Compléments alimentaires comment s`y retrouver

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Compléments alimentaires comment s`y retrouver
Les Médicales
du Sport
en Bourgogne
Compléments alimentaires :
comment s’y retrouver ?
Vendredi 23 avril 2010
Amphithéâtre du C.R.E.P.S.
de Bourgogne —Dijon
Jean-Pierre FOUILLOT
Médecin du CROS Ile-de-France,
Praticien hospitalier
Nathalie LAUER
Médecin Conseiller à la
D.R.J.S.C.S. de Bourgogne
François HELIE
Kinésithérapeute et membre du
CDOS de Côte-d'Or
Patrick AVIAT
Médecin du CROS de Bourgogne
« Compléments alimentaires : comment s’y retrouver ? »
16h 00 :  Ouverture et présentation
P.2
1ère PARTIE : Compléments alimentaires : comment s’y retrouver ?
P.5
16h 30 :  Intervention du Dr. Jean-Pierre FOUILLOT, Médecin du C.R.O.S. Île-de-France et Médecin de
l’Antenne Médicale de Prévention du Dopage d’Île-de-France
- Qu’est-ce qu’un complément alimentaire ?
- Les compléments alimentaires sont-ils indispensables ?
- Le sportif risque-t-il d’être dopé s’il prend des compléments alimentaires ?
- Certains compléments alimentaires sont-ils dangereux pour la santé ?
- Les boissons énergisantes sont-elles des boissons de l’effort et de la récupération ?
- Quelle conduite à tenir face aux compléments alimentaires ?
18h 00 :  Débat avec la salle – Modérateur : Docteur Nathalie LAUER, Médecin Conseiller à la D.R.J.S.C.S.
de Bourgogne.
2ème PARTIE : Ateliers pratiques
P.27
18h 20 :  Atelier n° 1
« Comment reconnaître les compléments alimentaires faisant courir un risque de dopage ou
présentant un risque pour la santé du sportif ? », par le Dr. Jean-Pierre FOUILLOT.
18h 50 :  Atelier n° 2
« La mallette du Kinésithérapeute sur les terrains de sport», présentation et démonstration, par
François HELIE, Kinésithérapeute et membre du C.D.O.S. de Côte d’Or.
CLOTURE
19h 20 :  Docteur Patrick AVIAT, Médecin du C.R.O.S. de Bourgogne.
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P. 30
OUVERTURE ET PRESENTATION
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M. Jean-Pierre PAPET, Président du C.R.O.S. de Bourgogne
Bonsoir et merci à tous de votre présence. Je tiens à remercier le Docteur FOUILLOT de venir nous voir en Bourgogne.
Je laisse maintenant la parole à Nicolas NIBOUREL.
M. Nicolas NIBOUREL, Directeur Adjoint de la D.R.J.S.C.S. de Bourgogne
C’est tout naturellement que je vais m’associer aux remerciements que vient de formuler Jean-Pierre PAPET.
Comme vous le savez, il y a eu un certain nombre d’éditions des « Médicales du sport ». Elles sont devenues un
incontournable au même titre que « Les Automnales du sport » et je ne peux que me féliciter de voir que la Direction
Régionale soutient cette opération et en plus y participe activement, ne serait-ce qu’avec la présence de Nathalie LAUER,
notre médecin régional.
Quand on reprend le thème de 2010, vous avez sans doute remarqué qu’il est présenté sous forme de question : « Les
compléments alimentaires. Comment s’y retrouver ? »
C’est une bonne question. Je pense que nous ne sommes pas les seuls en France à nous l’être posée. J’insisterai même en
disant qu’au plus haut niveau, l’État y a déjà réfléchi et a pris un certain nombre de dispositions, ne serait-ce que par deux
textes importants :
en 2006, un décret relatif aux compléments alimentaires,
récemment, le 21 juillet 2009, la loi Hôpital Patients Santé et Territoire. L’État a confié à l’A.F.S.S.A. (Agence
Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) le soin de mettre en œuvre un système de vigilance autour des
compléments alimentaires.
Cette loi avait au moins deux raisons importantes d’être votée :
- la première, c’est qu’il a été déjà largement observé, même avant de mettre en place un système de veille, que
les compléments alimentaires pouvaient entraîner des effets indésirables et parfois des effets graves. Il suffit pour cela de
regarder le site de notre ministère où de temps en temps apparaissent des alertes sur la dangerosité de certaines gammes
de produits.
- la deuxième raison est aussi presque inquiétante. Dans tous les cas elle justifie la mobilisation : nous avons à
faire à un marché en expansion et la consommation de ces compléments alimentaires augmente depuis quelques années
dans la population française.
Il existe un système relativement pervers avec ces compléments alimentaires car, d’une part, ils sont souvent jugés anodins,
à tort évidemment, parce que certains de ces produits, en effet, sont dérivés des plantes et d’autre part parce que ces
produits sont facilement accessibles par Internet, avec souvent une forte promotion faite par les magasines sportifs.
Alors dans tout cela quelle serait la position de la Direction Régionale ? A mon sens, je dirais qu’il convient de regarder ce
phénomène des compléments alimentaires à travers la lorgnette des conduites dopantes, de par l’accessibilité aux produits,
et le risque de dépendance, en considérant que la prise de compléments alimentaires est la première marche vers le
dopage.
Notre rôle me semble t-il est simple : d’abord savoir de quoi nous parlons (et c’est notre sujet ce soir) et ensuite mener une
prévention adaptée.
Je vais maintenant laisser la parole aux spécialistes pour nous apporter les précisions que nous attendons, et nous dire
dans quel cadre s’inscrivent ces compléments alimentaires.
Dr. Patrick AVIAT, Médecin du C.R.O.S. de Bourgogne
Bonjour à tous. Je vous présente les actions conduites par la commission médicale du C.R.O.S., en collaboration étroite
avec la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale.
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1/ Le premier travail qui a débuté en 2004 est la campagne sur la mort subite, avec, comme notion forte, celle du geste
citoyen.
Depuis deux décrets ont élargi l’utilisation des défibrillateurs :
le décret du 4 mai 2007 permet l’utilisation d’un appareil automatisé par toute personne, même non médecin,
le décret du 6 novembre 2009 stipule qu’une simple initiation brève en trente minutes suffit pour acquérir les
gestes efficaces en cas de mort subite.
Nous avons commencé un travail de recensement des défibrillateurs en milieu sportif. Par ailleurs, au niveau national, le
Ministère de la santé fait également un recensement à destination des SAMU pour connaître la localisation des appareils et
leur disponibilité en cas d’accident cardiaque.
Le C.R.O.S. a été présent sur des manifestations de masse comme le semi-marathon de Beaune. L’équipe du Dr JeanPierre RIFLER et Richard BIDET ont tenu un stand toute la matinée. Il y a eu plus de 2 500 coureurs et une trentaine de
personnes se sont initiées aux défibrillateurs.
Nous avons un programme 2010 sur quatre autres épreuves de masse, la prochaine étant pour le 12 juin au stade Colette
BESSON et une autre à Auxerre pour les journées U.N.S.S. nationales.
Je vous rappelle rapidement qu’au sujet de la campagne sur la mort subite, une réunion d’experts s’est réunie au C.N.O.S.F.
en janvier 2010.
Cette commission est arrivée à des conclusions, consensuelles et pratiques.
Le professeur François CARRE a donné des indications très précises sur l’efficacité et le rôle primordial de la visite médicale
de non-contre-indication, c'est-à-dire en effectuant l’électrocardiogramme systématique de repos à partir de 12 ans et au
moins un électrocardiogramme pour la première visite.
Ceci n’est pas fait en France du tout contrairement aux pays européens, qui ont beaucoup moins de cas de morts subites
que dans l’hexagone.
Le professeur CARRE insiste beaucoup sur la visite médicale qui doit comprendre une éducation du sportif, avec la remise
d’un guide de bonne pratique, de bonne conduite, précisant les règles d’or pour les périodes de sport, ainsi que des
informations sur les produits dopants (connaissance de la liste des substances interdites, risques pour la santé).
En ce qui concerne les conclusions pratiques, le Professeur Xavier JOUVEN nous apporte les indications suivantes :
- il faut un cahier des charges pour toute manifestation, précisant le lieu où se trouve le défibrillateur, les numéros
de téléphone d’urgence (secouristes, hôpital local,…). Un listing précis devrait être rempli avant chaque manifestation.
- l’initiation brève et rapide à l’utilisation du défibrillateur doit être développée partout. Trente minutes suffisent à
partir de 12 ans pour savoir utiliser un défibrillateur en cas de mort subite. Une formation longue n’est absolument pas
indispensable.
2/ Les autres actions suivies par le C.R.O.S. sont les suivantes :
- la mallette sport santé du C.N.O.S.F. : c’est un outil pédagogique, d’informations sur les règles de bonnes
pratiques sportives et de prévention du dopage. Des mallettes existent dans la région, elles doivent être réactualisées. Les
lieux de diffusion sont essentiellement les centres médicaux sportifs, les C.D.O.S., les C.O.D.E.S. (Comités Départementaux
d’Education pour la Santé) et le C.R.O.S.
- la médicalisation des épreuves sportives : c’est un problème qui se présente tous les week-ends, pour les
organisateurs et pour les médecins. Nous avons donc mis en place un groupe de travail avec un médecin du sport, le Dr
Francis MICHAUT, une stagiaire en droit (Alice de ROBILLARD) et une spécialiste du droit du sport, maître de conférences à
l’Université de Bourgogne (Cécile CHAUSSARD). Ce groupe va recenser toutes les obligations des fédérations et va
travailler sur les obligations juridiques afin d’éditer un livret à destination des médecins et des organisateurs de
manifestations sportives afin de disposer de conduites à tenir cohérentes et pratiques.
- les conduites dopantes : un groupe de travail a été formé à Bourges en 2008, à l’occasion d’un séminaire de
formation national. Ce groupe est composé de représentants du C.R.O.S., de la D.R.J.S.C.S., du C.O.D.E.S 21 (Comité
Départemental d’Education pour la Santé), du C.I.R.D.D. (Centre Interrégional d’Information sur les Drogues et
Dépendances), et de l’antenne médicale de prévention de dopage. Une action de prévention et de lutte contre les conduites
dopantes est en cours, à l’attention des encadrants de structures sportives, en particulier les CTS (conseillers techniques
sportifs).
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- la formation des escortes : ce sont des personnes qui ont pour missions d’informer le sportif de sa convocation
à un contrôle antidopage et de le suivre afin qu’il ne puisse pas échapper au contrôle ou réaliser des manœuvres
frauduleuses. La présence d’escortes est imposée lors des compétitions internationales (et très recommandée pour les
compétitions nationales). Ce sont théoriquement les fédérations qui se chargent de former ces escortes. Le C.R.O.S. s’est
proposé d’aider les structures régionales pour cette formation, qui a eu lieu dans les 4 départements. La matinée de
formation s’est terminée par une initiation à l’utilisation du défibrillateur.
