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Les Jeux Olympiques anciens et « modernes »
Les « JO » de Londres ont été un des évènements majeurs de 2012. L’impact médiatique,
considérable, a répercuté les nombreuses manifestations sportives dans le monde entier.
La juxtaposition des exploits athlétiques et de leur « battage » audio-visuel, financier et, trop
souvent, politique, nous semble aujourd’hui aussi inévitable que choquante.
Pourtant, les premiers Jeux, organisés à Olympie en Grèce antique pour les seuls Grecs dès
-776, étaient des épreuves à finalité religieuse destinées à honorer Zeus… et ils n’étaient pas
les seuls.
Le christianisme mettra fin à ces compétitions païennes, bien avant que Pierre de Coubertin
n’instaure, de manière parfois ambiguë, les « JO modernes », organisés à Athènes en 1896.
Nous nous intéresserons également aux dérives politiques, éthiques, et parfois tragiques qui
ont affecté les Jeux Olympiques, et ce dès l’antiquité.
Les Jeux anciens
Des « jeux » d’une religiosité déjà ancienne dans l’antiquité gréco-romaine.
En Grèce antique et à Rome, le domaine religieux et le domaine public sont intimement liés.
La séparation des cultes et de l’Etat n’existe pratiquement pas ou pas du tout
Une étymologie révélatrice
« Jeu » se dit : « Agôn » en grec ancien et : « Ludus » en latin… Très tôt, ces deux termes
désignent des épreuves, des luttes, des compétitions avec substitution de sacrifices humains,
souvent à l’occasion de rites funèbres.
« Agôn » a donné le mot agonie et « Ludus » s’applique notamment aux écoles de gladiateurs.
Des jeux dans l’Hellade ancienne plutôt qu’en Grèce au sens moderne
Le terme « Hellade » évoque l’ensemble des Grecs antiques, qui se caractérisent par une
communauté de langue, de coutumes, de culture, de religion… Il s’agit plus d’une
communauté de civilisation que d’un territoire unique… Très longtemps, de nombreuses
villes de la Grèce antique formeront des « cités-états », des « poleis » indépendantes et
souvent en conflit… Les guerres entre Athènes et Sparte illustrent, entre autres, le manque
d’unité politique et territoriale de l’Hellade.
Des compétitions, des luttes publiques, païennes et souvent guerrières
Liées au culte des dieux personnifiant souvent les forces de la nature (l’eau, le feu, la
foudre, les tremblements de terre, les tempêtes sur terre et sur mer), ces épreuves physiques se
font en public et témoignent vraisemblablement d’une croyance dans la périodicité cyclique
d’origine divine des phénomènes naturels (par exemple : l’alternance des saisons favorables
ou non à l’agriculture, ou à la navigation maritime).
En outre, l’aspect violent, parfois militaire de certaines compétitions (lutte, pugilat, course en
armes) répond aux nécessités de l’entraînement des citoyens se préparant au combat.
Les jeux de cités et les jeux panhelléniques
Les jeux de cités
Les athlètes participent à des épreuves réservées aux seuls citoyens d’une cité ou d’une
fédération de cités, comme la Ligue de Délos.
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Les quatre grands jeux « panhelléniques ».
Ils sont communs à toutes les cités grecques (de la Grèce elle-même, puis des colonies
grecques sur les rivages méditerranéens). « Panhellénique » signifie : « pour tous les Grecs ».
- les Jeux pythiques
Ils étaient célébrés à Delphes tous les quatre ans, au milieu de chaque olympiade, et organisés
en l’honneur d’Apollon, dieu du soleil et vainqueur du serpent Python. Sur son tabouret, la
prêtresse-chaman qui « recevait » l’oracle d’Apollon s’appelait la « Pythie ».
- les Jeux isthmiques, sur l’isthme de Corinthe, en l’honneur de Poséidon, dieu de la mer et
« ébranleur de la terre », étaient organisés la première et la troisième année de chaque
olympiade.
- les Jeux néméens, célébrés à Némée, en l’honneur d’Héraklès (Hercule) qui, selon la
légende, effectua sur le territoire de cette ville un des ses douze travaux. Ils étaient organisés
tous les deux ans, la deuxième et la quatrième année de chaque olympiade.
- les Jeux olympiques
Ces quatre Jeux composaient la « période » : le calendrier des épreuves sportives, réparties en
séances cycliques de quatre ans : les « olympiades »
Quand un même athlète triomphait dans le cycle des quatre fêtes successivement, donc dans
chacun des 4 jeux panhelléniques, il devenait « périodonique » : le vainqueur du cycle !
Les Jeux olympiques anciens
Pourquoi « olympiques » ?
L’explication est triple : la ville d’Olympie dans le Péloponnèse (la grande presqu’île du sud
de la Grèce), le culte de Zeus Olympien dans la même ville d’Olympie, et le mont Olympe
(2197 mètres) aux confins de la Macédoine et de la Thessalie…
Olympie
Située en Elide, sur les rives de l’Alphée, Olympie était plus un sanctuaire qu’une ville. Le
site a été fouillé par les Français et surtout par les Allemands, notamment de 1936 à 1941, à
l’époque hitlérienne. Les nazis considéraient les Doriens, une des peuplades anciennes du
Péloponnèse, comme proches de la « race pure arienne ». C’est surtout le régime militaire et
politique de Sparte qui alimentait les fantasmes hitlériens.
Occupé dès le IIème millénaire avant notre ère, le site d’Olympie semble avoir été d’abord
consacré à Gè-Gaia, déesse de la terre, et à Héra, l’épouse de Zeus.
Le sanctuaire olympien : l’Altis (« le bois sacré ») : un carré d’environ 200 mètres de côté.
Il était administré par les Eléens (habitants d’Elis), ce qui lui conférait au territoire de l’Elide
un caractère sacré, ainsi que le droit de rester neutre lors des guerres entre les cités de la Grèce
ancienne.
Les principales constructions du sanctuaire ont été édifiées entre le 7ème et le 5ème siècle avant
notre ère. :
-le grand temple de Zeus,
-le grand autel de Zeus,
-l’Heraion (temple d’Hera),
-les Trésors (petits édifices contenant les cadeaux offerts au sanctuaire par les cités grecques
« doriennes »),
-le Métrôon, temple de la « Mère des dieux »,
-le portique d’Echo,
-le Bouleuterion, siège de l’administration du sanctuaire,
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-le Léonidaion, « hôtellerie » des hôtes prestigieux,
-le stade,
-l’hippodrome qui a complètement disparu.
Abandonné suite à la suppression des Jeux par le christianisme en 394, qui provoque la
destruction des monuments, le sanctuaire souffrira également des guerres entre cités grecques,
des invasions, des tremblements de terre et des crues de l’Alphée.
Zeus Olympien
Il est vénéré dès le 8ème siècle avant notre ère. Son temple est le plus grand monument
d’Olympie : 64, 12 m sur 27,66 m. Il est l’œuvre de Libon d’Elis et s’ornait de remarquables
statues de marbre : la course de char de Pelops et Oinomaos, la légende des Centaures, les
travaux d’Héraklès-Hercule.
