les organisations en équipes autonomes
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les organisations en équipes autonomes
Pascal TREY Christophe DEVULDER Extrait Sommaire Insuffisances de l’organisation traditionnelle L’équipe à responsabilité élargie Progrès continu et efficacité opérationnelle Les unités de production autonomes Projets de déploiement Insuffisance de l’organisation traditionnelle L’organisation traditionnelle Dans les années 1970, les entreprises étaient dans des marchés où la demande était soutenue et la concurrence relativement faible. Les produits étaient faits sur mesure ou fabriqués en masse avec peu de diversité. Les cycles de vie des produits étaient longs comparés à ceux d’aujourd’hui. Pour répondre à la demande de cette période, les entreprises se sont organisées en conséquence. Par application du taylorisme, l’entreprise est divisée par métier avec un management spécialisé et une vision militaire de l’encadrement. Le maître mot est que chacun doit être le meilleur dans son périmètre de responsabilité. Pour compenser le niveau faible du personnel de production, Le travail est finement préparé ou contrôlé par des services supports (méthodes, ordonnancement, qualité) étoffés. L’organisation du travail s’appuie sur les ressources suivantes : Encadrement -> Responsables métiers -> Spécialistes métiers (Fonctions Support) -> Encadrement de proximité directif -> Exécutants spécialisés Les nouvelles organisations Pour les entreprises, le décalage entre le potentiel théorique des nouvelles organisations et leur gestion quotidienne a mis en évidence des faiblesses : - Créativité faible car entre les mains de quelques spécialistes - L’adaptabilité est l’affaire de services spécialisés qui prévoient tout - La flexibilité n’a pas bonne presse car on n’en voit que les contraintes personnelles - La réactivité ne se pratique que par l’urgence car l’inertie du système est trop forte - La qualité est dans les mains des spécialistes - La productivité reste un point fort du pilotage au détriment de la réactivité - L’anticipation nécessite une bonne maîtrise des systèmes de pilotage informatisés De nouvelles idées fortes sont alors apparues dans le monde du management avec tout d’abord le décloisonnement pour bénéficier de l’expérience de tous. Cette pratique a donné naissance aux plateaux projets en conception produit ou aux cercles de qualité pluridisciplinaires en production. En parallèle, des expériences cherchant à accroître l’autonomie d’une équipe sur un périmètre précis en adaptant les modes de gestion en production ont été menées par les pionniers que sont Volvo et Renault. Ces expériences n’ont pas convaincu à l’époque car dans le cas de Renault, les nouvelles équipes, appelées UET, se sont trouvées au cœur du mouvement social. Pour Volvo, les expériences des équipes semi autonomes ont été longtemps critiquées pour leur manque de rentabilité. C’est l’arrivée en force des produits et des méthodes japonaises comme le TPS (Toyota Production System) qui ont validé les concepts et fait avancer le débat avec des organisations en petit groupe menées par un leader. L’équipe à responsabilité élargie L’évolution des besoins de l’individu L’augmentation des qualifications professionnelles et la professionnalisation de tous les métiers ont fait évoluer le contexte global du travail. Dans de nombreuses entreprises, les opérateurs maintenant embauchés vont de BAC à BAC + 2. Cette augmentation du niveau d’éducation impose un changement des relations de travail. Ce changement est malheureusement en décalage dans de nombreuses entreprises ou les embauches actuelles se confrontent à un encadrement de proximité qui n’a pas forcément évolué : - L’encadrement supérieur n’a pas anticipé ces problèmes - La structure d’encadrement n’a pas évoluée, reste très hiérarchique et autoritaire - L’encadrement de proximité est hostile à une évolution qui le dévalue - L’encadrement de proximité est entre le marteau et l’enclume, Les individus jeunes sont prêts et demandeurs de nouvelles structures qui leurs permettent de s’exprimer et d’évoluer. Les entreprises ont de leur coté besoin de collaborateurs beaucoup plus volontaires, engagés dans la recherche de la performance et du progrès. On sent dans cette relation gagnant - gagnant un formidable levier pour l’individu et pour l’entreprise. Notre propos n’est pas ici de rester dans le simple troc de la flexibilité accrue contre la baisse du temps de travail. Notre volonté est d’amener chacun à comprendre les enjeux que représentent ces organisations en équipes en donnant aux acteurs (opérateurs, encadrement de proximité, spécialistes, encadrement) les possibilités de s’y intégrer de manière constructive. Bien que les choses aient évoluées, il reste à l’encadrement supérieur et aux syndicats un parcours significatif pour favoriser cette évolution de la relation de travail. L’évolution du contexte de travail L’idée du travail en équipe est venue progressivement