- la Société Bourguignonne de Médecine du Sport a été réactivée. Cette société fait actuellement un effort en
ce qui concerne la formation des médecins du sport et des médecins généralistes. D’ailleurs, une réunion de formation s’est
tenue hier soir, le sujet en était la chirurgie du genou après rupture du ligament croisé du genou et la rééducation.
3/ Les projets pour le reste de l’année :
- bien sûr nous poursuivons les actions en cours,
- nous allons nous intéresser à la promotion des activités physiques et sportives à destination de certains
publics (les enfants, les obèses, les femmes, les communautés un peu défavorisées …).
L’objectif est de repérer dans toutes les fédérations des pratiques sportives non compétitives. Beaucoup de fédérations s’y
sont mises, comme l’athlétisme, la natation, l'E.P.G.V., etc.
Nous voudrions recenser toutes les offres d'activités physiques et sportives non compétitives pour orienter les populations
citées plus haut vers ces types d’activités.
C’est un travail assez lourd, qui devrait permettre à un bon nombre de pratiquants de mettre en application les
recommandations de pratique régulière comme facteur de santé.
4/ Suite de la soirée
Je vais maintenant laisser la parole au Docteur Jean-Pierre FOUILLOT, médecin du C.R.O.S. Ile de France. Il est praticien
hospitalier, chargé de conférence à Bobigny. Il était président de l’association des antennes médicales de prévention du
dopage.
Il est toujours le référent en France des produits dopants. J’ai eu l’occasion d’entendre Jean-Pierre FOUILLOT à Biarritz, au
C.N.O.S.F. au mois de mars pour les journées médicales sport-santé C.N.O.S.F. Au mois de juin, il intervient à l’A.F.L.D. et
aujourd’hui nous avons la chance de l’avoir avec nous. Je tiens à le remercier chaleureusement de sa présence.
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PREMIERE PARTIE : Compléments alimentaires : comment s’y retrouver ?
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Dr Jean-Pierre FOUILLOT, Médecin du C.R.O.S île de France, praticien hospitalier
Je tiens à remercier Patrick AVIAT de m’avoir invité si gentiment à venir parler des compléments alimentaires en Bourgogne.
C’est un très grand plaisir d’être ici car j’ai une affection particulière pour la Bourgogne pour y avoir été il y a fort longtemps,
très bien accueilli par Monsieur Jacques PEPIN avec qui nous avions des travaux communs à nos deux laboratoires.
Malheureusement il n’est plus là. Il est parti trop tôt, c’est un immense souvenir que j’ai gardé de lui et de ce qu’il a pu faire
dans la région.
Le deuxième point que je voulais évoquer en préambule est le souvenir que j’ai de l’intérêt que porte la Bourgogne et Dijon
en particulier à la nutrition et aux sciences de la nutrition. Je me fais donc tout petit pour venir parler ici des compléments
alimentaires !
Je remercie Monsieur le Directeur-adjoint de son introduction, mais lorsque je l’ai entendu, je me suis demandé ce que
j’allais bien pouvoir dire car les points qu’il a avancé étaient justement ceux que je souhaitais évoquer à propos des
compléments alimentaires : le problème des conduites dopantes, le problème des risques pour la santé, la diététique plus ou
moins correcte pour les sportifs.
C’est un très vaste problème, qui touche aussi bien à l’économie qu’au marketing, qu’aux aspects médicaux, qu’aux aspects
de dopage, qu’aux aspects psychologiques et sociologiques.
Je vais donc essayer de couvrir un peu tous ces aspects en six questions :
1/ Qu'est-ce qu'un complément alimentaire ? Parce qu'il y effectivement une question de définition.
2/ Les compléments alimentaires sont-ils indispensables ?
3/ Le sportif risque t-il être dopé s'il prend des compléments alimentaires ?
C’est la première question posée par le sportif. « Est-ce que je risque quelque chose si je le prend ? ». Il ne se pose pas tout
d’abord la question « A quoi ça peut servir ! ».
Il faut savoir qu’à peu près 40% des appels à Ecoute-dopage concernent les compléments alimentaires.
4/ Les compléments alimentaires sont-ils dangereux pour la santé ?
Il y a dans les compléments alimentaires des produits qui ne sont pas inscrits sur la liste des produits dopants (mais peuvent
faire partie des produits sous surveillance) et qui ne sont donc pas sans risque pour la santé.
5/ Les boissons énergisantes sont-elles des boissons de l'effort et de la récupération ?
Même si cela ne fait pas partie stricto sensu des compléments alimentaires, nous retrouvons le même processus mental de
marketing.
6/ Quelle conduite à tenir face aux compléments alimentaires ?
Comment peut-on aborder ce problème ? Nous évoquerons, entre autre, le dispositif de surveillance mis en place par
l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (A.F.S.S.A.), énoncé précédemment.
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AVANT D’ABORDER EN DÉTAIL LES SIX POINTS CITÉS, REGARDONS D’UN PEU PLUS PRÈS L’HISTOIRE DES
COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES ET LEUR UTILISATION DANS DIFFÉRENTS MILIEUX.
Les compléments alimentaires sont à la fois un concept moderne et une histoire ancienne.
Rappelons que les maladies de carences sont prévenues par la prise de certains aliments :
le scorbut : lors des grandes expéditions maritimes on emportait des oranges et des pamplemousses, pour
apporter de la vitamine C,
le rachitisme : l’apport de vitamine D par la consommation d’huile de foie de morue permet un apport suffisant
en vitamine D,
le goitre thyroïdien : l’iode fourni par le sel marin ou les poissons limitent les maladies de ce type
l’anémie : prévenue par la prise de viande rouge contenant du fer ; voire par d’autres pratiques comme le
tisonnier rougi, trempé dans la bière (dans le Nord et la Champagne, avec un apport d’ions ferriques qui
diffusent dans la bière).
Mais il n’est pas possible de connaître exactement les quantités de vitamines ou sels minéraux apportés par les aliments,
cela dépend entre autre des conditions de culture et de la nature des sols. Ainsi ce problème est celui de la médecine par
les plantes, où il est difficile de maîtriser la posologie.
Les progrès de la biochimie ont permis d’identifier les molécules qui sont indispensables à la santé, puis d’extraire les
vitamines et les minéraux à partir des plus riches, de rendre stables les concentrations délivrées, et de synthétiser de façon
industrielle les vitamines.
Il y a donc eu parallèlement :
le développement du marché de la santé pour la prévention des carences
la recherche du bien être, la médecine anti-âge, la prévention des maladies multifactorielles dites de
civilisation
la recherche de la performance pour les sportifs.
Nous voyons donc toute l’ampleur du marché !
Examinons de plus près l’utilisation en milieu sportif :
Une méta-analyse de 1994, c’est-à-dire une compilation de 51 études, montre que sur 10 274 sujets, nous pouvons noter
une prévalence moyenne de 46% (entre 6% et 100%), avec plus de consommation dans l’élite sportive et chez les femmes.
Ceci peut s’expliquer par une réticence féminine à utiliser des produits plus « hard » (comme les produits dopants) et donc
un recours plus facile aux compléments alimentaires, mais cela relève tout autant d’une conduite dopante (méta-analyse de
Sobal et Marquart, Vitamin/mineral supplement use among athletes a review of the literarure. Int J Sort Nutr 1994;4:320-334)
Une étude menée par la Fédération Internationale d’Athlétisme sur 310 athlètes de l'élite mondiale entre 2004 et 2006 révèle
que la très grande majorité (85%) des athlètes consomme des compléments alimentaires.
En ce qui concerne la prévalence d’utilisation chez les sportifs de haut niveau
Les différentes études montrent toutes une prévalence au moins supérieure à 50%, cela peut aller jusque 95% d’utilisation.
Pour les jeunes sportifs :
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Ces études faites dans les pays anglo-saxons montrent que, trop tôt, certains jeunes pris dans une ambiance de groupe
sont dans cette pratique de prise de produits. Ainsi 38% à 71% des jeunes, dès 16 ans, consomment des compléments
alimentaires (étude de Ziegler).
Quels sont les produits utilisés chez les jeunes ?
Il s’agit souvent de la vitamine C, ou de produits multi vitaminés, sans risque trop important pour la santé, même si le
surdosage en vitamines existe (comme dans certaines boissons énergisantes). Par contre, il est désolant de constater la
consommation de produits dérivés de l’herboristerie (étude de Ziegler) des protéines (étude de Bell) ou des produits
énergisants.
Abordons maintenant les motifs d’utilisation
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Il est cohérent de penser que les compléments alimentaires correspondent à des compléments par rapport à un déséquilibre
nutritionnel. Effectivement cet argument est cité dans 35% des réponses fournies lors d’une enquête de 2002. En fait les
premières raisons d’utilisation sont la recherche de produits énergisants (« pour avoir du pep’s »), puis des produits pour
perdre du poids et/ou de la graisse, pour accélérer la prise de masse musculaire, pour obtenir un effet anxiolytique. Les
motivations indiquées sont clairement des motivations de conduites dopantes.
VENONS-EN À PRÉSENT À NOS SIX QUESTIONS :
1/ QU'EST-CE QU'UN COMPLEMENT ALIMENTAIRE ?
En France, deux décrets du 10 avril 1996 et du 14 octobre 1997 indiquent clairement que « les compléments alimentaires
sont les produits destinés à être ingérés en complément de l’alimentation courante, afin de pallier l’insuffisance réelle ou
supposée des apports journaliers ».
La directive européenne 2002/46/CE fait actuellement autorité : ce sont « des denrées alimentaires dont le but est de
compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant
un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés ».
La législation européenne a été transposée en France seulement en 2006, de par la volonté française d’avoir un décret un
peu plus contraignant ! Donc le texte officiel est paru le 20 mars 2006 (décret 2006-352).
Le texte du décret reprend les termes européens et précise certains éléments : les compléments alimentaires sont des :
« denrées alimentaires, dont le but est de compléter le régime alimentaire normal,
qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances
ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés
commercialisés sous formes de doses
dont les formes de présentation sont bien définies ».
Quelles sont les substances qui peuvent être utilisées dans la fabrication des compléments alimentaires ?
Cela peut être des nutriments : vitamines et minéraux
selon une liste positive définissant des limites maximales (en effet, si un certain seuil est dépassé, la vitamine
devient un médicament). Cela a posé un problème avec les Anglo-Saxons qui ne voulaient pas de cette
notion de dose maximale, ils voulaient pouvoir utiliser n’importe quelle dose !
indiquant la dose journalière recommandée.
Cela peut aussi être des substances à but nutritionnel ou physiologique :
des substances chimiquement définies possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques
à l'exception des nutriments et des substances possédant des propriétés exclusivement pharmacologiques.
D’autres produits sont autorisés :
les autres ingrédients dont l’utilisation en alimentation humaine est traditionnelle ou reconnue comme telle
les additifs, les arômes et les auxiliaires technologiques dont l’emploi est autorisé en alimentation humaine
les plantes traditionnellement considérées comme alimentaires, à l’exclusion de leurs préparations non
traditionnelles en alimentation humaine.
les plantes ou les préparations de plantes possédant des propriétés pharmacologiques sont exclues des
compléments alimentaires.
