Maria-Antonietta Macciocchi, figure intellectuelle

Transcription

Maria-Antonietta Macciocchi, figure intellectuelle
Dans le cadre du 40e anniversaire de l’Université Paris 8 : Journée-hommage à
« Maria-Antonietta Macciocchi, figure intellectuelle et
passeur politique des années Vincennes »
6 Conférences-débats - Mardi 7 avril 2009 – Amphi X
et une exposition à la Bibliothèque Universitaire – du 6 avril au 10 mai 2009
Organisateur
Bibliothèque de l’Université de Paris 8 –Saint Denis
Direction scientifique : Marie-Cécile Bouju (Conservateur des bibliothèques, Université Paris IV),
[email protected]
Brigitte Dujardin (Conservateur des bibliothèques, Université Paris 8)
[email protected]
Organisation : François Férole ([email protected])
En partenariat avec le Centre de Restauration et de Sauvegarde des Archives Vidéo-Laboratoire VAO
(Marie-Françoise Garaudet, Patrice Besnard)
Présentation
Maria-Antonietta Macciocchi est décédée le 15 avril 2007 à Rome à l’âge de 84 ans. A
l’automne 2007, sa fille, Giorgina Amendola Cascavilla, a fait don au Service commun de la
documentation de l’Université de Paris 8 de la bibliothèque parisienne de sa mère, soit
environ 2000 volumes (livres et revues) mais aussi cinq dossiers d’archives et un petit
ensemble de photographies.
Ces deux faits ont coïncidé avec le lancement du projet des Commémorations du quarantième
anniversaire de la fondation de l’Université de Vincennes. Cette concordance constitue, pour
la bibliothèque de Paris 8, l’occasion de revenir sur une figure particulière d’intellectuelle
dont l’histoire a été liée, un moment, à l’expérience vincennoise.
M.A.Macciocchi, suite à un conflit important qui l’opposa au Parti communiste italien dont
elle était membre, décida, au début des années 1970, de s’installer en France. Elle y fut
accueillie entre autres par l’université de Vincennes où elle enseigna dans le département de
Sociologie pendant quelques années. C’est aussi à Paris, à la Sorbonne, qu’elle soutint sa
thèse.
La bibliothèque de M.A.Macciocchi donne une image fidèle de ses préoccupations
intellectuelles, à la fois en tant qu’enseignante et que militante. Elle offre le fil conducteur
des thèmes et problématiques autour desquels la journée que nous proposons s’organisera.
La venue de M.A.Macciocchi en France avait été précédée par la traduction de son livre sur la
Chine maoïste qui avait reçu à Paris un accueil enthousiaste. Ses séminaires vincennois
portèrent, eux, sur le phénomène fasciste, sur la pensée politique de Gramsci et, chose moins
connue, sur le cinéaste, écrivain et intellectuel Pier Paolo Pasolini. Ils ont donné lieu à des
publications françaises. Sa bibliothèque porte aussi les traces son intérêt pour l’histoire du
communisme, en particulier en Italie, pour le féminisme et pour l’Europe où elle fut élue
députée dans le cadre du Partito radicale.
On peut dire que M.-A. Macciocchi fut d’abord une intellectuelle militante qui se proposait
d’intervenir dans l’espace public pour y faire entendre sa voix. Elle fut également un écrivain
et une enseignante. Enfin, elle fut un passeur culturel et politique entre la France et l’Italie. A
cheval entre plusieurs genres et investie dans plusieurs rôles, on lui doit également d’avoir
jeté des ponts entre eux et contribué à tisser des réseaux intellectuels et politiques.
Les centres d’intérêt et les engagements multiples de M.-A. Macciocchi portent la marque
caractéristique de la période ouverte par le mouvement de Mai 68. Cette trajectoire typique est
passée, pendant un moment bref mais intense, par l’Université de Vincennes où elle a laissé
des traces significatives.
Cette journée s’efforcera donc de mettre au jour, à travers l’itinéraire de cette forte
personnalité, les caractéristiques historiques de cette époque et interrogera leurs éventuelles
résonances dans le monde contemporain.