avec les améliorations apportées aux flux de production dans les industries à processus discrets. L’évolution a tout d’abord consisté à regrouper les moyens ou à grouper plusieurs machines en un îlot pour rentabiliser le travail de l’opérateur. La difficulté d’équilibrer les lignes et la souplesse de l’utilisation des îlots a amené des implantations en U qui combinent les avantages de l’îlot individuel et de la ligne avec la souplesse d’équilibrage. Ces cellules en U ont imposé la notion d’équipe en cassant le travail cloisonné (une personne spécialisée par poste) et la nécessité de la polyvalence / polycompétence. En augmentant le périmètre de travail de chacun et la nécessité de se coordonner pour s’adapter à la charge de travail, on a renforcé la notion d’équipe. Très souvent, on a positionné des tableaux muraux pour aider l’équipe à mieux se coordonner. Ces tableaux sont devenus des supports pour des réunions d’équipes. La volonté d’utiliser au mieux les ressources a amené le regroupement de plusieurs cellules sous une même autorité hiérarchique. Ce regroupement facilite l’équilibrage et permet une gestion prise en charge par les équipiers eux-mêmes. Les premières équipes se sont crées sur ce schéma et ont souvent été qualifiée d’autonomes. Néanmoins, plusieurs défauts handicapent ces équipes : - La taille de l’équipe importante pour justifier l’échelon hiérarchique - L’interaction difficile avec les services supports (ex : planification centralisée…) - La spécialisation de chacun qui encourage plutôt la polyvalence (même métier sur des équipements différents) que la polycompétence (métiers différents) d’ou l’émergence des rotations par spécialités. Progrès continu et efficacité opérationnelle L’équipe en mouvement Relations internes : Établir les règles de fonctionnement et mettre en place les actions qui permettent au groupe de fonctionner correctement en interne. Parmi les points clés, notons : - Animer le groupe au quotidien en s’appuyant sur la communication visuelle - Connaissances des contributions individuelles aux besoins de l’équipe (matrice de polyvalence - poly compétence) - Organisation de l’espace de travail favorisant l ‘autonomie (territoire porteur de règles à interprétation immédiate. Ex : terrain de football) - Mise en place d’actions de progrès au sein du groupe qui favorise l’implication individuelle et l’efficacité collective Relations amont / aval : Établir les contacts nécessaires avec les autres équipes et les fonctions clients et fournisseurs pour gérer en interne les informations nécessaires à un fonctionnement fluide et optimisé Relations avec les services supports : Développer les relais et les supports d’information permettant de communiquer simplement avec chacun des services supports (rôles fonctionnels). Formaliser les domaines d’intervention et les coopérations à établir. Mesurer l’efficacité de ces interactions. Relations avec l’encadrement : L’encadrement est à la disposition de l’équipe, non pas pour prendre les décisions et actions à la place de l’équipe, mais pour valider ces décisions et lever les situations de blocage. L’encadrant de proximité conserve certaines prérogatives (équipes postées) et facilite les décisions de terrain (relation avec autres encadrants) L’encadrant d’unité est le coordinateur des équipes qu’il a sous son autorité, il doit prendre en charge les actions qui lui sont assignées et qui doit anticiper les chantiers de progrès de l’équipe Déploiement quotidien du progrès continu La grande force des équipes autonomes, face aux équipes « classiques », est de prendre en compte le progrès au jour le jour par une animation quotidienne. Chaque dysfonctionnement constaté au sein de l’équipe autonome (EA) et émis par les équipiers, les services support ou les membres d’autres îlots (dysfonctionnement transversal) est analysé et traité (au sens Plan-Do-Check-Act) par l’équipe. Les actions qui en résultent sont prises en charge directement par les équipiers ou sous-traitées auprès des services supports experts qui réalisent l’action demandée. Parmi ces actions, certaines ont pour objet d’écrire ou de faire rédiger des fiches méthodes (one point lesson) destinées à former l’équipe (procédure, point technique, point qualité, fiche « plus jamais ça »…). Animation quotidienne de l’équipe autonome Nous préconisons une animation régulière à heure fixe destinée à piloter l’équipe. Cette réunion est souvent appelée « point 5mn ». Elle prend place le matin ou le soir et ne doit durer que 5 mn. Elle demande une préparation très sérieuse de la part de l’animateur. La réunion comprend en général 2 parties : Réalisation du travail quotidien : Il s’agit de l’action à très court terme. On traitera généralement des points marquant de la veille, des objectifs et consigne du jour et de la programmation du lendemain Gestion du progrès quotidien : Il s’agit de sélectionner les rubriques que l’on peut balayer chaque jour pour rester dans le « timing ». On choisira