Voici les plantes utilisées dans les compléments alimentaires : (Code de la santé publique - art. d4211-11 (V)) elles sont
inscrites à la pharmacopée et peuvent être vendues en l'état par des personnes autres que les pharmaciens et les
herboristes :
bardane, bouillon blanc, bourgeon de pin, bourrache, bruyère, camomille, chiendent, cynorrhodon,
eucalyptus, frêne, gentiane, guimauve, hibiscus, houblon, lavande, lierre terrestre, matricaire, mauve, mélisse,
menthe, ményanthe, olivier, oranger, ortie blanche, pariétaire, pensée sauvage, pétales de rose, queue de
cerise, reine des prés, feuilles de ronces, sureau, tilleul, verveine, violette.
Ces plantes ne sont pas très efficaces sur la performance, ni trop toxiques, à la différence du guarana et du tribulus
terrestris, plus souvent retrouvés ! Ce ne sont donc pas les plantes de cette liste que nous allons retrouver dans les
compléments alimentaires.
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Il existe des dispositions relatives à l'étiquetage des compléments alimentaires :
-
le nom des catégories de nutriments ou substances caractérisant le produit ou une indication relative à la
nature de ces nutriments ou substances,
la portion journalière de produit dont la consommation est recommandée,
un avertissement indiquant qu'il est déconseillé de dépasser la dose journalière indiquée,
une déclaration visant à éviter que les compléments alimentaires ne soient utilisés comme substituts d'un
régime alimentaire varié,
un avertissement indiquant que les produits doivent être tenus hors de la portée des jeunes enfants.
La phrase indiquée dans l’article 11 du décret est à répéter et rabâcher aux sportifs pour qu’ils intègrent ces notions :
« L'étiquetage, la présentation et la publicité des compléments alimentaires ne portent aucune mention affirmant ou
suggérant qu'un régime alimentaire équilibré et varié ne constitue pas une source suffisante de nutriments en général ».
Je vous rappelle encore une fois que la base d’une alimentation bien conduite est un régime alimentaire équilibré et varié,
c'est-à-dire que dans les circonstances normales le régime alimentaire adapté et varié apporte à l’être humain tous les
nutriments nécessaires. Un grand pas sera franchi quand les sportifs auront bien compris cette notion !
Donc, si nous reprenons le cheminement de la définition théorique (« denrées alimentaires pour compléter le régime
normal ») à la réalité d’aujourd’hui, nous pouvons trouver dans les compléments alimentaires :
-
-
des plantes et des extraits de plantes susceptibles de faire partie de l’alimentation, mais avec une faille
puisqu’il est possible d’utiliser des plantes ayant des vertus thérapeutiques
des compléments alimentaires contenant des produits dits « actifs » :
O des produits « minceur », thermogéniques, énergisants, avec des stimulants comme la synéphrine,
la caféine, …
O des produits de développement musculaire contenant des acides aminés et des phytohormones
des compléments alimentaires qui contiennent des produits dopants :
O
des stimulants comme l’éphédrine, l’octopamine,…
O
des pro-hormones
o
des stéroïdes (par contamination).
Ces produits vendus comme compléments alimentaires peuvent être achetés sur Internet et entraîneront à chaque fois un
contrôle positif !
Pourquoi existe-t-il une telle diversité de compléments alimentaires, alors qu’apparemment la législation française et
européenne est relativement « bordée » ?
Cela est lié à différents facteurs :
des législations différentes : le marché français est assez contrôlé, à la différence du marché européen anglosaxon qui est plus permissif ; le marché nord-américain inclut des substances qui en France sont considérées
comme des médicaments. En ce qui concerne les marchés émergents (Europe de l’est, Balkans, Moyen
9
-
Orient, Asie du sud Est, Amérique centrale et du sud, Afrique), il n’y a pratiquement aucun contrôle, de
mauvaises pratiques de fabrication et des fraudes.
la puissance économique de l’industrie des compléments alimentaires (ce ne sont plus des petits laboratoires
où le pharmacien fait ses préparations magistrales…) et la mondialisation : tout peut nous parvenir…
la libre-circulation des marchandises au sein de la Communauté Européenne
le marché par Internet, très prisé par les sportifs.
Malheureusement, la directive européenne et le décret de 2006 présentent des limites :
-
-
ces deux textes ne concernent actuellement que les vitamines et minéraux :
O les compléments alimentaires conformes aux dispositions de la directive sont autorisés dans les
États membres depuis le 1er août 2003
O les compléments alimentaires non conformes aux dispositions de cette directive sont interdits de
commerce dans toute l’Europe depuis le 1er août 2005
en ce qui concerne les autres catégories de nutriments et de substances ayant un effet nutritionnel ou
physiologique, il n’y a pas de disposition législative, ce qui représente une faille béante sur ce plan. Dès qu’un
produit est autorisé dans un pays membre, il l’est aussi en France, nous verrons quelles sont les possibilités
d’action de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
(D.G.C.C.R.F.).
En effet, il n’existe pas de liste positive pour ces produits, indiquant que tel ou tel produit est autorisé. Les ÉtatsUnis ont pris le parti d’une liste négative : un produit sur la liste est interdit. Mais cela a pris huit à neuf années pour
faire interdire les produits contenant de l’éphédrine, avec la démonstration du risque létal de ces produits. Donc la
liste négative est un piège duquel il est très difficile de sortir.
Par contre, un des articles de la directive européenne 2002-46, repris dans le décret, stipule que les arguments
physiologiques qui sont donnés pour attester de l’intérêt du produit doivent être prouvés. Donc il existe une
procédure récente en 2 étapes :
-
1ère étape : les industriels font la liste des arguments qu’ils ont pour vendre leurs produits.
2ème étape : les arguments sont soumis à des commissions d’experts qui décident si les preuves scientifiques
qui sont apportées sont valides ou pas. Depuis le 1er janvier 2010 il existe une liste des arguments
scientifiques qui sont reconnus comme valides et peuvent figurer sur l’étiquetage. Il y en a entre 4200 et 4250.
Ce qui signifie que maintenant nous avons enfin un outil permettant de répondre aux sportifs qui se posent et qui nous
posent des questions sur les produits. Nous regardons le mode d’emploi, les étiquettes, les arguments donnés, et s’ils sont
recevables ou pas. Si les arguments ne sont pas recevables, c’est qu’ils sont faux (à la limite il est possible de déposer une
plainte contre le laboratoire pour faire corriger l’étiquette).
Ceci nous permet d’être dans une position un peu plus offensive vis-à-vis de l’industrie des compléments alimentaires,
même si une bonne partie de cette industrie travaille correctement. Par contre nous avons la possibilité d’intervenir avec tous
ceux qui travaillent « comme des cochons ». Initialement il n’y a pas de problème, ce sont des denrées alimentaires dont le
but est de compléter le régime alimentaire.
Examinons le cheminement d’un produit en France
La D.G.C.C.R.F. est informée de la mise sur le marché du produit par un laboratoire qui lui transmet un modèle de son
étiquetage.
La composition du produit telle qu'elle est mentionnée sur l'étiquetage doit satisfaire aux conditions suivantes : les
ingrédients ne peuvent être employés dans la fabrication des compléments alimentaires, que s'ils conduisent à la fabrication
de produits sûrs, non préjudiciables pour la santé des consommateurs, comme cela est établi par des données scientifiques
généralement acceptées.
Cette information est donnée par le fabricant, la D.G.C.C.R.F. ne va pas voir sur place, mais en France les laboratoires
respectent en général ces dispositions.
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Que se passe-t-il pour les produits fabriqués ou commercialisés dans un autre état membre de la Communauté
Européenne ?
En cas de première mise sur le marché d’un complément alimentaire contenant une substance à but nutritionnel ou
physiologique, ou une plante ou une préparation de plantes légalement fabriquée ou commercialisée dans un autre état
membre de la Communauté Européenne, l'importateur ou le fabricant doit faire une déclaration à la D.G.C.C.R.F.
accompagnée :
- de l’identification du fabricant ou de l'importateur,
- d'un modèle de l'étiquetage utilisé pour ce produit,
- des documents et informations permettant d'attester que la substance à but nutritionnel ou physiologique, la
plante ou la préparation de plante, ou le produit sont légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre
État membre de la Communauté Européenne,
- de la présentation par le déclarant de toutes les données en sa possession utiles à l'appréciation de la
substance à but nutritionnel ou physiologique, de la plante ou préparation de plante, ou du produit.
Par contre il peut y avoir plusieurs intermédiaires dans la fabrication : le fabricant du produit, le producteur des matières
premières, le façonnier qui met en boîte.
Et parfois, si le façonnier n’a pas suffisamment de produits à sa disposition, il va faire appel à un autre fabricant du produit
de base ! Les déclarations à la D.G.C.C.R.F. font donc appel à la bonne foi du fabricant.
Ensuite, dans un délai maximal de deux mois après la réception du dossier complet, la D.G.C.C.R.F. fait savoir au déclarant
si le produit peut être commercialisé et dans quelles conditions. Cela pose donc problème car si cinq préparations de
« tribulus terrestris » arrivent en même temps, il sera difficile de toutes les examiner dans ce délai aussi court, donc la
D.G.C.C.R.F. va suivre les avis de la première administration.
L'absence de réponse dans un délai de deux mois après réception du dossier complet de déclaration vaut autorisation de
mise sur le marché.
Cela constitue donc une limite aux moyens d’action de la D.G.C.C.R.F.
Il existe des difficultés pour contrôler ce secteur, hélas gangrené par l’économie souterraine, de par :
les catégories de produits sensibles :
O situés à la frontière de l'aliment et du médicament,
o mis en production par des entreprises qui ne sont pas toujours respectueuses des bonnes pratiques
de fabrication.
- la réalisation de contrôles réguliers mais insuffisants des compléments alimentaires fabriqués ou importés en
France :
o en 2003, sur 412 entreprises contrôlées :
- 138 procès verbaux dressés
- 289 rappels de la réglementation adressés aux professionnels
o le taux de non-conformité est extrêmement élevé :
- soit parce qu’il y avait des substances ou ingrédients non autorisés
- soit parce qu’il y avait des vitamines et minéraux à des doses supérieures aux Apports Journaliers
Recommandés
- soit parce qu’il y avait de nombreuses anomalies d'étiquetage
- soit parce qu’il y avait le contournement de la réglementation par la vente sur internet.
-
2/ LES COMPLEMENTS ALIMENTAIRES SONT-ILS INDISPENSABLES ?
Je vous rappelle à nouveau qu’un régime alimentaire adapté et varié suffit, dans des circonstances normales, pour apporter
à un humain tous les nutriments nécessaires.
Mais le sportif ne se considère pas comme un être humain « normal », il estime avoir des besoins spécifiques.
Il est vrai que les besoins peuvent être un peu plus élevés, et que les horaires d’entraînement ne sont pas toujours
compatibles avec une répartition harmonieuse des repas et un équilibre nutritionnel satisfaisant.
11
Examinons quelques produits souvent réclamés par les sportifs :
a/ Les vitamines
Il existe treize molécules qui sont indispensables au fonctionnement de l’organisme, elles n’apportent pas d’énergie mais
interviennent dans de nombreux processus vitaux. Par contre, elles n’ont pas d’effet particulier sur la performance,
contrairement aux idées largement véhiculées par les fabricants de compléments alimentaires.