La statue chryséléphantine de Zeus, une des 7 merveilles du monde antique.
Réalisée en or et en ivoire, haute de 12 mètres, elle est une des œuvres majeures de Phidias, le
sculpteur de la statue d’Athéna dans le Parthénon d’Athènes…
Le mont Olympe
Les Grecs croyaient que cette montagne était la résidence des « 12 dieux olympiens » : Zeus,
Hera son épouse, Apollon, Athéna, Artémis, Aphrodite, Arès, Héphaïstos, Poséidon, Hadès,
Hermès, et la 12ème divinité : Hestia ou Démèter ou Dionysos.
Chronologie : en -776, les premiers Jeux et la première olympiade ?
Les premiers jeux d’Olympie dateraient du 9ème siècle avant notre ère. Ils auraient été
instaurés par Iphitos, le roi légendaire de la cité d’Elis. Toutefois, Homère, dans l’Iliade
évoque des concours sportifs liés à des cérémonies religieuses dès le IIème millénaire avant
J-C… Ne serait-ce que dans la description des épreuves organisées par et pour les Achéens à
l’occasion des obsèques de Patrocle, l’ami d’Achille. Patrocle, rappelons-le, avait été tué par
Hector, le prince de Troie. Les concurrents s’opposaient alors dans la course de chars, dans la
lutte, la course à pied, le tir à l’arc et le javelot.
3 fondateurs légendaires : Héraklès, Zeus, Pélops (le grand-père d’Héraklès)
Deux Héraklès ?
Selon le poète Pindare (1), Héraklès aurait édifié à Olympie un temple pour son père Zeus
(Zeus le père !). Il aurait également tracé l’Altis, l’enceinte sacrée plantée d’arbres, délimitant
le terrain des épreuves. Par ailleurs, le même demi-dieu aurait institué les Jeux Olympiques
pour fêter sa victoire sur le roi d’Elis Augias, dont il avait nettoyé les écuries dans un de ses
fameux « 12 travaux ».
Quant à Pausanias (2), un autres Héraklès originaire de Crète, aurait proposé à ses trois frères
une course à pied, dont le vainqueur serait récompensé par une couronne d’olivier sauvage…
et ce pour fêter la victoire de Zeus sur son père Kronos… C’est pour célébrer les quatre
athlètes que les Jeux Olympiques se feront, dit Pausanias, tous les quatre ans, durée d’une
olympiade.
Zeus ?
Il aurait créé lui-même les Jeux pour symboliser sa puissance.
Pélops ?
Le grand-père d’Héraklès aurait voulu, par la création des Jeux, remercier les dieux de l’avoir
aidé à vaincre le roi de Pise (en Grèce) dans une course de chars… Il aurait même saboté celui
de son adversaire !
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-884, retour au roi Iphitos
Au 9ème siècle avant notre ère, les Grecs se déchiraient dans des guerres entre cités. En -884,
selon la légende, Iphitos, roi d’Elis, aurait, après avoir écouté l’oracle prononcé par la Pythie
de Delphes, restauré les Jeux sur le site sacré d’Olympie.
Iphitos et Lycurgue, le roi de Sparte, imposeront alors une trêve interdisant toute guerre entre
les deux cités pendant les « Olympiques », c’est-à-dire les Jeux, à l’occasion desquels un
sacrifice célébrera Héraklès. Mais la périodicité quadriennale des Jeux Olympiques ne
débutera qu’au siècle suivant.
-776 : l’ère des olympiades commence et les Jeux se dérouleront régulièrement tous les
quatre ans
C’est à cette date que commence le calendrier grec ; il sera divisé en olympiades, la durée de
4 ans entre deux célébrations de cette fête sportive appelée « panégyris »
Des Jeux estivaux
En effet, la « panégyris » aura lieu alternativement pendant les mois de Parthénios et
d’Apollonios, en juillet-août, lors de la pleine lune.
Les « Jeux » (ou concours) à Olympie : une ambiance et des interdits
Périodicité et durée
Ils ont lieu tous les quatre ans en juillet, et sont annoncés par des messagers (les
« spondophores » ou « hérauts ») dans toute la Grèce.
Si, au début, les épreuves ne duraient qu’une journée, elles prendront 2, puis 3, puis 5 jours en
-472, et même 7 jours, encore au 5ème siècle avant notre ère.
La trêve sacrée
Pendant les Jeux, toute guerre entre cités grecques sera non seulement interdite, mais aussi
sacrilège, ce qui n’empêchera pas plusieurs violations de cet interdit !
Les villes grecques de Pise, d’Elis (un comble), de Sparte et d’Athènes (toutes deux exclues
des olympiades, l’une en -420, l’autre en -328) rompront la trêve sacrée, tout comme les
Arcadiens qui occuperont le sanctuaire d’Olympie et organiseront eux-mêmes les Jeux lors de
la CIIIème olympiade !
Affluence, mercantilisme et publicité
On y vient en masse, de toute l’Hellade et des colonies grecques. Marchands et artistes
exposent leur production, des philosophes, des orateurs s’adressent à un public nombreux.
Exclusion
Ni les barbares (ceux qui ne parlent pas grec), ni les femmes (sous peine de mort), ni les
étrangers, ni les criminels, ni les esclaves ne sont admis dans les épreuves et dans l’enceinte
de l’Altis, donc du sanctuaire. La seule femme autorisée à y entrer est la prêtresse de Démèter.
Pour participer aux Jeux, il faut pouvoir justifier sa qualité, non seulement d’Hellène (donc
membre de l’Hellade), mais aussi d’homme libre.
A propos des femmes, précisons qu’elles pouvaient participer aux Jeux Héréens (en l’honneur
d’Héra), sur le site d’Olympie et en septembre après les grands Jeux de l’été. Mais, un seul
concours leur était autorisé : celui du stade, sur une longueur inférieure d’environ un sixième
à la course des hommes.
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Admission
A partir de la XXXVIIème olympiade, les enfants seront admis aux épreuves de course, de
lutte, de pugilat et de pancrace.
Ils auront même accès à un pentathlon « enfantin », à l’existence éphémère : une olympiade.
Nudité olympique et fortuite
Selon la légende, l’athlète Orsippos de Mégare aurait perdu son « périzona », son pagne, lors
d’une compétition au stade, ce qui ne l’a pas empêché de triompher en -720. C’est pourquoi,
dit-on, la nudité sera désormais obligatoire.
D’ailleurs, l’adjectif « gumnos » (« nu » en grec) a donné le mot « gymnastique » !
Déjà un village olympique antique !
Outre les bâtiments officiels prévus pour les hôtes de marque, sans oublier les logements pour
les athlètes et leurs entraîneurs, un village provisoire et hétéroclite de tentes abritait le très
nombreux public, hors de l’Altis
Des « Jeux » en 4 parties
1ère partie : les courses de vitesse au stade
Le stade : un rectangle entouré d’un talus destiné aux spectateurs. Mesure de longueur, le
stade olympien fait 192,25 mètres (600 fois la longueur du pied d’Héraklès).
