles cherchent un épanouissement personnel dans le travail et dans une vie familiale réaménagée de sorte qu’elles
n’assument pas la double charge d’une vie professionnelle et des tâches domestiques.
Source : M.Segalen, Sociologie de la famille, Editions Armand Colin, 1992
Questions :
1)
2)
3)
4)
5)
Comment a évolué le rôle de la femme dans notre société au 20ème siècle ?
Quels sont les facteurs qui expliquent cette évolution ?
Comment la modification de certaines valeurs (montée de l’individualisme, recherche du bien-être matériel) a-t-elle pu modifier le
rôle de la femme dans notre société ?
Cette modification du rôle de la femme dans notre société a-t-elle eu des répercussions sur le rôle de l’homme ?
Le document ci-dessous confirme-t-il vos intuitions ?
LES EMPLOIS DU TEMPS DES HOMMES ET DES FEMMES ACTIVES
EN HEURES ET EN MINUTES
PAR JOUR
NOMBRE D’ENFANTS
MERES EXERÇANT UNE ACTIVITE PROFESSIONNELLE
PERES DONT LA FEMME EXERCE UNE ACTIVITE
PROFESSIONNELLE
1
2
3 ET PLUS
1
2
3 ET PLUS
BESOINS PHYSIOLOGIQUES
11h20
11h10
11h25
11h10
11h10
11h20
TRAVAIL PROFESSIONNELE
5h15
5h
4h
6h20
6h10
6h20
8
TRAVAIL DOMESTIQUE
4h20
4h40
4h50
2h20
2h25
2h05
TEMPS CONTRAINT
9h35
9h40
9h30
8h40
8h35
8h25
LOISIRS
2h30
2h30
2h25
3h30
3h30
3h30
Source : d’après INSEE, Enquête emploi du temps
Conclusion : les rôles ne sont pas immuables, et évoluent dans le temps en fonction de mutations économiques,
techniques, politiques et juridiques, démographiques, et bien sûr culturelles (évolution des normes et des valeurs). Ainsi,
le rôle de la femme s’est transformé, et le modèle culturel autrefois présenté comme « naturel » de la femme au foyer a
été petit à petit supplanté par le modèle culturel de la femme active. Ceci ne va pas sans poser des problèmes quotidiens
aux femmes, qui sont souvent obligées de travailler à temps partiel du fait d’une « double journée » (temps
professionnel, et temps domestique).
3. LES AGENTS DE SOCIALISATION
Le processus de socialisation se fait en interaction avec de nombreux agents de socialisation, qui transmettent normes et
valeurs, mais aussi statuts et rôles.
LES DIFFERENTES ETAPES DE LA SOCIALISATION
ETAPES
AGES
SOCIALISATION
SECONDAIRE
SOCIALISATION
ENFANCE
Langage, politesse, attributs identitaires de base
(prénom, nom, sexe, nationalité)
Famille, école
ADOLESCENCE
Préparation des engagements professionnels, civiques
et familiaux
Pairs, médias
MATURITE
Identité professionnelle, engagements citoyens
Entreprises, amis
PRIMAIRE
SOCIALISATION
INSTANCES SPECIFIQUES DE
PRINCIPALES ACQUISITIONS
Source : B.Barbusse, D.Glaymann, Introduction à la sociologie, collection « AES+ », Editions Foucher, 2000
LES AGENTS DE SOCIALISATION
AGES HETEROGENES (MISE EN RELATION DE
PERSONNES D’AGES DIFFERENTS)
AGES HOMOGENES (MISE EN RELATION DE
PERSONNES DU MEME AGE)
LES DEUX (DOUBLE MISE EN RELATION : PERSONNES
D’AGES DIFFERENTS + PERSONNES DU MEME AGE)
GROUPES AYANT POUR BUT EXPLICITE LA
GROUPES N’AYANT PAS POUR BUT EXPLICITE LA
SOCIALISATION
SOCILISATION
Famille, église, secte
Entreprise, syndicalisme
« Villages d’âge » (1), cercle de
personnes âgées
Groupe de compagnons, mouvements
de jeunes, groupes d’âge
Ecole, mouvement éducatif, parenté
Parti, mouvement social
Source : D’après G.Rocher, Introduction à la sociologie générale, tome 1 : L’Action sociale, collection « Points Sciences humaines », Le
Seuil, 1990
(1)
Exemple anthropologique exceptionnel des villages Nyakusa d’Afrique, composés exclusivement d’adolescents
Questions :
1)
2)
3)
4)
Qui sont les « pairs » ?
Comment peut-on distinguer les différents agents de socialisation ?
Y a-t-il des risques de conflits entre les instances de socialisation ?
Pourquoi les « groupes n’ayant pas pour but explicite la socialisation » sont-ils quand même considérés comme des agents de
socialisation ?
Le processus de socialisation met l’individu en relation avec des agents de socialisation : les agents (ou instances) de
socialisation sont les agents sociaux qui participent (volontairement ou involontairement) au processus de socialisation.
Ils sont très nombreux, et on peut les classer en fonction de plusieurs éléments ou critères :
•
Selon qu’ils participent à la socialisation primaire (enfance, adolescence) ou secondaire (adultes)
9
•
•
Selon qu’ils aient ou non la socialisation pour but explicite (fonction sociale)
Selon qu’ils s’adressent à des personnes du même âge ou non (âges homogènes ou hétérogènes)
Les plus importants sont la famille et l’école, qui participent à la socialisation primaire :
Document n°5 page 110 « Un premier agent de socialisation : la famille » questions 1 à 4
Document n°6 page 110 « Un second agent de socialisation : l’école » questions 2-3-4
La socialisation est un processus qui dure toute la vie, même s’il est plus intense pour les enfants.
On distingue ainsi deux grands stades : la socialisation primaire, qui s’effectue au cours de l’enfance et de l’adolescence,
et au cours de laquelle des apprentissages fondamentaux ont lieu (langage, normes de politesse, valeurs fondamentales),
et la socialisation secondaire, qui s’effectue au cours de l’âge adulte. Secondaire ne signifie pas forcément peu intense :
certaines situations ou occasions peuvent entraîner pour l’adulte une intensification du processus de socialisation (c’est le
cas notamment quand un individu rentre dans la vie active, et dans une moindre mesure quand il change d’entreprise),
voire dans certains cas une resocialisation (notamment en cas de migration dans un pays de culture différente).
Les agents de socialisation peuvent être complémentaires, mais peuvent également rentrer en conflit : par exemple, les
médias jouent un rôle important dans le processus de socialisation (notamment dans l’enfance et l’adolescence) et
peuvent rentrer en conflit avec d’autres agents de socialisation comme la famille ou l’école. Les médias, qui font partie
intégrante de notre mode de vie et qui participent à la transmission des valeurs et des normes communément acceptées,
peuvent valoriser des modèles culturels qui rentrent en contradiction avec ceux de la société en général (héros violents et
peu scrupuleux, etc.).
B/
LA SOCIALISATION PARTICIPE A LA CONSTRUCTION DE L’IDENTITE
1. DEFINITION DE L’IDENTITE
L’IDENTITE
Le concept d’identité est resté longtemps marginal dans les sciences sociales. Il a fait une irruption soudaine et massive à partir des
années 1990. Le terme « identité » va alors servir de point de ralliement pour désigner des phénomènes comme les conflits ethniques
(décrits comme les « conflits identitaires »), les statuts et les rôles sociaux (« l’identité masculine », « l’identité au travail »), les
cultures de groupe (« les identités nationales » ou « religieuses »), pour désigner une pathologie mentale (les troubles de l’identité) ou
encore pour exprimer l’identité personnelle (quête de soi, le moi…). […]
On peut […] cerner trois dimensions de la notion d’identité : l’identité collective, l’identité sociale et l’identité personnelle. L’identité
collective –celle des nations, des minorités culturelles, religieuses ou ethniques- est le domaine d’étude privilégié des anthropologues,
des historiens et des spécialistes de sciences politiques. […]
[Mais] décliner son identité, ce n’est pas simplement revendiquer une appartenance nationale, ethnique ou communautaire, c’est aussi
affirmer une position dans la société. Cette position nous est donnée par notre âge (enfant, adolescent ou adulte), notre place dans la
famille (époux, épouse ou grand-parent), une profession (médecin ou garagiste), une identité sexuée (homme ou femme), et des
engagements personnels (sportif, militant, syndicaliste…). A chacune de ces positions correspondent […] des codes sociaux plus ou
moins affirmés. Ce phénomène a été étudié depuis longtemps par les psychologues sociaux à travers la notion d’identité sociale. Pour
George H.Mead (1863-1931), l’un des pères de la psychologie sociale, la construction de notre identité passe par l’intériorisation de ces
différents « moi » sociaux. G.H.Mead récuse les conceptions de la société qui partent de l’individu isolé, tout comme d’une société qui
forme un tout qui dépasse et englobe les individus. Pour lui, c’est dans le cadre de l’interaction sociale que l’individu émerge et prend
conscience de soi. L’identité, le « soi », est constituée de l’ensemble des images que les autres nous renvoient de nous-mêmes et que
l’on intériorise.
Source : (Sous la direction de) Jean-François Dortier, article « Identité », in Le dictionnaire des sciences humaines, Editions Sciences
humaines, 2004
Questions :
1)
2)
3)
4)
Quels éléments participent à la définition de notre identité ?
La socialisation participe-t-elle à la définition de l’identité de chacun ?
Reformulez le passage encadré.
Le psychologue social G.H.Mead s’inscrit-il dans une démarche individualiste ? Holiste ?