Il existe 2 types de vitamines :
- les vitamines liposolubles (A, D, E, K) : elles peuvent être stockées donc un surdosage est possible.
- les vitamines hydrosolubles C, B1, B2, PP, B5, B8, B9, B12 : elles ne sont pas mises en réserve, donc le
risque de surdosage est moindre (elles sont excrétées dans les urines si leur apport est excédentaire).
En ce qui concerne les vitamines et le sport
Il n’y a aucune preuve de l’augmentation des besoins en vitamines du groupe B avec l’exercice, mais il est prouvé qu’une
carence en B1, B6, B12 entraîne une diminution des performances physiques.
La pratique d’une activité physique modérée n’impose pas plus d’apports vitaminiques que chez un sédentaire.
Lors des sports d’endurance, les besoins sont légèrement supérieurs aux sédentaires et seront couverts par des apports
alimentaires plus importants.
En ce qui concerne les sports de force, le besoin en vitamine B6 peut être légèrement supérieur. L’augmentation des
apports alimentaires va également couvrir la demande mais en raison de déséquilibres nutritionnels plus fréquents (par
exemple apport inapproprié de protéines), le risque de carence est augmenté.
Au sujet de la supplémentation en vitamines antioxydantes et activités physiques
L’activité physique augmente le stress oxydatif, par consommation élevée d’oxygène et augmentation de la production des
radicaux libres.
L’organisme dispose de systèmes de défense anti-oxydants, mis en œuvre lors de l’activité.
La vitamine E participe à la prévention des effets des radicaux libres, comme la vitamine C. Mais aucune étude scientifique
sérieuse n’a prouvé la relation avec la performance !
b) La supplémentation en protéines
Deux questions se posent : est-ce nécessaire en quantité ? Est-ce nécessaire en qualité ?
De nombreux sportifs prétendent avoir besoin d’un apport supplémentaire du fait de leur activité et précisent qu’il leur faut
des acides aminés branchés ou d’autres types (les acides aminés étant les précurseurs des protéines).
Doses protéiques journalières recommandées chez de jeunes adultes moyennement actifs
Les recommandations font état de la prise de 0.85 à 1 gramme de protéines par kilo de poids et par jour, pour des jeunes
adultes moyennement actifs.
L’établissement de ces taux a été fait à partir du bilan
azoté : c’est-à-dire l’observation de la quantité d’azote
(déchet du métabolisme des protéines) produite par
l’organisme.
biais du cycle glucose/alanine), en faisant travailler le foie
et le rein, pour éliminer l’azote inutile.
Un bilan azoté négatif signifie que la personne a absorbé
moins de protéines que la quantité dont elle a besoin (et
donc qu’elle va en puiser dans ses réserves).
Un bilan azoté positif correspond à un apport de
protéines supérieur aux besoins. L’organisme ne stocke
pas les protéines, mais va fabriquer du glucose (par le
12
Excès
0
Équilibre
0.85
1
Déficit
L’équilibre entre les apports et les sorties se situe à un niveau de 0.60 grammes d’apport par Kg de poids et par jour. Pour
s’affranchir des fluctuations et couvrir un peu plus les apports, il est donc recommandé d’apporter 0.85 à 1 g/kg/jour.
Il est certain que lorsqu’un sportif a une activité physique intense et qu’il reste dans les apports recommandés, son bilan
azoté sera négatif et l’organisme ira puiser dans les réserves de protéines (or ce sont des molécules « nobles », dont nous
avons besoin pour les muscles).
Pour équilibrer le bilan azoté, il est donc justifié d’augmenter les apports en protéines : de 1,25 g/Kg/j à 1,50 grammes. Ceci
est correct pour des sportifs d’endurance.
Éventuellement il est possible de « monter » jusqu’à 1,80 g, mais pas plus, cela ne sert strictement à rien.
Regardons les différents types de protéines proposés :
Cette étude de 1994 (Van Hall et coll.) compare le temps
de maintien d’un exercice sur ergocycle (vélo
d’entraînement) après consommation, pendant l’exercice
de différents types d’acides aminés : tryptophane, faible
dose d’acides aminés branchés, forte dose.
Nous pouvons constater qu’il n’y a aucune différence en termes de gain de performance !
Donc les arguments avancés, comme le recul du seuil de la fatigue, l’augmentation du temps de maintien d’un exercice, sont
des arguments faux. Ils ne font pas partie des 4250 validés par la commission européenne.
Il s’agit maintenant de le faire comprendre aux sportifs !
c/ Examinons une protéine particulière : la créatine
L’organisme d’un homme de 70 Kg contient environ 120 g de créatine, surtout dans les muscles (95%), le reste se trouve
dans le cœur et le cerveau.
Le taux de renouvellement est de 2 g par jour.
Les consommateurs de créatine le font souvent sous le schéma suivant :
- 20 g de créatine par jour correspond à :
2.5 kg de hareng
4.4 kg de bœuf
6.6 kg de cabillaud
13
200 litres de lait
C’est l’une des raisons pour laquelle la créatine n’était pas autorisée à la vente en France dans la mesure où elle ne rentre
pas dans le cadre d’une alimentation normale (surtout avec 20g/jour).
Maintenant la libre circulation des marchandises oblige la vente de créatine en France, d’autant plus que nous n’avons pas
d’arguments de dangerosité : il n’y a pas de cancers liés à la prise de créatine, ni d’apparition d’insuffisance rénale (il y a eu
une publication de ce type, chez une personne déjà insuffisante rénale, c’est tout).
Quels sont les effets de la créatine ?
- une augmentation de la masse musculaire ? oui, mais pour moitié par rétention d’eau
- un accroissement de la synthèse protéique ?
- une amélioration des performances ?
très peu
- un recul du seuil de fatigue ?
- une récupération plus rapide ?
Cette étude montre la différence de performances
obtenues lors de répétitions de sprints :
- avant supplémentation,
- après supplémentation de 15 g de créatine par
jour pendant 5 jours,
- après supplémentation de 2 g de créatine par
jour pendant 9 jours.
Les différences ne sont pas très importantes, un petit
effet commence à apparaître vers les 6e, 7e, 8e
répétitions.
Donc il y a un petit effet d’amélioration de la performance mais dans des proportions limitées. La créatine ne fait pas de
miracle !
Par contre l’ajout de stéroïdes anabolisants va modifier le résultat et les performances seront augmentées, ceci est
indéniable.
En effet, des enquêtes sur la « pureté » des créatines industrielles ont été réalisées : nous pouvons y trouver différentes
impuretés avec des doses inexactes, des ajouts de substances anabolisantes, des contaminants de synthèse industrielle.
Conclusions sur la créatine exogène :
-
il y a une prise de poids modérée mais en grande partie liée à de l’eau,
les conséquences sur l’organisme, comme les troubles gastro-intestinaux et les crampes musculaires existent
peut-être, mais il n’y a pas de preuves,
il n’y a pas d’accroissement de la masse protéique musculaire,
il n’y a pas de dysfonctionnement rénal,
il n’y pas de troubles hépatiques,
le principal problème est la pureté du produit,
y a-t-il un risque mutagène ou pas ? Non, uniquement quand la créatine est carbonisée (les barbecues carbonisés
produisent des substances cancérigènes).
est-elle nécessaire en sport ? La question reste posée ; malgré le peu d’acquisition de performance, les sportifs
continuent à en acheter ; il faut donc qu’ils soient très vigilants en ce qui concerne l’origine de la créatine qu’ils
utilisent.
14
En conclusion :
-
la plupart des compléments alimentaires n’ont pas de réelle efficacité sur le corps et sur la performance
l’effet placebo joue un rôle majeur : il est possible d’obtenir 30% d’amélioration rien qu’avec le placebo
les compléments alimentaires ne sont pas indispensables car nous trouvons dans l’alimentation les éléments
apportés par ces produits
dans certaines conditions d’entraînement et d’exercices intensifs, cela peut être justifié ; avant tout, il faut apporter
de l’eau, des glucides si l’exercice va durer plus d’une heure ou plus d’une heure et demie, éventuellement des
protéines dans certaines conditions.
3/ LE SPORTIF RISQUE T-IL D’ETRE DOPÉ S’IL PREND DES COMPLEMENTS ALIMENTAIRES ?
Un complément alimentaire peut contenir des produits dopants de trois manières différentes :
- par contamination avec un produit interdit (cf supra)
- parce que le produit est en réalité une hormone ou une pro-hormone (ou plusieurs), avec un statut de
complément alimentaire dans d’autres pays que la France. La vente se fait plutôt dans les arrière-boutiques (pas
officiellement), à l’étranger ou sur Internet.
- par présence de stimulants associés dans ce produit : les termes tels que « dynamogène », « ergogène »,
« énergisant », « brûleur de graisse », « fat burner » évoquent de façon quasi certaine la présence de stimulants,
aux effets plutôt néfastes pour la santé et pouvant être sur la liste des produits dopants.
a)
La contamination possible
Voici un exemple de contamination d’un échantillon de créatine (Greyer et coll., 2001) :
Nous retrouvons jusqu’à huit stéroïdes différents présents dans cet échantillon !
Est-ce que cela a été fait volontairement ? Probablement pas dans ce cas.
Il est possible que ce soit la même situation que ce qui s’est passé avec les farines végétales, contaminés par des farines
animales, par mauvais nettoyage des moulins lors de la chaîne de fabrication, et présence de restes de farines animales.
Cela peut se produire de la même manière pour les sociétés qui fabriquent des compléments alimentaires. Une autre étude
a montré que le risque de contamination était plus important pour les sociétés qui fabriquent des compléments alimentaires
et vendent également des stéroïdes que pour les autres. Donc si dans le catalogue de la société, vous trouvez des
hormones ou des stéroïdes, il faut rayer cette société de votre liste.
Dans d’’autres cas la contamination est volontaire, intentionnelle et déclarée : la nandrolone est souvent associée à la
créatine.
15
Soit la contamination est intentionnelle et masquée, soit elle est « accidentelle », comme dans le cas décrit ci-dessus ou
alors par variation de concentration entre comprimés ou boîtes.
Une étude du laboratoire anti dopage de Cologne (Geyer et coll, 2001), commandée par le C.I.O. et réalisée entre octobre
2000 et novembre 2001, a analysé 634 suppléments nutritionnels achetés dans 13 pays, contenant différents types de
produits (vitamines, sels minéraux, crétine, carnitine, acides aminés branchés (BCCA), glutamine, guarana, …).
15% de ces produits contenaient des stéroïdes anabolisants, dont 20% provenaient des USA, 26% des Pays-Bas et
seulement 7% de France.
C’est donc une notion à bien retenir : les compléments alimentaires peuvent être contaminés par n’importe quel autre
produit.
b) Quelles sont les hormones retrouvées dans les compléments alimentaires ?
