Illustrations 50
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Bulletin d’information bimestriel du Centre Gray édité à 150 exemplaires NUMÉRO taskmgr 50 L’ACTUALITE DU CENTRE GRAY Illustrations S E PT / O CT 20 0 9 Comme les guerrières du mythe grec, les femmes qui subissent une ablation du sein connaissent l’asymétrie de leur corps. Les Amazones des temps modernes sont des femmes qui ont perdu un sein pendant la lutte contre le cancer mais ni leur vitalité, ni leur humour. L’association « les amazones » a fait le pari, à travers des créations artistiques, d’ouvrir le débat sur la question de la norme et des critères de beauté féminine et de changer le regard de l’autre en lui permettant de se familiariser avec ce qui ne se voit pas : une femme avec un seul sein. Quelque part, ne cherchons nous pas à éduquer l’individu à regarder la femme différente… Site internet : ww w. l es am a zo n es .f r Annick Parent, Présidente de l’association « les Amazones » Son livre : Itinéraire d’une amazone, Cancer du sein, l’intime partagé. Editions Ellebore, Paris 2006. Marie Mandy, cinéaste et photographe « Un sein aussi, c’est très bien »… « Lorsque l’on m’a dit que j’allais perdre un sein, j’ai réalisé que je ne parvenais pas à imaginer mon corps avec un seul sein ». Pour imaginer la transformation corporelle, elle éprouva le besoin de voir des personnes sans sein : chercher des formes pour penser sa forme ! Ces photos de femmes ne sont pas souvent diffusées…peut être parce qu’elles nous parlent de la maladie. Cependant, ces femmes restent des femmes car la féminité est plus profonde que cela. Après l’opération, il s’agissait alors de toucher la cicatrice, d’aimer la non symétrie. Elle choisit aussi de faire réduire son autre sein pour que l’opération ne soit pas une mutilation mais une manière de resculpter son corps. Ça a été un parcours pour redevenir vivante et se dire chaque jour : « je décide de sortir le matin avec un ou deux seins mais un sein c’est aussi très bien! ». Ce qu’elle en retire : « ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort », Nietzche. Il s’agit d’une renaissance, d’une métamorphose mentale avec cette vie qui revient. La notion de responsabilité permet de se rendre « actrice » de son parcours. La peur de la récidive amène à se poser la question de savoir « que faire pour soi ? ». Sa réponse étant de vivre dans la cohérence, de ne pas être dans le conflit avec soi même…finalement que les désirs aillent dans le même sens que les actes. C’est sa manière à elle de « se construire une assurance vie ». Elle souhaite faire passer le message que l’on doit aider les patientes à avoir leur place dans les décisions les concernant, qu’il faut solliciter les médecins pour favoriser les explications et cheminer avec la patiente. Un film racontera le parcours de Marie Mandy et sera diffusé sur France 2 pour le mois d’Octobre 2009. www.christinemuller.fr Les Amazones s’exposent. Christine Muller, peintre Edito e Pour fêter ce 50 numéro d’Illustrations, nous avons souhaité donné un nouvel élan à ce bulletin d’information. Nouveau look, nouvelle mise en page, nouvelles couleurs,… Mais nous gardons la même ligne éditoriale : être le reflet de la vie du Centre Gray, relater son actualité et plus largement celle de la cancérologie. Bonne lecture ! FLD « Regards croisés sur la reconstruction après un cancer du sein : pour qui, pour quoi ? » Colloque du Vendredi 6 mars 2009 à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif. Notre psychologue, Sylvie LACROIX a participé à ce colloque et vous restitue ici les moments phares de cet évènement riche d’échanges et de témoignages, de dialogues entre professionnels et patients. « Les amazones ne sont pas des militantes, elles se positionnent en « illimitantes », c'est-à-dire qu’elles ouvrent la perception de la perte d’un sein. Au travers du témoignage de Marie Mandy, il émerge la nécessité de réussir à choisir son chemin de reconstruction, qu’il soit physique ou psychique ou bien les deux ; il s’agit avant tout de dépasser cette tendance qu’ont certaines personnes à confisquer le savoir sur cette expérience et à imposer leur vision des choses. » Dr Cécile Zinzindohoué, sénologue et chirurgien « Le sein se doit d’être conservé ou reconstruit…un idéal inavoué ? ». Françoise Rimareix. « Point de vue du chirurgien sénologue et plasticien ». « Nous ferons tout pour conserver ou reconstruire ce sein ». Ainsi pourrait s’exprimer le paradigme qui s’est imposé dans les pratiques de sénologues du XXIème siècle. Aujourd’hui, l’approche « oncoplastique » de la chirurgie des cancers du sein offre des possibilités de plus en plus sophistiquées et séduisantes de remodelage, réparation et autres reconstruction du sein. Or, le regard que porte le chirurgien sur « les amazones » qu’il rencontre n’est probablement jamais neutre. Que se passe t-il autour de ce colloque très singulier au cours duquel le sénologue propose à une femme d’ôter ce sein malade, que l’on ne saurait conserver ? Quelles représentations s’immiscent dans l’échange qui conduit à la proposition et à la décision chirurgicale de mammectomie et au-delà, de reconstruction mammaire ? Cela s’inscrit dans un paradoxe : traiter mais aussi désir de prendre soin, de réparer ce qui a été détruit. Jusqu’où le chirurgien peut-il aller sans se confondre avec les désirs de la patiente de se reconstruire ou pas ? Le chirurgien et la patiente doivent se rencontrer, s’écouter, échanger et