Document n°15 page 114 « Identité individuelle et identité collective » questions 1-2-3
La socialisation participe à la définition de l’identité individuelle de chacun (identité individuelle : définition de soi
qu’élabore un individu à travers sa confrontation aux modèles culturels en vigueur dans la société). Par exemple, elle
participe à la formation de l’identité masculine/féminine. Celle-ci passe par différents vecteurs : voir titre suivant.
10
2. UN EXEMPLE : LA CONSTRUCTION DES IDENTITES DE GENRE (MASCULIN/FEMININ)
La socialisation n’est pas effectuée de la même façon selon le sexe des enfants ; le résultat de cette socialisation
différentielle est la constitution d’identités spécifiquement masculine et féminine :
LA SOCIALISATION DIFFERENTIELLE
La division sociale des rôles masculin et féminin est-elle déterminée biologiquement, ou est-elle, au contraire, le résultat de la
socialisation différentielle des enfants en fonction de leur sexe ? On connaît la réponse apportée à cette question par Simone de
Beauvoir, et avec elle l’ensemble des mouvements féministes : « On ne naît pas femme, on le devient ». […]
De fait l’observation du comportement des mères à l’égard de leurs nourrissons montre que, dès les premiers mois de la vie, garçons
et filles sont traitées différemment, sans que les adultes soient toujours conscients de leur attitude. […] Avec les années, les
différences vont s’accentuer. La petite fille sera davantage sollicitée pour les tâches ménagères ou pour les relations avec la parentèle ;
on l’encouragera à se montrer coquette, souriante, douce, conciliante. Par contre, le petit garçon qui adoptera le même comportement
sera traité de « femmelette ».
L’attitude des parents renforce ainsi sélectivement les traits de caractère les plus conformes aux stéréotypes masculin et féminin. […]
La petite fille s’identifie à sa mère, le petit garçon à son père. Chacun va ainsi reproduire les conduites sexuellement différenciées de
l’ancienne génération.
Source : Dictionnaire de sociologie, Editions Hatier, 1995
Questions :
1)
2)
3)
Les garçons et les filles sont-ils éduqués de la même façon ?
Illustrez le passage encadré.
Simone de Beauvoir a dit : « On ne naît pas femme, on le devient ». Commentez.
LA SOCIALISATION PAR LES JOUETS
Les marchands de jouets savent très bien que la personne qui achète un jouet pour l’offrir pense toujours au sexe de l’enfant. Il est
vrai qu’à la demande typique : « Je voudrais un jouet qui convienne à un enfant de deux ans », ils répliquent : « pour un petit garçon
ou une petite fille ? »
Pour les petites filles, c’est une vaste gamme d’objets miniaturisés qui imitent les ustensiles ménagers, comme des nécessaires de
toilette et de cuisine, trousses d’infirmières munies de thermomètre, bandes, sparadrap et seringues, intérieurs d’appartements avec
bain, cuisine complètement équipée, salons, chambres à coucher, chambres d’enfant, nécessaires de couture et de broderie, fers à
repasser, services à thé, appareils électroménagers, landaus, petites baignoires, et l’interminable série de poupées avec trousseau.
Pour les petits garçons, le genre est complètement différent : moyens de transport par terre, par mer et par air, de toutes dimensions
et de tous genres : navires de guerre, porte-avions, missiles nucléaires, vaisseaux spatiaux, armes de toutes sortes, du pistolet de
cow-boy parfaitement imité à certains fusils-mitrailleurs sinistres qui ne diffèrent des objets réels que parce qu’ils sont moins
dangereux, épées, sabres, arcs et flèches, canons : un véritable arsenal militaire.
Source : E.G.Belotti, Du côté des petites filles, Edition des Femmes, 1974
Questions :
1)
2)
Identifiez les principales différences entre jouets offerts aux filles et jouets offerts aux garçons.
Montrez que les jouets offerts aux filles et aux garçons les préparent à leurs futurs rôles sociaux, et débouchent sur des identités
spécifiques.
LES CATALOGUES DE JOUETS FONT PERDURER LES STEREOTYPES SEXISTES
Aspirateurs, machines à laver miniatures : une association féministe, Mix-cité, a organisé une journée d’action, samedi 15 décembre,
pour dénoncer la misogynie dans les catalogues de jouets de Noël diffusés par la grande distribution. […]
Le temps est largement venu, estiment les féministes, de sensibiliser les parents. « Offrir tel ou tel cadeau, cela a des conséquences
pour l’enfant. Or c’est typiquement le genre de choses qu’on fait sans réfléchir, en reproduisant des modèles », souligne Mélanie
Decourt, de l’association Mix-cité. Des femmes pour lesquelles l’égalité des sexes est une évidence offrent à leur fille des aspirateurs ou
machines à laver miniatures, sans guère s’interroger. Les parents les plus ouverts d’esprit hésitent à acheter une poupée à leur fils. Les
enfants uniques, ou entourés d’une fratrie de même sexe qu’eux, attendent parfois l’entrée en maternelle pour explorer les jouets de
l’autre sexe. Avec grande appétence : à la rentrée, le coin cuisine des classes maternelles est pris d’assaut par les garçons.
« Il n’y a pas un gène du ménage chez les filles, ni un chromosome du mécano chez les garçons, insiste Mélanie Decourt. Ces désirs
sont construits par les catalogues, la publicité, les discussions de cours de récré, les modèles parentaux. […] Dès 18 mois, les enfants
sont conditionnés à des rôles sexués. Maternité, travail domestique et coquetterie pour les filles. Bricolage, voitures et combats
guerriers pour les garçons. »
Culture ou nature ? […] Les jouets très sexués correspondent-ils à un point de passage obligé du développement de l’enfant, à la
phase du complexe d’Œdipe ? Frédéric Jésu, pédopsychiatre, confirme qu’« entre quatre et six ans l’enfant trouve un bénéfice à être
identifié à un garçon ou à une fille au travers de jeux sexuellement typés. Ils permettent de séduire le parent du sexe opposé. » Mais,
pondère-t-il, les enfants ont également besoin de s’identifier au sexe opposé. Donc de manier les jouets de leurs congénères.
« L’identité sexuelle, la capacité à adhérer à un rôle social lié au sexe ne se construisent pas d’un bloc. L’enfant prélève chez les
adultes qui l’entourent des traits identificatoires de l’homme et de la femme, et en fait la synthèse. » Surtout, plaide-t-il, « le rôle
nouveau reconnu aux pères, la mise en place du congé de paternité, tout plaide pour que, très tôt, les garçons puissent trouver de
l’intérêt, du plaisir, de la reconnaissance sociale dans les jeux de puériculture. »
Source : Pascale Krémer, article « Les catalogues de jouets font perdurer les stéréotypes sexistes », in Le Monde, dimanche 16-lundi
17 décembre 2001
11
Questions :
Expliquez pourquoi, selon vous, « les parents les plus ouverts d’esprit hésitent à acheter une poupée à leur fils ».
Ce document montre-t-il que le résultat de la socialisation est la « naturalisation » des perceptions, comportements et modes de
pensée ? Justifiez en citant un passage du document.
Reformulez, puis répondez à la question posée dans le passage encadré.
Illustrez le passage souligné.
L’approche de la socialisation par les jouets développée dans le document vous paraît-elle d’inspiration individualiste ou holiste ?
Justifiez à l’aide de passages du document.
L’enfant est-il conditionné en totalité, ou peut-on considérer que la définition de son identité sexuée (fille/garçon) se fait en
interaction avec son environnement ? Justifiez à l’aide d’un passage du document.
1)
2)
3)
4)
5)
6)
Le résultat de la socialisation est la formation d’une identité sexuée spécifique : l’identité masculine et l’identité féminine.
Document n°14 page 114 « La construction de l’identité masculine » questions 2 à 4 (+ identification valeurs masculines)
Le résultat de cette construction d’une identité différentielle se retrouve ensuite dans la répartition des tâches
domestiques (« division sexuelle du travail domestique »), qui est à la fois la cause et la conséquence de cette identité
sexuée :
LA REPARTITION DES TACHES DOMESTIQUES
TEMPS MOYEN CONSACRE AUX ACTIVITES DOMESTIQUES DETAILLEES PAR LES PERSONNES VIVANT EN COUPLE (MINUTES PAR JOUR)
HOMMES
1986
FEMMES
1999
1986
1999
CUISINE
14
14
75
69
MENAGE
9
11
57
67
COURSES
18
27
28
37
ENTRETIEN DU LINGE
2
2
37
28
SOINS AUX ENFANTS ET AUX ADULTES
6
7
34
28
10
8
39
28
5
6
9
10
JARDINAGE
25
22
9
9
COUTURE
0
0
18
9
BRICOLAGE
32
41
41
5
ENSEMBLE
143
160
320
303
VAISSELLE
JEUX, EDUCATION DES ENFANTS
Source : d’après Insee, Enquêtes emploi du temps 1986 et 1999, repris in France : portrait social 1999-2000, Editions Insee
Questions :
1)
2)
C/
Constate-t-on des activités typiquement féminines et des activités typiquement masculines ? Quelles sont leurs caractéristiques
respectives ?
Cela s’explique-t-il par des différences biologiques ?
LA SOCIALISATION : REPRODUCTION SOCIALE OU INTERACTION ?
Comment une société parvient-elle à changer tout en restant elle-même ? La socialisation débouche-t-elle
sur une reproduction à l’identique de la société du point de vue de ses structures sociales et mentales
(culturelles : normes et valeurs, statuts et rôles sociaux), ou la socialisation permet-elle le changement
social ? Cela reprend en partie l’interrogation fondamentale qui oppose tenants de l’approche holiste et
tenants de l’approche individualiste : déterminisme ou liberté ?