Il existe différents types de produits :
-
-
-
des hormones :
o mélatonine
o hormone de croissance (vraie ou fausse)
des prohormones de stéroïdes
o androstènedione, androstènediol
o DHEA (Dé-hydro-épi-androstérone)
o norandrostènedione, norandrostènediol
des hormones d’origine végétale
Pourquoi utiliser des pro hormones ? Les pro-hormones sont les molécules de base pour la production de testostérone.
Mais à la différence de certains stéroïdes que nous pouvons retrouver pendant plusieurs semaines voire pendant plusieurs
mois, la demi-vie de ces pro-hormones est plus courte, elles sont donc détectables beaucoup moins longtemps. Mais dans
les jours qui suivent la prise de pro-hormones, le test pourra tout de même être positif.
Y a-t-il un effet significatif sur la performance ? Non car la prise de stéroïdes anabolisants à dose thérapeutique n’a jamais
amélioré la performance d’un sujet sain. Il faut arriver à des concentrations à des taux dix fois supérieurs aux doses
thérapeutiques pour qu’il y ait vraiment un effet manifeste.
Différentes études (de Broeder et coll, 2001, de Wallace et al., 1999) n’ont pas mis en évidence une augmentation des
performances (autres que celles liées à l’entraînement) avec la prise de pro-hormones. Il n’y a pas de différence en fonction
les produits utilisés.
En revanche, les pro-hormones provoquent les mêmes effets secondaires que les stéroïdes : problèmes lipidiques, cardiovasculaires, etc.…
16
Il existe une petite augmentation de la testostérone après une prise de pro-hormone, mais avec un taux de 16%
d’augmentation au premier mois, ce qui est quasi nul , il faudrait une augmentation d’au moins 600%, voire 700% ou 800%,
pour qu’il y ait un effet sur la performance.
Testostérone
LH
Il existe cependant une interaction avec la régulation des stéroïdes : la LH (hormone lutéinisante, sécrétée par l’hypophyse
et qui commande le testicule) peut diminuer de 30% dès le premier mois d’utilisation !
Voila pourquoi il n’y a pas un grand engouement pour les pro-hormones de stéroïdes. Certains laboratoires vont alors
introduire des stéroïdes dans les compléments contenant des pro-hormones, afin d’obtenir un réel effet positif sur la
performance.
De plus, il existe une fraude dans la fraude : une étude de Parasrampuria en 1998 retrouvait des concentrations de DHEA
de 0 à 150% dans le produit déclaré « DHEA ».
Le consommateur ne peut donc avoir aucune garantie de qualité et de concentration des pro-hormones commercialisées
comme suppléments alimentaires.
Un marché pourtant en pleine en expansion :
Les ventes qui étaient de 25 millions de dollars en 1995, sont passées à 55 millions en 2001, avec un développement
marqué de l’importance de la consommation chez les collégiens.
Les États-Unis ont donc publié un décret en 2005, interdisant la vente aux mineurs de compléments alimentaires contenant
des pro-hormones de stéroïdes (« Steroid Act »).
c) Le tribulus terrestris
Le Tribulus terrestris est un produit non connu pour la plupart d’entre nous, je pense, mais l’est très bien de certains milieux
sportifs :
C’est une plante vivace tropicale, traditionnellement indiquée dans l’impuissance et la stérilité. Sur certains Sites Internet,
comme le site français http://www.lesplantes.com, nous pouvons retrouver diverses allégations toutes plus fantaisistes
17
les unes que les autres, sans aucune base scientifique : « tonique sportif et sexuel », cette plante est présentée comme
étant non stéroïde, non hormonale mais avec un effet endocrinien.
En fait, le tribulus terrestris est un dérivé du cholestérol, donc un parfait stéroïde, mais sans les mêmes effets que la
testostérone. Il est proposé aux sportifs comme alternative aux stéroïdes anabolisants avec un effet positif sur la production
de LH.
Donc il est bien stéroïde à effet endocrinien !!
L’utilisation de ce produit est en pleine croissance, cela se constate par les occurrences sur le moteur de recherche Google :
- 2 280 000 pour le Dianabol® (dont 621 000 pour la nandrolone)
- 2 070 000 pour le Winstrol®
- 2 090 000 pour le tribulus terrestris (141 000 pour le Tribestan®, qui est le produit fabriqué en Bulgarie)
Il existe une seule étude qui ait montré un effet positif : une obscure étude bulgare, utilisée lors d’une demande
d’autorisation de mise sur le marché auprès de la FDA (Food and Drugs Administration).
Cette étude a montré une petite augmentation de la LH et de la testostérone, comme les autres prohormones, sans plus.
Donc le risque est que ce produit soit contaminé par des stéroïdes anabolisants.
Un sprinter français a eu des problèmes dans les suites d’un contrôle anti-dopage et a accusé le tribulus terrestris d’être
responsable.
Il faut donc être particulièrement vigilant devant les préparations contenant du tribulus terrestris.
4/ CERTAINS COMPLEMENTS ALIMENTAIRES SONT-ILS DANGEREUX POUR LA SANTE ?
a) Les compléments alimentaires « énergisants »
Tous les produits vendus comme énergisants contiennent des stimulants : éphédrine, synéphrine, caféine (café, thé vert,
guarana). Ce sont des équivalents aux amphétamines. La caféine provient du café, du guarana ou du thé vert.
- Le guarana
Le guarana est un arbrisseau sarmenteux, grimpant, originaire de l’Amazonie. Sa baie est la plus riche en caféine (4%).
Il entre dans la composition de produits destinés à lutter contre l’obésité ou la fatigue. Le pourcentage réel de guarana
compris dans le produit acheté indique rarement la proportion exacte de caféine ; la mention « extrait de guarana » ou
« guaranine » est souvent isolée, sans précision, et même souvent de la caféine est ajoutée à la préparation !
Or, si la prise de 40 mg de guarana correspond à ½ tasse de café, la consommation de 500 à 600 mg commence à être
problématique en termes de conséquences sur la santé !
- L’éphédrine
L’éphédrine est un alcaloïde sympathomimétique avec différents effets :
– une action sur le système nerveux central, avec un risque de tremblements, d’insomnie,
d’amaigrissement, d’anorexie
– une activité identique à celle de l’adrénaline mais moins puissante (activité
et -adrénergique) :
augmentation de la fréquence cardiaque, contraction des vaisseaux, augmentation de la pression
artérielle, ce qui peut provoquer des hypertensions artérielles, des hémorragies (le risque d’hémorragie
cérébrale augmente pour une consommation d’au moins 32 mg par jour), des arythmies (troubles du
rythme cardiaque), voire des morts subites ; cela correspond qualitativement à l’action des
amphétamines, avec donc un risque de décès
– un effet de dilatation des bronches (ce qui explique son utilisation dans la pharmacopée chinoise),
– une diminution du tonus intestinal
– une mydriase
– des effets psychiatriques, avec un risque de psychose paranoïde et de dépendance physique et
psychique analogue à celle des amphétamines.
Un argument souvent entendu pour les compléments alimentaires est que l’utilisation depuis 5 000 ans par les Chinois
prouve que le produit n’est pas dangereux : ceci n’est pas une allégation retenue parmi les 4 250 de l’A.F.S.S.A.P.S. !!
Le risque de mort subite chez le sportif est le même que celui des amphétamines, par dérèglement de la thermorégulation
(liée à l’augmentation de la chaleur centrale lors d’un effort sportif), et apparition d’un coup de chaleur, d’un collapsus cardiovasculaire, et de décès.
Malgré leur grande permissivité au sujet des compléments alimentaires, les américains ont réalisé en 2000 une étude (Haller
and Benowitz, N.Engl.J.Med,) et ont examiné 140 cas d’accidents liés à l’utilisation de suppléments nutritionnels contenant
18
des dérivés d’éphédra. La liaison entre la prise d’éphédrine et la survenue de l’accident était probable dans 34% des cas, et
possible dans 31% des cas.
Voici les types d’accidents retrouvés : 47 % d’accidents cardio-vasculaires, 18% d’accidents touchant le système nerveux
central.
En détail :
HTA
Tachycardie
Arythmie
Infarctus
Arrêt cardiaque
AVC
Pdc
Autres
La FDA donne les détails sur les prises de produits : il est constaté que certains accidents sont survenus dès une semaine
d’utilisation, voire même un jour avec de l’HerbaLife®, produit qui est vendu en France.
Évolution de 11 accidents liés à la prise de
produits contenant de l’éphédrine
Age/S
Produit
mg/j
Duré
Durée
Accident
Evolution
35 / F
Shape Fast
45
1 sem.
AVC
Invalidité
Invalidité
22 / M
Ripped Fuel
2020-60 ?
Arrêt card. ?
28 / F
Herbalife
21
1 j.
Arrêt card. Invalidité
Invalidité
43 / M
Ripped Fuel
60
7 m.
Arrêt card. Décès
37 / F
Metabolife
36
1 sem.
HTA
Décès
50 / F
Omnitrim
36
3 sem.
Infarctus
Angioplast
38 / M
Ripped Fuel
20
1 an
Arythmie
Décès
47 / F
Total control
4444-66 9 m.
HTA Infarc Invalidité
Invalidité
29 / M
Ultimate
30
2 sem.
AVC
Invalidité
Invalidité
39 / M
Ultimate
?
?
AVC
Invalidité
Invalidité
47 / M
Purple ..
?
3 sem.
AVC
Invalidité
Invalidité
23/04/10
J-P Fouillot, AMPD Ile de France
Certains vendeurs préconisent la consommation de 4 ou 5 comprimés de 20 mg ; certains supportent et d’autres non,
comme ce joueur de base-ball de 23 ans qui voulait perdre le poids qu’il avait pris lors de l’intersaison…
19
Steve Bechler avait pris un produit appelé Xenadrine RFA-1, contenant de l’éphédrine. Il a fait un malaise dans l’après midi
lors de l’entraînement ; cela a été mis sur le compte de la reprise, il est rentré chez lui se reposer et en est mort.
En fait l’autopsie a retrouvé de l’éphédrine dans son organisme, le décès a été attribué à un coup de chaleur provoqué par
ce produit.
Comme ce joueur était connu et qu’il avait laissé une jeune femme enceinte de 7 mois, les médias en ont beaucoup parlé,
un procès a eu lieu.
Cela a eu autant d’influence sur le Congrès américain en ce qui concerne l’interdiction de l’éphédrine, que les études de la
Rand Corporation de février 2003 (1 800 dossiers sur 16 000 cas d’accidents).
Même s’il est difficile de faire la preuve de la responsabilité de l’éphédrine, les décès, accidents cardiaques et cérébraux et
les cas psychiatriques ont été considérés comme des cas sentinelles, surtout par leur survenue chez des sujets jeunes en
bonne santé.
Sur le plan économique, les ventes de produits contenant de l’éphédrine représentaient en 2003, 0.84 % du marché des
compléments alimentaires (quand même 1.3 milliards $ en 2002) mais étaient à l’origine de 64 % des plaintes. Est-ce que ça
valait le coup de se battre sur le plan économique pour un tel bénéfice ? Non. Ils ont donc baissé les bras.
Regardons l’évolution du marché de l’éphédrine :
Ce produit a été interdit dans plusieurs Etats américains en 2003 (Illinois, Californie, New-York) puis dans tout le pays en
2004 (l’A.F.S.S.A.P.S. a pris la même décision en France en 2003).