Les types de courses : les courses simples, doubles, et « lentes », c’est-à-dire de fond. Les
athlètes participant aux courses lentes font 12 fois le tour de la piste.
Le stade peut aussi accueillir les concours de sports plus violents : la lutte, le pugilat et le
pancrace (3).
2ème partie : à l’hippodrome
Sur une piste de 770 mètres, l’épreuve consiste en une course de chars à deux roues, très
légers et attelés de 4 chevaux (des quadriges). Le conducteur (le cocher) se tient debout dans
son char. Les concurrents doivent faire 8 et parfois 12 fois le tour de la piste, dans une
ambiance exaltée… Il s’agit surtout de bien contourner à chaque tour la « borne redoutable »
placée en bout de piste.
D’autres courses opposaient des cavaliers. A l’arrivée, les concurrents devaient sauter de leur
cheval et les amener eux-mêmes au bout de la piste.
Ce n’est pas forcément le vainqueur qui reçoit le prix, sauf s’il est propriétaire de sa monture
(c’est alors une gloire supplémentaire). En effet, c’est celui qui possède le cheval qui est
récompensé !
Ces courses de char ou de cavaliers rappellent les concours anciens, organisés lors d’obsèques
de personnages illustres, ou pour rappeler des exploits particuliers (la course de chars entre
Pélops et Oinomaos).
3ème partie : au stade
Dans l’après-midi du quatrième jour, une épreuve multiple, le pentathlon, ainsi que la course
en armes étaient organisées.
Le pentathlon comprenait 5 épreuves : la lutte, la course, le saut, le disque, le javelot… Pour
être déclaré vainqueur, il semble qu’il fallait remporter la victoire dans tous les exercices.
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La course en armes : les participants devaient, au début, porter l’armure complète de l’hoplite,
le citoyen équipé pour le combat : casque, cuirasse, épée, jambières. Plus tard, seul le
bouclier sera obligatoire.
4ème partie : les récompenses
Les agonothètes remettaient aux vainqueurs, devant le temple de Zeus olympien, la couronne
d’olivier et le rameau de palmier, sous les acclamations du public.
Ensuite, les cérémonies comprenaient des sacrifices et une procession, parfois suivis de
festins offerts à la foule par les vainqueurs. On discourait également sur des thèmes
philosophiques, et on assistait à des spectacles… La force et l’adresse physique étaient
constamment glorifiées.
Gare à l’ « Hybris » et à la jalousie des dieux !
S’ils étaient bien sûr immortels, ceux-ci, malgré leur divinité, étaient dotés des qualités et des
défauts des humains mortels… Les athlètes vainqueurs, pour conjurer la jalousie des dieux,
remettaient parfois certaines récompenses luxueuses (des trépieds de bronze par exemple) aux
prêtres, souvent de Zeus.
La gloire des vainqueurs : les « olympioniques »
Il n’y avait pas d’honneur plus grand, pour un grec, que de recevoir la couronne de l’olivier
sacré d’Héraklès, devant les peuples de l’Hellade assemblés dans le sanctuaire du plus
prestigieux des dieux !
Des jeux évolutifs
A l’origine, seule la course de stade existait, sur 192,25 mètres. Ce sera le cas jusqu’à la
XIIIème olympiade.
Puis, les nouveautés se multiplièrent : le « diaulos » ou double stade, avec un virage (-724), le
« dolichos » ou course de fond, sur une longueur variant de 7 à 24 stades (-720), le pentathlon
(-708, pour la XVIIIème olympiade), le pugilat (XXIIIème olympiade), la course de chars
(XXVème olympiade), les courses de chevaux montés et le pancrace (XXXIIIème olympiade),
la course en armes sur 2 ou 4 stades (-520 pour la LXVème olympiade),etc…
L’attirail des athlètes
Des haltères pour le saut, des lanières pour les poignets, des huiles, et des strigiles pour se
nettoyer la peau.
Les gardiens des Jeux : les « hellanodices » (les « juges de l’Hellade »)
Ils étaient tirés au sort 10 mois avant les Jeux, au sein des citoyens connus de la cité d’Elis.
Leur mission consistait à préparer les épreuves, surveiller leur déroulement, veiller au respect
des règlements, et à infliger des amendes. Selon les époques et le nombre d’épreuves, on
dénombrait entre 2 et 10 hellanodices.
Une « police » spéciale, les « alytes » servait d’auxiliaires aux hellanodices.
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Le serment olympique et les sacrifices
Ils avaient lieu le premier jour.
Vêtus d’une robe blanche, les athlètes, leurs pères et leurs frères, ainsi que leurs entraîneurs
prêtaient le serment devant l’autel de Zeus Horkios et la statue du dieu. Sur les quartiers d’un
verrat sacrifié, et en brandissant une tranche de chair de sanglier, ils juraient de respecter les
règlements du concours, sous peine de parjure, d’exclusion des Jeux et d’amendes (celles qui
payaient les « Zanes »).
On ne connaît pas la formule exacte du serment olympique, mais il s’agissait, pour l’athlète,
d’être loyal, de concourir en homme libre, pour l’honneur de son nom, de sa famille et de sa
cité, en craignant le courroux des dieux en cas de parjure.
Et la vertu sportive, l’ « arétê agonistique » ?
Une citation de Pausanias, au 2ème siècle : « La victoire devait s’obtenir non grâce à
l’argent mais grâce à des pieds rapides et à un corps vigoureux ».
Sorte de touriste antique, Pausanias décrit le site d’Olympie, en n’oubliant pas d’évoquer les
inscriptions gravées sur les socles des « zanes », les statues de Zeus en bronze, érigées grâce à
l’argent des amendes infligées par les hellanodices aux athlètes convaincus de corruption et de
fraude. Les plus anciennes « zanes » retrouvées datent du début du 4ème siècle avant notre ère,
à l’époque de la 98ème olympiade !!! Ainsi, le pugiliste Eupolos de Thessalie avait acheté trois
de ses adversaires, dont le précédent vainqueur olympique.
D’autres concurrents, des lutteurs et des « pentathlètes », se sont « illustrés » de pareille façon.
Du moins, les sportifs se préparant à faire leur entrée solennelle dans le stade étaient-ils
prévenus !
En outre, la politique intervenait dans les compétitions, car certaines cités grecques
n’hésitaient pas à jouer de leur influence au moment des Jeux olympiques, ou autres…par
exemple, on encourageait un citoyen d’une cité à se « naturaliser » membre d’une autre
« polis » pour renforcer la gloire de celle-ci… A cet égard, Pausanias évoque l’attitude du
coureur de fond Sotadès, déjà vainqueur olympique et originaire de Crète : « A l’olympiade
suivante, ayant reçu de l’argent du peuple d’Ephèse, il se fit Ephésien et, pour l’en punir,
les Crétois l’exilèrent ».
Par ailleurs, des propriétaires de chevaux pouvaient participer à la course, tout en étant jugesarbitres… Et des « entraîneurs » soumettaient leurs athlètes à des régimes parfois absurdes
pouvant provoquer la mort de leurs « protégés », mais peut-on parler de dopage ?