de traiter des dysfonctionnements, de valider des actions, d’affecter des actions, de commenter les indicateurs du groupe… Une des réunions de la semaine est souvent un peu plus longue (de 5 à 20 mn) et permet de faire un suivi complet du plan d’action de l’équipe, d’attaquer des problèmes plus compliqués ou de former le groupe à une « one point lesson » Projets de l’équipe autonome Une des deux caractéristiques des équipes autonomes est de mener des actions volontaires de progrès. Ces actions se caractérisent par des projets, appelés « chantiers de progrès », qui oriente l’évolution des équipes sur les différents axes de l’excellence industrielle Comme pour l’animation quotidienne d’équipe, l’animation du chantier prend la forme d’une réunion courte (30 mn) qui se produit à intervalle régulier (hebdomadaire) autour du tableau projet. Les unités de production autonomes L’unité de production autonome est le regroupement de plusieurs équipes sous une même autorité, leur taille des unités dépend de l’entreprise. On rencontre assez souvent des unités de 3 à 5 équipes qui sont elles-mêmes regroupées au niveau d’un site industriel. Plusieurs questions subsistent quand à l’adaptation de l’organisation : Que devient l’encadrement de proximité ? Il est injecté dans une équipe ou intègre un service support et p eut en charge le pilotage d’un projet prendre Comment et à quel niveau s’organisent les services support ? Les services supports (qualité, méthodes, planification …) sont ceux qui ne sont pas directement sur la chaîne de transformation du produit (chaîne de valeur). Ils peuvent être rattachés directement à une unité, au site industriel ou même à des directions fonctionnelles dans le cas d’entreprises importantes. Il faut différencier l’attachement hiérarchique et le champ d’activité du service support (ex : un service de DAO est rattaché à l’unité qui l’emploie le plus, mais intervient pour tous les services). On peut donc différencier les services support dédié à une unité et les services supports multi unité. Pour notre part, nous pensons que l’attachement hiérarchique d’un service support « expert » doit être confié à l’entité qui est la mieux placée pour conduire les choix stratégiques de ce service support, sans oublier pour cela l’intérêt général. Quelle organisation pour les équipes en 2 ou 3 postes Si l’organisation a une organisation de jour, il est préférable d’avoir un seul animateur qui soit de jour et couvre les deux équipes. Si les animateurs sont postés, ils couvriront chacun leurs postes respectifs avec un échange de consignes à organiser incluant une coordination légère pour la réunion. Une adaptation identique est à prévoir au niveau des projets (Hishikawa interactif particulièrement adapté au travail posté) Dans tous les cas, les équipes postées partagent les mêmes tableaux visuels Nous mettons en garde les relevés d’indicateurs poste par poste car cela facilite les comparaisons et crée une compétition malsaine entre les postes. Il est plus intéressant de faire tracer la contribution de chaque poste à un objectif commun. Pourquoi et comment gérer l’animation au niveau de l’unité ? L’animation au niveau de l’équipe ne concerne que des indicateurs locaux propres à l’équipe L’unité de production peut vouloir regrouper plusieurs indicateurs d’équipes et mesurer d’autres indicateurs que ceux des équipes. Par ailleurs, elle permet de savoir simplement quels sont les projets des équipes en cours, les principaux résultats… L’animation se fait elle aussi par le biais d’un tableau de communication. L’animation est ici assurée par le responsable d’UP Les participants sont souvent les leaders d’équipes et des postes tournants d’opérateurs Pourquoi et comment gérer l’animation au niveau du site industriel ? Au niveau du site industriel, l’animation a un rôle d’information large du personnel concernant les projets, les résultats usines… L’affichage a un rôle important pour les visiteurs. Il comportera des éléments d’identité du site (produits, marchés, …) L’affichage permet aussi de relayer des messages importants destinés en interne Projets de déploiement d’une organisation en équipes autonomes L’avant-projet La mise en équipe autonome est un acte majeur de l’entreprise qui va bien au delà d’un projet pilote. C’est un sujet qui est vraiment d’actualité alors que l’on pouvait penser ces organisations en place depuis une décennie. Pour bien comprendre l’importance de la phase d’analyse, nous devons lister les enjeux personnels des différentes catégories d’acteurs susceptibles d’être impliqués dans ces projets : L’encadrement direct : Pour l’encadrement direct, il s’agit d’une nouvelle méthode de gestion ou il doit s’impliquer davantage en temps que « sponsor » et dépositaire du progrès permanent sur son périmètre. Le nouveau rôle comporte les qualités suivantes : animer et entraîner, encourager et soutenir, déléguer, favoriser la prise de responsabilité, contrôler et amener beaucoup de