Mais 2 à 17 millions d’Américains consomment de l’éphédrine chaque année, achetés ou pas sur Internet.
Les sites Internet ont fait diminuer le prix de l’éphédrine jusqu’en 2004 (date de l’interdiction aux USA). Ensuite, ils se sont
juste déplacés : Mexique, partie turque de Chypre (à statut particulier).
Les sociétés commercialisant l’éphédrine ont utilisé une faille dans le système judiciaire américain : la vente a été interdite
pour les dosages à 24 mg, mais il n’y a pas eu de démonstration de dangerosité avec 10 mg. Un juge de l’Utah (Etat
américain où il y a la plus forte concentration de fabricants de compléments alimentaires) a donc autorisé la vente à 10 mg !
Et ainsi des boîtes de 500 comprimés à 10 mg ont été commercialisées, avec d’autres produits dérivés des plantes, des
extraits d’oranges amères ou autres. La Cour suprême a cassé ensuite le jugement de l’Utah. Mais de nouveaux produits
sont apparus.
- Le citrus aurantium
Cet arbre appelé aussi bigaradier produit des oranges amères contenant différents principes actifs : de la synéphrine (3 à
6%), de la tyramine, de l’octopamine.
La synéphrine a un effet alpha-adrénergique : elle fait contracter les vaisseaux et entraîne une hypertension artérielle. Elle
fait partie des produits surveillés par l’AMA.
L’octopamine est sur la liste des produits dopants ; on peut la retrouver en vente en France, mais sa présence dans les
produits n’est pas toujours précisée.
b) Explosion du marché des compléments alimentaires
La FDA a cherché à imposer aux fabricants de faire la preuve de l’efficacité et de la sécurité des produits, ce qui a un coût,
évidemment. Donc ces industriels ont fait une campagne de pétition, de mailing, en exigeant un libre accès à l’herboristerie
traditionnelle, et la liberté d’utilisation des vitamines et des sels minéraux (de même que le droit de porter des armes).
L’argument était que les descendants des pionniers devaient pouvoir trouver dans la nature tout ce qui était nécessaire à
leur santé.
Ceci a conduit au vote d’une loi, la Dietary Supplement Health and Education Act : tout produit vendu comme complément
alimentaire doit être mis sur le marché librement. La FDA doit faire la preuve de la toxicité du produit pour le retirer du
marché !
Il y a donc une lutte permanente pour interdire des produits et ça va même jusqu’au point que certains produits qui étaient
refusés en tant qu’aliments étaient proposés comme compléments alimentaires et de ce fait, acceptés.
20
Aux États-Unis, le chiffre d’affaire de l’industrie des compléments alimentaires atteignait 23.7 milliards de dollars en 2007
(8 milliards en 1994), avec 50% de la population américaine qui consomme ces produits. Les prévisions 2012 sont de l’ordre
de 27 à 28 milliards de dollars.
Dans le monde, ce marché représente 52 à 53 milliards de dollars en 2007, avec une augmentation régulière de 5% par an.
Le terme complément alimentaire est très largement utilisé, que ce soit par les fabricants de produits vétérinaires, par les
dealers, qui peuvent y mettre beaucoup de choses, puisque le domaine est très flou.
Pour les utilisateurs, c’est un terme qui est bien établi et qui recouvre une large gamme :
- produits de nutrition : ce sont des denrées alimentaires, barres, poudres, boissons qui vont être utilisés en boisson
d’effort, en boisson de récupération. Appelons-les par le nom de ce qu’ils sont !
- produits de compléments de déficit : si le déficit est identifié par les professionnels de santé ; ce sont des vitamines
et des minéraux.
- produits de la performance, de l’aide ergogénique : ils sont utilisés dans une démarche de conduite dopante sur la
base d’arguments physiologiques généralement non démontrés. Il existe un risque important de trouver des
produits dangereux pour la santé. Ils présentent donc deux des critères pour être sur la liste des produits dopants :
ils peuvent améliorer la performance et être dangereux pour la santé.
Il est difficile de trouver une liste exhaustive des produits dopants sur Internet :
- 1 020 000 occurrences sur Google pour le terme « complément alimentaire »
- 6 850 000 pour le terme « dietary supplement »
Comment séparer le bon grain de l’ivraie ? Les bases de données sont incomplètes, comme celle de l’US national library of
medecine, qui n’a recensé que 3000 produits sur les 20 à 30 000 existants.
c) Comment prévenir ?
-
-
par la restriction de commercialisation (à la source) : par l’AFSSA (en France), la FDA (aux USA), Santé Canada
par la répression après contrôle de la D.G.C.C.R.F.
par la preuve des effets physiologiques
par la future législation d’utilisation des plantes dans les compléments alimentaires qui viendra resserrer encore le
dispositif puisque bon nombre des problèmes de santé sont liés aux plantes
par la responsabilisation des industriels engagés une démarche de certification ou une démarche volontaire :
o la certification : un organisme extérieur atteste qu’il n’y a pas de produits dopants dans le complément
alimentaire. Mais il faut savoir sur quels produits le contrôle est fait (tous les lots ?). Faut-il conserver une
échantillothèque ? Pour quel coût ?
Les industriels présents à un colloque de l’AMA, les plus favorables à cette certification, étaient ceux qui
semblaient les plus louches.
o la démarche volontaire : pratiquée par les fabricants issus de l’industrie pharmaceutique. Il est possible
de demander au service clientèle la traçabilité des produits utilisés, la conformité à la législation en
vigueur.
l’information des utilisateurs : il faut que tous les sportifs sachent que l’utilisation des compléments alimentaires
comporte un risque. L’athlète doit savoir qu’il les utilise sous sa responsabilité. Il faut qu’il sache lire une étiquette,
décrypter les messages. C’est ce que je fais ce soir et ce que vous pouvez transmettre à vos sportifs ensuite.
5/ LES BOISSONS ENERGISANTES SONT-ELLES DES BOISSONS DE L’EFFORT ET DE LA RECUPERATION ?
a) Il faut différencier les 2 types de boissons proposées aux sportifs :
- les boissons énergétiques :
Ce genre de boisson va apporter à l’organisme ce dont il a besoin pour compenser ce qui a été consommé durant l’effort :
de l’eau pour la réhydratation, du sodium, pour compenser les pertes dues à la transpiration. Si l’exercice a été long, il faut
des glucides pour maintenir la glycémie et reconstituer le stock de glycogène, éventuellement des protéines.
Les apports énergétiques doivent être proportionnels à la dépense d’énergie.
Un sportif peut fabriquer lui-même sa boisson de récupération, mais la présentation des produits industriels favorise
l’hydratation. Grâce à une forme et une couleur agréable à la vue et un goût aromatisé, ces produits se boivent plus
facilement qu’une préparation « maison ».
Une boisson énergétique ne doit pas contenir plus de 50 à 80 g de sucre par litre pour être isotonique (80 g pour les temps
froids, lorsque l’on cherche à favoriser les apports glucidiques).
Attention à la composition en sucres de ces boissons : plus elles sont sucrées, plus elles restent dans l’estomac.
21
- les boissons énergisantes ou « energy drinks » :
Il faut bien les différencier des précédentes : ce sont des boissons excitantes, pas énergétiques.
Le marketing utilise de nombreux artifices pour ces boissons : le sport extrême, les pin-up, des noms attrayants, des
allégations de vertus et avantages, tout ce qui flatte le public ciblé (les jeunes surtout). Le produit le plus connu est le Red
Bull.
b) Examinons la composition de ces produits :
-
la caféine :
Le Red Bull n’est pas le produit le plus riche en caféine :
Red Bull
Guru
Monster
Rockstar
Raw Extreme
Wired X505
Café
Thé
Chocolat noir
Cola
80 mg
125 mg
160 mg
160 mg
259 mg
505 mg
100 mg
50 mg
25 mg
40 mg
Une tasse de café préparée classiquement contient environ 100 mg de caféine, plus qu’un expresso italien, moins riche car
l’eau passe plus vite à travers le café.
Les apports conseillés pour un adolescent sont de 80 mg par jour, atteints avec une cannette de Red Bull !
De toute façon, il faut éviter de dépasser 200 mg et les problèmes apparaissent au-dessus de 400 mg de caféine.
-
la taurine
La taurine a été découverte d’abord chez le taureau, mais elle est présente également chez l’Homme et chez d’autres
animaux. L’emblème du taureau a été mis sur les bouteilles pour évoquer la force de l’animal, mais la taurine n’est pas
responsable !
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Une cannette peut contenir jusqu’à 1000 mg de taurine, soit l’équivalent de huit jours de consommation normale !
Suite à une expérimentation conduite chez les rats qui finissaient par se manger la queue et les pattes, la taurine a été
interdite pendant une période.
Cependant l’innocuité et l’intérêt nutritionnel à des doses importantes ne sont absolument pas démontrés.
En revanche, la taurine induit vraisemblablement une diminution des effets neurologiques liés à la prise de l’alcool, c'est-àdire que la personne tout en ayant le même degré d’alcoolémie titubera un peu moins.
Ajouté à l’effet excitant ressenti on comprend pourquoi il y a une telle vogue du mélange vodka et boisson énergisante ! Ceci
est un vrai problème.
-
le glucuronolactone
Cette substance est présente à la dose de 600 fois la consommation journalière, dans une cannette de 600 ml. Il n’existe
aucune étude sur le seuil maximal d’absorption digestive, le seuil de toxicité est actuellement inconnu. Aucun effet sur les
performances sportives n’a été mis en évidence. Les allégations des industriels ne sont absolument pas démontrées.
La cellule de surveillance de l’A.F.S.S.A. a étudié 13 cas de problèmes sanitaires probablement liés au Red Bull, dont des
décès. Mais la preuve formelle de responsabilité n’a pas été établie. Le rapport est disponible sur Internet.
-
les glucides
Les taux de glucides sont élevés et comparables aux autres boissons sucrées. Une boisson de l’effort et de récupération doit
présenter une concentration en glucides de l’ordre de 5% pour qu’il y ait absorption optimale. Dans les boissons
énergisantes, la concentration est doublée : 10, 11 voire 12%.
Ce sont donc des boissons très sucrées qui vont ralentir le passage de l’eau vers le reste de l’organisme. Avec la caféine
(qui est diurétique), cela augmente le risque de déshydratation pour le sportif.
Il faut proscrire ces produits sur les terrains de sport, à cause de ce risque de déshydratation.
-
les vitamines du groupe B
Les quantités de vitamines B dans les boissons énergisantes sont trop importantes. La limite de toxicité est proche voir
dépassée à partir de deux cannettes consommées. Or les consommations sont souvent nettement plus élevées.
c) Examinons une autre caractéristique de ces boissons : l’acidité
La richesse en sucres de ces boissons abaisse en deux à trois minutes le pH initial de la plaque dentaire, pendant 20 à 40
minutes.
Le pH de la plupart des boissons est autour de 3, alors que la valeur critique à partir de laquelle l’émail commence à être
attaqué est de 5,5.