Pour reprendre la question de Georg Simmel, « Comment les formes sociales se maintiennent-elles ? », tout en
permettant l’évolution de la société ?
Certains sociologues s’inscrivent dans une perspective holiste (en insistant sur les déterminismes sociaux qui s’imposent à
l’individu). Ces sociologues considèrent que la socialisation favorise la reproduction sociale, voire l’organise au profit des
groupes sociaux dominants. D’autres sociologues s’inscrivent au contraire dans une perspective individualiste et
considèrent le processus de socialisation comme une interaction et une « médiation » entre l’individu et la société.
12
Définition de la reproduction sociale : tendance du système social à se reproduire dans le temps (maintien des inégalités,
des rapports sociaux, conservation de la structure sociale, pérennisation des formes socioculturelles - comme la famille
« traditionnelle » par exemple -).
1. LA SOCIALISATION EST UN FACTEUR DE REPRODUCTION SOCIALE
La socialisation effectuée par la famille est différenciée selon les groupes sociaux :
Document n°7 « Une socialisation différenciée » questions 1 à 4
Document n°8 page 111 « La reproduction sociale analysée par le sociologue Pierre Bourdieu » questions 1 à 4
DEFINITION DE L’HABITUS
Habitus : en latin, « manière d’être ». Notion philosophique très ancienne, utilisée par quelques sociologues classiques. Elle est
essentiellement utilisée par Pierre Bourdieu (1930-2002). L’habitus est le système de dispositions plus ou moins inconscientes,
inculquées par son milieu (famille, classe…) à l’individu et qui guident, balisent, ses opinions, représentations et conduites. Il existe des
habitus individuels, des habitus de groupe, des habitus de classe. « Les habitus sont des générateurs de pratiques distinctes et
distinctives. […] Ainsi, par exemple, le même comportement ou le même bien peut apparaître distingué à l’un, prétentieux ou m’as-tu
vu à l’autre, vulgaire à un troisième », écrit-il dans Raisons pratiques (1994).
Source : Jean-Paul Piriou, Lexique de sciences économiques et sociales, Collection Repères, n°202, Editions La Découverte, 2002
Habitus (selon Pierre Bourdieu) : « Ensemble de dispositions durables, génératrice de pratiques et de représentations »,
l’habitus désigne le résultat du conditionnement de l’individu par des règles de conduite, des normes de comportement,
des façons de s’exprimer, de ressentir, de penser… propres à un milieu social et que l’individu incorpore profondément en
lui.
Les familles des groupes sociaux disposant de positions sociales privilégiées et d’un important volume de capital
(économique, culturel, social) élaborent des stratégies :
pour favoriser la transmission de ce capital : c’est le rôle du processus de socialisation illustration : visites au
musée, transmission des pratiques culturelles (pratique du piano, de l’équitation etc.)
pour favoriser l’ « entre soi » et l’homogamie (choix du conjoint parmi les membres de son groupe social) :
organisation de rallyes etc.
L’école participe à la reproduction sociale : l’analyse de Bourdieu montre que l’école favorise les enfants des groupes
sociaux dominants en valorisant leur capital culturel.
Cette reproduction sociale débouche sur une limitation de la mobilité sociale, telle qu’elle est mesurée dans les tables de
mobilité de l’Insee :
2.
Document n°9 page 111 « La reproduction sociale » questions 1 à 4
MAIS LA SOCIALISATION EST AUSSI UN PROCESSUS D’INTERACTION ENTRE UN INDIVIDU ET SON
ENVIRONNEMENT
La socialisation n’empêche pas l’évolution du système de normes et de valeurs : on peut assimiler le processus de
socialisation à une médiation, une relation, une interaction entre individus qui s’influencent mutuellement, ce qui
débouche sur une évolution des valeurs, des normes, des statuts et des rôles dans le temps : par exemple, s’il est
indéniable que les parents socialisent leurs enfants, on peut aussi dire que les enfants participent à la (re)socialisation de
leurs parents.
UNE SOCIALISATION INTERACTIVE
Le socialisé n’est pas un agent passif. Il entre en relation avec le ou les socialisateurs. Il est clair que la naissance d’un enfant
contribue à socialiser les époux à leur rôle de parents. La socialisation considérée comme un processus interactif trouve une plus
grande validité dans les sociétés soumises à un changement social important. Certaines valeurs et normes perdent leur fonction de
référence pour l’action et les individus se voient obligés de tester de nouveaux comportements qui seront la source de nouveaux traits
culturels. Les socialisés deviennent socialisateurs.
Source : E.Coffier, Sociologie basique, Editions Nathan, 1990
Questions :
1)
2)
Identifiez l’information principale du document.
Illustrez le passage encadré.
13
3)
Donnez un exemple montrant que vous socialisez vos parents.
SOCIALISATION ET CHANGEMENT SOCIAL
En aucun cas on ne saurait considérer le socialisé comme un être passif, et la socialisation comme un processus unidirectionnel. Si
l’individu est marqué par les valeurs de sa société et fait l’apprentissage de certaines normes et de certaines règles, il peut
constamment remettre en question, par ses demandes, et par la place et le rôle qu’il entend jouer, certains aspects de cette société, et
non des moindres. Cela implique qu’il n’y ait pas une culture unique et figée, mais qu’il puisse y avoir dans une même société
coexistence de cultures et de subcultures sensiblement différentes, et que toute culture évolue au gré des échanges entre les membres
de la société. Il semble par là-même qu’on ne puisse considérer la socialisation comme un simple mécanisme de répétition. Il n’y a pas
une ancienne génération essayant de transmettre ses valeurs et ses croyances à une nouvelle génération, mais juxtaposition d’une
infinité d’anciennes et de nouvelles générations.
Source : A.Percheron, La socialisation politique, collection « U sociologie », Editions Armand Colin, 1993
Questions :
1)
2)
3)
Expliquez le passage encadré.
Donnez un exemple de norme que vous remettez en cause.
Donnez quelques exemples de changement social dans le « champ » de la famille.
En définitive, le processus de socialisation présente un caractère interactif et évolutif, et la reproduction sociale n’élimine
pas les possibilités de changement social.
De ce fait, les valeurs et normes évoluent, comme le montrent la tolérance vis-à-vis de conduites et d’orientations
sexuelles autrefois jugées déviantes, voire délinquantes, et qui a débouché sur des évolutions juridiques comme le Pacte
Civil de Solidarité en France ou le mariage homosexuel pratiqué dans certains pays du nord de l’Europe.
APRES LE PACS, LA BANALISATION DE L’HOMOSEXUALITE EST EN MARCHE
Banalisation. C’est sans doute le mot qui résume le mieux le sondage de l’Ifop réalisé pour Le Monde et gay.com, intitulé
« L’homosexualité : du pacs à l’adoption, comment évolue le regard de l’opinion ? » et réalisé auprès de 1 019 personnes selon la
méthode des quotas, les 19 et 20 juin. La même enquête avait été effectuée par l’institut de sondage en 1995, 1996 et 2000.
En huit années, la tolérance à l’égard des gays et des lesbiennes semble avoir grandi. Ainsi, 61% des personnes interrogées déclarent
qu’elles accepteraient « bien » que leur enfant soit homosexuel –contre 41% en 1995- et même « très bien » pour 18% ; 36% le
vivraient « mal », contre 58% en 1995. Dans les deux cas, le sondage effectué en 2000 marque un tournant, comme si le débat sur le
pacte civil de solidarité, voté en 1999, avait suscité un déclic.
La cote du pacs progresse : 70% des personnes interrogées se déclarent « favorables » à ce contrat, qui ouvre des droits aux couples,
quel que soit leur sexe, contre 64% en juin 2000 et 49% en septembre 1998, aux premières heures du débat.
Source : Clarisse Fabre, article « Après le pacs, la banalisation de l’homosexualité est en marche », Le Monde, dimanche 29-lundi 30
juin 2003
SONDAGE : « PENSEZ-VOUS QUE LES COUPLES HOMOSEXUELS DEVRAIENT AVOIR LE DROIT EN FRANCE DE : »
OUI
NON
NE SAIT PAS
86
12
2
POUVOIR HERITER L’UN DE L’AUTRE
ENSEMBLE
MOINS DE 35 ANS
95
5
0
PLUS DE 35 ANS
81
16
3
ENSEMBLE
79
19
2
MOINS DE 35 ANS
92
7
1
PLUS DE 35 ANS
73
25
2
POUVOIR BENEFICIER DES MEMES AVANTAGES QUE LES AUTRES COUPLES POUR LES IMPOTS
SE MARIER
ENSEMBLE
55
43
2
MOINS DE 35 ANS
73
26
1
PLUS DE 35 ANS
47
51
2
37
59
4
ADOPTER, EN TANT QUE COUPLE, DES ENFANTS
ENSEMBLE
MOINS DE 35 ANS
54
42
4
PLUS DE 35 ANS
29
68
3
Source : Etude réalisée pour Le Monde et gay.com, 19 et 20 juin 2003, repris dans Le Monde, article « Après le pacs, la banalisation de
l’homosexualité est en marche », Le Monde, dimanche 29-lundi 30 juin 2003
14
Questions :
1)
2)
3)
4)
5)
La tolérance vis-à-vis de l’homosexualité progresse-t-elle ?
Comment peut-on l’expliquer ?
Faites une phrase avec chacun des chiffres des cellules grisées.