Programme des conférences
Matin
9h45
Accueil des intervenants par Carole Letrouit, Directrice du SCD de Paris 8
Présentation de la journée par Marie-Cécile Bouju
10-10h30
Marie-Cécile Bouju, Université Paris-Sorbonne (Paris IV) et Olivier Fressard, Université Sorbonne
Nouvelle (Paris 3), Conservateurs des bibliothèques.
« La bibliothèque et les archives de M.A.Macciocchi à la bibliothèque de l’Université
Paris-8 »
10h30-11h
Anne Marijnen, Maître de conférences en Sciences politiques, Université de la rochelle / LASAPE
EA 3818
« Macciocchi avant Macciochi : un itinéraire partisan »
11h-11h30
Antonio Benci, Université de Venise, Spécialiste de l’histoire de '68 en Italie par rapport à la
France
« Le Mai 1968 "entre" dans l'histoire d'Italie »
11h30-12h
Questions-débat
Après-midi
14h-14h30
Jean-Yves Fretigné, Maître de Conférences en Histoire, Université de Rouen.
« La réception de Gramsci en France »
14h30-15h
Hervé Serry, Sociologue (Centre de recherche sociologue et politique de Paris / CRESPPA CSU, UMR 7217 - Paris 8 / Cnrs).
« La réception de De la Chine de M.A.Macciocchi »
15h-15h30
Jean-Paul Aubert, Maître de conférences en Cinéma, Université de Paris 8.
« M.-A Macciocchi et P.-P. Pasolini : De " Vie Nuove" à "Vincennes", de Rome à Paris :
du parallélisme de leurs itinéraires et de leurs intersections. »
15h30-16h
Questions-débat
Projection
Document vidéo enregistré lors du colloque « Le nouvel ordre intérieur » organisé à l’Université Paris
8 du 19 au 22 mars 1979, avec notamment Michel Foucault, François Châtelet et Maria-Antonietta
Macciocchi (durée de l’intervention de M.A. Macciocchi : 50 minutes environ).
Maria-Antonietta Macciocchi, une femme dans son temps
(1922, Isola del Liri - 2007, Roma)
La période communiste
Maria-Antonietta Macciocchi, née dans une famille antifasciste de la bourgeoisie romaine, adhère au
Parti Communiste Italien - alors dans la clandestinité - en 1942, et participe à des actions de
propagande avec la résistance durant la guerre. En 1950, elle obtient un diplôme en Histoire de l'Art à
l'Université "La Sapienza" de Rome.
De 1956 à 1961, elle dirige le magazine Noi Donne, organe officiel de l’UDI (Unione Donne in Italia)
et envoie Curzio Malaparte en reportage en Chine. En 1961, elle prend la direction de l’hebdomadaire
Vie Nuove, organe du Parti Communiste Italien, qu’elle transformera en un véritable magazine en y
confiant notamment une rubrique à Pier Paolo Pasolini. En 1968, elle laisse la direction de Vie Nuove
pour devenir correspondante de L’Unità à Alger, Bruxelles et Paris, puis réalise des entretiens avec de
nombreux leaders du monde communiste et de pays non alignés, comme Tito, Ahmed Ben Bella,
Indirà Gandhi et Nikita Khrouchtchev. La même année, elle est élue député PCI pour la
circonscription de Naples.
Son attitude critique envers le Parti, exprimé dans ses Lettres de l'intérieur du PCI envoyées à Louis
Althusser puis publiées dans un livre et son attitude enthousiaste à l’égard du communisme chinois
vis-à-vis duquel le PCI adopte au contraire une attitude de défiance, la mettent en conflit avec le
comité central.