N’empêche que les Jeux Olympiques anciens ont duré plus de siècles !
L’idéal du « kalos kagathos »
Contraction de l’expression « kalos kai agathos » (« beau et vertueux »), cette maxime
évoquait, dans l’Hellade, l’idéal de l’équilibre, de l’harmonie entre le corps et l’esprit.
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Vers la fin des Jeux Olympiques anciens, supprimés par Théodose en 394
Après leur apogée au 5ème siècle avant notre ère, la guerre du Péloponnèse (de -431 à -404)
entre Athènes et Sparte provoquera une désaffection vis-à-vis des Jeux sensés apporter une
trêve de paix entre les Grecs… Le déclin olympique s’accentuera sous la domination
macédonienne. La fin de l’indépendance des cités ira de pair avec la professionnalisation
croissante des concurrents… Mercantilisme et politique impérialiste se conjugueront,
particulièrement après la conquête romaine en -146.
Ainsi, les épreuves réservées depuis des siècles aux seuls Hellènes seront ouvertes aux
vainqueurs romains, d’abord peu intéressés jusqu’au moment où les empereurs y verront une
source de prestige facile et irrespectueux des traditions olympiques.
Tibère et Germanicus feront participer des quadriges aux courses de chars… quitte, comme
Germanicus et Néron à courir eux-mêmes comme cochers !
La tricherie de Néron, déclaré vainqueur en 67, alors qu’il avait été incapable de terminer la
course sur son char attelé de 10 chevaux, est restée célèbre !
En outre, la popularité des jeux du cirque romains, et surtout des combats de gladiateurs,
rendra les épreuves olympiques obsolètes.
Enfin, le succès grandissant du christianisme ainsi que le militantisme intolérant de
l’empereur chrétien Théodose causeront l’abolition des jeux Olympiques « païens » en 394,
sans réaction significative….
Les Jeux Olympiques « modernes »
Souvenirs et projets de restauration des Jeux Olympiques
Nostalgie, érudition et archéologie
Enseveli par les destructions et par le temps, le site d’Olympie et ses jeux sont néanmoins
restés vivaces dans les souvenirs érudits, notamment lors de la renaissance humaniste du 16ème
siècle, et pendant le 18ème siècle, le « Siècle des Lumières » (Rousseau, Goethe, Kant). Et
nous avons déjà évoqué le rôle des diverses fouilles archéologiques sponsorisées et parfois
récupérées à des fins eugéniques et nationalistes par certains pays et certains régimes
politiques.
Idéal de restauration physique et olympique
Le 19ème siècle s’intéresse beaucoup à l’exercice physique et, forcément aux « Jeux » antiques,
en s’inspirant de la gymnastique grecque pour des raisons pédagogiques (4).
Un homme politique allemand, Friedrich Jahn, conçoit la première fête gymnique comme
« une fête nationale populaire au sens hellénique ».
En 1850, des « jeux olympiques » inspirés de l’Antiquité et de la chevalerie médiévale, sont
organisés au pays de Galles et, 9 ans plus tard, Ernst Curtius plaide, à Berlin, pour la
restauration des Jeux.
Le politicien et journaliste Paschal Grousset créateur de la « Ligue nationale de l’éducation
physique » souhaite, lui aussi, une telle résurrection en 1888.
Sept ans après, une parution américaine, « Sribner’s », publie une affiche annonçant le retour
des Jeux Olympiques.
C’est également au 19ème siècle que sont mises sur pied des manifestations sportives
« olympiques » en Suède et en Angleterre, notamment.
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Et en Grèce ?
Libérée de l’occupation turque, la Grèce veut fêter son indépendance, proclamée en 1829, en
recréant les Jeux Olympiques, et en renouant ainsi avec un glorieux passé. Malgré les
financements d’Evangelos Zappas d’Epirus, les jeux « helléniques » organisés entre 1859 et
1889, ne rencontreront que peu de succès.
Pierre de Coubertin (1863-1937) :
« Sans naturellement s’abaisser à l’esclavage ou même à une forme adoucie du servage, la
race supérieure a parfaitement raison de refuser à la race inférieure certains privilèges de
la vie civilisée ».
Pierre de Fredy, baron de Coubertin, qui se disait un « colonial fanatique », a, bien sûr, laissé
le souvenir du créateur des « J.O. » modernes….Mais, empreint d’un idéal élitiste, de
recherche de l’exploit, de la prouesse, le « grand humaniste » s’est aussi révélé comme
conservateur, raciste et sexiste…(5)
Venant d’une riche famille noble d’origine italienne, catholique et royaliste, il garde de son
passage chez les Jésuites une grande passion pour l’Antiquité. Sportif accompli, il constate, en
Angleterre, la place importante de l’éducation physique dans un système scolaire alors réservé
à une élite sociale…notamment au collège de Rugby !
Dès lors, il voudra encourager l’enseignement de l’exercice physique en France, où Jules
Ferry instaurera un cours de gymnastique obligatoire en 1880 seulement.
Coubertin observe avec intérêt les diverses tentatives de restauration des Jeux Olympiques et
déclare dans un amphithéâtre de la Sorbonne en 1892 :
« … Je souhaite que la renaissance de l’athlétisme dans le monde ait pour conclusion
nécessaire le rétablissement des jeux olympiques ».
Coubertin, Fauré et le C.I.O., 1894
Têtu, notre baron organise, le 16 juin 1894, et toujours à la Sorbonne, un « Congrès pour le
rétablissement des jeux olympiques ». A cette occasion, une soliste de l’Opéra de Paris,
interprétera, sur un fond musical de choeurs et de harpes, l’ « Hymne à Apollon » transcrit du
Grec par Théodore Reinach, et adapté par Gabriel Fauré… Et ce avec succès, car la
proposition de Coubertin sera adoptée unanimement par les 2000 représentants de 12
délégations française et étrangères.
Création d’un Comité international, le futur C.I.O. (Comité Olympique International), 1894
Après le Congrès, le baron crée ce nouveau Comité destiné à ressusciter les Jeux, et désigne 6
de ses amis très riches et de diverses nationalités pour en faire partie. Coubertin y devient le
Secrétaire général, et le Grec Dimitrios Bikelas le Président… Coubertin lui succèdera entre
1896 et 1925, avant d’en être le Président d’honneur.
Henri de Baillet-Latour, fondateur du Comité Olympique belge, sera le deuxième Président du
C.I.O.
Le choix d’Athènes pour 1896
La capitale grecque est alors désignée par le Congrès pour l’organisation des premiers Jeux
deux ans plus tard, donc en 1896.
L’idéal pédagogique est, nous le savons, empreint d’un élitisme vanté, notamment dans
l’image restée célèbre de la pyramide.
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La « pyramide » de Pierre de Coubertin : « Pour que cent se livrent à la culture physique,
il faut que cinquante fassent du sport ; pour que cinquante fassent du sport, il faut que
vingt se spécialisent ; pour que vingt se spécialisent, il faut que cinq soient capables de
prouesses étonnantes.»