La tolérance est-elle plus forte chez les jeunes ou les plus âgés ?
Cela peut-il engendrer des changements à l’avenir sur ces débats de société ?
Remarque : les changements des normes et valeurs, statuts et rôles sont aussi le résultat de l’action de certains
mouvements (appelés génériquement « Nouveaux Mouvements Sociaux ») lancés par certains groupes d’individus
désireux de faire évoluer la société dans le sens de ce qu’ils jugent souhaitable (illustration : le « Manifeste des 343
salopes » publié par le Nouvel Observateur sur la question de l’avortement dans les années 1970, ou le mouvement
homosexuel).
15
SECTION 2. LA CULTURE : TRANSMISSION ET CONSTRUCTION COLLECTIVE
I.
LA CULTURE : UNITE OU DIVERSITE CULTURELLE ?
A/
CULTURE, SOUS-CULTURES ET CONTRE-CULTURES
1. LA CULTURE : UNE DEFINITION SOCIOLOGIQUE
LA CULTURE : SENS COURANT ET SENS SOCIOLOGIQUE ET ANTHROPOLOGIQUE
On ne mange pas de la même façon au Japon ou en France ; on n’adhère pas aux mêmes valeurs selon qu’on est né à New Delhi ou à
New York ; on n’obéit pas aux mêmes normes de vie que nos grands parents, etc. L’idée de « culture » renvoie à cette diversité de
mœurs, de comportements et de croyances forgés au sein d’une société.
Mais derrière cette définition de la culture, qui nous est devenue si familière, se profilent en fait des significations et des modèles
différents.
Au 18ème siècle, en France, le mot « culture » désigne l’accès à l’éducation lettrée et est associée à l’idée de progrès universel. Un
esprit « cultivé » est celui qui a acquis beaucoup de connaissances dans le domaine des idées, des sciences, de la littérature et des
arts. Cette définition, apparue au 17ème siècle, et qui s’est imposée avec l’idéologie des Lumières, oppose l’esprit cultivé et raffiné aux
mœurs frustes des « barbares ».
L’anthropologie a imposé une définition beaucoup plus générale qui englobe l’ensemble des mœurs, des valeurs et des idéologies
d’une société : « La culture, prise dans son sens sociologique large, est cet ensemble complexe qui inclut les connaissances, les
croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes, ainsi que les autres capacités et habitudes acquises par l’homme en tant que
membre d’une société » (Edward Tylor, Primitive culture, 1871). Dans ce sens large, les valeurs d’une société (par exemple l’esprit
chevaleresque au Moyen Age ou le respect filial dans le confucianisme), les coutumes alimentaires (accompagner tous les repas avec
du pain en France ou manger avec des baguettes en Chine), les rites de mariage, la langue, la religion dominante d’un pays…
participent de la culture d’une société.
Source : (sous la direction de) Jean-François Dortier, article « Culture », in Le dictionnaire des sciences humaines, Editions Sciences
humaines, 2004
Document n°18 page 116 « Trois définitions de la culture » questions 1 à 4
La culture, au sens sociologique, peut être définie comme « les manières de faire, de sentir, de penser propres à une
collectivité humaine. Elle désigne l’ensemble des valeurs, des normes et des pratiques acquises et partagées par les
membres d’une collectivité, et qui orientent le comportement des individus ». Elle constitue un ciment entre les individus
d’une même collectivité, et leur permet de s’inscrire dans une identité collective. En ce sens, sa transmission par le
processus de socialisation est nécessaire à l’intégration sociale de l’individu, et favorise la cohésion sociale (capacité d’une
société à faire respecter ses normes et ses valeurs ; état d’une société caractérisée par un certain degré d’intégration
sociale).
Remarques :
La notion de culture au sens sociologique (ou anthropologique) ne doit pas être confondue avec son sens courant :
culture générale (connaissances scientifiques, artistiques, littéraires, historiques etc.) d’un individu ; celle-ci peut être
assimilée à la notion de « culture cultivée », faisant partie du capital culturel des classes dominantes selon Bourdieu.
Dans son sens sociologique et anthropologique, la culture s’oppose à la nature : relève de la culture tout ce qui est
acquis et transmis, et relève de la nature tout ce qui est inné, biologique.
Chaque société diffère des autres par des traits culturels spécifiques : quelles sont les caractéristiques de la culture de la
société française ?
Document n°20 page 117 « La culture française » questions 2-3-4
2. CULTURE, SOUS-CULTURES ET CONTRE-CULTURES
2.1.
DEFINITIONS
Document n°22 page 118 « Les sous-cultures » questions 1 à 5
Définition d’une sous-culture :
16
Une sous-culture désigne généralement la culture d’un groupe particulier (groupes sociaux, groupes d’âge, habitants
d’une même région) qui prend forme au sein d’une culture globale, sans la remettre en cause.
Exemples :
Sous-culture jeune
Sous-culture alsacienne
Sous-culture bourgeoise
Définition d’une contre-culture :
Une contre- culture désigne un ensemble de comportements, de valeurs et de pratiques culturelles s’opposant à la
culture considérée comme dominante par des groupes ou des mouvements contestataires.
Exemples :
Mouvement hippie dans les années 1960-1970
Mouvement punk dans la fin des années 1970- début des années 1980 en Angleterre (avec des groupes comme les
Sex Pistols, les Clash)
Mouvement Hip Hop (tag, BreakDance et rap)
CHACUN SA CULTURE
Les Français ne portent pas tous le béret : certains préfèrent la casquette ou le bonnet. Les jeunes […] ne connaissent pas
l’accordéoniste André Verchuren, et les fans du vieux roi de l’accordéon pensent probablement que NTM est le nom d’une compagnie
aérienne. Les uns se régalent avec un sandwich merguez-frites, les autres savourent du ragoût de chevreau. Dans une même société,
qui se distingue globalement des autres par sa culture, il existe des sous-cultures, par exemple des cultures régionales, dont témoigne
l’existence des patois, du cassoulet ou de la corrida.
Il n’y a pas si longtemps, paysan (ou plouc, péquenot, bouseux…) était un quolibet usuel. Aux yeux du « Parisien » (« Parigot tête de
veau »), survivait encore une (sous) culture paysanne, plus ou moins folklorique, expression tout à la fois de la proximité de la nature
(« au cul des vaches ») et de la distance à la culture légitime (le paysan ne connaissait pas Sonia Rykiel, ni peut-être même Philippe
Sollers). Une culture ouvrière a existé également, fortement marquée par les conditions matérielles d’existence, de travail et de luttes.
Elle était constitutive d’une identité collective forte dans des groupes emblématiques tels que les mineurs, les cheminots, les métallos,
etc., de clivages structurant les représentations (d’un côté « nous », « les travailleurs », « les prolos », solidaires, au contact de la
matière dans les ateliers, sur les chantiers ; de l’autre « eux », « les patrons », « les bourgeois », « les cols blancs », dans les
bureaux…).
Ces cultures dépérissent. Malgré le succès du salon de l’agriculture, il y a bien longtemps que l’exode rural a saigné les campagnes et
que l’identité de la paysannerie a été malmenée par la modernisation. Bien que l’on puisse dénombrer environ six millions d’ouvriers,
de multiples facteurs, dont l’intégration à la scolarisation, la précarisation, le déclin des banlieues rouges… ont déstabilisé un groupe
social désormais fragmenté, démoralisé, dont la spécificité culturelle devient moins visible. Au point qu’il est permis de s’interroger plus
généralement sur le destin des cultures populaires, même si la pétanque résiste mieux que le bal musette et les majorettes.
Source : article « Chacun sa culture », in Alternatives économiques, n°234, mars 2005
Questions :
1)
2)
3)
Une sous-culture est-elle une culture « inférieure » ?
Les sous-cultures semblent-elles menacées de disparition progressive ?
Comment expliquer que les sous-cultures paysanne et ouvrière « dépérissent » ?
2.2.
UNE ILLUSTRATION DES SOUS-CULTURES OUVRIERE ET BOURGEOISE : L’EXEMPLE DES PRATIQUES
ALIMENTAIRES
LE « FRANC-MANGER » POPULAIRE
On pourrait, à propos des classes populaires, parler de franc-manger comme on parle de franc-parler. Le repas est placé sous le signe
de l’abondance (qui n’exclut pas les restrictions et les limites) et, surtout, de la liberté : on fait des plats « élastiques », qui
« abondent », comme les soupes ou les sauces, les pâtes ou les pommes de terre (presque toujours associées aux légumes) et qui,
servies à la louche ou à la cuiller, évitent d’avoir à trop mesurer et compter – à l’opposé de tout ce qui se découpe, comme les rôtis.
Cette impression d’abondance, qui est de règle dans les occasions extraordinaires et qui vaut, dans les limites du possible, pour les
hommes, dont on remplit l’assiette deux fois (privilège qui marque l’accès du garçon au statut d’homme), a souvent pour contrepartie,
dans les occasions ordinaires, les restrictions que s’imposent les femmes – en prenant une part pour deux, ou en mangeant les restes
de la veille -, l’accès des jeunes filles au statut de femme se marquant au fait qu’elles commencent à se priver. Il relève du statut
d’homme de manger et de bien manger (et aussi de bien boire).