La période « chinoise » et l’exil à Paris
En 1971, de retour d’un voyage en Chine, Maria-Antonietta Macciocchi publie un livre de 560 pages
intitulé De la Chine dans lequel elle dresse un portrait élogieux du « paradis socialiste ». Cette prise de
position provoquera d’innombrables contestations des spécialistes et une polémique virulente dont elle
restera affectée. Elle ne recevra pas l’investiture de son parti pour les élections de 1972. MariaAntonietta Macciocchi décide alors de quitter l'Italie et de s’installer à Paris où ses livres ont reçu une
certaine audience. Elle est nommée comme assistante à l’Université de Vincennes de 1972 à 1974, où
elle dirige notamment des séminaires sur Gramsci et Pasolini. En 1977 elle soutiendra un Doctorat
d’Etat en Sciences politiques à la Sorbonne, avec Maurice Duverger comme président du jury.
La rupture avec le PCI et l’élection au Parlement Européen
En 1977, Maria-Antonietta Macciocchi est un personnage de premier plan du monde intellectuel
parisien, proche de philosophes, écrivains, poètes, professeurs d'université et journalistes tels que
Sartre, Sollers, Althusser et Lacan et des mouvements étudiants contestataires.
Quand la police italienne réprime violemment le mouvement des Autonomes et le soulèvement
étudiant de Bologne, et ferme Radio Alice (une des premières radios libres - « mao-dadaïste ! » - des
années 70), Maria-Antonietta Macciocchi mobilise les intellectuels français (parmi lesquels Barthes,
Claude Mauriac, Ionesco, Foucault, Deleuze, Sollers, Sartre, Châtelet, Guattari, Glucksmann,
Lapassade…) en leur faisant signer un appel condamnant la répression et le « compromis historique »
-alliance de fait entre la DC et le PCI-. Macciocchi se rend même à Bologne où un grand
rassemblement est organisé. C’en est trop pour le PCI et, en octobre de cette année, elle est exclue du
parti à la suite d’une réunion de cellule accusatoire de la section de Rione Trevi, dont elle dépend.
Elle répliquera en publiant "Après Marx, avril".
Sa veine polémique attire l'attention du leader du Parti Radical italien, Marco Pannella, qui l’investit
aux premières élections pour le Parlement européen. En 1979, Maria-Antonietta Macciocchi est élue
au Parlement de Strasbourg et, comme membre de la Commission Justice, elle se battra pour
l'abolition de la peine de mort. Elle adhère au groupe parlementaire de « coordination technique et de
défense des groupes et députés indépendants » dont elle fera partie jusqu'en février 1982 ; puis rejoint
le groupe socialiste. Au cours de sa mandature, Macciocchi fera aussi partie de la Commission sur la
condition de la femme en Europe.
Correspondante du monde entier
Maria-Antonietta Macciocchi mène de front son travail de parlementaire européenne à celui de
journaliste, collaborant au Corriere della Sera tout en livrant régulièrement des chroniques au Monde
et à El Pais sur différentes parties du monde, du Cambodge à l'Iran et Jérusalem. En 1992, François
Mitterrand lui remet la Légion d'Honneur. Fascinée par le charisme du pape Jean-Paul II, qu’elle
rencontre la même année, la militante féministe écrit un inattendu Les Femmes de Wojtyla. Ce sera
l’un des derniers contre-pieds d’un parcours intellectuel et politique effectué sur le fil de la liberté.
Dernières activités
Dans les années 90, Macciocchi prend de la distance avec son activité journalistique pour se
concentrer sur l'écriture. Elle publie des travaux consacrés à l'histoire à Naples à la fin du XVIIIème
siècle, et à l’épisode de la République Napolitaine. Elle publie en 1993 Chère Eleonora : la vie
passionnée d'Eleonora Fonseca Pimentel dans la Révolution napolitaine, livre consacré à Eleonora
Fonseca Pimentel, et en 1998 L'amante della rivoluzione. La vera storia di Luisa Sanfelice e della
Repubblica napoletana del 1799. Aux élections européennes de 1994, Macciocchi est candidate au
Parlement Européen sur les listes du Patto Segni (ou Patto di Rinascita Nazionale), sans réussir
toutefois à obtenir un siège.