Le CIO et la Charte olympique
Prédominance du C.I.O.
Rédigeant le « noyau » de la Charte olympique, les membres du Comité décident de
ressusciter les olympiades, ainsi que la périodicité quadriennale des Jeux. Le C.I.O. choisira
en outre la ville organisatrice, dans les candidatures avancées.
Il est alors prévu que les jeux d’Athènes comporteront 11 épreuves athlétiques, 5 en
gymnastique, 4 en escrime et lutte, 3 en tir, 10 en sports nautiques, 4 en « vélocipédie » et 3
en « jeux de tennis et de crickett ». L’équitation sera par contre supprimée.
Exclusion et réticences
Coubertin est adversaire de la présence d’athlètes féminines, mais il ne pourra empêcher
l’ « amateurisme anglo-saxon » de se développer.
Une charte souvent remaniée, sous l’égide du C.I.O.
Presque un siècle après la création du C.I.O., la Charte olympique de 1991 prouve le maintien
du rôle majeur joué par le Comité :
« L’olympisme est une philosophie de vie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré
les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit… »
« Le mouvement olympique groupe sous l’autorité suprême du C.I.O. les organisations,
athlètes et autres personnes qui acceptent d’être guidées par la charte olympique… ».
Le rituel évolutif des J.O. :
- l’adoption d’une devise (« citius, altius, fortius » : « plus vite, plus haut, plus fort ») en 1894,
et d’un emblème en 1913,
- le choix d’un drapeau en 1914,
- le serment olympique de l’athlète, inspiré de l’Antiquité en 1920,
- la flamme olympique en 1928,
- le relais de la flamme en 1936,
- le salut olympique…
- le rituel d’ouverture et de clôture, sans cesse plus fastueux
Retour aux sources : la renaissance des Jeux Olympiques, Athènes 1896
Le nouveau stade en marbre blanc, surplombé pat l’Acropole
Il sera financé par plusieurs sources : le banquier Averoff, l’Etat grec, une souscription
publique, et des timbres-souvenirs.
L’ouverture des Jeux d’Athènes, 5 avril 1896
295 participants défileront devant le roi Georges de Grèce et plus de 50 000 spectateurs ;
Le programme – une nouveauté mémorable et significative: le marathon
On dénombre 43 épreuves (athlétisme, lutte, haltérophilie, gymnastique, natation, tir,
cyclisme et escrime).
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Le premier marathon olympique et son vainqueur
En effet, le marathon n’a jamais existé dans l’Antiquité… Le C.I.O. a voulu commémorer la
course du soldat athénien Philippidès qui, à son arrivée dans la cité d’Athènes, aurait annoncé
la victoire remportée contre les Perses à Marathon en – 490… avant d’expirer…Si la distance
entre Marathon et Athènes est bien d’environ 40 kilomètres, l’existence du « coureur de
Marathon » n’a jamais été prouvée !
Le berger grec Spiridon Louys est le premier vainqueur du marathon, en 2 heures, 58
minutes et 50 secondes… Son exploit a été porté au pinacle par l’écrivain nationaliste français
Charles Maurras : « Lorsque le maillot blanc et bleu de M. Spiridon Louis a été signalé,
toutes les cigales attiques firent monter au ciel leur sèche et perçante chanson. »
Les riches heures et les heurts des Jeux, dans l’ordre chronologique
1896 : Athènes
1900 : Paris. les Jeux sont alors contemporains de l’Exposition universelle, alors que le C.I.O.
français est peu motivé. Il y aura même des courses en sac !
Malgré Coubertin, des femmes participent aux épreuves de golf et de tennis.
La « tenniswoman » Charlotte Cooper est la première championne olympique.
1904 : Saint Louis (USA), malgré le baron fondateur, et sans athlètes français, anglais et
italiens. Ces Jeux eurent peu de succès, contrairement aux « Anthropological Days » pendant
lesquels des compétitions opposeront des « primitifs » pygmées et sioux entre autres, au grand
amusement de Pierre de Coubertin !
Le premier tricheur et le premier dopé : Fred Lorz disqualifié pour avoir « couru à pied»
sur le marchepied d’une voiture, et Thomas Hicks, arrivé second et déclaré vainqueur, malgré
ses aveux. Il était saturé de cognac et de sulfate de strychnine.
1906 : organisation des jeux d’Athènes pour le 10ème anniversaire des premiers J.O. Mais le
label olympique fut refusé.
1908 : Londres. l’Anglais Halswelle sera le seul concurrent de la finale du 400 mètres, suite
à des disqualifications, et le marathonien italien Dorando dut être soutenu pour franchir en
vainqueur la ligne d’arrivée…avant d’être disqualifié.
1912 : Stockholm. Pour la première fois, des athlètes japonais, finlandais et russes participent
aux épreuves, et les concurrentes féminines accèdent à des disciplines supplémentaires. Pour
respecter les lois suédoises, les sports de combat sont alors interdits, contrairement aux
éphémères lancers à deux mains….Toutefois, c’est l’athlétisme qui se développe
particulièrement : courses de fond, courses de relais, pentathlon et décathlon (deux épreuves
dues à Coubertin, mais dont le vainqueur Jim Thorpe, un indien américain, sera plus tard
privé de ses médailles, pour professionnalisme au base-ball. Il sera réhabilité en 1983 ! )… A
noter que c’est Gustave V, le roi de Suède qui remettait alors les médailles aux vainqueurs !
C’est aussi lors du marathon de 1912 que le coureur portugais Lazaro succombera.
Une médaille d’or de littérature pour Pierre de Coubertin !!! Le baron y a présenté, sous un
pseudonyme, une « Ode au sport ».
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Les premières faillites du principe d’universalisme des J.O. destinés, par leur fondateur,
à : « construire un monde meilleur et plus pacifique ».
En 1914, le déclenchement de la Première Guerre mondiale provoque l’annulation des Jeux
prévus à Berlin en 1916. Il sera proposé de transférer les Jeux en Scandinavie, mais Coubertin
refusera.
Après le conflit, l’Allemagne et l’Autriche seront exclues des jeux d’Anvers et de Paris. ,
Quant à l’URSS « bolchevique », elle restera volontairement à l’écart des compétitions
olympiques entre 1920 et 1952.
1920 : Anvers…devant des tribunes peu remplies peu après la guerre. Les athlètes
américains (notamment Jack Kelly, le père de Grace), finlandais et suédois se taillent la part
du lion… L’équipe belge de football décroche la médaille d’or… suite à l’abandon de son
adversaire.
1924 : Paris.
Encore admis cette année-là, le tennis sera ensuite proscrit jusqu’aux Jeux de Séoul en 1988,
pour professionnalisme !
Les athlètes américains dominent l’athlétisme, de même que les Finlandais tels que Paavo
Nurmi, l’« l’homme qui courait avec son chronomètre » et Ville Ritola… C’est aussi l’année
du nageur Johnny Weismüller, le futur Tarzan.