Source : Pierre Bourdieu, La distinction, Editions de Minuit, 1979
17
LE MODELE ALIMENTAIRE BOURGEOIS
Au « franc-manger » populaire, la bourgeoisie oppose le souci de manger dans les formes. Les formes, ce sont d’abord des rythmes,
qui impliquent des attentes, des retards, des retenues : on n’a jamais l’air de se précipiter sur les plats, on attend que le dernier à se
servir ait commencé à manger, on se sert et se ressert discrètement. On mange dans l’ordre, et toute coexistence de mets que l’ordre
sépare, rôti et poisson, fromage et dessert, est exclue : par exemple, avant de servir le dessert, on enlève tout ce qui reste sur la
table, jusqu’à la salière, et on balaie les miettes. Cette manière d’introduire la rigueur de la règle jusque dans le quotidien […] est
l’expression d’un habitus d’ordre, de tenue et de retenue qui ne saurait être abdiqué. A travers toutes les formes et tous les
formalismes qui se trouvent imposés à l’appétit immédiat, ce qui est exigé –et inculqué-, ce n’est pas seulement une disposition à
discipliner la consommation alimentaire par une mise en forme qui est aussi une censure douce, indirecte, invisible (en tout opposée à
l’imposition brutale de privations) et qui est partie intégrante d’un art de vivre, le fait de manger dans les formes étant par exemple
une manière de rendre hommage aux hôtes et à la maîtresse de maison, dont on respecte les soins et le travail en respectant
l’ordonnance rigoureuse du repas. C’est aussi une manière de nier la consommation dans sa signification et sa fonction primaires,
essentiellement communes, en faisant du repas une cérémonie sociale, une affirmation de tenue éthique et de raffinement esthétique.
Source : Pierre Bourdieu, La distinction, Editions de Minuit, 1979
Questions :
1)
2)
Expliquez les passages soulignés.
A l’aide des documents « Le franc-manger populaire » et « Le modèle alimentaire bourgeois », identifiez les différences de
pratiques alimentaires dans les classes bourgeoise et ouvrière et reportez vos analyses dans un tableau sous le modèle ci-après :
SOUS- CULTURE OUVRIERE
SOUS- CULTURE BOURGEOISE
QUE MANGE-T-ON ? LE CONTENU DES REPAS
COMMENT MANGE-T-ON ? LE DEROULEMENT DES
« MANIERES DE TABLE »
REPAS, LES
CARACTERISTIQUES DES ROLES MASCULIN ET
?
FEMININ
VALEURS (QUI TRANSPARAISSENT A TRAVERS LE
MODELE ALIMENTAIRE)
2.3.
UN EXEMPLE DE CONTRE-CULTURE : LE MOUVEMENT HIPPIE
Les hippies remettent en cause l’« American Way of Life » (mode de vie matérialiste axé sur la consommation frénétique
et jugée superflue).
Les valeurs des hippies sont les suivantes : paix, amour, harmonie, égalité (contre la hiérarchie), collectivité/communauté
(contre la réussite individuelle), liberté (mentale, sexuelle, vestimentaire : anti soutien-gorge etc.), nature, découverte
(expériences mystiques, recherche de perceptions nouvelles grâce à des expériences, des « trips » : utilisation de LSD
voir chanson des Beatles « Lucy in the Sky in the Diamonds »), spiritualité (attirance pour les religions ou philosophies
orientales), rebellion et résistance à l’autorité etc.
Conclusion : les contre-cultures s’inscrivent dans une logique de conflit culturel avec la culture dominante (dite
« légitime ») pour changer la société, ce qui donne souvent lieu à une réaction de la part de cette culture dominante
(marginalisation, censure, discrédit, voire propagande organisée pour limiter l’audience de la contre-culture).
B/
LES FONCTIONS DE LA CULTURE : INTEGRATION OU DISTINCTION ?
La culture est un héritage social transmis par la socialisation mais elle est « réinventée » par les individus et les groupes
sociaux. Elle a pour fonction d’intégrer socialement les membres de la collectivité porteuse de cette culture, et de
permettre la cohésion de la collectivité :
1. LA CULTURE PERMET D’INTEGRER LES INDIVIDUS ET DE DEVELOPPER UN SENTIMENT D’APPARTENANCE
18
A QUOI SERT LA CULTURE ?
A travers les normes et les valeurs acquises et partagées, la culture contribue à former une société. Elle permet objectivement
l’établissement de relations entre ses membres (langage par exemple), mais surtout elle symbolise l’appartenance de tous à la société.
La fonction sociale de la culture est donc de réunir une pluralité de personnes très différentes en une collectivité unique et spécifique.
Sa fonction individuelle est de permettre à chacun, grâce au processus de socialisation, de vivre en société, d’y être accepté, reconnu.
Source : Jean-Yves Capul et Olivier Garnier, Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, Editions Hatier, 1999
La fonction essentielle de la culture est de réunir une pluralité de personnes en une collectivité spécifique. […]
La culture apparaît donc comme l’univers mental, moral et symbolique, commun à une pluralité de personnes, grâce auquel et à
travers lequel ces personnes peuvent communiquer, se reconnaître des liens, des attaches, des intérêts communs, des divergences et
des oppositions, se sentent enfin, chacune individuellement et collectivement, membres d’une même entité qui les dépasse et qu’on
appelle un groupe, une association, une collectivité, une société.
Source : Guy Rocher, Sociologie générale, Editions Le Seuil, 1970
Si un garçon veut apprendre à se comporter comme un homme et à devenir un homme le moment venu, c’est parce que tout le
monde dans la société s’accorde sur la façon dont les hommes doivent se comporter, parce que tout le monde le récompense ou le
punit selon qu’il adhère étroitement à ce standard ou s’en écarte beaucoup. De tels standards de comportements, l’anthropologue les
nomme modèles culturels (« culture patterns »). Sans eux, aucune société ne pourrait fonctionner ni survivre.
Source : Ralph Linton, Le fondement culturel de la personnalité, Editions Dunod, 1967
Questions :
1)
2)
Quelles sont les fonctions de la culture ?
A quelle notion sociologique fait référence le dernier texte ?
Réponse :
Document n°19 page 117 « Les fonctions de la culture » questions 1-2-3
Les fonctions de la culture sont les suivantes :
Fournir des modèles de comportement (rôles associés aux statuts), ce qui favorise la cohésion sociale ;
Permettre l’intégration des individus dans un groupe : un individu se sent d’autant plus à l’aise dans un groupe qu’il
adhère aux valeurs de cette collectivité et en accepte les normes. De son côté, le groupe n’a aucune raison de
rejeter une personne qui accepte les règles du jeu social ;
Renforcer la cohésion du groupe en réunissant une pluralité de personnes par des références culturelles communes,
qui les distingue des autres groupes.
1.1
LES PRATIQUES LANGAGIERES, UN MOYEN DE DEVELOPPER UNE IDENTITE COLLECTIVE
Le langage fait partie de l’héritage social, mais n’est pas figé : la plupart des groupes sociaux développent des pratiques
langagières propres, qui agissent à la fois comme un moyen de développer un sentiment d’appartenance, mais aussi de
marquer la distinction vis-à-vis de l’extérieur :
LE LANGAGE DES BANLIEUES
« Zarma, le céfran natchave ! ». Traduisez : « Ma parole, le français va à vau-l’eau ! ». Jargon ? Dialecte ? Une nouvelle pratique de la
langue intrigue les sociologues, les linguistes et les travailleurs sociaux qui oeuvrent dans les banlieues. Le verlan d’hier est dépassé
par le nouveau patois des cités.
Plus qu’un jeu verbal, ce dialecte contemporain s’est transformé en signe de reconnaissance sociale. Dans son livre « Une saison en
banlieue », Adil Jazouli cite un garçon d’une douzaine d’années qui se sent différent des enfants de Paris intra-muros : « On est pas
comme eux, nos paroles, nos mots qu’on dit, c’est pas pareil qu’eux, parce qu’eux, c’est le vieux français, nous c’est le français à
l’envers. » Aujourd’hui, l’appellation de verlan ne suffit plus. Les jeunes de la cité de Champy, à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), la
contestent vigoureusement, surtout parce que « les mots changent tout le temps ». « On parle pas verlan, c’est ricra [un bobard]. On
dit pas « yienv’ » [viens] mais « dé », et on se comprend comme ça, c’est notre façon de parler. » Ils avouent ne pas utiliser le même
langage à l’école ou en famille : « Avec les profs, on parle à la « soutenue », plaisante Belkacem, mais quand un keum de la téci se
fait serrer par les kisdés [un mec de la cité se fait prendre par les policiers], il parle ascom [comme ça], parce que les flics ne captent
que deux ou trois mots. »
[…] Le sociolinguiste Christian Bachmann pense que cette « langue des keums » est plus qu’un simple argot d’école. Il l’apparente à
un « sociolecte » lié aux conditions économiques et culturelles spécifiques d’une catégorie de la population qui a perdu contact avec la
norme linguistique.
Source : Le Monde, 8 septembre 1999
Questions :
1)
2)
Pourquoi les jeunes des cités construisent-ils un langage qui leur est propre ?
Montrez que le langage intègre et distingue à la fois.
19
1.2
LES RITES D’INTEGRATION/EXCLUSION : L’EXEMPLE DES MARQUAGES CORPORELS
Les rites sont des pratiques codifiées, qui se répètent dans des situations données (par exemple les rites d’initiation, les
rites de passage, quand un individu passe d’un statut à un autre, les rites mortuaires/funéraires, les rites de politesse).
Certaines sociétés pratiquent des rites, censés permettre d’intégrer les individus et de développer un sentiment
d’appartenance à la collectivité, ou au contraire d’exclure des individus et/ou des groupes considérés comme marginaux
et potentiellement dangereux :
LE TATOUAGE COMME MARQUE DE L’EXCLUSION
La marque corporelle, dont le tatouage, a souvent été utilisée historiquement comme une manière de désigner à l’attention courante
des hommes ou des femmes déchus de leurs droits, mis au ban de la société : des esclaves, des prisonniers, des criminels, etc. […].