rigueur, gérer la reconnaissance, informer avec beaucoup de transparence Ce changement de management fait peur car il génère une relation avec des acteurs multiples. Le terme « autonome » des équipes est en lui-même un frein car il est associé à l’autogestion (donc plus de « chefs » !). C’est pourquoi le terme équipe « à responsabilités élargies » ou « semi autonomes » est plus proche de la réalité. L’encadrement support : Pour l’encadrement support, il a plusieurs phénomènes : - Diminution de la taille de l’équipe support qui devient support « expert » - Des équipiers support intègrent souvent les équipes pour renforcer le degré d’autonomie technique - Les experts changent de mission. On leur demande de ne pas se cantonner aux rôles techniques, mais d’avoir un rôle de formateur, de coach, de contrôle et de spécialiste pointu d’un métier technique dont l’entreprise souhaite conserver la maîtrise - De faciliter la transition vers une prise en charge d’une partie des opérations supports par les équipiers eux-mêmes L’encadrement de proximité : Plusieurs écoles ici s’affrontent sur le rôle de l’encadrement de proximité. Le plus simple est que l’agent de maîtrise prenne le rôle de leader / animateur en restant hiérarchique, mais avec une redéfinition de sa mission. Cela consiste par exemple à ne plus traiter aucune action en dehors du cadre de la réunion quotidienne et de la remontée de dysfonctionnement. Si la maîtrise est insuffisante en quantité pour couvrir le nombre d’équipes, nous conseillons de ne pas nommer de nouveaux contremaîtres. Le nouveau rôle doit être bien compris et accepté. Il n’est pas rare de voir des anciens agents de maîtrise reprendre un rôle d’équipier. Une alternative intéressante est la prise en charge du pilotage d’un projet, surtout si il est un peu technique. Comme le montre la figure 13, on ne cherche pas à remplacer l’agent de maîtrise par une autre hiérarchie, mais à faire prendre en charge des rôles qui sont tournants dans le cas des projets. Le plus difficile pour le pilote, c’est de bien distribuer les tâches sans les endosser toutes. Le rôle classique de l’encadrement de proximité est redistribué dans les équipes. L’encadrant, si il subsiste, doit donc prendre d’autres initiatives et devenir un animateur. Cette conversion n’est pas naturelle et demande de la formation. L’encadrement devra être vigilant sur la volonté de l’encadrant de proximité à être un leader au sens du progrès permanent. Il n’est pas rare de voir des équipes stagner avec un vrai faux animateur à leur tête ! Les équipiers : « Chacun doit passer d’un rôle de spectateur à un rôle d’acteur ». Parmi les équipiers, il y a ceux qui vont prendre des initiatives et les assumer, ceux qui pensent pourvoir en prendre sans les assumer et ceux qui ne veulent rien changer à leur habitude. Les deux dernières catégories vont essayer, comme par le passé, de faire assumer les actions par l’ancien encadrant, qui généralement, les devancent. La méthode amène chaque équipier à être actif selon ses capacités et ses compétences. Chaque équipier doit élargir, à son rythme, son champ d’intervention. Les différents projets sont là pour l’aider à évoluer. L’évolution de chaque individu entraîne une évolution progressive de toute l’équipe. Le projet Que la mise en équipe autonome soit un projet pilote isolé ou un chantier pilote au sein d’un projet d’excellence industrielle ou encore un démarrage lié à un projet 5S, on retrouve généralement les étapes suivantes : Information concernant le projet au niveau du comité de direction ou d’établissement et acceptation du projet Mise en place d’une structure projet (comité de pilotage) Communication ciblée encadrement Communication ciblée encadrement de proximité dans le périmètre Formation d’une équipe mélangée (opérateurs moteurs, agent de maîtrise, futurs acteurs ou pressentis) aux équipes autonomes avec mise en situation Formation à l’outil de progrès permanent qui sera associé à l’équipe autonome (ex : 5S) Démarrage du chantier 5S Démarrage du fonctionnement en équipe Bilan du premier chantier Communication large Extension de la formation équipe Extension de la formation outil Déploiement des équipes suivantes Mise en place de l’animation verticale (UP regroupant plusieurs équipes et unité regroupant plusieurs UP) Mise en place de l’animation transversale (prise en compte au plus haut niveau des progrès accomplis par le « terrain » et mise en place de la politique de reconnaissance) Cette liste n’est pas exhaustive. Les deux premiers points sont bien sur beaucoup plus développés dans le cas de projets d’excellence industrielle. On peut démarrer le fonctionnement en équipe avant le projet de progrès (5S, Hishikawa interactif…), mais nous conseillons un chevauchement de ces deux projets, sachant que seul le projet équipe n’est pas temporaire. A ce propos, il faudra bien indiqué un début et une fin du projet équipe, la fin indiquant que l’équipe entre dans un phase d’exploitation continue.