En février 1999, elle suscite de nouvelles polémiques avec un article publié dans le Corriere della
Sera dans lequel elle décrit un "épisode historique" demeuré inconnu concernant le viol collectif et le
massacre de quarante religieuses de l’ordre des Soeurs d'Orsoline perpétré dans la ville d’Altamura
par des bandes emmenées par le Cardinal Ruffo après le siège de la ville en mai 1799. La véracité
historique de cet épisode sera contestée par certains historiens.
En 2000, elle met la dernière main à son autobiographie avec une nouvelle édition, élargie, de Deux
mille ans de bonheur dont la première édition avait parue en 1983.
(Sources : Wikipedia.it, Corriere della Sera 15/04/2007, L’Unità 16/04/2007, Le Monde
20/04/2007, The Guardian 21/05/2007)
Bibliographie italienne
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Persia in lotta, Edizioni di Cultura Sociale, 1952
Lettere dall'interno del PCI a Louis Althusser, Feltrinelli, 1969
Dalla Cina (Dopo la rivoluzione culturale), Feltrinelli, 1971
Polemiche sulla Cina, Feltrinelli, 1972
Per Gramsci, Il Mulino, 1974
La donna "nera" : Consenso femminile e fascismo, Feltrinelli, 1976
La talpa francese, Feltrinelli, 1977
Dopo Marx, aprile, Libri dell'Espresso, 1978
Duemila anni di felicità, Mondadori, 1983
Di là dalle porte di bronzo, Mondadori, 1987
La donna con la valigia, Mondadori, 1989
La forza degli italiani, Mondadori, 1990
Le donne secondo Wojtyla, Edizioni Paoline 1992
Cara Eleonora. Passione e morte della Fonseca Pimentel, Rizzoli, 1993
L'amante della rivoluzione. La vera storia di Luisa Sanfelice e della Repubblica
napoletana del 1799, Mondadori, 1997
Bibliographie française
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Lettres de l'intérieur du Parti : le Parti communiste, les masses et les forces
révolutionnaires pendant la campagne électorale à Naples en mai 1968, Maspero, 1970.
De la Chine, Le Seuil, 1970.
Pour Gramsci, choix de textes gramsciens commentés, Le Seuil, 1974.
Éléments pour une analyse du fascisme, Séminaire de 1974-1975 à Paris VIII, avec
plusieurs collaborations (dont celles de François Châtelet, Jean-Toussaint Desanti, Roger
Dadoun, Jean-Pierre Faye), sous la direction de M.A. Macciocchi, UGE : "10/18", 1976.
De la France, Le Seuil, 1977.
Après Marx, avril, Le Seuil, 1978.
Les femmes et leurs maîtres : Séminaire, Paris VIII-Vincennes, textes rassemblés par
Jacqueline Aubenas-Bastié ; sous la direction de M.A. Macciocchi, Bourgois, 1978. Il
s'agit de deux séminaires tenus à Vincennes, en 1975-1976 ("Fascismes et luttes des
femmes") et en 1977-1978 ("Marxisme et féminisme").
Pasolini, séminaire dirigé par M.A. Macciocchi (tenu les 10, 11 et 12 mai 1979 à l'Institut
culturel italien puis à l'Université de Paris VIII), Grasset, 1980
Deux mille ans de bonheur, Grasset, 1983.
La femme à la valise : Voyage intellectuelle d'une femme en Europe, Grasset, 1988.
Eleonora : la vie passionnée d'Eleonora Fonseca Pimentel dans la Révolution
napolitaine, Le Félin, 1995.
Préfaces
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Una donna / Sibilla Aleramo ; préf. di Maria Antonietta Macciocchi ; con uno scritto di
Emilio Cecchi, Feltrinelli, 1973.
L'expérience hérétique : langue et cinéma / Pier Paolo Pasolini ; trad. de l'italien par Anna
Rocchi Pullberg ; préf. de Maria-Antonietta Macciocchi, Payot, 1976.
Lire Gramsci / Dominique Grisoni, Robert Maggiori ; préf. de François Chatelet et Maria
Antonietta Macciocchi, Ed. Universitaires, 1973.