On la rencontre en France au 14ème siècle, sous la forme d’un stigmate (la lettre M) imprimée sur le front des mendiants professionnels
condamnés à la prison. La flétrissure est une marque au fer rouge sur l’épaule du condamné. La fleur de lys et les lettres GAL signalant
le passage par les galères royales, aboutissent à une reconnaissance immédiate de celui que l’on entend bien rejeter au ban de la
société. Les voleurs sont punis d’une fleur de lys avec un V. Les prostituées sont également marquées.
Source : David Le Breton, Signes d’identité, tatouages, piercings et autres marques corporelles, Editions Métailié, 2002
L’ENGOUEMENT POUR LE PIERCING
A l’instar des scarifications, le piercing est une pratique très répandue sur la planète. Les mayas se perçaient la langue. […] On perce
lèvres, oreilles ou nez chez les indiens d’Amérique, dans de nombreuses sociétés africaines et mélanésiennes ou chez les Aborigènes
australiens. Au-delà de sa valeur ornementale, le piercing répond à la fonction d’identifiant culturel, traduisant l’appartenance d’un
individu à une classe sociale ou à une ethnie. Depuis une trentaine d’années cependant, en Amérique du Nord puis en Europe, le
piercing a évolué vers une multiplication de sites corporels concernés et vers une croissance importante de la clientèle. Initialement
assez confidentiel, le piercing signifiait plutôt l’appartenance à des cultures urbaines subversives (punks, skinheads) ou affirmait des
orientations sexuelles « alternatives » (homosexuels ou sadomasochistes). Il attire aujourd’hui de nouvelles clientèles, plus variées,
mais aussi plus « conformes ».
Source : Libération, 18 août 2000
DES DURS, DES DOUX, DES TATOUES
Quand il arrive devant la boutique enfumée et bruyante de « Tin Tin Tatouage », près de Pigalle, Guillaume, ingénieur de profession,
est un passant comme les autres : un homme de 25 ans, l'air décontracté, habillé sobrement. Mais, dès qu'il passe la porte et ôte sa
chemise, il dévoile une oeuvre d'art spectaculaire : un dragon japonais tatoué sur le dos, des omoplates jusqu'aux fesses. […]
« Ça va me coûter 3 000 euros, mais ça les vaut. Pour moi, ce n'est ni un message ni un symbole, c'est purement esthétique.
Maintenant, j'ai une oeuvre d'art en moi pour la vie, j'ai transformé mon corps dans le sens de la beauté. La modification corporelle est
un plaisir en soi. » Guillaume n'a pas de petite amie en ce moment, mais il est persuadé que son dragon plaira à ses futures
conquêtes. Une jeune femme, qui attend son tour pour se faire tatouer un oiseau dans le creux des reins, confirme son intuition : « Un
beau tatouage sur un mec, c'est trop sexy ! Quand il se déshabille devant toi pour la première fois et que tu découvres ça, tu craques.
Ça donne l'impression qu'il est sûr de lui, qu'il sait s'imposer, qu'il n'a pas envie d'être lisse. Bien sûr, il faut que le corps soit à la
hauteur. Sur un type maigrichon ou sur un vieux, c'est atroce. »
En revanche, jamais Guillaume ne s'exposera au regard de ses collègues : « Mon cou et mes bras sont intacts, je pourrai me balader
en chemisette sans que personne ne sache rien. Mais plus question d'aller à la piscine ou à la plage avec mon entreprise. Je tiens à
mon boulot. » Tin Tin, tatoué de partout, se moque de lui : « Si ça se trouve, ton boss est tatoué à mort, avec des trucs délirants ! Ou
alors il s'en fout. »
Sans donner de noms, Tin Tin laisse entendre que récemment il a reçu des PDG, des vedettes de la chanson et du cinéma, et même
un ancien premier ministre : « Mais en réalité Guillaume a raison, ce sont des exceptions. Il faut être prudent, beaucoup de gens
peuvent être choqués ou rebutés, on n'est pas aux Etats-Unis ou en Angleterre, où le tatouage est un phénomène de masse. »
En France, les tatouages furent longtemps réservés aux voyous, aux bagnards, aux filles perdues... Ils n'avaient pas de prétention
artistique et se limitaient souvent à un slogan ou à un coeur. Ce passé est resté ancré dans les esprits, surtout chez les plus âgés. Le
motif plus élaboré ne débarque en France que dans les années 1970, en provenance des pays anglo-saxons, où cet art a rang de
tradition : « Le vrai changement, confirme Tin Tin, c'est l'avènement du «tatoo» artistique ou décoratif à l'américaine. »
De fait, les tatoueurs ont envahi les beaux quartiers depuis longtemps. Certains font même partie de la jet-set. Dimitri, par exemple.
Bien qu'il ait conservé le look punk de sa jeunesse en HLM, il dirige une entreprise de sept employés, disposant de locaux confortables
à Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines : « J'ai eu pour clients des milliers de bourgeois, des minettes branchées, des dames
élégantes, des médecins, des profs, des hauts fonctionnaires. Pas encore de notaire, mais ça va venir. » […]
Dans le même temps, une nouvelle clientèle, issue des classes moyennes sages et tranquilles, réclame des motifs banals. Laura
Satana, l'adepte de l'« érotico-gore-psycho-rock'n'roll », reste perplexe : « Des jeunes gens proprets arrivent chez moi, ils veulent tous
un petit tribal [motif abstrait venu d'Océanie, mis à la mode par les surfeurs]. Ils me montrent une photo de star et demandent le
même tribal, au même endroit. Il n'y a pas de recherche d'originalité ni d'individualisme, au contraire. Maintenant, les jeunes se
tatouent par conformisme, par peur d'être ringards. Les filles réclament de plus en plus de tatouages mièvres, des papillons, des
palmiers, des fées, des dauphins. Parfois, je refuse. Sur ma porte, j'ai accroché une pancarte « No Dolphins » (pas de dauphins). »
Source : Yves Eudes, article « Des durs, des doux, des tatoués », in Le Monde, 23 octobre 2004
Questions sur les trois documents :
1)
2)
Quelles peuvent être les fonctions sociales des marquages corporels (tatouage, piercing) ?
Les fonctions sociales des marquages corporels ont-elles évolué dans le temps ?
20
2. MAIS LA CULTURE EST AUSSI UTILISEE POUR SE DISTINGUER DES AUTRES GROUPES SOCIAUX
Document n°23 page 119 « Des pratiques culturelles socialement différenciées » questions 1 à 4
Le fait de partager une culture intègre socialement les individus, et les inscrit dans une identité collective. Ce mouvement
a comme corollaire la distinction (consciente ou délibérée) vis-à-vis d’autres cultures et des groupes qui les portent.
La culture a donc des fonctions ambivalentes : elle permet d’intégrer les individus dans une identité collective, mais, en
opérant une distinction entre ceux du groupe et ceux du dehors, elle agit aussi comme un marqueur social qui peut
entraîner des phénomènes de distinction. Cette distinction peut déboucher sur une domination culturelle : la culture peut
ainsi être utilisée par certains groupes sociaux qui en sont porteurs, comme un moyen de distinction.
Document n°24 « La distinction » questions 1 à 4
Cette distinction peut déboucher sur l’accès à des avantages matériels et immatériels et/ou à des positions sociales
privilégiées : la culture est un marqueur social qui joue positivement pour les uns, et peut stigmatiser les autres
(exemple : un jeune de banlieue sur le marché du travail).
Certains sociologues, dont Pierre Bourdieu, insistent sur l’existence de cultures de classe, qui sont considérées par les
membres de ces classes comme un héritage qui doit être pour assurer la pérennité du groupe et la reproduction de sa
position sociale (d’autres pratiques telles que la « présélection » des conjoints par des rallyes, soirées privées, etc. dont
le but est de favoriser l’homogamie, renforcent cette transmission) :
LA CULTURE BOURGEOISE
On doit à Béatrix Le Wita une des premières approches ethnographiques de la culture bourgeoise, l’enquête portant principalement sur
les collèges privés catholiques Sainte-Marie de Passy (16ème) et de Neuilly, et sur les femmes issues de ces institutions. Pour rendre
compte de la culture bourgeoise, elle retient trois éléments fondamentaux : l’attention portée aux détails, et en particulier au détail
vestimentaire, ces « petits riens » qui changent tout et font la « distinction » ; le contrôle de soi, qui relève de l’ascétisme et que Max
Weber considérait déjà comme une propriété essentielle de la bourgeoisie capitaliste ; enfin, la ritualisation des pratiques de la vie
quotidienne, parmi lesquelles les manières de table ont pris une importance remarquable. « Le repas est, en effet, consciemment vécu
comme un moment privilégié de socialisation autour duquel se transmet l’ensemble des signes distinctifs du groupe familial
bourgeois », d’après Béatrix Le Wita.
A ces trois éléments, elle en ajoute un autre, également caractéristique : l’entretien et l’usage constants d’une mémoire généalogique
familiale, profonde et précise.
Source : Denis Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales, Collection Repères, Editions La Découverte, 1996
Questions :
1)
2)
Quels éléments culturels permettent la distinction ?
Sont-ils transmis consciemment ?
II.