Energy drinks
pH
Eau pure
7 (neutre)
Diet Coke *
3.39
Red Bull
3.26
Gatorade *
2.95
Orange Minute Maid
2.80
Monster Energy
2.70
Coke Classic *
2.63
Pepsi *
2.49
Les dentistes sont alarmés à l’heure actuelle par le développement des caries du fait de l’usage trop fréquent de ces
boissons.
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d) Les positions de la Société Française de Nutrition du Sport (S.F.N.S.) :
Les boissons énergisantes ne présentent pas, en l'état actuel des connaissances, d'intérêt nutritionnel démontré chez le
sportif. Elles ne répondent pas aux critères spécifiques des boissons énergétiques définis au plan réglementaire. Ces
boissons sont inadaptées et déconseillées pour la réhydratation en période d'efforts physiques. Elles ne doivent donc pas
être consommées avant, pendant, ni après l'effort sportif.
6/ QUELLE CONDUITE A TENIR FACE AUX COMPLEMENTS ALIMENTAIRES ?
a) Une première attitude à avoir : la lecture des étiquettes
A la lecture des étiquettes, il est possible d’effectuer un classement en trois types de produits qui sont à éliminer :
- Dopants
- A risques
- Douteux
Exemples de produits dopants donc interdits :
- l’éphédrine,
- l’octopamine,
- le sibutramine (il existe 66 compléments alimentaires contenant de la sibutramine!).
Exemples de produits à risque :
- l’extrait d’orange amère, avec donc de l’octopamine (attention car pas forcément déclaré !)
- le tribulus terrestris : gros risque d’adjonction de stéroïdes anabolisants
Exemples de produits douteux :
- la caféine : il ne faut pas garder un produit à 200 milligrammes de caféine. Une tasse de café ou une
cannette de Red Bull ne sont pas à interdire, la personne sera un peu excitée. Mais au-dessus de trois
cannettes il faut faire attention et c’est à déconseiller.
- le guarana : souvent le taux de caféine n’est pas précisé.
Exemples d’arguments physiologiques trompeurs :
- Un produit de type « inducteur d’hormone de croissance » n’est pas trop dangereux s’il n’y a pas de
contamination. Cependant, c’est une fumisterie qui exploite l’argument de la stimulation de l’hormone de
croissance par certains types d’acides aminés. Cet argument est connu mais jamais il n’a été démontré
en clinique les effets d’une augmentation de l’hormone de croissance. Il s’agit juste un mécanisme de
stimulation.
- stimulant androgénique : ZMA.
b) La place des compléments alimentaires dans le monde du sportif
Il faut éliminer les compléments alimentaires qui contiennent des stimulants. Ils peuvent être à l’origine de contrôles positifs :
brûleurs de graisse, énergisants, produits de la performance.
Les apports en protéines peuvent s’envisager sous conditions. Ils peuvent être utiles dans les heures qui suivent un exercice
intense.
Toute complémentation mise de côté, ce qui est essentiel, c’est d’avoir une alimentation équilibrée adaptée aux besoins de
l’entrainement intensif..
DEBAT ET QUESTIONS DES PARTICIPANTS :
Dr Patrick AVIAT
Le service « Ecoute dopage » est-il en mesure de répondre aux questions sur les compléments alimentaires ?
24
Dr Jean-Pierre FOUILLOT
Honnêtement, je ne sais pas et je ne peux pas répondre à cette question. Je ne sais pas ce qu’ils répondent mais ils
connaissent quand même bien les risques de dopages liés à l’utilisation des compléments alimentaires. Donc déjà à partir de
la lecture de l’étiquette du produit, ils doivent être en mesure de faire un premier classement. Maintenant ce n’est pas leur
rôle de dire que tel ou tel produit n’a aucun intérêt. C’est vraiment le groupe qui entoure le sportif qui doit pouvoir apporter la
réponse. Si le staff qui entoure le sportif n’a pas d’arguments à faire valoir, c’est à ce moment là, qu’il doit poser la question
aux spécialistes de la prévention du dopage.
M. Jean-Michel BOYER, infirmier à l’antenne médicale de prévention du dopage de Dijon
Je vois l’envahissement des compléments alimentaires dans les grandes surfaces mais aussi dans les pharmacies. Y at-il
une plus grande garantie pour le sportif de faire son achat en pharmacie ?
Dr Jean-Pierre FOUILLOT
Essayons de sérier un peu le problème. A partir du moment où le produit est vendu dans un magasin, quel qu’il soit en
France, il a eu au moins l’aval de la D.G.C.C.R.F. s’il a été importé. Si le produit est fabriqué en France il y a des contrôles
possibles. Donc un produit acheté en France présente quand même peu de risques.
Les risques sont plus importants selon le lieu d’achat à l’étranger : le risque est moyen pour les achats en Angleterre, en
Irlande, au Danemark, en Hollande, dans les pays nordiques. Le risque augmente si on achète en Amérique du Nord (bien
que le Canada soit un peu plus restrictif que les États-Unis).
Le risque est encore plus important pour les achats au Mexique, en Thaïlande, en Chine, en Inde et en Turquie.
Le risque est maximal pour les achats sur Internet, car on ne connaît absolument pas la provenance du site.
En ce qui concerne les magasins : le risque semble plus important dans les petites boutiques de diététiques ; certaines
peuvent être tentées d’écouler des produits qui sont un peu moins corrects.
Les grandes surfaces font assez attention car leur image de marque pourrait être entachée s’ils vendaient une protéine
contenant des stéroïdes anabolisants. Donc je dirai que le souci de respectabilité peut les amener à une certaine prudence.
En ce qui concerne les pharmacies : initialement elles n’avaient pas le droit de vendre des compléments alimentaires,
même si elles le faisaient officieusement. L’autorisation a été obtenue, après un procès intenté par les pharmaciens contre
les vendeurs de produits alimentaires.
La vitamine C était vendue comme médicament en pharmacie (au-dessus de 500 mg).Elle est sortie du domaine public et
donc a été proposée par les boutiques de compléments alimentaires. Les pharmaciens ont porté plainte car les dosages
utilisés étaient de l’ordre thérapeutique. Mais les vendeurs ont rétorqué que les pharmaciens vendaient des compléments
alimentaires sans en avoir le droit. Donc en urgence, cette vente a été autorisée dans les pharmacies.
Par contre le pharmacien fait quand même très attention, il ne vend pas de produits interdits comme l’éphédrine, même s’il
avait le droit jusqu’en 2003 de fabriquer une préparation magistrale contenant de l’éphédrine.
En ce qui concerne l’octopamine, je ne pense pas que les pharmaciens savent ce que c’est. Ce produit peut donc se
retrouver en vente sans barrage par le pharmacien (un spécialiste des insectes reconnaitrait ce produit, puisque c’est le
neuromédiateur des insectes).
En revanche, de nombreux produits contiennent de la synéphrine : ArkoPharma®, Herba life® ou d’autres produits
contenant de l’extrait d’orange amère.
Un participant
Est-ce une alternative sans risque et sans piège de conseiller de prendre des produits ayant le label Wall Protect ®.
Dr Jean-Pierre FOUILLOT
J’ai abordé la question lorsque j’ai parlé de la certification et de la déclaration. Wall Protect est une structure de certification
qui peut proposer à de petits laboratoires de réaliser les contrôles qualité.
J’estime qu’une certification est correcte que si tous les lots sont vérifiés. Ceci n’est réalisable que par un grand laboratoire
(avec conservation d’une échantillothèque), mais l’est moins pour une petite structure.
Je préfère donc que ce soit le fabricant lui-même qui s’engage sur la non-contamination de ses produits, il est
responsabilisé.
25
Ainsi un laboratoire qui produisait de l’extrait naturel de papaye (comme produit minceur) a été mis en cause et poursuivi en
justice à cause d’un contrôle positif de deux joueurs de baseball ; un diurétique de la classe du Lasilix® a été retrouvé dans
ces produits, à des taux correspondant à des doses thérapeutiques. Or ce fabricant ne cherchait pas du tout à vendre dans
le milieu sportif.
Le fait d’avoir un contrôle anti dopage positif signifie qu’il y a un défaut de qualité évident. En fait ce produit était fabriqué et
conditionné au Pérou, la contamination a vraisemblablement eu lieu sur un des lots.
Il peut y avoir aussi au sein d’une gamme présentée par un laboratoire des produits étiquetés Wall Protect et d’autres non,
que je classerai comme produits douteux. Je trouve cela dérangeant.
Dr CHIRON, médecin du sport
Cela ne vous pose pas de problèmes de tolérer la créatine, dont on évoque souvent les effets de produit masquant ?
Dr Jean-Pierre FOUILLOT
Attention, il faut faire la distinction entre la créatinine et la créatine. La créatinine est utilisée pour juger de la dilution d’un
échantillon d’urine, elle ne modifie pas proportionnellement le taux de créatine.
C’est une idée fausse de croire que la créatine est un produit masquant car elle augmenterait le taux de créatinine.
D’autre part, je déconseille formellement à un sportif de prendre de la créatine.
Dr CHIRON
Vous lui interdisez ?
Dr Jean-Pierre FOUILLOT
De toute façon, si je lui interdis, il va la prendre. Je lui demande quels sont les arguments pour lesquels il va utiliser la
créatine et à ce moment là nous les analysons ensemble. Dans les sports d’endurance, les arguments ne sont pas solides.
Par contre, dans les activités fractionnées, je pars du principe que la plupart des sportifs sont suffisamment intelligents pour
comprendre parfaitement un certain nombre de données qu’ils vont trouver dans la littérature scientifique.
Le schéma que je vous ai présenté montre bien que, de toute façon il n’y a pas un effet énorme. Ce n’est pas sur l’effort de
courte durée bref, c’est uniquement lorsqu’il y a une répétition de l’exercice.
Dr CHIRON
Mais la petite différence, même si elle n’est pas énorme, peut compter. Cela peut aider entre un podium et la quatrième
place, on est bien d’accord.
Dr Jean-Pierre FOUILLOT
Bien sur, je vous l’ai dit, je suis tout à fait d’accord. J’en suis tout à fait conscient mais à partir du moment où la
démonstration a été faite dans des conditions rigoureuses, je ne vais pas dire que c’est faux. Le sportif peut trouver luimême cet argument.
Donc, je vais essayer de le convaincre avec les autres arguments mais sans masquer le fait que dans certaines conditions
bien particulières il peut y avoir un effet sur la performance.
Dans la plupart des cas, si nous arrivons à lui montrer quels sont les autres facteurs très importants dans l’amélioration de la
performance, comme la gestion de l’entraînement, la nutrition de l’effort et la récupération, nous avons des éléments solides
à lui proposer.
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DEUXIEME PARTIE : Ateliers pratiques
_______________________________________________________________________
1er ATELIER PRATIQUE : « Comment reconnaître les compléments alimentaires
faisant courir un risque de dopage ou présentant un risque pour la santé du
sportif.
Dr. Jean-Pierre FOUILLOT
Cet atelier est très simple. Il s’adresse avant tout à ceux qui n’ont pas l’habitude de voir des étiquettes de compléments
alimentaires.