le défi de cette rencontre se situe autour de cette émergence du désir de la femme, de sa manière à elle d’anticiper et d’évaluer ce qu’elle peut en attendre. Le chirurgien a toujours voulu reconstruire l’organe qui doit être enlevé pour tumeur, même lorsque cet organe n’est pas vital. Pour le sein, chargé d’une lourde symbolique, ceci est particulièrement vrai : recherche de techniques complexes avec le meilleur résultat esthétique, chirurgie lourde, microchirurgie… mais qu’en est-il vraiment du désir de la patiente : ce choix doit être fait avec elle, pour elle. Le résultat esthétique n’est pas plus important, c’est le vécu de la reconstruction par la patiente qui est fondamental. Le sein reconstruit n’est pas le sein « originel », il n’est pas sensible, c’est une restitution esthétique. Mais pour certaines patientes, l’intégration psychologique du nouveau sein est telle qu’elle leur permet d’avoir une sensibilité non expliquée anatomiquement. De la même manière que les patientes vivent bien avec une mastectomie, certaines vivent bien avec leur reconstruction. D’autres ne tolèreront pas la mastectomie, d’autres encore seront toujours insatisfaites de leur reconstruction. Parfois l’acceptation du « nouveau sein » n’est pas faite et malgré une esthétique parfaite, il n’est pas intégré dans le schéma corporel. La reconstruction mammaire est donc à discuter au cas par cas, avec la patiente, pour que la chirurgie effectuée pour cancer du sein, soit la mieux vécue possible malgré la lourdeur des différentes thérapeutiques. C’est finalement le regard sur soi-même et celui des autres qui participent à l’acceptation de soi, avec ou sans reconstruction. David Le Breton, Sociologue et anthropologue « Un corps de résistance, un corps d’Amazone ». « Le torse amazonien Conseils technologiques du mois L’ablation d’un sein après un cancer bouleverse est une image l’identité en ce que les seins participent à l’identité sexuée et si certaines femmes recourent interdite. » à une chirurgie réparatrice, nombreuses s’y refusent trouvant leur identité ailleurs. Leur résistance à entrer dans les normes corporelles trouble les idées reçues. Dans nos sociétés, chaque acteur décide du sens de son existence et des formes corporelles qu’il souhaite. Dans ce contexte, les Amazones revendiquent un corps à soi et une affirmation heureuse de soi. Le cancer au niveau du sein est une atteinte corporelle, touchant un organe fondateur de l’identité, craignant en perdant un sein, de tout perdre et notamment son identité. L’être humain ne vit pas seulement sur la base de son corps physique ! Les amazones expriment le refus d’une imposition d’un statut. C’est une résistance affirmée qu’elles revendiquent, un corps de résistance. Personne ne détient de vérité. La maladie est là et n’a pas laissé de choix mais la vie est là. La reconstruction est aussi un long parcours médical et la démarche de s’affirmer comme une amazone est un cheminement aussi. C’est donc un combat intérieur de se détacher de la stigmatisation. La maladie peut être vécue ou perçue comme une faute. Mais en se rapprochant des amazones, on se rend compte qu’il est possible d’être comme cela, aimée et aimante. Certaines y déposent un tatouage, comme une nouvelle peau. Pour d’autres, il s’agit de faire de sa vie une création. Parfois, lorsque l’on se sent guérie de son cancer, il y a une prise de conscience de certaines problématiques, de pesanteurs anciennes et donc de la nécessité de se reconstruire, surtout psychologiquement. Dr Dominique Gros, sénologue, « Cachez ce sein que je ne saurais voir… ». L’ablation d’un sein… Beaucoup ne découvrent pas cette cicatrice sans émotion…Même effectuée au nom du cancer, la mastectomie renvoie toujours à un acte cruel. Quoique la plupart des femmes mastectomisées vivent plus préoccupées par la crainte de la récidive que la perte de leur sein, elles se sentent stigmatisées. La société leur dit : « cachez ce sein coupé…il nous perturbe ». Le torse amazonien est une image interdite. Socialement, l’Amazone n’est pas tolérée. L’amazonisme est trop révolutionnaire. Il bouleverse l’ordre établi des sociétés patriarcales. L’Amazone, c’est le monde inversé. Depuis quelques années, patientes et artistes, des femmes ou mêmes des hommes créent des images du torse Amazonien et les proposent au public. Photographies, peintures, sculptures, nous montrent leur vision du sein blessé. Il s’agit de lutter contre le regard réducteur et assassin qui voit dans la mastectomie la perte du féminin. L’identité féminine ne se réduit pas à « une paire de seins ». Le chemin de la reconstruction psychologique après l’épreuve de la maladie ne passe pas obligatoirement par la reconstruction physique du sein perdu. Ainsi, cet acte n’est pas gratifiant non plus pour le chirurgien par tout ce que cela représente et il peut être tout aussi insupportable pour le professionnel : « on ne peut rester comme cela, il faut réparer, restaurer ». Ainsi, chez le chirurgien, la reconstruction fait alors partie intégrante du traitement : pour guérir le regard de qui ? Le regard du chirurgien sur lui-même ?. Comment se représenter soi avec un sein en moins ? Souvent, il y a une incapacité à se représenter : qui est ce que je suis sans ce sein ? Peut-être doit-on désensibiliser et montrer au grand public pour habituer le regard de soi et des autres sur une femme avec un seul sein ? Questions / Réponses Nous attendons vos questions…et nous essaierons d’y répondre…