LES RELATIONS INTERCULTURELLES : L’ACCULTURATION
A/
LA RENCONTRE ENTRE CULTURES : LE PROCESSUS D’ACCULTURATION
1. LA RENCONTRE ENTRE CULTURES : L’ACCULTURATION
MONDIALISATION CULTURELLE : L’EXEMPLE DE L’ASPECT VESTIMENTAIRE
Dans sa firme multinationale et au contact de ses collègues occidentaux, le cadre africain chargé de responsabilités revêt le plus
souvent le costume occidental, la cravate, et adopte les attitudes, les gestes, les façons de voir et de parler du système universitaire
européen. Petit à petit, il délaisse ses habitudes ancestrales.
Source : T.Jeanmougin, manuel Belin, 1998
Questions :
1)
2)
3)
A quelles occasions des cultures différentes peuvent-elles se rencontrer ?
Comment expliquer l’adoption par les cadres africains des codes vestimentaires ?
Sur quoi peut déboucher la rencontre entre cultures différentes ?
Les individus d’une société sont confrontés à des cultures différentes de la leur.
21
Cette rencontre entre cultures se fait par l’intermédiaire des voyages, des médias (notamment la télévision par satellite
qui donne accès à bon nombre de programmes étrangers) et des produits culturels (films, disques, séries télévisées,
etc.), mais peut aussi mettre en relation des cultures de manière prolongée comme c’est le cas dans les phénomènes de
migrations de populations.
Comment se passe cette rencontre avec d’autres cultures que la culture d’origine des individus ? Provoque-t-elle des
transformations dans les cultures qui se rencontrent ?
Les sociologues utilisent le terme d’acculturation pour désigner les modifications culturelles issues de la rencontre entre
plusieurs cultures.
L’ORIGINE DU CONCEPT D’ACCULTURATION
L’acculturation désigne la modification d’une culture au contact d’une autre. Le mot a été introduit en anthropologie dans les années
1940, dans le cadre du courant « culturaliste ». A une époque marquée par le colonialisme et les transformations opérées au sein des
sociétés traditionnelles par la modernité, on a surtout employé le terme d’acculturation dans le cas d’une culture dominée qui se trouve
mise au contact d’une culture dominante, subit très fortement son influence et perd de sa propre substance originelle.
L’anthropologie contemporaine, qui a une vision moins homogène des cultures, met l’accent sur la diversité des processus de
transformation d’une culture au contact des autres, en soulignant les phénomènes de syncrétisme, d’intégration, d’influence.
Source : (sous la direction de) Jean-François Dortier, article « Acculturation », in Le dictionnaire des sciences humaines, Editions
Sciences humaines, 2004
Questions :
1)
2)
Définissez l’acculturation.
Dans quel contexte historique et politique est apparue la notion d’acculturation ?
Document n°29 page 114 « L’acculturation » questions 1 à 4
Définition de l’acculturation (voir document n°25 page 120) : « L’acculturation est l’ensemble des phénomènes qui
résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes, et qui entraînent des
changements dans les modèles culturels initiaux de l’un ou des deux groupes ».
Remarque : l’acculturation n’est qu’une des deux modalités, un des deux facteurs explicatifs du changement culturel. En
effet, le changement culturel (évolution du système de valeurs et de normes) peut résulter des relations interculturelles
(qui entraînent le processus d’acculturation), mais aussi d’un changement culturel endogène (endogène : qui est dû à
une cause interne) lié à la réinterprétation par les individus des valeurs et des normes de leur propre culture lors du
processus de socialisation (vision interactionniste de la socialisation).
2. LES RESULTATS DU PROCESSUS D’ACCULTURATION
Document n°25 page 120 « L’acculturation » questions 1 à 5
Le contact direct et continu entre groupes de cultures différentes débouche sur plusieurs situations possibles, en fonction
du degré de transformation des cultures initiales et des rapports de domination existant entre les groupes ou les
collectivités porteurs des cultures qui se rencontrent.
Le processus de rencontre de cultures différentes peut déboucher sur plusieurs résultats différents, voire diamétralement
opposés.On peut ainsi distinguer :
L’assimilation : disparition de la culture d’un groupe qui accepte intégralement l’autre culture (exemples des
populations migrantes après quelques générations, qui adoptent la culture du pays d’accueil) ;
La déculturation : acculturation imposée par un groupe dominant qui essaie de faire disparaître les traits culturel du
groupe dominé (exemple des périodes de colonisation). La déculturation peut aller jusqu’à l’ethnocide ;
L’ethnocide : extermination systématique de la culture d’une société, d’un peuple (par référence au génocide)
L’ETHNOCIDE OU LA MORT DES CULTURES
Le mot ethnocide a été forgé par R.Jaulin à la fin des années 1960. Il évoque le mot génocide mais s’en distingue : le génocide est
l’extermination systématique des hommes, l’ethnocide est la destruction systématique de leurs cultures. Comme l’a dit Pierre Clastres :
« Le génocide assassine les peuples, l’ethnocide les tue dans leur culture. » D’autant que le meurtre de la culture signifie la destruction
de la personne dans son identité profonde, et le conduit à la déchéance physique et morale. Ce n’est souvent qu’une mort différée.
L’un des exemples les plus dramatiques est le cas de l’Amérique du Sud après 1492. Non contente d’avoir imposé son autorité et
soumis les Indiens à un quasi-esclavage économique, l’Europe catholique voulut « extirper l’idolâtrie », interdit et réprima par la force
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tout ce qui pouvait avoir un caractère sacré dans les cultures indiennes : cultes, fêtes, jeux, danses, arts… Le christianisme ne
s’attaqua pas au corps mais à l’âme qu’il détruisit le plus souvent en voulant la redresser au nom de la civilisation.
Source : Sciences Humaines, n°16, avril 1992
Questions :
1)
2)
Quelle différence faites-vous entre génocide et ethnocide ?
Quelle différence faites-vous entre ethnocide et assimilation ?
Document n°27 page 121 « Une tentative d’ethnocide : le témoignage d’un jeune indien » questions 1 à 4
la contre-acculturation : rejet de l’autre culture et réaffirmation de sa culture d’origine (par exemple, retour de la
culture « afro » aux Etats-Unis ou résurgence de certains traits de la culture maghrébine dans les banlieues
françaises) ; la contre-acculturation est souvent le résultat d’une déculturation et débouche sur la formation d’une
contre-culture. La contre-acculturation comporte des risques de conflits culturels ;
le syncrétisme culturel : mélange des traits culturels, métissage des cultures, avec réinterprétation culturelle des
modèles culturels étrangers ; cette réinterprétation peut porter sur des pratiques vestimentaires (exemple : porter la
cravate occidentale avec un costume traditionnel africain est une forme de réinterprétation présente chez les
dirigeants africains). Autres exemples :
Document n°26 page 121 « Un exemple de syncrétisme : le rock » questions 2-3
LA REINTERPRETATION CULTURELLE
On peut voir une illustration du concept dans la façon particulière dont les Gahuku- Kama de Nouvelle-Guinée pratiquent le football.
Initiés à ce sport par des missionnaires, ils n’acceptent d’arrêter le jeu qu’à condition que les deux camps soient à égalité de parties
gagnées, ce qui peut prendre plusieurs jours. Loin de se servir du foot pour affirmer un esprit de compétition, ils transforment ce jeu
en un rituel destiné à renforcer la solidarité entre eux.
Source : Denis Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales, collection Repères, Editions La Découverte, 1996
Questions :
1)
2)
Identifiez en quoi la pratique du football est différente chez les Gahuku- kama.
Pourquoi peut-on parler de réinterprétation culturelle à propos de cet exemple ?
Remarque : on observe beaucoup de syncrétismes dans le domaine religieux ; par exemple, le culte vaudou (définition du
Petit Robert : culte animiste originaire du Bénin, répandu chez les noirs des Antilles et d’Haïti ; c’est un mélange de
pratiques magiques, de sorcellerie, et d’éléments pris au rituel chrétien), mais aussi dans les sectes (sectes
apocalyptiques par exemple : mélange de religion catholique et de rites des ordres templiers) et dans les nouvelles
philosophies religieuses (New Age).
3.
L’ACCULTURATION ET LES CONFLITS CULTURELS
Il peut exister des conflits culturels en cas d’acculturation :
LES EMPEREURS DU FAST-FOOD
Comme aux Etats-Unis, les chaînes de fast-foods concentrent leurs campagnes de publicité étrangères sur le groupe de
consommateurs le moins attaché aux traditions : les enfants. […] En Australie, où le nombre de fast-foods a triplé au cours des années
1990, un sondage a montré que la moitié des enfants de 9 et 10 ans pensaient que Ronald MacDonald savait ce qui était bon pour
eux. Dans une école primaire de Pékin, Yunxiang Yan a découvert que tous les enfants reconnaissaient Ronald MacDonald sur une
image. Ils lui ont dit qu’ils aimaient « Oncle MacDonald » parce qu’il était « drôle, gentil, et … qu’il comprenait le cœur des enfants ».
Coca- Cola est aujourd’hui la boisson favorite des petits Chinois, et MacDonald’s sert leur nourriture favorite. Le simple fait de manger
dans un MacDonald’s de Pékin semble traduire une élévation sociale. Le fameux « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » est
prôné depuis fort longtemps avec enthousiasme par Den Fujita, l’excentrique milliardaire qui a introduit MacDonald’s au Japon il y a
trente ans ; « Si nous mangeons des hamburgers MacDonald’s et des pommes de terre pendant mille ans, promit alors Fujita à ses
compatriotes, nous deviendrons plus grands, notre peau blanchira et nos cheveux seront blonds ».