Les Jeux de la VIIIème olympiade sont aussi ceux des premiers Jeux olympiques d’hiver,
à Chamonix…
1928 : Amsterdam : le retour des athlètes allemands et la participation féminine aux
épreuves d’athlétisme
Une innovation : la flamme olympique brûlera pendant toute la durée des compétitions.
Les concurrents allemands seront brillants en gymnastique et en aviron.
Les Japonais remporteront leurs premiers trophées, et les Finlandais confirmeront leurs
performances précédentes.
Les Français, mécontents de la francophobie néerlandaise… auront moins de succès.
Toutefois, la France remporte une victoire inattendue, dit-on, celle du marathonien El Ouafi,
un ouvrier algérien.
1932 : Los Angeles. Il s’agit de panser les plaies de la terrible crise de 1929… Le nouveau
stade du Coliseum (100 000 places) est grandiose, tout comme la cérémonie d’ouverture
devant le gratin d’Hollywood avec, notamment, les « Marx Brothers ». Quelques erreurs dues
à des juges distraits, ainsi qu’à un couloir mal tracé n’ont pas gâché le sentiment d’une
organisation impeccable, qui a impressionné les observateurs allemands, venus dans la
perspective des prochains Jeux à Berlin.
Lors de ces jeux, Paavo Nurmi sera disqualifié pour professionnalisme !
1936 : Berlin. Le choix de la capitale allemande remonte à 1931, quand l’Allemagne était
encore la République de Weimar... Barcelone avait alors été évincée. Personne n’avait pu
prévoir la fin de cette République « weimarienne » et l’avènement d’Hitler comme Chancelier
(Premier ministre) de l’Etat en janvier 1933… Les J.O. de 1936 se dérouleront donc dans la
capitale du IIIème Reich nazi, où les opposants aux Jeux n’étaient pas des moindres :
Goebbels, le futur ministre de la propagande, par exemple… Cependant, le pouvoir hitlérien
comprendra vite les avantages des J.O. berlinois….
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Une propagande effrénée et des préparatifs gigantesques feront des Jeux la fenêtre du régime
hitlérien : stade « kolossal », village olympique, relais de la flamme depuis Olympie, nouvel
hymne, et réalisation par Leni Rieffenstahl du film « Les dieux du stade »…
Ouverts le 1er août, les J.O. apporteront toutefois quelques déboires aux nazis, notamment les
quatre victoires du noir américain Jesse Owens : au 100 mètres, au 200 mètres, au relais
4x100 mètres, et au saut en longueur, face, en finale de cette épreuve, à un athlète allemand
« aryen ».
Néanmoins, le succès sera considérable pour le régime hitlérien, tant au point de vue sportif
qu’au point de vue politique… Ni les lois antisémites de Nuremberg (1935), ni la
remilitarisation de la Rhénanie (1936), ni la répression des sportifs allemands juifs,
catholiques et communistes n’ont pu ternir le « triomphe de la volonté » nazi… Aucun pays
invité ne fera défection. Le boycott des Jeux sera très réduit, malgré certaines déclarations
catégoriques, et malgré la violation de la Charte olympique (6).
Les Jeux d’hiver, organisés à Garmisch-Partenkirchen en février avaient aussi connu le succès.
Les louanges d’un Pierre de Coubertin âgé.
Presque oublié depuis sa retraite, qu’il vivait modestement en Suisse, le baron était fasciné par
Hitler. Celui-ci, désireux de l’instrumentaliser, avait vainement proposé Coubertin au Comité
du prix Nobel de la paix… Pierre de Coubertin recevra quand même une plantureuse rente de
100 000 reichsmarks avant l’ouverture des Jeux. Peu avant sa mort en 1937, il avait accepté
une invitation du chancelier allemand…
En 1936, il avait déclaré : « l’idée olympique sacrifiée à la propagande ? C’est entièrement
faux ! La grandiose réussite des Jeux de Berlin a magnifiquement servi l’idéal
olympique. »
Tergiversations japonaises, candidature finlandaise, et sanglante interruption due à la
Deuxième Guerre mondiale
Si le Japon avait présenté, en 1932,sa candidature pour la XIIème olympiade, et s’était même
engagé à héberger gratuitement les athlètes étrangers, ainsi qu à les transporter, tout aussi
gracieusement, sur des navires de guerre, il retire sa candidature en 1938 suite à des
problèmes intérieurs… De plus, des menaces de boycott américaines et anglaises étaient sans
cesse plus véhémentes dues à l’attaque nippone en Chine.
Le Comité olympique finlandais saute alors sur l’aubaine et obtient d’organiser les Jeux d’été
de 1940, Garmisch-Partenkirchen étant finalement désignée pour les jeux d’hiver, à la grande
joie du gouvernement hitlérien !
Les préparatifs allemands et finlandais seront interrompus peu de temps avant la Deuxième
Guerre mondiale.
J. Sigfrid Edström, successeur du Belge Baillet-Latour mort en 1941, et troisième
Président du C.I.O.
Le Comité entérine le choix des villes organisatrices de la XIVème olympiade.
Après la Deuxième Guerre mondiale : Jeux et enjeux d’un monde déchiré et
bouleversé
1948 : Saint-Moritz pour les Jeux d’hiver et Londres pour les Jeux d’été
Trois grands pays sont absents : l’Allemagne, exclue, l’U.R.S.S., qui reporte sa participation,
et le Japon, qui décline l’invitation : aléas de la « Guerre froide » ! Rappelons l’absence
volontaire de l’Union Soviétique entre 1920 et 1952, et celle de la Chine entre 1952 et 1980.
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Si les U.S.A. retrouvent leur suprématie athlétique, deux femmes s’illustrent particulièrement :
la « Hollandaise volante » Fanny Blankers-Koen, qui remporte 4 médailles d’or en athlétisme,
à l’âge de 30 ans, et la brillante pianiste française Micheline Ostermeyer, qui décroche 2
médailles d’or et une de bronze, également en athlétisme.
A signaler : le duel épique entre le français Mimoun et Zatopek, le « major galopant » tchèque,
vainqueur des 5000 et 10000 mètres.
Mais l’ambiance londonienne était morose au lendemain du conflit mondial, comme en
témoigne James Coote : « Londres n’était que ruines… Ils ont mis tous les athlètes dans le
camp de l’armée de l’air… Nombre de concurrents étaient des officiers qui avaient fait la
guerre, des anciens combattants. C’étaient surtout des Jeux olympiques militaires ! ».
1952 : Helsinki : chaleur humaine et « Guerre froide » Est-Ouest
C’est l’entrée en lice des athlètes soviétiques, souvent victorieux en gymnastique, et souvent
encouragés par les concurrents occidentaux… C’est le retour des sportifs allemands, mais
uniquement de l’Ouest (la R.F.A. date de 1949)…sur fond de guerre de Corée, alors que les
délégations des pays de l’est sont logées, à leur demande, hors du village olympique.
Le duel Mimoun-Zatopek recommence, avec, encore, le triomphe du « major galopant », en
outre vainqueur du marathon.