Il s’agit de trier ces des produits, de les mettre dans des boites correspondant aux quatre catégories suivantes :
- produits sans risques ou à faible risques,
- produits douteux,
- produits à risque,
- produits dopants.
L’objectif n’est pas de répondre « juste » à 100%, mais bien de faire un premier tri grâce à des arguments. En l’absence
d’arguments et en cas de doute sur une catégorie, une discussion peut s’engager.
-
Produits à faible risque contenant de la gelée royale, de l’Hydra Energy, de l’écorce de saule….
Produits douteux ou à risque : produits contenant de l’ orange amère, de la synéphrine, de la caféine,
du guarana, du citrus aurantium, de l’extrait de thé vert, de la guaranine…
Produits dopants : produits contenant de l’éphédra, du Ma-Huang (nom chinois de l’éphédra), de
l’octopamine.
Avec cette méthode d’analyse des compositions, il est possible d’effectuer un premier tri satisfaisant et ainsi d’éviter
d’utiliser des produits à risque.
2ème ATELIER PRATIQUE : « La mallette du kinésithérapeute sur les terrains de
sport »
M. François HELIE, kinésithérapeute et membre du C.D.O.S. de Côte d’Or
Je vous propose d’examiner ce que j’emmène sur un terrain de sport lors d’une compétition. Sans que cela soit exhaustif,il
s’agit de ce qui est essentiel dans une mallette de kiné qui intervient sur le terrain.
Il existe des obligations sanitaires en tant que professionnel de santé. Donc dans la mallette, nous devons trouver les
produits suivants :
- des produits désinfectants pour les mains,
- des masques (peu utilisés sur les terrains de sport) qui doivent être portés dès qu’il y a saignement. Il
ne faut pas « casser » le haut du masque, juste pincer un peu la barre, sinon les fibres sont déchirées
et perdent leurs pouvoirs de filtre ! Il faut changer le masque toutes les deux heures.
- des gants, en cas de plaie ou d’hématome.
Autre particularité, le décret de compétences des masseurs-kinésithérapeutes stipule qu’il leur est possible d’effectuer tout
geste médical technique en l’absence d’un médecin, et en l’attendant :
- ainsi, un kiné peut avoir à effectuer une trachéotomie en urgence. Il y a plusieurs années, par absence de geste
d’urgence, un jeune joueur est malheureusement décédé après une manchette au rugby.
- le kiné peut également prendre la tension d’un patient en cas de besoin, il faut donc un tensiomètre dans la
mallette.
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Voici le reste du matériel utile :
- pour l’essuyage :
o du papier essuie-tout,
o une serviette : autant pour s’essuyer que pour protéger un membre blessé du sol ou pour couvrir un
sportif qui aurait froid.
- pour la désinfection et les petits soins :
o du coton hydrophile, en vrac, en boules ou sous forme de cotons démaquillants, bien pratiques pour les
petites zones,
o une pince à épiler ou à écharde,
o une paire de ciseaux,
o des compresses stériles, à usage unique,
o des antiseptiques : alcool modifié, eau oxygénée,
o des pansements résistants à l’eau (que ce soit dans une piscine, ou sous la pluie, ou à cause de la
transpiration),
o des pansements pour les ampoules (ex de chez Urgo®, un partenaire local à citer !!).
- pour les hématomes :
o de l’huile d’amandes douces : bien utile pour éviter l’apparition des hématomes en surface grâce à la
pénétration très rapide de ce produit dans la peau,
o des gels contre les hématomes : Arnicagel®, Osmogel®, beaucoup moins efficaces que l’huile
d’amandes douces !!
- pour les traumatismes directs :
o une bombe de froid, de moins en moins utilisée. Attention : il faut la pulvériser au moins à 20 cm de la
peau, pour éviter les brûlures et arrêter quand la peau devient blanche.
o des poches réfrigérées : Cold pack® ou autre, à refroidir au freezer ; certains produits sont à « craquer »
pour libérer le froid. Il ne faut pas les poser directement sur la peau mais toujours entreposer un linge
pour éviter les brûlures et envelopper le tout avec une serviette pour que le froid reste.
o un sac isotherme ou une glacière,
- Petite astuce : un sachet d’un kilo de petits pois surgelés peu idéalement remplacer une poche réfrigérée (bien
pratique sur un genou, par exemple et à moindre coût puisque réutilisable à volonté).
- pour la contention :
o du sparadrap,
o des bandes :
 attention il faut éviter les bandes qui ne respirent pas.
 les bandes de contention sont peu efficaces, sauf pour servir d’écharpe.
 les grandes bandes Velpeau permettent de tenir les packs de froid.
 pour le strapping : il en existe de différentes tailles et de différentes marques (Fish, Urgo, etc),
les sportifs ont souvent leurs préférences.
les bandes souples : le mot « élastoplaste » est tombé dans le domaine public, c’est
pourquoi un laboratoire américain a mis sur le marché les bandes « Tensoplast ®».
Attention à ne pas trop les serrer. Pour bien percevoir la tension, il faut penser à
« casser » l’élasticité de ce genre de bande avant de l’utiliser.
les bandes rigides, comme le Strappal® sont surtout utilisées pour bloquer une
articulation, par exemple au niveau des doigts chez les volleyeurs.
Il faut aussi des ciseaux pour couper ces bandes, un rasoir et une bombe à raser (il
existe aussi un ustensile spécial pour ôter un strapping, bien utile quand le kiné doit
intervenir rapidement sur un match).
- d’autres produits pouvant être utiles :
o un collier cervical, de taille moyenne, qui pourra dépanner le temps de l’arrivée du SAMU ou des
pompiers.
o des sucres enveloppés,
o des abaisse-langue,
o un carnet et un stylo, pour noter l’heure de la pose de glace, ou d’un collier cervical,
o une petite lampe,
o pas de crème ou autre produit de massage : car on ne masse pas un claquage ou une déchirure
musculaire (ou une suspicion). Le massage se fait sur les contractures. De plus, on ne masse pas les
enfants, à cause des zones cartilagineuses non encore ossifiées, très proches en général.
Voila un peu près ce que vous devez avoir dans une trousse de kiné sur un stade. Y a-t-il des questions ?
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Dr Nathalie LAUER
Quel est le poids de votre valise ? Lors de suivi de compétitions, il m’est arrivé d’avoir 32 kg de médicaments et produits
divers !
M. François HELIE
En effet, le poids peut très vite représenter un problème !
Des sociétés (comme 3M®) proposent une valise avec les produits de base.
Mais très souvent au fur et à mesure le kiné ajoute divers ustensiles, et ce n’est jamais ce que demande le sportif !
En fait, le sportif apporte souvent sa bande s’il désire un strapping avant la compétition. Une fois sur le terrain de compétition
le kiné est là pour soigner les urgences, il ne transporte pas un magasin avec lui.
D’autre part, le sportif peut tout à fait se faire prescrire les produits nécessaires par le médecin du sport qui le suit. Il sera
remboursé. Je tiens à insister sur la collaboration nécessaire entre le médecin et le kiné, qui est souvent oublié dans la prise
en charge ou sollicité au cabinet par le sportif à n’importe quel moment !
Dans certains clubs, il existe des conventions avec le kiné pour organiser correctement la prise en charge, avec les
ordonnances de séances de kiné et les produits nécessaires.
Dr Patrick AVIAT
Vous n’avez pas parlé des produits utiles pour les porteurs de lentille, il arrive parfois que le sportif soit gêné.
M. François HELIE,
Il est vrai que pour tout problème oculaire, il est utile d’avoir des collyres. De même pour les problèmes nasaux, du sérum
physiologique permet de dégager le nez s’il y a de la terre ou quoi que ce soit d’autre. Sinon on peut utiliser de l’eau
(normalement le club fournit toutes les bouteilles d’eau).
M. Dominique BENEY
Peut-on utiliser un bâtonnet en guise d’attelle en cas de fracture d’un doigt.
M. François HELIE
En effet, un bâtonnet ou un abaisse-langue pour faire office d’attelle en attendant l’évacuation du blessé.
Dr Nathalie LAUER
A quoi vous est utile le coton ? N’a-t-il pas tendance à faire des peluches ?
M. François HELIE,
Je m’en sers pour laver. En cas de plaie je préfère utiliser les compresses stériles.
Mais le coton permet par exemple de nettoyer le visage plein de boue d’un joueur de foot ou de rugby.
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CLOTURE par les docteurs Nathalie LAUER et Patrick AVIAT
_______________________________________________________________________
Dr Nathalie LAUER
Nous avons à nouveau, Patrick AVIAT et moi-même, la difficile tâche de faire la synthèse.
Le Dr Jean-Pierre FOUILLOT a gentiment laissé les documents qu’il nous a présentés, ils sont disponibles sur le site du
C.R.O.S. d’Île-de-France.
Nous avons donc bien compris que le mot « complément alimentaire » n’était peut être pas très judicieux en fonction de la
composition des produits. Nous saurons maintenant tous bien regarder une étiquette et vérifier la composition des produits
même si certains mots sont un peu compliqués et pas toujours faciles à retenir (par exemple « citrus aurantius », « tribulus
terrestris »…).
Il faut retenir que les produits de la performance ne sont pas très utiles en fait, et que les vendeurs de compléments
alimentaires présentent des arguments de résultats qui ne sont souvent que des allégations non vérifiées.
François HELIE est venu nous présenter sa mallette. Nous avons vu l’étendue de ce que peut faire un kiné sur le terrain. Il
est amené à faire face à pas mal de situations différentes : effectuer une trachéotomie, enlever une lentille de contact ou
poser un collier cervical et bien sûr avoir à agir sur des traumatismes plus ou moins importants.
Je fais confiance à votre mémoire pour tout retenir, je vous remercie d’être venus et je laisse la parole à Patrick AVIAT.
Dr Patrick AVIAT
Je voulais insister sur ce que disait tout à l’heure François HELIE. C’est-à-dire sur la collaboration nécessaire entre le
médecin et le kiné. Cela n’est pas toujours facile en milieu sportif mais ça me paraît nécessaire au bénéfice des sportifs.
Jean Pierre FOUILLOT nous a inondés d’informations. J’ai beaucoup apprécié l’atelier pratique et je pense que chacun lira
d’une autre manière les produits à disposition.
Nous vous convions maintenant à partager un verre de l’amitié, avec des jus de fruits naturels. Même si les étiquettes n’ont
pas encore été vérifiées je vous promets qu’elles sont fiables.
Merci encore d’être venus et à l’année prochaine pour les Médicales du sport en Bourgogne. Je ne sais pas encore quelle
en sera la date ni le thème mais vous pouvez toujours nous suggérer des sujets.
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Ateliers pratiques
ATELIER 1 :
Découverte des compléments alimentaires.
ATELIER 2 :
Présentation et démonstration du
contenu de la mallette du
kinésithérapeute.
COMITE REGIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF DE BOURGOGNE
C.R.E.P.S. BOURGOGNE DIJON - 15 rue Pierre de Coubertin - 21000 DIJON
Tél : 03 80 41 77 99 - Fax. 03 80 76 93 98
E-Mail : [email protected]
Site : www.cros-bourgogne.com

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