Source : Eric Schlosser, Les empereurs du fast-food, le cauchemar d’un système tentaculaire, Editions Autrement, 2003
Questions :
1)
2)
Quels problèmes de société sont posés à travers ce document ?
La diffusion de la culture américaine à travers son modèle alimentaire est-elle dénuée d’arrière-pensées ?
Le débat porte actuellement sur la domination culturelle américaine à travers son industrie culturelle (industrie
cinématographique, télévision, musique etc.) et sur la défense de l’identité culturelle des pays menacés par l’invasion des
produits culturels américains : la France a depuis longtemps adopté (notamment au sein de l’Organisation Mondiale du
Commerce) une position qui consiste à défendre le principe de l’ « exception culturelle » en usant de barrières non
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tarifaires : quotas de chanson française à la radio, système de l’ « avance sur recettes » du financement du cinéma
français etc.
La position française peut être résumée ainsi : les biens culturels ne sont pas des produits comme les autres, et la
diversité culturelle est menacée : il faut donc la préserver.
B/
IMMIGRATION ET MODELES D’INTEGRATION : ASSIMILATION OU MULTICULTURALISME ?
L’irruption du voile dans l’espace public (et notamment au sein de l’école, ce qui a débouché sur une réaffirmation du
principe de laïcité), et plus récemment les émeutes dans les « zones urbaines sensibles », ont remis la question de
l’immigration et de l’intégration sur le devant de la scène médiatique et politique.
Les phénomènes d’immigration posent plusieurs problèmes à la société d’accueil :
des problèmes de rejet des immigrés (xénophobie) ;
des problèmes d’intégration professionnelle, économique ;
des problèmes d’intégration politique (accès à la citoyenneté : droit de vote des étrangers) ;
des problèmes d’intégration culturelle…
D’un point de vue culturel, l’intégration des populations immigrées pose une question : l’acculturation doit-elle déboucher
sur une assimilation à la culture du pays d’accueil (conception dite « universaliste »), ou sur un respect des cultures
d’origine et des différences culturelles des minorités ethniques (conception dite « différentialiste ») ?
Selon le pays, son histoire et ses valeurs, les traditions d’intégration des populations immigrées sont différentes, et l’on
peut distinguer deux modèles :
Le modèle français assimilateur et universaliste français, fondé sur la citoyenneté et l’appartenance républicaine à la
Nation ;
Le modèle anglo-saxon (Etats-Unis, Grande-Bretagne) multiculturaliste et communautariste (coexistence des
communautés blanche (WASPS, italiens, irlandais), noire (afro-américains), asiatique, et hispanophones (chicanos)
dans le cas des Etats-Unis).
UNIVERSALISME ET COMMUNAUTARISME
Le modèle français d’intégration est lié à une conception originale et forte de la République et de la Nation. En France, le projet
républicain est assimilateur et universaliste. L’assimilation a pour objectif de maintenir un socle commun nécessaire à toute cohésion
sociale et nationale, comme le disait E.Durkheim. L’universalisme, quant à lui, stipule que tous les êtres humains sont égaux entre eux
et porteurs de valeurs qui dépassent leurs différences. C’est ce qui différencie le système français –où les valeurs nationales sont plus
importantes que les appartenances ethniques ou religieuses- des systèmes multiculturels ou communautaristes. Quand la Révolution
française émancipa les protestants ou les juifs, c’était en tant qu’individus- citoyens et non en tant que groupes définis par leur
appartenance religieuse qu’ils furent intégrés. […] De son côté, la conception américaine a un point commun avec celle de la France :
elle est ouverte à l’accueil des étrangers et incite à les naturaliser facilement. Cependant, outre-Atlantique, la nation s’apparente plutôt
(mais pas seulement) à une juxtaposition de communautés. Cette conception est à la source d’une nation multiculturelle où la
nationalité n’entraîne pas forcément la citoyenneté.
Source : E.Taïeb, Sciences Humaines, n°96, juillet 1999
Questions :
1)
2)
Distinguez les deux modèles d’intégration, et précisez ce que signifie « un modèle universaliste et assimilateur ».
Expliquez la dernière phrase.
La France connaît actuellement des problèmes de violence, d’insécurité (ou de développement du sentiment d’insécurité),
dont les partis d’extrême-droite affirment qu’elle serait la conséquence des difficultés d’intégration des jeunes issus de
l’immigration d’Afrique noire et maghrébine, qui ne respecteraient pas les valeurs et les normes de la société française.
Certains vont jusqu’à dire que les populations immigrées ne veulent pas s’intégrer, et qu’on assiste à une
« ghettoïsation » des banlieues françaises. Par ailleurs, l’intégrisme fondamentaliste se développe dans les banlieues, et
donne lieu à une contre-acculturation religieuse qui inquiète la société française du fait de ses accointances avec les
milieux terroristes. L’ethnicisation se développe par ailleurs, et semble remettre en cause le lien politique (sentiment
d’appartenance à la nation française de plus en plus remis en cause par une frange de la jeunesse d’origine étrangère, et
valorisation de l’appartenance ethnique qui prend le pas sur la nationalité française). Il faut néanmoins repréciser que la
laïcité « à la française » ne remet pas en cause la liberté du culte, ni le respect de la diversité religieuse. Simplement,
cette liberté doit s’exercer dans le cadre républicain prévu, au sein de la sphère privée :
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L’INTEGRATION REPUBLICAINE
L’intégration des immigrés, comme celle de l’ensemble de la population dont on ne peut la séparer, s’est faite autour du projet
politique, né des valeurs incarnées par la Révolution, autour de l’idée de la citoyenneté individuelle, contre toute intégration par
communautés particulières. Cette politique, qu’on a qualifiée jusque dans les années 1970 de politique d’assimilation, qu’on appelle
aujourd’hui d’« intégration » […] n’impliquait pas, contrairement à ce qu’on a pu dire quand on condamnait sans nuances l’Etatnation, que fussent supprimées toutes les spécificités des populations progressivement intégrées dans la nation française. Ce n’est
d’ailleurs ni possible ni souhaitable. La démocratie repose sur la distinction entre le privé, domaine de la liberté, et le public, lieu de
l’unité de tous les citoyens. Dans sa vie privée, chacun peut utiliser sa langue, rester fidèle à une culture particulière, ou pratiquer sa
religion comme il le souhaite, à condition que ces pratiques ne menacent pas l’ordre public. Mais cette politique impliquait que toutes
les particularités fussent maintenues dans l’ordre du privé et que les individus se conformassent à la logique française dans l’ordre du
public. Il n’y avait pas de place pour reconnaître institutionnellement des « communautés » particulières, issues de l’immigration. La
politique dite d’assimilation n’a jamais interdit le multiculturalisme dans l’ordre de la vie personnelle et sociale, mais elle interdisait qu’il
se manifestât dans la vie publique.
Source : D.Schnapper, article « Le processus de l’intégration en France », Cahiers Français n°281, Editions La Documentation
française, mai- juin 1997
Questions :
1)
2)
Définissez le multiculturalisme.
La politique d’assimilation française vise-t-elle à supprimer toutes les spécificités des populations d’origine étrangère ?
POUR PROLONGER : LE MULTICULTURALISME
Document n°32 « Le multiculturalisme » questions 1-2-4
LE MULTICULTURALISME, UNE REALITE DES SOCIETES MODERNES
Le multiculturalisme est d’abord une réalité de toute société moderne dès lors qu’y coexistent des groupes ethniques, culturels,
religieux différents (des Auvergnats et des Chtimis, des catholiques et des protestants, etc.). Mais c’est aussi, depuis quelques temps,
l’objet d’un débat philosophique et politique. Selon l’idéologie républicaine, les individus sont égaux en tant que citoyens : ils ont les
mêmes droits en tant qu’ils appartiennent à la même communauté politique et non en tant qu’hommes ou femmes, hétérosexuels ou
homosexuels, catholiques ou musulmans, etc. Cette égalité est reconnue à des êtres abstraits –il est fait abstraction de tout ce qui
différencie par ailleurs ces individus, donc de ce qui leur confère une identité-, et les particularités, par exemple le fait d’aller à l’église
ou à la mosquée, ne sont tolérés que dans la sphère privée (elles relèvent du choix de chacun au même titre que la préférence pour le
PSG ou l’OM). Or, dans certaines démocraties, comme aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, etc., sont également accordés des droits à des
groupes, notamment à des minorités ethniques. Selon l’idéologie multiculturaliste, le pluralisme implique le droit à la différence
culturelle : chacun a le droit de voir reconnue et protégée son identité culturelle dans l’espace public ; une jeune fille a par exemple le
droit de porter le hidjab dans une école publique parce que ce choix vestimentaire manifeste une conviction religieuse constitutive de
son identité.
S’il ne revient pas au sociologue de prendre positions dans ce débat, il lui revient d’étudier la montée actuelle de revendications
particularistes, justifiées par ce « droit à la différence » (culturelle, religieuse, etc.), pour montrer, le cas échéant, qu’elles sont le
produit conjoint de l’aggravation des inégalités sociales et d’une instrumentalisation politique de sentiments d’injustice qui ne
parviennent plus à s’exprimer autrement. Sous la question culturelle, la « question sociale » ?
Source : article « Chacun sa culture », in Alternatives économiques, n°234, mars 2005
Questions :
1)
2)
3)
Quelles différences peut-on faire entre le modèle d’intégration « à la française » et le multiculturalisme ?
Illustrez la notion de « revendications particularistes » par des exemples concrets.
Comment l’auteur explique-t-il « la montée actuelle de revendications particularistes » ?
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