Signalons les premières victoires du Luxembourg et du Brésil sans oublier le plongeon dans la
piscine olympique, tout habillé et avec son béret basque, du père de Jean Boiteux, vainqueur
français du 400 mètres nage libre.
1952 : Avery Brundage, quatrième Président du C.I.O. jusquen 1972 : un
anticommuniste convaincu et un grand défenseur de l’amateurisme olympique !
1956 : Melbourne, pendant l’été australien de novembre.
Les Jeux sont alors boycottés par la Suisse, l’Espagne franquiste et les Pays-Bas protestant
contre la répression russe à Budapest, par la Chine populaire, protestant contre la présence
d’une délégation de Taïwan, par l’Egypte, l’Irak et le Liban, hostiles à l’admission des
délégations de la France, de l’Angleterre et d’israël, engagés militairement contre l’Egypte.
La violence du match de water-polo opposant, au sens propre, hongrois et russes, est
mémorable… De nombreux sportifs magyars ne sont pas rentrés dans leur pays !
C’est à Melbourne que, pour la première fois, des athlètes est-allemands participent aux
épreuves, mais dans une équipe commune à la R.F.A. et à la R.D.A., sous la direction, dit-on,
d’une ancien nazi.
Les nageurs australiens remportent de nombreuses victoires, et Mimoun triomphe au
marathon, à 35 ans.
1960 : Rome, Jean XXIII et l’eurovision
Devant les caméras de l’eurovision naissante (en noir et blanc), le pape accueille plus de 5000
sportifs venus de 84 pays. Si ces Jeux tournent à la déconfiture française, à la grande fureur de
Charles de Gaulle, ils sont aussi marqués par le décès du cycliste danois Jensen, en pleine
course, alors qu’il s’était sans doute dopé.
Les Italiens brillent en cyclisme, mais trois athlètes sont restés célèbres : l’Ethiopien Abebe
Bikila, vainqueur du marathon nocturne, l’Américaine Wilma Rudolph, « la gazelle noire »,
qui, après vaincu la polyomyélite dans son enfance, remporte à Rome 3 médailles d’or en
athlétisme, et le boxeur vainqueur Cassius Clay.
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1964 : Tokyo et la mondiovision
C’est devant l’empereur Hiro-Hito qu’un sportif né à Hiroshima le 6 août 1945, entre dans le
stade en portant la flamme olympique. Ce sont aussi les premiers J.O. asiatiques !
La quadruple défaite japonaise en judo, discipline qui fait alors son apparition dans les Jeux
(comme le volley-ball), bouleverse les supporters nippons, meurtris de la quadruple victoire
du hollandais Anton Geesink.
L’Américain Bob Hayes triomphe dans le 100 mètres en moins de 10 secondes, mais son
record ne sera pas homologué en raison d’un vent trop fort ! Et Abebe Bikila triomphe encore
dans le marathon, tout comme le Français Jonquères d’oriola en équitation.
A noter : l’exclusion de l’Afrique du Sud, à cause de l’apartheid.
1968 : Mexico : après la répression et les poings du « black power » !
Malgré la sanglante répression d’une manifestation étudiante à Mexico (300 morts !), le C.I.O.
et son président Avery Brundage (déjà favorable aux jeux de 1936 à Berlin) maintiennent
l’organisation des jeux dans la capitale mexicaine.
On se souviendra longtemps des poings levés et gantés de noir des athlètes noirs américains
Tommie Smith et John Carlos, premier et deuxième du 200 mètres, sur le podium pour
protester contre la ségrégation raciale aux U.S.A. !
Un autre noir américain, Bob Beamon, pulvérise le record du monde de saut en longueur,
avec des chaussettes noires, et son compatriote Richard Fosbury inaugure le saut en hauteur
sur le dos… N’oublions pas les victoires kenyannes en athlétisme, ni la médaille d’or de la
française Colette Besson en 400 mètres.
Les Jeux d’hiver de Grenoble : De Gaulle et Jean-Claude Killy
La grandiose cérémonie d’ouverture, de même que le coût exorbitant des cette manifestation
destinée aussi à flatter le pouvoir gaulliste sont à signaler, tout comme les triomphes
remarquables des skieurs français Jean-Claude Killy et Murielle Goitschel.
C’est pendant ces Jeux qu’une allemande de l’Est, disqualifiée pour tricherie en luge
monoplace féminine, a triomphé, mais… en luge biplace masculine !!!
1972 : Münich : le drame, mais « the Games must go on » (Avery Brundage)
Le 5 septembre 1972, onze otages israéliens, membres de la délégation olympique de leur
pays, et deux policiers allemands sont abattus par le commando palestinien « Septembre
noir ».
Au point de vue sportif, retenons les 7 médailles d’or et les 7 records du monde du nageur
américain Mark Spitz, ainsi que les exploits des « Lolitas », les très jeunes gymnastes telles
que la soviétique Olga Korbut.
La Rhodésie avait été exclue, suite aux exigences des pays africains.
1972 : Lord Killanin succède à Avery Brudage comme Président du C.I.O.
1976 : Montréal : boycott et démesure financière
89 Etats seulement sont représentés suite au départ de 40 délégations, surtout africaines,
protestant contre l’apartheid sud-africain, après le massacre de Soweto. L’équipe de Taïwan
sera exclue, mais non celle de Nouvelle-Zélande, malgré une rencontre de rugby avec les
Springboxs d’Afrique du Sud.
Le prix des infrastructures olympiques canadiennes (le stade par exemple) s’avère de plus en
plus exorbitant.
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Les nageurs américains sont souvent vainqueurs, mais c’est la jeune gymnaste roumaine
Nadia Comaneci qui marque les esprits, en triomphant de ses adversaires soviétiques… En
110 mètres haies, le Français Guy Drut remporte la médaille d’or.
1980 : Moscou (U.R.S.S.) pour les Jeux d’été, et Lake Placid (U.S.A.) pour les jeux
d’hiver
Moscou : encore un boycott, pour les premiers Jeux dans un pays communiste
81 pays seulement sont présents, suite au boycott de 58 nations écoutant les recommandations
du Président américain Jimmy Carter. Il s’agit de réagir contre l’invasion soviétique en
Afghanistan, et contre le non-respect des droits de l’homme en U.R.S.S. Ainsi, les U.S.A., le
Canada, la R.F.A, le Japon, et même la Chine populaire, qui n’avait jamais participé aux Jeux,
se sont abstenus…
Dès lors, les athlètes soviétiques et allemands de l’Est se sont taillé la part du lion.
Une remarque : l’embargo américain n’a pas empêché les firmes « capitalistes » occidentales
de « faire des affaires » en Union soviétique.
Les Jeux d’hiver de Lake Placid : surveillance et rivalité
Les athlètes sont logés dans une future prison sous la protection de 1500 policiers
La finale de hockey sur glace verra la victoire mouvementée des U.S.A. sur l’U.R.S.S.
1984 : Los Angeles : toujours le boycott, et une nouveauté : l’autonomie financière
Prétextant l’ « hystérie antisoviétique » américaine, L’Union soviétique et ses « satellites »
européens, sauf la Roumanie (qui remportera de nombreuses victoires) , ainsi que Cuba et
l’Afghanistan sont absents en Californie. Par contre, la Chine populaire fait son apparition.
La « nouvelle flèche noire » : c’est le surnom de l’américain Carl Lewis, qui remporte 4
médailles d’or en athlétisme…Les exploits de ses compatriotes Moses en athlétisme et Gross
en natation sont aussi remarquables
1984 : Juan Antonio Samaranch nouveau Président du C.I.O.
Par une politique audacieuse de sponsoring privé, Samaranch essaye d’éviter aux pays
organisateurs de trop lourds coûts financiers.
1988 : Séoul : « Harmonie et progrès »
Telle est la devise de ces Jeux organisés dans une Corée du Sud sortant péniblement d’une
longue dictature militaire.
Malgré l’absence de la Corée du Nord, de l’Albanie, de l’Ethiopie , du Nicaragua et de Cuba,
et nonobstant une ambiance très sécuritaire, 160 pays et 9500 athlètes participent aux J.O.
Le pays organisateur remporte 12 médailles d’or et le tennis refait apparition.
La nageuse est-allemande Kristin Otto triomphe 6 fois, et le nageur américain Matt Biondi 5
fois.
Dopage et tragédie
Après avoir triomphé à trois reprises en athlétisme, l’américaine Florence Griffith Joyner, au
« look » particulier, mourra à 38 ans, officiellement d’une épilepsie. Mais c’est le Canadien
Ben Jonhson qui perdra sa médaille d’or du 100 mètres pour dopage.
1992 : Barcelone et Samaranch
Le rôle du Président barcelonais du C.I.O. a été déterminant dans le choix de la capitale
catalane, au détriment de Paris.
Après la chute du mur de Berlin, une seule délégation réunit les athlètes de toute l’Allemagne,
alors que l’Afrique du Sud est de nouveau admise… De nouveaux sports attirent l’attention :
le badminton, le base-ball, le judo féminin, la pelote basque et le golf.
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Signalons les victoires de la française Marie-Jo Perec et du britannique Lindford en athlétisme,
ainsi que le triomphe, en basket, du « dream team » professionnel de Michael Jordan, sans
oublier les 6 médailles d’or du gymnaste russe Vitali Chtcherbo.
1996 : Atlanta : les « Jeux du centenaire » aux U.S.A.
Marqués par un attentat, et entièrement privatisés, ils se caractérisent par une mauvaise
organisation, allant de pair avec le chauvinisme du public américain… C’est Mohammed Ali
(Cassius Clay, médaille d’or de boxe en 1960), atteint de la maladie de Parkinson, qui a
allumé la flamme… Les USA empochent 24 médailles d’or, et il faut se souvenir des exploits
du français Jean Galfione à la perche, du sprinter américain Michael Johnson et de la
française Marie-Jo Perec en athlétisme.
2000 : Sydney, les J.O. de l’an 2000
Parmi d’autres villes candidates, Pekin n’est pas retenue, pour non-respect des droits de
l’homme. En Australie, un budget considérable permet de construire le stade de 110000
places, ainsi que des installations respectueuses de l’environnement… 300 épreuves seront
disputées, parmi lesquelles des nouveautés : le triathlon et le taekwando ; l’haltérophilie
comme le pentathlon admettent les concurrentes.
A signaler : le défilé des athlètes des deux Corées sous le même drapeau, et la première
victoire vietnamienne… Quant au judoka français David Douillet, il remporte sa troisième
médaille.
Sa compatriote cycliste Jeannie Longo sera plusieurs fois médaillée (d’argent à Barcelone,
d’or et d’argent à Atlanta, d’or à Sydney).
2004 : Athènes (après 6 tentatives) : corruption, inflation du budget mais aussi…
émotion
Plusieurs épreuves se déroulent à Olympie et sur les sites de 1896 à Athènes.
201 pays participent et 301 compétitions sont organisées… La Chine, désignée pour 2008, se
classe deuxième, derrière les U.S.A.
On sait l’impact désastreux du budget colossal de ces Jeux sur l’économie grecque…
Plusieurs édifices olympiques sont aujourd’hui laissé à l’abandon !
2008 : Pékin et le stade « en nid d’oiseau »
Oubliées l’invasion du Tibet, le mépris de l’environnement et des droits de l’homme !
Un cocorico : la médaille d’or deTia Hellebaut pour le saut en hauteur…
2012 : Londres, au souvenir encore récent, avec 3 médaillés belges
Ce qui me permet de rappeler le nom de quelques médaillés olympiques belges :
Justine Hénin (tennis) à Athènes en 2004, Ingrid Berghmans (judo) à Séoul en 1988,
Frederik Deburghgraeve ( natation) et Ulla Werbrouck (judo) à Atlanta en 1996, Roger
Ilegems (cyclisme) à Los Angeles en 1984, Robert Vandewalle (judo) à Moscou en 1980,
Gaston Roelants (athlétisme) et Patrick Sercu (cyclisme) à Tokyo en 1964, Gaston Reiff
(athlétisme) à londres en 1948, etc …
Deux dernières informations :
-depuis 2001, le chirurgien belge Jacques Rogge est le Président du C.I.O.
-depuis 1960, les jeux Paralympiques sont organisés.
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Brève conclusion :
Elle est très semblable à celle qui a été émise à propos des Jeux Olympiques anciens : malgré
toutes les vicissitudes, les corruptions, le chauvinisme, le fanatisme, les guerres, le
mercantilisme, les Jeux ont pu célébrer leur centenaire ; puissent-ils durer aussi longtemps
que leurs prédécesseurs antiques !
Une citation :
«L’important dans ces olympiades, c’est moins de gagner que d’y prendre part »
(extrait d’un sermon prononcé par l’évêque de Pennsylvanie à Londres en 1928).
Notes
(1) Pindare est un poète lyrique grec des 6ème et 5ème siècles avant notre ère… Auteur de récits
mythiques, il a rédigé les Epinicies glorifiant les vainqueurs des épreuves olympiques.
(2) Pausanias a rédigé une Description de la Grèce au 2ème siècle.
(3) Le pugilat est une lutte à coups de poing, et les mains des pugilistes sont armées de
courroies en peau de bœuf.
Le pancrace est un combat où tous les coups sont permis, sauf enfoncer ses doigts dans les
yeux, le nez ou la bouche de l’adversaire.
(4) En Belgique, de tels idéaux inspireront les pionniers de l’ « Education populaire » à la fin
du 19ème siècle et dans la première moitié du 20ème siècle, notamment lors de la création de la
Commission Provinciale des Loisirs de l’Ouvrier à Haine-Saint-Pierre en 1919.
(5) En 1853/1855, Joseph de Gobineau a publié l’ « Essai sur l’inégalité des races humaines »,
dans lequel il vante la supériorité de la « race aryenne » !
(6) La Charte stipulait : « toute forme de discrimination à l’égard d’un pays ou d’une
personne, qu’elle soit pour des raisons raciales, religieuses, politiques, de sexe ou autres, est
incompatible avec l’appartenance au mouvement olympique »